• Aucun résultat trouvé

A partir des données extraites des kymographes et des graphes comme celui de la figure5.10, on peut se demander s’il existe un lien entre la vitesse de croissance et le cycle cellulaire.

les septums. Celles-ci peuvent être considérées comme linéaires, même pour des cas extrêmes avec de très grandes variations de vitesse, comme sur la figure 5.16. Cet exemple, bien qu’isolé, nous servira à illustrer le propos de cette section.

On y voit que l’article représenté en vert est très court et la vitesse de croissance (c’est-à-dire la pente) pour cet article est très faible. Pour autant, cela ne revient tout de même pas à avoir une durée de formation d’article constante.

Figure 5.16 – Exemple de croissance d’une hyphe : position le long du canal en fonction du temps. Les articles successifs sont différenciés, et on observe les différences de vitesse de crois-sance.

On peut ainsi représenter la longueur d’un article en fonction de sa vitesse de croissance, comme le montre la figure 5.17a. On utilise ici les longueurs d’article ainsi que des vitesses de croissance en unité de longueur par unité de temps, au lieu de prendre en compte les volumes car les hyphes conservent globalement le même diamètre. On voit ici une nette corrélation entre ces deux paramètres : un article long est associé à une vitesse de croissance élevée, tandis qu’un article court croît avec une faible vitesse.

La droite représentée en figure5.17a qui ajuste ces points a pour équation :

Larticle= t0varticle+ L0 (5.1) avec t0 = 33 min et L0 = 12.5 µm.

Le fait que le coefficient L0 soit non nul signifie bien que cet effet n’est pas lié à un temps de formation de l’article constant, sinon on aurait simplement Larticle = tarticlevarticle. On peut alors comprendre cette équation dans le sens où L0 correspondrait à la longueur minimale que

Figure 5.17 – (a) Corrélation entre la taille d’article Larticle et sa vitesse de croissance varticle

fournissant les paramètres de taille et de durée minimales pour la formation d’un article L0et t0

(n=157). Les données binnées sont représentées en rouge. (b) Longueur d’article en fonction de sa durée de formation. Les valeurs L0et t0 délimitent les points de longueur d’article en fonction de sa durée de formation.

l’article peut adopter, quelle que soit sa vitesse de croissance. Et t0 serait le temps minimal de formation de cet article, donc le temps minimal nécessaire pour effectuer le cycle cellulaire complet.

En traçant Larticle en fonction de tarticle (figure 5.17b), on voit effectivement que ces deux paramètres L0 et t0 obtenus à partir de l’ajustement délimitent l’ensemble des points.

Ce type d’analyse a en réalité déjà été effectué pour les levures de S. cerevisiae [220]. Cette étude montre que le volume des levures au moment de l’apparition des anneaux de septine augmente avec la vitesse de croissance pendant la phase G1. De la même façon que pour notre situation, cela correspond à un temps et volume minimum.

Les auteurs parlent alors dans ce cas d’un sizer dépendant de la vitesse de croissance. Il s’agit de considérer que la vitesse de croissance est un paramètre variable, qui module le moment d’apparition du nouveau préseptum, c’est-à-dire la longueur de l’article. Ce type de régulation est comparé avec un modèle de sizer pur. Ce dernier entraîne de très grandes variations de durée de formation d’un article, car quelle que soit sa vitesse de croissance, le compartiment doit atteindre une taille donnée. Au contraire, si le volume final est une fonction croissante de la vitesse de croissance, alors des fluctuations de taille sont générées mais les fluctuations sur la durée du cycle sont quant à elles réduites. Outre la réduction des fluctuations de la durée du cycle, les auteurs de ces travaux ont également montré que ce mode de régulation serait en même temps suffisant pour maintenir l’homéostasie, c’est-à-dire d’éviter aussi de larges variations en terme de taille [220].

5.4.2 Vitesse de croissance par phase

Maintenant que nous avons étudié les variations de vitesse de croissance entre les articles, nous pouvons regarder ce qui se passe à l’échelle de temps inférieure, à savoir étudier les variations de vitesse au cours d’un cycle cellulaire. En effet, il a été montré pour S. cerevisiae que cette

l’apparition de ces préseptums (qui coïncide, rappelons-le, avec la séparation des deux articles précédents). La figure5.18b illustre le même propos en superposant des courbes redimensionnées de vitesses en fonction du temps. En d’autres termes, pour chaque article, on trace la vitesse normalisée autour de l’instant d’apparition du préseptum, qui correspond ici à l’abscisse 0,5. Les données binnées (en rouge) semblent confirmer cette tendance de vitesse instantanée plus faible lors de la formation du préseptum. Cette observation semble corrélée à celle faite pour les levures de S. cerevisiae, pour lesquelles la vitesse augmente après l’émergence du bourgeon, qui correspond à la formation du septum dans le cas des levures [220].

Figure 5.18 – Variation de vitesse au cours du cycle cellulaire. (a) Vitesse de croissance de l’hyphe correspondant à la figure 5.10 en fonction du temps. Les instants d’apparition des an-neaux de septine sont également indiqués en orange. (b) Vitesse de croissance normalisée en fonction du temps redimensionné de façon à fixer l’apparition des préseptums à 0,5. Plusieurs courbes sont superposées (n=18) et les données binnées, c’est-à-dire regroupées par classe, sont indiquées en rouge. Les barres d’erreur correspondent à l’erreur type de la moyenne.

Il faut toutefois être prudent sur ce constat car on mesure à nouveau ici les longueurs des filaments et non leur volume. En particulier, lors de la croissance de pseudo-hyphes, la constric-tion au niveau du septum est bien visible et la vitesse mesurée juste après sa formaconstric-tion est surestimée car son diamètre n’est pas constant. Les données présentées ici concernent unique-ment des hyphes ne présentant pas de constrictions visibles, et donc n’étant à priori pas sujets à cette surestimation. Mais des mesures en exclusion de fluorescence devraient tout de même être réalisées afin de vérifier qu’aucun biais n’a été introduit.

5.4.3 Vitesse de croissance globale

Enfin, si l’on s’intéresse à la croissance globale des hyphes, on remarque que généralement la vitesse augmente au fil de la croissance de l’hyphe dans les microcanaux, c’est-à-dire qu’un article a tendance à avoir une vitesse de croissance légèrement plus élevée que l’article précédent. Cette tendance est relativement faible sur l’exemple de la figure 5.10, mais tout de même présente comme le montre d’ailleurs le tracé de la vitesse instantanée sur la figure5.18a où l’on voit que la vitesse augmente globalement (en dépit des variations au cours d’un cycle). On peut ainsi se demander si l’on a bien affaire à une croissance linéaire, ce qui semble être le consensus actuel pour les hyphes de C. albicans [221] [222], ou plutôt à une croissance de type exponentielle. Étant donné que l’on regarde seulement plusieurs articles successifs des hyphes en croissance dans les microcanaux, il est difficile de se prononcer précisément. De plus, il est difficile dans ces conditions de déterminer si cette augmentation de vitesse est une propriété intrinsèque des hyphes ou si elle est liée à des facteurs extérieurs. L’évolution du milieu de culture ou le confinement pourraient par exemple avoir un effet sur la morphologie ou la vitesse des hyphes. Il faudrait ainsi observer des hyphes sur de longues distances en milieu riche et non confiné pour vérifier si leur croissance est linéaire ou exponentielle.