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Observations de croissance sinusoïdale ou hélicoïdale

Nous allons commencer par décrire plusieurs conditions pour lesquelles une croissance de type sinusoïdale ou hélicoïdale est observée.

4.3.1 Sur un substrat adhésif

Dans un premier temps, nous avons pu observer la formation de trajectoires sinusoïdales en milieu liquide sur un substrat particulièrement adhésif. Les levures sont alors simplement dépo-sées en milieu liquide inducteur de filamentation sur des boites de Pétri pour culture cellulaire, comme schématisé sur la figure 4.13a. Alors que les hyphes croissent de façon plus ou moins rectilignes sur un substrat en verre par exemple, comme le montre l’image4.13b, elles adoptent une trajectoire sinusoïdale sur ces boîtes de Pétri particulièrement adhérentes (figure 4.13c).

En constatant cette différence de comportement, on peut se demander si les hyphes sont capables de s’adapter à un changement de substrat au cours de leur croissance. Pour cela, des hyphes en croissance sur du verre ont été prélevées et déposées sur une boîte de Pétri. De façon intéressante, on remarque qu’environ une heure après le changement de substrat, les filaments, initialement droits, se mettent à croître sous forme de sinusoïdes. Malheureusement, l’expérience inverse (plastique vers verre) s’avère nettement plus compliqué car l’adhésion des hyphes à ce plastique est très importante et elles ne peuvent donc pas vraiment être décollées sans les détériorer. Mais cela montre tout de même la capacité de C. albicans à "sentir" son environnement et à s’y adapter.

Figure 4.13 – Croissance d’hyphes en milieu liquide sur un substrat spécifique. (a) Représen-tation schématique de l’expérience. (b)(c) Images représentatives d’hyphes sur un substrat en verre (b) et sur du plastique pour culture cellulaire (c).

4.3.2 Confinement 3D dans un gel d’agar

Comme mentionné dans l’introduction de ce chapitre, les quelques exemples de croissance sinusoïdale ou hélicoïdale ont été observés dans la littérature dans des gels d’agar. Les conditions de culture spécifiques à l’agar sont décrites dans le chapitre 2. Globalement, les levures sont situées dans le gel et la présence d’un milieu inducteur de filamentation permet la croissance d’hyphes dans toutes les directions, atteignant ainsi également les interfaces supérieures (avec l’air) et inférieures (avec le substrat).

Observations

Dans un premier temps, nous avons observé la forme des hyphes à l’intérieur du gel d’agar grâce à un microscope confocal et à un marquage des parois au Calcofluor White. Un exemple dans un gel à 2% d’agar est illustré en figure 4.14. On y voit des hyphes n’ayant pas une trajectoire rectiligne, mais avec des oscillations. Plus précisément, on peut observer que celles-ci ne se font pas dans un même plan et on distingue ainsi des formes hélicoïdales.

Nous nous contenterons pour le moment de ces observations qualitatives, et n’analyserons pas plus précisément ces trajectoires en 3D qui semblent par ailleurs assez peu régulières.

Des trajectoires particulières peuvent également être observées à l’interface de l’agar avec l’air, comme indiqué sur le schéma4.15a. Un marquage au Calcofluor White des hyphes couplé à un marquage avec du dextran du gel nous permet de visualiser un peu mieux cette interface. Une telle image de microscopie confocale est représentée en figure 4.15b. On y voit des trajectoires sinusoïdales, mais aussi à tendance circulaires.

Figure 4.14 – Croissance des hyphes à l’intérieur du gel d’agar. (a) Représentation schématique de l’expérience avec la localisation des hyphes auxquelles on s’intéresse ici en rouge. (b) Image représentative des hyphes dans le gel par reconstruction 3D des images de microscopie confocale avec un marquage au Calcofluor White (ici représenté en rouge pour une meilleure visibilité).

Figure 4.15 – Croissance des hyphes à l’interface entre le gel d’agar et l’air. (a) Représentation schématique de l’expérience avec la localisation des hyphes auxquelles on s’intéresse ici en rouge. (b) Image représentative des hyphes à cette interface par reconstruction 3D des images de microscopie confocale avec un marquage des hyphes au Calcofluor White (ici représenté en rouge), et de l’agar avec du dextran fluorescent (ici en vert).

On voit que les hyphes sont en partie ancrées dans l’agar. Ce dernier étant essentiellement constituée d’eau, il est possible qu’un fin film d’eau recouvre les filaments. Par capillarité, ce film d’eau pourrait alors exercer une pression sur les hyphes, ce qui les maintiendrait et les confinerait à l’interface. Au contraire, des expériences avec un ajout d’eau au dessus du gel ne permettent plus de distinguer de croissance sinusoïdale à cette interface. Cela est donc cohérent avec l’hypothèse d’un effet capillaire confinant les hyphes, responsable de ce mode de croissance. Enfin, des sinusoïdes sont également présentes à l’interface inférieure, cette fois entre l’agar et le substrat. On notera cependant que même si ces trajectoires semblent être sinusoïdales, en champ clair et à faible grossissement, on ne peut exclure la possibilité d’une légère variation dans l’axe z.

Bien que les hyphes croissent dans des directions aléatoires, nous avons remarqué que lors-qu’elles atteignent l’interface substrat/agar, elles s’y maintiennent et ne retournent pas dans le gel. Elles préfèrent donc se glisser à l’interface entre la surface et le gel plutôt que de croître dans le gel.

variant de 0,2% à 5%, et à substrat fixé. On choisit ici d’utiliser une fine couche de PDMS étalée sur une lamelle de verre et ce PDMS est rendu hydrophile par traitement plasma. On voit sur les images représentatives de la figure 4.16que les hyphes ont une croissance plutôt rectiligne pour de très faibles concentrations d’agar, c’est-à-dire de très faibles rigidités, tandis qu’on observe un comportement sinusoïdale pour les plus grandes concentrations.

Figure 4.16 – Croissance des hyphes à l’interface entre le gel d’agar et le substrat, ici du PDMS ayant subi un traitement au plasma. (a) Représentation schématique de l’expérience avec la localisation des hyphes auxquelles on s’intéresse ici en rouge. (b)(c) Images représentatives des hyphes à cette interface pour un gel à 0,5% d’agar (b) et à 5% d’agar (c). Le comportement des hyphes dépend de cette concentration d’agar et tend vers une croissance sinusoïdale lorsque celle-ci augmente.

Le graphique en figure 4.17a montre effectivement que la proportion d’hyphes ayant un comportement qualifié de sinusoïdal augmente avec la concentration d’agar, de façon similaire à ce qui a été observé par ailleurs [43]. De plus, l’amplitude et la courbure de ces sinusoïdes augmentent elles aussi progressivement avec la concentration (figure 4.17b).

Ces résultats montrent que la concentration d’agar, par l’intermédiaire de la rigidité du gel, a un rôle important sur l’apparition et la forme de ces sinusoïdes.

Figure 4.17 – Quantification de la croissance sinusoïdale à l’interface agar/PDMS hydrophile en fonction de la concentration d’agar. (a) Pourcentage de filaments ayant une croissance considérée comme rectiligne ou oscillatoire. (b) Amplitude des filaments avec des trajectoires considérées comme sinusoïdales (110<n<360). La propension des hyphes à adopter un comportement sinu-soïdale avec de plus grandes amplitudes et courbures augmente avec la concentration d’agar. Les tests statistiques utilisés ici sont des tests non paramétriques Mann-Whitney.

Effet du substrat

Il est ensuite possible de modifier la nature du substrat. On peut commencer par regarder s’il existe une différence entre du PDMS hydrophile et du PDMS hydrophobe, c’est-à-dire sans aucun traitement plasma. En effectuant les mêmes mesures que précédemment, on constate sur la figure 4.18a que pour le PDMS hydrophobe, les hyphes adoptent une croissance sinusoïdale quelle que soit la concentration de l’agar.

Figure 4.18 – Quantification de l’effet du substrat sur la croissance sinusoïdale. (a) Ampli-tude des filaments à l’interface agar/PDMS hydrophobe en fonction de la concentration d’agar (230<n<280). (b) Comparaison des amplitudes des hyphes à l’interface entre l’agar et différents substrats pour un même concentration d’agar égale à 0,5% (80<n<260).

Cela signifie que cette fois, la concentration d’agar n’a pas d’influence sur la formation de sinusoïdes. Dans ce cas, il semble donc que ce soit l’hydrophobicité du substrat qui la favorise. Cette observation est cohérente avec le fait que des sinusoïdes peuvent également apparaître sur un substrat adhésif comme décrit plus haut puisqu’à priori, les hyphes ont une meilleure affinité

est très faible pour un PDMS hydrophile, c’est-à-dire avec un comportement plutôt rectiligne, alors qu’elle augmente lorsqu’il est traité avec de la PLL et augmente à nouveau pour un PDMS hydrophobe.