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4.6 Discussions et perspectives

4.6.4 Mécanismes mis en jeu

On se propose à présent d’aborder des pistes concernant les mécanismes potentiellement responsables de ce phénomène. Le Spitzenkörper semble être un bon candidat, c’est en effet un complexe de polarité qui joue à priori un rôle dans la direction de croissance de l’hyphe, comme discuté en introduction. Et nous avons vu qu’en situation de confinement 2D, il semble se déplacer latéralement avant le changement de direction. Des expériences supplémentaires seraient toutefois nécessaires pour valider cette observation, d’autant qu’une autre étude sur C.

albicanssuggère que la position du Spitzenkörper ne prédirait pas systématiquement la direction de croissance [64].

Afin de mieux comprendre les implications de ce déplacement du Spitzenkörper, il est né-cessaire de se pencher plus précisément sur la façon dont l’hyphe croît, et particulièrement sur l’assemblage et l’expansion de la nouvelle paroi à l’apex. Nous avons déjà discuté du rôle des vésicules contenant du matériel destiné à la synthèse de la paroi, ainsi que du Spitzenkörper en tant que vesicle supply center. Mais que se passe-t-il vraiment au niveau de la synthèse de la paroi ? Deux modèles ont été développés. Le premier considère que la paroi est rigide par

nature, et afin d’insérer le nouveau matériel, il est nécessaire d’avoir des enzymes pour l’assou-plir, c’est-à-dire d’y casser des chaînes [34]. Dans le même temps, des enzymes agiraient pour synthétiser la nouvelle paroi. Cela correspond ainsi à un équilibre entre la lyse et la synthèse de la paroi. Le second modèle fait l’hypothèse que la paroi est par nature plastique, elle peut donc être relativement souple à l’apex, et se rigidifie progressivement dans la région subapicale par réticulation des polymères, à l’aide d’autres enzymes [200].

Plusieurs pistes ont été suggérées afin de justifier ces deux modèles, mais aucun n’a été véritablement réfuté. Ces deux visions peuvent alors être prises en compte dans un seul modèle de croissance à l’apex : des enzymes participeraient à la rupture de chaînes de polymères de la paroi à l’apex, ce qui permettrait l’addition du nouveau matériel, et finalement d’autres enzymes réticuleraient les composants de la paroi de façon à la rigidifier.

La figure4.37a représente schématiquement ce modèle de croissance, en incluant également l’agrégat de vésicules que constitue le Spitzenkörper et qui distribue ces vésicules dans toutes les directions.

Figure 4.37 – Représentation schématique du modèle de croissance hyphale impliquant le Spit-zenkörper, qui distribue à l’apex les vésicules contenant différents types d’enzymes. Adapté de [33].

Si l’on considère à présent un déplacement latéral du Spitzenkörper, comme indiqué sur la figure 4.37b, la répartition des vésicules est modifiée avec une plus grande concentration de ce côté. Les enzymes étant transportées par ces vésicules, on peut alors supposer que l’assouplis-sement de la paroi se produit à cet endroit, ce qui entraîne l’expansion de la paroi dans cette direction à cause de la pression de turgescence. Ceci est cohérent avec le changement de direction précédé par le déplacement latéral du Spitzenkörper constaté dans nos expériences. On pourrait alors comprendre nos observations concernant une plus grande intensité de Calcofluor White à l’intérieur des courbures par le fait qu’une plus grande quantité de vésicules par unité de surface est fusionnée du côté de l’intérieur de la courbure adoptée par l’hyphe. La synthèse de la paroi serait alors suivie de sa rigidification par réticulation dans la région subapicale.

On observe parfois lors de la croissance de sinusoïdes des mouvements brusques de change-ment de direction. Un exemple d’hyphe en croissance est représentée sur la figure 4.38. Pendant les 10 premières minutes, l’hyphe progresse de façon rectiligne, mais entre les images à 10 et

que cela pourrait alors correspondre à une rigidification de la paroi plus importante du côté de la courbure ?

Figure 4.38 – Étude de la trajectoire des hyphes en croissance. (a) Images successives de la croissance sinusoïdale d’une hyphe en confinement. (b) Superposition des trajectoires correspon-dantes afin de visualiser les changements d’orientation.

Les observations réalisées ici correspondent au cas de confinement 2D, c’est-à-dire où l’on a uniquement des oscillations dans le plan. On peut alors se demander comment cette analyse se translaterait aux hélices en 3D. Si l’on garde l’hypothèse du mouvement du Spitzenkörper, cela signifierait qu’il y a alors non plus une oscillation latérale mais une rotation de celui-ci au niveau de l’apex. Cela nécessiterait l’utilisation de technique d’imagerie plus poussée afin de distinguer des déplacements également en z. Mais alors la rotation se transformerait-elle en simple translation en confinement 2D ? ou pourrait-on également détecter des déplacements en z dans ce cas ? En effet, une rotation du Spitzenkörper en confinement 2D se traduirait tout de même par une croissance sinusoïdale puisque les parois bloquent la croissance dans l’axe z.

Enfin, si la courbure des hyphes est effectivement liée au déplacement du Spitzenkörper, il reste à déterminer pourquoi et comment celui-ci se déplace au niveau de l’apex. Des perturbations de l’environnement physique pourraient certes induire une amplification des mouvements, mais cela n’expliquerait pas d’où vient la rotation ou l’alternance droite/gauche des mouvements. Cela soulève la question d’un éventuel mécanisme de rétroaction, qui déplacerait le Spitzenkörper ou qui serait lié à la rigidification de la paroi intérieure à la courbure, privilégiant alors l’expansion de paroi à un endroit où elle est plus souple. L’actine, par sa présence à l’apex sous forme de filaments entre le Spitzenkörper et le polarisome et par ses propriétés de contractilité, pourrait par exemple être un acteur de cette rétroaction.

4.6.5 Autres perspectives