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4.6 Discussions et perspectives

5.1.1 Cycle cellulaire

Avant de chercher à expliquer les mécanismes de contrôle de la taille, nous allons commencer par détailler le processus du cycle cellulaire, et notamment les différents évènements le compo-sant.

Les différentes phases

Le cycle cellulaire correspond aux différentes étapes menant à la division d’une cellule-mère en deux cellules-filles. Il comprend donc une phase de croissance et de préparation à la division (interphase) et une phase de division (mitose). Un cycle cellulaire complet est représenté sur la figure 5.1.

Figure 5.1 – Représentation schématique d’un cycle cellulaire avec l’interphase comprenant les phases G1, S et G2 et la mitose (phase M) [206].

L’interphase représente la majeure partie de la vie de la cellule, qui croît et se prépare à la division. Elle est constituée de 3 phases distinctes. La phase G1 correspond à la première phase après la naissance de la cellule. Elle synthétise alors de l’ARN, des protéines, augmente son nombre d’organelles, et également sa taille. La phase S quant à elle correspond à la duplication du génome : la quantité d’ADN est donc doublée à la fin de cette étape. Elle est suivie de la phase G2 qui est une nouvelle étape pendant laquelle la cellule se prépare à la mitose. Ensuite vient la mitose, dont les étapes caractéristiques incluent la prophase, métaphase, anaphase et télophase. Cela correspond à la séparation des chromosomes en deux noyaux distincts. Ce processus est accompagné de la cytokinèse, c’est-à-dire la division de la cellule en deux cellules filles.

Différents types de régulation et exemples

Il s’agit à présent de comprendre comment ce cycle cellulaire peut être contrôlé. Des études à l’échelle des cellules individuelles ont permis de détecter la présence ou non d’un tel contrôle, en observant l’effet d’une variation de taille initiale. Différents types cellulaires ont ainsi été étudiés afin de comprendre leur stratégie de régulation. Plusieurs types de mécanismes ont été décrits et sont récapitulés ici [207].

Pour distinguer ces différents modes de régulation, il est nécessaire de mesurer la taille initiale des cellules à la naissance que l’on appellera Vi ainsi que leur taille finale Vf, par exemple juste avant la division suivante. Ainsi on peut tracer cette taille finale Vf en fonction de la taille initiale Vi. De façon équivalente, c’est parfois la différence de taille entre la cellule à la naissance et à la division, c’est-à-dire ∆V = Vf −Vi qui est représentée. Les pentes de ces graphes fournissent alors des informations sur le mécanisme de régulation. Les 3 principales configurations identifiées sont représentées sur la figure 5.2où Vf est représenté en fonction de Vi.

Une première possibilité consiste pour la cellule à déclencher l’étape suivante du cycle lors-qu’elle atteint une certaine taille. C’est alors ce qu’on appelle un sizer. Cela signifie que le volume

final Vf est une constante, comme indiqué sur la figure5.2. Un timer quant à lui croît pendant une durée spécifique avant de déclencher le changement de phase du cycle. Ce mécanisme est alors indépendant de la taille de la cellule. Si l’on considère une croissance exponentielle, les plus grandes cellules devraient croître plus que de petites cellules en un temps donné. Cela donne donc une pente supérieure à 1 sur le graphique 5.2. En supposant une croissance exponentielle qui double la taille de la cellule à chaque cycle, la pente est alors de +2. Enfin, la notion d’adder a été introduite plus récemment. Dans ce cas, la cellule ajoute un volume fixe ∆V au volume initial donc Vf = Vi+ constante, ce qui correspond à une pente égale à 1 sur ce graphe.

Figure 5.2 – Modèles de contrôle de la taille de cellules : sizer, timer ou adder. Ces mécanismes adoptent des pentes différentes lorsque l’on trace la taille finale Vf en fonction de la taille initiale Vi

Il est important de noter que ces pentes correspondent à des situations de régulation de type sizer, timer ou adder parfaits. Par conséquent, on peut trouver de nombreux exemples de cellules présentant des pentes intermédiaires qui ont donc une régulation imparfaite ou qui peuvent aussi utiliser une combinaison de ces mécanismes.

L’objectif d’un tel contrôle du cycle cellulaire est souvent de parvenir à l’homéostasie, c’est-à-dire de maintenir une taille de cellule à peu près constante au fur et à mesure des cycles. Si la taille est régulée, une cellule ayant un faible volume initial devrait croître plus longtemps qu’une grande cellule avant de se diviser. Ainsi, le mode du sizer permet d’atteindre immédiatement la taille optimale. Au contraire, un pur timer ne pourrait pas maintenir une taille stable, et propagerait d’éventuelles perturbations aux cycles suivants.

La bactérie E. coli semble maintenir par exemple sa taille constante grâce au mécanisme d’adder [208]. Ainsi la cellule ajoute toujours le même volume ∆V avant de se diviser au centre, ce qui fait converger la taille des cellules vers ce volume ∆V, comme le montre la figure 5.3. Les fluctuations du volume initial des cellules devraient donc se dissiper après quelques cycles cellulaires pour atteindre à nouveau la taille moyenne.

Précisons également que des points de contrôle peuvent être présents à divers moments du cycle cellulaire. Cela signifie que chaque phase peut avoir un type de régulation différent, prenant

Figure 5.3 – Exemple du maintien d’une taille stable par le mécanisme d’adder adopté par la bactérie E. coli : des cellules à grand ou faible volume à la naissance convergent vers une taille moyenne après plusieurs cycles cellulaires [208]

part en proportion différente à la régulation globale du cycle.

On peut prendre l’exemple des levures dont le cycle cellulaire a été largement étudié. Les

fission yeasts (S. pombe) et les budding yeasts (S. cerevisiae) ont des modes de croissance très différents puisque les premières croissent linéairement, tandis que les secondes ont une croissance exponentielle. Elles utilisent toutes deux des mécanismes de contrôle de leur taille, mais qui interviennent à différents moments du cycle cellulaire [209], comme le montre la figure 5.4. D’une part, les cellules de S. cerevisiae naissent avec des tailles variables, mais passent plus ou moins de temps en phase G1 de façon à avoir une taille contrôlée pour enclencher la réplication de l’ADN. Au contraire, dans le cas de S. pombe, les cellules entrent en phase G2 avec différentes tailles, mais entrent en mitose seulement lorsqu’elles atteignent une taille critique. On voit sur la figure 5.4 que la position différente du point de contrôle entre ces deux cycles entraîne de grandes variations au niveau de la répartition des phases. Ainsi la phase G1 est prépondérante chez S. cerevisae, tandis qu’elle est quasi-inexsitante chez la levure à fission pour laquelle G2 représente la majeure partie du cycle.

Plusieurs études ont cherché à déterminer plus précisément la façon dont S. cerevisiae régule son cycle cellulaire [210] [211]. En phase G1, ces levures présenteraient un mécanisme de type

adder, avec toutefois une tendance plus proche d’un sizer pour des faibles volumes initiaux. La figure 5.5b représente le volume à la fin de la phase G1 en fonction du volume à la naissance et montre bien ce changement de comportement. Au contraire, la durée de la seconde partie du cycle (composée des phases S, G2 et M) serait indépendante de la taille de la cellule. Cette seconde étape serait donc considérée comme un timer, qui pourrait par exemple venir d’un temps minimal nécessaire à la cellule pour effectuer certaines tâches comme la réplication de l’ADN ou la mitose.

Figure 5.4 – Comparaison des cycles cellulaires de S. cerevisiae et de S. pombe, avec la répar-tition globale des différentes phases [209]. Le premier effectue un contrôle en taille à la fin de G1 et passe plus de temps dans cette phase, tandis que le second est principalement contrôlé en phase G2.

Mécanismes de régulation

De nombreux modèles ont été proposés pour expliquer comment les cellules parviennent à surveiller leur taille de façon à déclencher au bon moment la phase suivante du cycle cellulaire. Cela requiert la présence d’un signal biochimique, comme par exemple la concentration d’une protéine, qui dépend de la taille de la cellule. Dans ce cas, sa quantité serait fixe et n’augmenterait pas proportionnellement avec la taille de la cellule, contrairement à la plupart des protéines.

Un des mécanismes de régulation suggéré pour les sizers comme les levures repose sur la dilution d’un inhibiteur [212]. Chez S. cerevisiae, c’est la protéine Whi5 qui joue ce rôle. Cette protéine est synthétisée uniquement pendant les phases S/G2/M, et non pas pendant la phase G1 pendant laquelle la quantité reste la même. L’augmentation de la taille de la cellule réduit alors la concentration de Whi5 [213]. Lorsque la cellule est suffisamment grande, la concentration de Whi5 passe alors en dessous d’un seuil, ce qui déclencherait la transition G1/S car Whi5 en est un inhibiteur.

Un mécanisme plus complet de titrage permettant d’expliquer plusieurs types de régulation a été établi récemment [214] [215]. Le principe, représenté sur la figure 5.5a, est le suivant. Pour S. cerevisiae, l’inhibiteur est la protéine Whi5 comme mentionné précédemment, dont la concentration diminue quand la cellule grossit. La cycline Cln3 est un activateur qui est produit dans le cytosol pendant la phase G1 à un taux proportionnel au volume de la cellule, qui maintient donc une concentration constante. La transition entre les phases du cycle serait déclenchée quand la concentration de l’inhibiteur Whi5 passe en dessous du seuil fixé par la concentration de l’activateur Cln3.

régu-Figure 5.5 – Modèle expliquant le contrôle de la taille via la titration de molécules inhibitrices et activatrices ayant des concentrations dépendant différemment de la taille de la cellule [215]. (a) Principe du modèle de titration [214]. Comparaison entre les données expérimentales (b) et le modèle de titration (c) [215]. Ce modèle s’intéresse ici uniquement à la régulation de la phase G1 (le volume final correspond donc au volume à la fin de G1). Ce mécanisme moléculaire permet d’expliquer les deux régimes différents observés chez S. cerevisiae (sizer et adder). lation de la taille pour ces levures s’effectue essentiellement lors de cette étape. Il n’est donc pas nécessairement pertinent d’essayer d’établir un modèle englobant l’ensemble du cycle cellulaire. Comme le montre la figure5.5c, ce modèle est en bonne adéquation avec les données expérimen-tales puisqu’il retrouve les deux régimes : sizer à faible volume initial et adder à grand volume. Un seul mécanisme permettrait donc d’expliquer différents modes de régulation.