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3.2 Principe de la mesure de rigidité

3.2.3 Modèle théorique

Les études citées en introduction ont démontré la capacité d’un système microfluidique utili-sant des forces hydrodynamiques pour courber des filaments. La mesure de la déflexion associée à cette courbure permet alors de calculer leur module de flexion et en connaissant l’épaisseur de leur paroi, leur module de Young. Nous allons à présent passer en revue les différents élé-ments nécessaires à la construction du modèle théorique permettant de déduire ces modules de la déflexion de l’hyphe sous flux.

Filaments

Les hyphes ont une forme cylindrique et possèdent une paroi cellulaire qui est principalement responsable de leur rigidité. Ils seront donc considérés ici comme des cylindres creux, de rayon r d’environ 1,1 µm d’après nos mesures expérimentales. L’épaisseur de paroi, notée e sera supposée égale à 200 nm.

Force exercée sur les filaments

On souhaite déterminer la force qui est exercée sur les hyphes par le flux. Si l’on considère uniquement les filaments qui sont posés au sol, alors la force par unité de longueur f est donnée

Figure 3.11 – Effet de la présence de plusieurs filaments successifs dans la chambre de flexion. (a) Profils de vitesse dans le canal à différentes positions x suivant la présence d’un cylindre incliné de 40 µm. On voit que le profil de vitesse dans la zone d’intérêt est toujours perturbé 10 ou 20 µm après le filament. (b) Différence de déflexion entre une situation où plusieurs filaments sont espacés d’une distance d et une situation avec un seul filament en fonction de cette distance d. Elle est représentée ici pour différentes longueurs l d’hyphes exposées au flux et également pour un filament incliné (ne touchant pas la lame de verre) comme celui de l’image a. Lorsque les filaments sont rapprochés, le flux est perturbé et induit une déflexion différente.

par l’expression suivante [152] [159] :

f = 4πηrdv

dz (3.1)

avec dv

dz le gradient de vitesse selon la direction z proche de la surface du canal (c’est-à-dire quand z → 0).

Le profil de vitesse dans un canal rectangulaire est calculé numériquement à l’aide de Comsol, et une coupe transversale est représentée en figure3.12a. On peut ainsi montrer que le gradient de vitesse selon y est effectivement négligeable par rapport à celui selon z dans la zone d’intérêt, comme le montre la figure 3.12b.

Théorie élastique des poutres

Connaissant la force exercée sur un filament, on peut calculer le module de flexion en utili-sant la théorie élastique des poutres. Comme nous l’avons expliqué plus haut, les microcanaux servent à maintenir les hyphes pour éviter qu’elles ne se déplacent, et agissent ainsi comme un encastrement. Les filaments sont donc fixés de ce côté, libres de l’autre et soumis à une force perpendiculaire. On s’intéresse uniquement aux déformations élastiques, c’est-à-dire aux déformations réversibles des filaments.

La situation d’une force uniforme le long du filament est représentée sur la figure3.13a. Dans ce cas, on obtient l’équation suivante pour le module de flexion EI en fonction de la déflexion δ, la force par unité de longueur uniforme f et la longueur du filament l exposée à la force [160] :

Figure 3.12 – Calculs numériques par Comsol des profils et gradients de vitesse dans un canal rectangulaire de hauteur 30 µm et largeur 250 µm. Le calcul a été réalisé ici pour un écoulement avec une vitesse d’entrée de 5 mm · s−1. (a) Profil de vitesse. Un zoom permet de mieux distinguer ce profil dans la zone d’intérêt, c’est-à-dire à la sortie des microcanaux où les hyphes croissent (le cylindre gris représente un filament). (b) Gradients de vitesse dv/dy et dv/dz le long de l’axe y, à z = 1 µm. Pour des filaments de longueur de l’ordre de 30 µm, le gradient selon y est négligeable par rapport à celui selon z.

EI = f l4 (3.2)

Cette équation est obtenue en calculant le moment fléchissant M(y) associé d’une part à la courbure du cylindre de module de Young E et de moment quadratique en flexion I, et d’autre part correspondant à la force à laquelle ce cylindre est soumis. Ces calculs sont détaillés en annexeC.

Force non-uniforme

Cependant, l’équation 3.2 correspond au cas d’une force répartie uniformément sur tout le filament. Étant donné que les hyphes se situent dans un coin du canal, le gradient de vitesse

dv/dz et par conséquent la force f par unité de longueur ne sont pas constants le long du filament, comme on le voit sur la figure3.12.

Pour affiner notre analyse, nous considérons donc une force non-uniforme, en simplifiant tout de même le profil, comme indiqué sur la figure 3.13b. Dans ce cas, une force croissante linéaire (de 0 à f) s’exerce sur une première région [0 ;l1], puis une force uniforme f sur la portion [l1;l]. La longueur l1 est déterminée en utilisant le profil du gradient de vitesse dv/dz et sera fixée à 15 µm.

En utilisant à nouveau le modèle des poutres élastiques, on peut superposer la déflexion induite par chacune de ces deux composantes (force croissante linéaire et force uniforme) pour obtenir finalement l’expression de la déflexion sous ce profil de force (les détails peuvent égale-ment être trouvés en annexe C) :

EI = f δ 1 8l4 1 6l31l+ 152 l41  (3.3)

Figure 3.13 – Représentation schématique de filaments encastrés par l’intermédiaire des micro-canaux et soumis à un force hydrodynamique. (a) Profil de force uniforme sur toute la longueur du filament. Dans nos expériences, les filaments sont en réalité soumis à une force non-uniforme, qui sera simplifiée comme indiqué en (b) (sous la forme d’une augmentation linéaire sur une longueur l1 puis d’une force constante).

Prise en compte de l’angle initial

Nous avons jusqu’à présent considéré le cas idéal d’un filament qui croît en restant parfai-tement aligné avec le microcanal et donc perpendiculaire au flux, c’est-à-dire avec un angle θ égal à 90°, comme indiqué sur le schéma de gauche de la figure 3.14a . Ce cas idéal étant assez rare, il est nécessaire de prendre en compte la variation de l’angle global θ. Pour un angle diffé-rent de 90°, la déflexion mesurée est nécessairement plus faible. D’une part, la force est exercée seulement sur une longueur l0 = l sin θ. Et d’autre part, la projection de la déflexion sur l’axe x donne également un facteur sin θ.

Ainsi la déflexion selon l’axe x d’un filament présentant un angle initial θ avec le canal s’écrit de cette façon :

δ(θ) = δ(θ = 90°) sin2θ (3.4)

Des simulations avec Comsol effectuées avec différents angles initiaux permettent de confir-mer cette équation, comme l’indique la figure3.14.

Et l’équation3.3établie précédemment est valable pour une force perpendiculaire, par consé-quent, EI(θ) ∝ 1 δ(θ = 90°) sin2θ δ(θ) (3.5) EI(θ) = EI sin2θ (3.6)

Figure 3.14 – Prise en compte de l’angle global θ de l’hyphe avec le canal dans la mesure de la déflexion et donc du module de flexion. (a) Schéma représentatif du cas où l’hyphe est parfaitement perpendiculaire au canal ainsi que du cas où l’hyphe a un angle initial θ avec le canal. (b) Déflexion δ selon x en fonction de l’angle θ du filament avec le canal. On vérifie ici l’équation3.4établie préalablement à l’aide des simulations numériques pour des filaments ayant un angle θ différent de 90°.

Problèmes de rotation : obtention d’un meilleur encastrement

La détermination du module de flexion repose ici sur la mesure de la déflexion des hyphes. On souhaite donc s’affranchir de tout autre effet qui induirait un déplacement de l’hyphe.

L’un des principaux problèmes rencontrés pour ces expériences est le fait que les hyphes ne subissent pas uniquement une flexion, mais on observe très souvent une rotation. Une flexion pure implique que les filaments soient encastrés à une extrémité. Or cet encastrement est réalisé par l’intermédiaire des microcanaux qui évitent effectivement de larges déplacements des hyphes. Cependant, il est difficile d’ajuster précisément la largeur de ces microcanaux au diamètre des hyphes. Il est donc fréquent d’avoir des situations pour lesquelles l’hyphe peut légèrement se déplacer latéralement dans le microcanal, et on voit alors une sorte de pivot à ce niveau. Comme le montre la figure 4.35, cela peut avoir pour conséquent l’induction d’une rotation globale du filament, on y voit l’angle local α du filament à la sortie du canal changer avec l’augmentation du débit. Or si l’encastrement était parfait, cet angle ne devrait pas varier.

Figure 3.15 – Exemple de filament soumis à une augmentation de débit, pour lequel la défor-mation n’est pas seulement liée à une flexion mais également à une rotation au niveau de la sortie du microcanal. L’angle α au niveau de l’encastrement entre le filament et le bord du canal est indiqué en rouge, et montre bien la rotation.

Le déplacement maximal en x mesuré correspond alors non seulement à la déflexion du filament mais également à la rotation effectuée au niveau du support. On a d’abord envisagé de mesurer ce déplacement engendré par la rotation dxrotation à partir de la mesure manuelle de la variation d’angle entre le filament et le canal (entre l’angle initial αi et l’angle α à un débit donné).

dxrotation = L[cos(α) − cos(αi)] (3.7) Alors, on peut obtenir le déplacement lié uniquement à la flexion de l’hyphe :

δdéf lexion= δtotalmesuré− dxrotation (3.8) Cependant, l’incertitude de mesure de l’angle α entraîne une grande variabilité sur la mesure finale de déflexion et par conséquent du module de Young.

Pour pallier ce problème, une nouvelle puce a été fabriquée afin d’obtenir un meilleur en-castrement des filaments. Pour cela, la hauteur et la largeur des microcanaux ont été réduites à 1,5 µm, c’est-à-dire une taille plus petite que le diamètre des hyphes pour s’assurer qu’elles ne puissent plus bouger dans ces microcanaux. Mais réduire la taille des microcanaux réduit aussi la probabilité que les hyphes y pénètrent. Ainsi une hauteur de canal intermédiaire de 3 µm a été introduite afin de faciliter le placement des levures et la croissance des hyphes dans cette direction. Une image de ces nouveaux microcanaux est représentée en figure3.16où l’on voit les différentes hauteurs de canaux.

Figure 3.16 – Vue du dessus des microcanaux à 2 couches. La partie très étroite de 1,5 µm de large et de haut est destinée à obtenir un meilleur encastrement des hyphes, de façon à ce que leur déformation corresponde uniquement à de la flexion. La zone plus large, de hauteur 3 µm et en forme d’entonnoir, sert de transition et permet le positionnement les levures ainsi que le début de croissance des hyphes. Ces canaux et l’alignement de précision des 2 épaisseurs de résine ont été réalisés avec un équipement d’écriture directe par laser (µPG, Heidelberg) comme expliqué en chapitre 2.

Dans cette nouvelle situation, l’angle α entre les hyphes et le canal reste plus souvent constant quelque soit le débit, ce qui permet d’avoir un déplacement du filament uniquement dû à la flexion. À noter toutefois que l’on a perdu en rendement car les hyphes ont tout de même plus de mal à rentrer dans ces microcanaux. C’est pour cette raison que l’on a changé de stratégie de traitement de surface en utilisant de la fibronectine dans la chambre d’ensemencement, ce qui