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Utilisation de la microfluidique pour l’étude de systèmes biologiques

Après avoir présenté notre objet d’étude, nous allons maintenant parler de façon générale du choix de la microfluidique afin d’étudier ce type de système.

1.3.1 La microfluidique

Les technologies développées pour la fabrication de transistors ou de microprocesseurs dans les années 1950-1960 ont donné naissance au nouveau domaine de la microfluidique dans les années 90. La microfluidique correspond à la manipulation de liquides à petite échelle, de l’ordre du micromètre.

Au départ, la miniaturisation des systèmes se concentrait principalement sur les méthodes analytiques et avait pour objectif d’augmenter les performances de séparation de molécules. Cela a donc commencé par le développement de la chromatographie à échelle micrométrique [83] et de l’électrophorèse capillaire [84]. Mais les outils de la microélectronique ont permis à la microfluidique d’évoluer vers une discipline bien plus large que cela et touche désormais de nombreux domaines : chimie, biologie, protéomique, pharmacie, physique... (figure 1.22). Les applications sont très nombreuses, y compris dans notre vie quotidienne. Le premier produit utilisant la microfluidique à être commercialisé était l’imprimante à jet d’encre dans les années 1990, qui nécessite un contrôle du flux à petite échelle.

Figure 1.22 – Diversité des applications de la microfluidique (Source : https://www. institut-pgg.fr).

puces" ou lab-on-chip (LOC). Le but ultime est d’intégrer plusieurs étapes d’analyses dans une seule puce microfluidique. Une des premières puces dédiée à l’analyse d’ADN est représentée sur la figure 1.23 [85]. Elle est divisée en plusieurs compartiments permettant le mélange de plusieurs réactifs, l’amplification, la digestion de l’ADN, la séparation par électrophorèse et la détection par fluorescence. Ces dispositifs permettent donc de réduire l’intervention humaine et réduire le temps d’analyse et les volumes de réactifs.

Figure 1.23 – Schéma d’une puce microfluidique pour l’analyse d’ADN contenant les différentes étapes généralement réalisées en laboratoire [85].

Ils peuvent aussi potentiellement donner lieu à des applications de point of care, c’est-à-dire des systèmes portables, à utilisation unique, faciles à utiliser et capables de traiter des échantillons bruts. Ces techniques sont particulièrement utiles pour le diagnostic de maladies qui pourrait alors se faire facilement à faible coût. C’est le cas notamment des tests de grossesse qui utilisent un échantillon d’urine ou plus récemment des tests sanguins pour le dépistage du VIH par exemple [86].

La microfluidique de gouttes (droplet-based microfluidics) offre de larges possibilités en terme d’analyses [87] [88]. Il s’agit de manipuler des gouttelettes de volumes très faibles : les générer, les mélanger, les trier, les fusionner et encapsuler des cellules à souhait. Les gouttes sont ainsi considérées comme des micro-réacteurs et peuvent servir comme on l’a vu plus haut à l’analyse de constituants biologiques, ADN, ARN, protéines.

Plus récemment, des organes sur puce se sont aussi développés [89] [90] [91]. Cela consiste à essayer de reproduire la complexité des organes dans des dispositifs miniaturisés. Les outils de microfabrication permettent en effet de produire des structures bien particulières comme celles de l’intestin par exemple avec des villosités. Il est également possible de recréer la vascularisation au sein des organes à l’aide de flux. Ces technologies pourraient à terme permettre d’améliorer notre compréhension du fonctionnement de ces organes ou de certaines maladies ainsi que de tester de nouveaux médicaments.

1.3.2 Intérêt pour les systèmes biologiques

La microfluidique présente de nombreux avantages pour la culture cellulaire et l’étude d’or-ganismes biologiques.

est suffisant, ce qui est nécessaire lorsque des échantillons de patients sont analysés par exemple. Étant donné le faible volume, on peut atteindre une plus grande densité qu’en culture classique. La microfluidique de gouttes est particulièrement représentative de l’utilisation de faibles volumes et de haut débit. On peut ainsi l’utiliser pour effectuer un criblage de certaines pro-priétés. Une étude a par exemple trié des champignons filamenteux sur la base de leur activité enzymatique grâce à un système de gouttes [92].

Contrôle complet de l’environnement

Les dimensions et géométries des canaux, la composition exacte du milieu ainsi que la tem-pérature du système sont en effet des paramètres facilement contrôlables en microfluidique.

Le fait de pouvoir choisir complètement le design de la puce en fait un outil très flexible et adaptable. Il est possible d’imaginer de nombreux dispositifs pour étudier tous types de cellules. Bien que les cellules animales constituent pour le moment l’objet d’étude privilégié de la microfluidique, des systèmes ont été développés pour répondre aux questions spécifiques à d’autres organismes. C’est le cas par exemple des plantes, dont la morphologie très différente des cellules animales requiert des dispositifs particuliers. Quelques exemples ayant servi à la culture de plantes et à l’étude de leur croissance et métabolisme sont représentés sur la figure

1.24 [93] [94].

Il est également important de pouvoir contrôler les écoulements dans les puces pour effectuer par exemple des rinçages, un apport continu de nutriments ou un changement de conditions ex-périmentales. Étant donné les petites échelles auxquelles on se place, le système se situe à faible nombre de Reynolds. Cela signifie que les écoulements sont laminaires et non pas turbulents. Il n’y a donc pas de mélanges de liquides par convection, mais uniquement par diffusion. De cette façon, on peut aussi établir des gradients chimiques à l’intérieur des puces [95]. Des gradients statiques ou avec flux laminaires peuvent ainsi être produits dans les puces. Cela permet no-tamment d’étudier le chimiotropisme ou la chimiotaxie des cellules, c’est-à-dire leur capacité à se réorienter ou migrer vers des chimioattractants. Plusieurs études en ce sens ont par exemple été réalisées pour des tubes de pollen [96] [97].

Parallélisation des expériences

Le fait de pouvoir positionner de nombreux canaux en parallèle dans chaque puce facilite l’acquisition d’une grande quantité de données. De plus, les puces sont généralement assez faciles à produire.

(a) Schéma et images d’une puce pour l’ensemencement de graines et l’étude de

la croissance de plantes [93] (b) Schéma et images des microcanaux dé-diés à l’étude des racines de plantes (dis-positif appelé RootChip) [94]

Figure 1.24 – Systèmes ayant été développés spécifiquement pour répondre aux questions liées à la croissance de plantes.

Imagerie en live et tracking

Les puces microfluidiques sont très souvent réalisées dans un polymère transparent (le PDMS dont on reparlera dans la suite), ce qui permet de suivre l’évolution du système au cours du temps.

Isolation et compartimentalisation

Ce type de système représente également une grande avancée dans l’étude de cellules in-dividuelles, et non pas seulement des effets de populations. Les analyses de cellules uniques sont permises grâce à l’encapsulation d’une cellule dans une goutte. Et plus largement, de nom-breuses stratégies sont développées pour étudier des organismes biologiques de façon individuelle. Il est en effet facile d’adapter le design de la puce aux particularités de l’objet d’étude. La mi-crofluidique permet également d’avoir une compartimentalisation, c’est-à-dire de pouvoir isoler plusieurs chambres et donc d’y appliquer des traitements différents. Ce principe est illustré par exemple pour la culture de neurones sur la figure 1.25 [98]. En isolant deux compartiments sé-parés par des microcanaux, il est possible de manipuler de façon indépendante d’une part les axones et d’autre part les somas. Cela peut également servir à l’étude de systèmes plus complexes impliquant plusieurs types de cellules par exemple.

Figure 1.25 – Exemple de compartimentalisation dans un puce microfluidique [98]. (a)(b) Schéma et image de microscopie à fluorescence de l’isolation fluidique de deux compartiments séparés par des microcanaux : un milieu fluorescent est incubé dans le compartiment de droite et ne diffuse pas de l’autre côté. (c) Isolation des axones (en rouge) dans le canal de droite tandis que les somas et dendrites (en vert) restent à gauche.