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3.3.1 Mesure du module de flexion et module de Young

Dans un premier temps, des expériences ont été réalisées avec la souche de référence SC5314 de C. albicans. Comme indiqué précédemment, des cycles d’augmentation et diminution de débit sont effectués. Un exemple d’images acquises pour chaque débit est représenté en figure3.17. On y voit le filament se défléchir au fur et à mesure que le débit, donc la force exercée, augmente. La déflexion selon l’axe x, δ, est ensuite mesurée et tracée en fonction du débit Q, comme sur la figure 3.18.

Figure 3.17 – Exemple représentatif d’images montrant un filament soumis à un flux à débit variable. On observe l’augmentation de la déflexion au fur et à mesure que le débit augmente.

Figure 3.18 – Déflexion (en µm) en fonction du débit (en µL · min−1) pour l’hyphe représentée en figure 3.17. Un cycle complet d’augmentation puis de réduction du débit est réalisé en mesu-rant à chaque fois la déflexion. On constate ici que les deux courbes sont très proches, avec une très faible hystérésis.

l’augmen-tation et la diminution de débit. Au contraire, si les deux courbes ne se superposent pas, cette hystérésis peut traduire un phénomène plastique pour lequel le filament a été déformé durable-ment et ne revient pas à son état initial. Cela concerne surtout les trop grandes déformations. Il peut également s’agir d’un déplacement de l’hyphe au niveau du microcanal qui peut induire une asymétrie entre l’aller et le retour. Pour la figure 3.18, il y a un léger décalage entre les deux courbes, mais les deux pentes restent très similaires.

Dans certains cas, on peut obtenir une courbe telle que représentée en bleu sur la figure

3.19, qui n’est pas linéaire et pour laquelle on ne peut donc pas extraire une unique pente

δ/Q. Cependant, comme expliqué dans la partie précédente, il faut prendre en compte l’angle global de l’hyphe avec le canal θ car on voit que celui-ci change drastiquement au cours de la déflexion. Il est alors possible de corriger ces courbes en mesurant l’angle θ au fur et à mesure de l’augmentation du débit, et en utilisant l’équation 3.4. Pour le cas de la figure 3.19, on obtient alors la courbe en orange à partir de laquelle on peut déterminer une pente.

Figure 3.19 – Déflexion δ en fonction du débit Q pour un filament soumis à un flux. La courbe bleue, qui correspond aux données mesurées, n’est pas linéaire, ce qui ne permet pas de déterminer la pente δ/Q nécessaire pour le calcul du module de flexion. Les images de l’hyphe en question montre que l’angle global θ varie largement au cours de l’augmentation du débit. En utilisant l’équation 3.4 et en mesurant l’angle à chaque instant, on peut tracer la courbe orange pour laquelle on peut extraire la pente. A cela s’ajoute les effets de rotation qu’il faut également prendre en compte en mesurant l’angle α au niveau de l’encastrement. Cela mène à une diminution de la pente δ/Q comme indiqué avec la courbe noire.

On peut également tenter d’éliminer les effets de rotation en mesurant l’angle α à la base du filament et à l’aide des équations 3.7 et3.8. La courbe (représentée en noir) a alors une pente plus faible, car sans prendre en compte la rotation, on surestime les valeurs de déflexion.

On trouve finalement un module de flexion EI moyen égal à 6,5 µN · µm2 (n = 52). En utilisant un rayon de filament moyen mesuré r = 1,1 µm, ainsi qu’une valeur de 200 nm pour

possibilités s’offrent à nous : d’une part, l’étude de mutants spécifiques de la paroi dont la com-position et donc la rigidité peuvent varier ; ou d’autre part, l’étude d’antifongiques dont l’action cible spécifiquement la paroi. Concernant ce point, plusieurs travaux se sont intéressés à l’effet de la caspofungine sur les levures de C. albicans [130] [129]. Rappelons ici que la caspofungine est un antifongique qui agit en inhibant la synthèse de β-glucanes, composants essentiels de la paroi. Les mesures par AFM semblent indiquer qu’à faible concentration, la caspofungine n’affecte pas significativement la rigidité des levures [130], voire entraînerait même une augmentation de la rigidité [129]. Cela soutiendrait donc l’hypothèse d’un mécanisme de compensation : en présence d’inhibiteur de β-glucanes, la proportion d’un autre constituent de la paroi, la chitine, aug-mente. Cependant, les levures soumises à de fortes concentrations de caspofungine ne seraient plus capables de compenser et alors leur module de Young diminue [130].

Nous proposons ici d’utiliser notre système microfluidique afin d’étudier la réponse des hyphes à un traitement antifongique tel que la caspofungine. Pour cela, une première mesure de rigi-dité est effectuée sur les hyphes. La puce est ensuite placée à nouveau à 37°C avec le milieu de culture auquel la caspofungine est ajoutée à 1 µg · mL−1 pendant 30 minutes. Les hyphes sont alors à nouveau soumises à un flux afin de déterminer si leur rigidité est modifié par ce traitement. La figure 3.20montre le même filament qu’en figure 3.17 après 30 min en présence de caspofungine. On constate que de faibles débits entraînent une déformation beaucoup plus importante qu’avant le traitement antifongique. Notons toutefois que cette déformation n’est pas uniquement le résultat d’une flexion mais également d’une rotation du filament au niveau du support, particulièrement visible au-delà de 10 µL · min−1.

Figure 3.20 – Exemple représentatif d’images montrant le filament de la figure 3.17 soumis à un flux à débit variable, après un traitement avec de la caspofungine à 1 µg · mL−1 pendant 30 minutes. La déformation du filament est nettement plus importante qu’elle ne l’était avant traitement, et est constituée à la fois d’une flexion et d’une rotation.

La courbe de déflexion en fonction du débit sans traitement montrée en figure 3.18 est comparé à celle obtenue après l’incubation en présence de caspofungine sur la figure 3.21. On voit effectivement que ce traitement entraîne une forte augmentation de la pente δ/Q (qui n’est pas seulement liée à la rotation) et donc une forte diminution de la rigidité du filament.

Figure 3.21 – Déflexion δ en fonction du débit Q pour un filament soumis aux pulses de flux une première fois sans aucun traitement (courbe bleue), puis une seconde fois après incubation avec la caspofungine (courbe orange).

Les valeurs obtenues avec et sans traitement antifongique sont reportées sur la figure 3.22. Quelques expériences contrôles ont également été menées sans caspofungine, en plaçant la puce à nouveau à 37°C pendant 30min dans leur milieu de culture afin de vérifier que le premier cycle de pulses n’influençait pas les valeurs obtenues.

Figure 3.22 – Valeurs de module de flexion EI obtenues pour la souche de référence SC5314 d’abord sans traitement puis avec un traitement antifongique à la caspofungine à 1 µg · mL−1

pendant 30min (n = 12 dans 8 puces différentes). Les moyennes et écart-types sont représentées sur ce graphe, et le test statistique utilisé est le test non paramétrique apparié de Wilcoxon.

Après avoir été soumis au traitement antifongique, les hyphes sont systématiquement plus sujets à la rotation. D’une part, on peut se demander si le diamètre de l’hyphe n’est pas légère-ment modifié par ce traitelégère-ment. Ainsi, une réduction du diamètre peut mener à de plus grands déplacements dans le microcanal. D’autre part, la caspofungine semble fragiliser globalement les hyphes, mais plus spécifiquement les septums qui peuvent alors devenir des points de pivot. Il peut en être de même pour les points de contact avec les parois, qui sont les endroits soumis

3.3.3 Comparaison avec une autre souche

Nous souhaitons comparer ici la rigidité de la souche de référence SC5314 à celle d’une souche ayant subi une mutation affectant sa paroi. Afin de mener à bien notre étude, il est toutefois nécessaire que cette souche puisse croître sous la forme hyphale également, il faut donc éviter d’affecter des protéines indispensables à cette morphogénèse.

Certaines des protéines Pga (GPI-anchored protein) sont ancrées dans la paroi cellulaire par une ancre GPI (glycosylphosphatidylinositol). La délétion simultanée des gènes de deux de ces Pga, Pga59 et Pga62, n’a pas d’impact majeur sur la croissance hyphale, mais induit une modification de la structure de la paroi [114]. Nous avons donc cherché à déterminer si ces délétions modifiaient également la rigidité des hyphes. La figure 3.23a compare les valeurs de module de flexion obtenues pour la souche de référence SC5214 avec ceux de la souche ∆∆pga59∆∆pga62.

Figure 3.23 – Comparaison des valeurs de module de flexion EI (a) et de module de Young

E (b) obtenues pour la souche de référence SC5314 (n = 52 dans 18 puces différentes) et de la souche ∆∆pga59∆∆pga62 (n = 15 dans 7 puces différentes). Les moyennes et écart-types sont représentées sur ce graphe, et le test statistique utilisé est le test non paramétrique Mann-Whitney.

Le faible de nombre de mesures pour le mutant nous permet difficilement de conclure, mais il semble que le module de flexion de ce mutant soit en moyenne légèrement plus élevé que celui de la souche de référence. Pour calculer ensuite le module de Young E, il est nécessaire de connaître l’épaisseur de la paroi e. Or des images de microscopie électronique, représentées en figure 3.24, réalisées dans une étude précédente nous donne une estimation de ce paramètre [114]. La souche BWP17 dérive de SC5314 mais est rendue auxotrophe pour certains acides aminés, et l’épaisseur de sa paroi est environ égale à 220 nm. Le double mutant quant à lui a une composition de paroi

assez différente dont l’épaisseur est d’environ 310 nm.

Figure 3.24 – Images de microscopie électronique en transmission (TEM) de BWP17, à priori similaire à SC5314, ainsi que du mutant ∆∆pga59∆∆pga62. [114].

Notons tout de même que ces images ont été réalisées pour des levures qui, de plus, se sont développées dans un milieu différent du nôtre, ce qui peut induire des modifications notables dans la structure de la paroi [27]. Par conséquent, elles ne fournissent véritablement pas les épaisseurs de paroi des hyphes, mais si l’on suppose qu’elles évoluent de la même façon, alors on peut calculer le module élastique E. On voit sur la figure3.23b qu’il n’y a alors plus de différence significative. Cela signifie que la différence obtenue pour le module de flexion EI est compensée par la différence d’épaisseur de paroi pour retrouver finalement une rigidité de paroi similaire.