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Chapitre 4 LA VISION, UN MODELE D’ETUDE

3. Visages, fréquences spatiales, et schizophrénie

3.1 Fréquences spatiales et schizophrénie

Les déficits de neurotransmission impactent les voies de transmission de l’information visuelle. Ainsi, dans leur revue de littérature de 2005, Butler et Javitt concluaient en la

présence d’un dysfonctionnement de la voie magnocellulaire au stade précoce du traitement visuel chez les patients schizophrènes. Au niveau comportemental, la discrimination des grilles de BFS semblait plus problématique que celle des HFS (Martinez et al., 2012; O’Donnell et al., 2002).

Sur mesures électrophysiologiques, les patients atteints de schizophrénie présentaient une activité cérébrale amoindrie lors de la présentation de damiers et de grilles de BFS, stimuli induisant un traitement magnocellulaire, par rapport à ceux de HFS, impliquant un traitement parvocellulaire (EEG : Butler et al., 2007; IRMf: Martinez et al., 2012; 2008). A nouveau, suggérant un dysfonctionnement de la voie magnocellulaire, le traitement du mouvement était déficitaire (Kim et al., 2006; Stuve et al., 1997) ainsi que la sensibilité au

contraste altérée en situation scotopique sombre (Abeles, 2011) .

Dans l'étude en IRMf de Calderone et ses collaborateurs (2012), et à l’inverse des participants sains, les participants atteints de schizophrénie montraient une activité cérébrale moindre ou similaire en réponse aux objets filtrés de BFS (<6 c/img) comparativement à ceux de HFS (>30 c/img). Cette altération du traitement des BFS est donc présente sur des stimuli complexes. Qu’en est-il pour les visages ?

3 .2 Visages, fréquences spatiales et schizophrénie

Les études comportementales, au moyen de visages filtrés en fréquences spatiales, indiquent un effet similaire des fréquences spatiales sur les performances de patients atteints de schizophrénie et de participants sains, autant avec des visages émotionnellement neutres (All et al., 2010b; Silverstein et al., 2014) qu’avec des visages émotionnels (Laprévote, Oliva, Delerue, Thomas, & Boucart, 2010). Toutefois, les patients, comparés au groupe sain,

montrent une tendance à de moins bonnes performances de discrimination du genre en condition de BFS et à de meilleures performances sur les stimuli de HFS (All et al., 2009; Silverstein et al., 2010). L’expérience 2 de Laprevote et ses collègues (2010), en tâche de discrimination émotionnelle sur stimuli filtrés, modère ce résultat en montrant une utilisation non différente des fréquences spatiales entre les deux groupes.

Après séjour hospitalier et comparativement à des participants sains pour un laps de temps similaire, Silverstein et ses collègues (2014) ont observé que tous les participants étaient moins bons en discrimination du genre sur stimuli de BFS versus NF mais que cette différence était d’autant plus forte pour les patients. Soulignant ces résultats, Butler et ses collègues (Butler et al., 2009) ont observé que l’altération du traitement des expressions faciales émotionnelles était corrélée à un déficit de sensibilité au contraste, seulement avec les visages de BFS. Par ailleurs, lors d’un jugement émotionnel, les patients atteints de

schizophrénie ont évalué les visages de peur comme plus apeurés lorsqu’ils contiennent des informations de BFS et les visages heureux comme plus heureux quand ils contiennent des HFS (McBain, Norton, & Chen, 2010). Ces visages étaient aussi jugés moins heureux quand ils contenaient des BFS (McBain et al., 2010). Ces résultats indiquent une utilisation atypique des informations de BFS lors du traitement émotionnel de visages.

De manière surprenante, Laprevote et ses collègues (2010, expérience 1) ont observé que les patients atteints de schizophrénie montraient une utilisation préférentielle (« tuning »)

des informations de BFS par rapport à celles de HFS sur la tâche de discrimination

émotionnelle sur visages hybrides d’émotions et de fréquences spatiales. La particularité de ces stimuli est la charge d'informations données sur des expressions faciales différentes et pour un temps de présentation relativement court (100ms). Un déficit d'intégration pourrait être en jeu, annihilant ou réduisant le traitement des HFS par les patients. Une autre hypothèse possible est que les émotions contrastantes présentées ensemble (joie et colère) ont pu être responsables d'un compromis voire d'un échange entre le traitement des BFS et des HFS par une inhibition de la voie parvocellulaire (Bocanegra & Zeelenberg, 2009). Cela est d'autant plus probable que les auteurs ont trouvé un effet significatif de l'émotion sur les fréquences spatiales.

L’utilisation des potentiels évoqués visuels se révèle être un biomarqueur efficace dans cette pathologie (González-Hernández et al., 2014) (Gonzalez-Hernandez et al., 2014) et en particulier avec des stimuli de visages (Herrmann, Ellgring, & Fallgatter, 2004; McCleery et al., 2015; Onitsuka et al., 2006). De plus, la revue de Feuerrigel, Churches, Hofmann, et Keage (2015) indique que les patients atteints de schizophrénie présentent une altération des amplitudes de la N170 et de la VPP que les autres patients psychiatriques ne montraient pas.

Ainsi, des différences entre participants sains et atteints de schizophrénie ont

également été observées sur le traitement des visages filtrés fréquences spatiales. Dans l'étude d’Obayashi et ses collaborateurs ((Schwitzer et al., 2015)2009), les participants sains

montraient une amplitude de la composante P100 plus grande en réponse aux visages de BFS par rapport à ceux NF. Les participants atteints de schizophrénie ne montraient pas cette différence, suggérant la non-discrimination des informations de BFS par rapport aux stimuli NF. Le même pattern était présent sur la N170 : un effet de fréquences spatiales en faveur des visages de HFS par rapport à ceux NF chez les participants sains mais non significatif chez les participants atteints de schizophrénie pour qui les visages de HFS, de BFS et NF évoquaient la même amplitude. Ces résultats suggèrent que la schizophrénie n'induirait pas seulement une altération de la voie magnocellulaire mais aussi de la voie parvocellulaire avec une altération du traitement des BFS ainsi que des HFS. L’étude de Kim et ses collègues (2015) révèle des données contradictoires. En effet, en réponse aux visages neutres émotionnellement,

l’amplitude de la P100 ne présente pas d’effet de fréquences spatiales chez les participants sains, mais montre un effet chez les patients atteints de schizophrénie. Chez ces derniers, les

amplitudes de P100 en réponse aux visages NF et de BFS semblent égales et supérieures à celle des visages de HFS; soit un impact du groupe sur le traitement des fréquences spatiales différent de celui de l’étude de Obayashi et ses collègues (2009). Les auteurs relèvent

toutefois une différence sur les visages de peur en BFS pour lesquels les patients ont une amplitude inférieure à celle des participants sains.

Les données d’IRMf quant à elles indiquent que, comparativement aux participants sains et à des visages NF, les personnes atteintes de schizophrénie semblent présenter une activation plus forte du gyrus fusiforme en réponse aux visages de HFS et de BFS (All et al., 2009) et aux visages de BFS seulement (Silverstein et al., 2010). Ces résultats suggérent une suractivation du gyrus fusiforme compensant le traitement affaibli des informations de BFS (sur stimuli simples de grilles : Butler et al., 2007; Martinez et al., 2008).

Le résultat principal à retenir de ces études est l’altération du traitement des

informations de BFS chez les patienst atteints de schizophrénie (All et al., 2009; Butler et al., 2009; Silverstein et al., 2010, 2014) qui se manifeste, dans les études par potentiels évoqués par une non-discrimination entre les stimuli de BFS et ceux NF (Obayashi et al., 2009). De plus, ce déficit pourrait être lié à la suractivation du gyrus fusiforme pour le traitement des stimuli de BFS (Butler et al., 2007; Martinez et al., 2008; Silverstein et al., 2010).