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Chapitre 4 LA VISION, UN MODELE D’ETUDE

2. Vision et visages

2.3 Visages et fréquences spatiales

2.3.3 Implication des fréquences spatiales dans le traitement

Les informations en BFS sont souvent associées dans la littérature au traitement configural ou holistique alors que le traitement analytique est associé aux HFS.

Appuyant cette hypothèse, il a été mis en évidence un effet d’inversion altérant le traitement configural plus grand lors de la perception de visages ne contenant que des BFS (< 6,2 c/f) plutôt que des gammes plus hautes (Nagayama, Yoshida, et Toshima, 1995; cités dans Boutet et al., 2003). Goffaux (2008) a aussi montré que, les visages ne contenant que la gamme de HFS étaient moins soumis à l’effet d’inversion que ceux ne contenant que les BFS. En électroencéphalographie (EEG) et en magnétoencéphalographie (MEG), les composantes N170 ou M170 se révélent modulées par l’inversion des visages (augmentation de la latence et de l’amplitude) dans le cas de visages ne contenant que des BFS mais pas pour ceux en HFS (Flevaris, Robertson, & Bentin, 2008; Hsiao et al., 2005).

Les autres effets du traitement holistique rapportés précédemment montrent aussi un effet du contenu de fréquences spatiales. Les effets composite des visages (Cheung, Richler, Palmeri, & Gauthier, 2008; Goffaux & Rossion, 2006) mais aussi de supériorité du tout sur les parties (Goffaux & Rossion, 2006) étaient significativement plus grands pour les visages de BFS que de HFS ou de spectre entier non-filtré (NF). Il semble donc que les BFS soient le vecteur de l’information configurale et holistique. A noter cependant que Cheung et ses collègues (2008), dans des analyses détaillées ont montré que les gammes de BFS et de HFS permettaient toutes deux un traitement configural. De la même manière, la nécessité des BFS dans le traitement configural n’exclu pas l’importance des HFS, que ce soit dans un traitement configural ou analytique (Halit et al., 2006).

Rossion (2005) ont repris les deux types de manipulations possibles sur des visages (modifications configurales d’espacement des éléments ou locales sur les éléments eux-mêmes) utilisés par Freire et ses collègues (2000) et Joseph, DiBartolo, et Bhatt (2015), mais en y ajoutant la variable de contenu en fréquences spatiales. Les stimuli de Goffaux et ses collègues (2005) étaient ainsi soit des visages à modifications configurales, soit à éléments internes modifiés (modifications locales) soit les deux, et ne contenant uniquement soit les BFS (<8 c/f), soit les HFS (>32 c/f). Lorsque les visages contenaient des HFS, et par rapport à ceux en BFS, les participants montraient un taux de bonnes réponses en reconnaissance des visages plus élevé pour les conditions à modifications locales et configurales+locales, mais non configurales seules. Lorsque les visages différaient sur modifications configurales, les participants ne montraient pas d’effet des fréquences spatiales présentées. Toutefois, ils répondaient plus rapidement pour les visages de BFS que ceux de HFS en condition de modifications configurales et configurales+locales (Goffaux et al., 2005).

Le traitement configural semble donc être basé sur l’utilisation des BFS alors que le traitement analytique semble lui mieux profiter des HFS. Goffaux et ses collègues (2005) rappellent qu’aucune tâche n’est purement configurale ni analytique et que les conclusions sont à relativiser en prenant en compte les gammes de fréquences spatiales et tâches choisies. Les gammes utilisées dans les études précitées sont la plupart du temps manipulées à travers des filtres passe-bas et passe-haut qui excluent toute une partie du spectre spatial. Collin, Rainville, Watier, et Boutet (2014) proposent qu’une gamme intermédiaire de fréquences spatiales permettrait non seulement le traitement configural mais aussi le traitement

analytique : les moyennes fréquences spatiales (MFS, à 10 c/f dans leur étude ou entre 8 et 16 c/f selon Collin et al., 2004). Cette gamme semble permettre un traitement aussi suffisant et aussi efficace que celui permis par le spectre entier des fréquences spatiales.

2.3.4 Existe-t-il une gamme de fréquences spatiales optimale pour la perception des visages ?

Alors que le système visuel reçoit une infinité de fréquences spatiales différentes, il est désormais démontré qu’il est plus sensible à certaines gammes de fréquences. Un très grand nombre d’études ont évalué l’existence possible d’une gamme de fréquences spatiales optimales pour la perception des visages. La figure 13 résume les résultats de ces études, en

fonction de leurs méthodes de manipulation des stimuli.

Figure 13. Résumé des gammes optimales de fréquences spatiales observées selon les différentes manipulations disponibles pour contrôler la disponibilité des gammes de fréquences spatiales.

Une première lecture de la figure 13 pourrait indiquer que la gamme

préférentiellement utilisée pour le traitement visuel du visage s'étendrait très largement de 4,5 à 37 c/img. Cependant, le système visuel humain semble favoriser l'utilisation d'une gamme plus restreinte de fréquences spatiales.

En tenant compte des biais vers les HFS induits par les études de quantisation, la bande optimale de fréquences spatiales pour la perception des visages semble plutôt être comprise entre 4,5 et 23 c/img. En comparant les résultats des études, il semble que le filtrage spatial abaisserait la moyenne des fréquences spatiales optimales (en dessous 16 c/img mais au dessus de 5 c/img) alors que le masquage augmenterait la moyenne optimale (avec la limite haute étant égale ou supérieure à 16 c/img).

Ces valeurs optimales peuvent résulter d'un accordage particulier du système visuel aux MFS pour le traitement des visages et au fait que les informations faciales les plus

pertinentes soient contenues dans cette gamme des MFS. Ainsi, lors de l'évaluation statistique de 1700 images de visages, Keil (2008) a mis en évidence que leur maximum d'amplitude se trouvait autour de 10 c/img. Cela pourrait être la raison de l'utilisation particulière des MFS par le système visuel. Gaspar et ses collaborateurs (2008) suggèrent que l'information de la région oculaire pourrait être contenue autour de 10 c/img. L'identification des visages se basant fortement sur cette zone (Sekuler, Gaspar, Gold, & Bennett, 2004), il est possible que la gamme de MFS soit favorisée en partie pour cette raison.

A travers les chapitres précedents, nous avons évoqué un certain nombre d’études en éléctrophysiologie soulignant les modulations de composantes en potentiels évoqués en fonction de différents facteurs, notamment en fonction des différentes gammes de fréquences spatiales. A travers le chapitre suivant, nous nous intéresserons à la portée fonctionnelle de ces composantes électrophysiologiques enregistrées à la suite de la présentation visuelle d’un