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Unification des hypothèses dopaminergique et glutamatergique…

Chapitre 3 LA SCHIZOPHRENIE

2. Etiologie et modèles explicatifs pathophysiologiques de la schizophrénie

2.2 Une physiopathologie de la neurotransmission

2.2.3 Unification des hypothèses dopaminergique et glutamatergique…

Alors que les antagonistes des récepteurs dopaminergiques D2 permettent de diminuer les symptômes psychotiques positifs, les antagonistes des récepteurs D1 augmentent ces mêmes symptômes (Moghaddam, 2003). Cette réponse peut être expliquée grâce à

l’hypothèse d’hypo-activation NMDA. La baisse d’activité des récepteurs NMDA entraînerait la régulation des récepteurs D1 à la baisse, modifiant ainsi la balance des récepteurs D1 et D2 et donc des symptômes de la schizophrénie (Scott et al., 2002). Dans leur revue de littérature,

Poel et ses collègues (2014) suggèrent que la hausse du glutamate suite à l’administration de kétamine, antagoniste du récepteur NMDA serait une réponse de compensation pour faire face au blocage et à l’hypofonctionnement des récepteurs NMDA. On a ainsi une convergence entre les hypothèses dopaminergique et glutamatergique.

Kegeles et ses collègues (2000) ont observé que, chez des participants sains, la kétamine pouvait induire la libération de dopamine, de manière comparable à ce qui est observé chez des patients atteints de schizophrénie. Il est donc probable que les variations de dopamine observées dans la schizophrénie soient causées par une altération préalable du système glutamatergique de transmission et particulièrement des récepteurs NMDA.

Inversement, Olney, Newcomer, et Farber (1999) ainsi que Grace (1991) proposaient que le système dopaminergique soit responsable de l’altération de la transmission glutamatergique par les récepteurs NMDA; les récepteurs dopaminergiques D2 régulant la libération de glutamate aux récepteurs NMDA. Ivanova et ses collègues (2014), ayant observé des taux de glutamate sérique plus importants chez les patients schizophrènes, proposent que ces taux élevés puissent contribuer aux déséquilibres dopaminergiques et glutamatergiques.

Laruelle (2014), à travers sa revue de littérature, propose enfin que les interactions entre système dopaminergique et glutamatergique puissent être à double sens.

Par ailleurs, d’autres systèmes de neurotransmission sont évoqués dans l’étiologie de la schizophrénie.

2.2.4 Hypothèses alternatives et complémentaires de neurotransmission altérée

Poels et ses collègues (2014) rappellent que la libération de dopamine pré-synaptique est sous le contrôle des neurones inhibiteurs à transmission GABAergique, eux même activés par les récepteurs NMDA. Ce qui a été observé in vivo pour les hypothèses précédentes est plus difficilement observable pour le système GABAergique.

Sur dissections post-mortem, une altération du circuit GABAergique est observée au niveau du cortex préfrontal dorsolatéral (Akbarian et al., 1995, cités par Taylor & Tso, 2015), du cortex cingulaire antérieur (Woo et al., 2004, cités par Taylor & Tso, 2015), des cortex moteur et visuel (Hashimoto et al, 2008; cités par Taylor & Tso, 2015) et dans l’hippocampe (Benes et al., 2007, cités par Taylor & Tso, 2015). En lien avec des observations in vivo,

plusieurs auteurs suggèrent que l’altération des fonctions cognitives soit sous-tendue par un dérèglement de la transmission GABAergique (Gonzalez-Burgos et al., 2011; Lewis, Curley, Glausier, & Volk, 2012) .

Finalement, et pour souligner que tout est lié dans la neurotransmission, le sous-développement observé post-mortem des circuits GABAergiques découlerait de

l’hypofonctionnement des récepteurs NMDA (Cohen et al., 2015).

Récemment approfondie, la transmission cholinergique semble diminuée dans la schizophrénie (Carruthers, Gurvich, & Rossell, 2015; Raedler, Bymaster, Tandon, Copolov, & Dean, 2007; Tarek K. Rajji et al., 2012). Là aussi, les études post-mortem montrent une diminution des circuits cholinergiques avec un manque de récepteurs muscariniques dans le putamen-caudé (Dean et al., 1996; cités par Rajji et al., 2012), le lobe frontal (Scarr et al., 2009; cités par Rajji et al., 2012), l’hippocampe (Crook et al., 2000; cités par Rajji et al., 2012) et dans le gyrus temporal supérieur (Deng & Huang, 2005; cités par Rajji et al., 2012). Une étude de SPECT, in vivo et sur patients atteints de schizophrénie non médicamentés vient confirmer le manque de récepteurs muscariniques chez ces patients (Raedlers et al., 2003, cités par Rajji et al., 2012). L’intensité de l’altération des fonctions cognitives chez les patients atteints de schizophrénie semble être liée à une altération de la transmission cholinergique (Rajji et al., 2012).

Pour la transmission sérotoninergique aussi, la physiopathologie en lien avec la schizophrénie provient des effets psychomimétiques d’une drogue : le LSD ou acide lysergique (Breier, 1995). Toutes les manifestations de la schizophrénie ne sont pas

représentées mais les idées délirantes de grandeur, certains symptômes négatifs de type retrait social, et les hallucinations visuelles, bien que rares en schizophrénie, sont communs avec le LSD (Aghajanian & Marek, 2000; Breier, 1995).

Les études post-mortem dans ce cas aussi ont révélé une altération du circuit

sérotoninergique et de la répartition du neurotransmetteur 5-HT avec des niveaux de 5-HT et ses métabolites supérieurs en ganglions de la base (Korpi et al., 1986; cités par Breier, 1995) et que des niveaux inférieurs par rapport à chez les sujets sains du récepteur 5-HT 2 dans le cortex préfrontal des patients atteints de schizophrénie (Reynolds et al., 1983; cités par Breier, 1995). Attention toutefois au fait qu’une baisse des 5-HT est aussi retrouvée dans les

du 5-HT (le mChlorophenylpiperazine, mCPP) induise une augmentation des manifestations psychotiques chez les patients atteints de schizophrénie justifie aussi sa présence ici (Iqbal et al., 1991; Krystal et al., 1993 ; cités par Breier, 1995). L’efficacité antipsychotique de la clozapine et du risperidone serait grandement médiée par la voie sérotoninergique (Breier, 1995). Il est intéressant de noter que l’implication de cette voie, de manière primaire ou secondaire, semble hétérogène parmi les patients, avec des réponses pathophysiologiques différentes suite à administration de mCPP (Lindenmayer et al., 1997).

Ainsi, les symptômes positifs, négatifs et cognitifs semblent tous s’expliquer par diverses altérations de neurotransmission. Il est à retenir que ces voies sont bien souvent croisées entre elles, de sorte qu’une hypothèse explicative en recoupe une autre, par activation ou par système de rétroaction. Les modèles explicatifs neuroanatomiques sont aussi étayés par les études structurales. On relève notamment des anomalies de connectivités qui rendraient compte d’une absence de coordination entre les différentes aires impliquées dans les symptômes schizophrènes (Stephan, Friston, & Frith, 2009). Il peut s’agir de connectivité inter-hémisphérique (Crow et al., 1989) ou cortico-thalamo-cérébelleuse (Andreasen & Pierson, 2008). L’hyperglutamatergie mise en évidence dans la schizophrénie peut permettre de rendre compte de ces altérations neuroanatomiques. En effet, certains auteurs proposent un rôle excitotoxique au glutamate (Marsman et al., 2011).

Les récepteurs NMDA ont un rôle prépondérant dans la neuroplasticité et

potentiellement pathogène (Cull-Candy, Brickley, & Farrant, 2001). Le glutamate et ses métabolites semblent sur représentés lors de l’entrée en schizophrénie (Fuente-Sandoval et al., 2011; Kegeles et al., 2012; Kraguljac et al., 2013) puis une diminution anormale semble s’opérer chez les patients chroniques (Carlsson et al., 2001; Coyle & Konopaske, 2012; Johnsen, Hugdahl, Fusar-Poli, Kroken, & Kompus, 2013). Et en effet, Théberge et ses collègues (2007; cités par Miller et al., 2009) ont trouvé une corrélation entre la perte de matière grise suivant les taux de métabolites du glutamate dans une étude longitudinale.

De par les données précédentes et l’aggravation des symptômes au cours de la vie des patients, une hypothèse explicative neuro-développementale de dégénérescence a pu être proposée. Dans une étude chez des enfants présentant des troubles du spectre schizophrène, les auteurs (Yeo et al., 1997) ont observé des altérations neuroanatomiques significatives à l’IRMf. Des arguments nosographiques, cytologiques, et neuroanatomiques soutiennent cette

hypothèse (Gourion et al., 2004).

Les altérations de neurotransmissions et neuroanatomiques sont reflétées et perceptibles de manière comportementale par l’altération des fonctions exécutives et cognitives. Le point suivant ne va plus décrire le versant psychotique ou négatif de la pathologie mais le versant fonctionnel : exécutif, cognitif ainsi que les troubles de cognition sociale y étant reliés.