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5.6.1 Le contexte

La ville 6 compte aujourd’hui près de 7 000 habitants. La bibliothèque dépend des Services récréatifs et communautaires. Les faits saillants dans l’histoire de la bibliothèque sont listés dans le Tableau 42.

Tableau 42 - Les dates importantes de l’histoire de la bibliothèque de la ville 6

Dates Évènements 1994 À la suite de pressions des citoyens de la paroisse et de la ville du même nom, les deux

municipalités créent une bibliothèque. 1995 La paroisse et la ville fusionnent.

1997 La bibliothèque déménage dans l’ancien hôtel de ville.

La bibliothèque municipale est récente (1994). D’avril 2008 à février 2009, des travaux d’agrandissement ont été réalisés. La bibliothèque était alors logée dans un local d’un centre commercial. Elle a maintenant intégré ses nouveaux locaux. La technicienne responsable de la bibliothèque est en poste depuis la création de la bibliothèque.

Les statistiques les plus récentes datent de 2006 (Québec (Province). Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2008). Elles sont présentées dans le Tableau 43.

Tableau 43 - Statistiques 2006 de la bibliothèque de la ville 6 versus moyenne provinciale

Variables Bibliothèque de la

ville 6 Moyenne provinciale Moyenne villes 5000 à 9999 Pourcentage d’abonnés 37,5% 30,6% 29,18%

Livres par tête 3,24 2,54 3,92

Prêts par tête 3,98 6,00 5,99

Heures d’ouverture 27 43,87 29,9

Ratio espace versus norme 77,9% 81,2% 80,6% Contribution municipale par

tête

18,19$ 29,70$ 22,27$

La bibliothèque a un taux d’abonnement supérieur à la moyenne provinciale et à la moyenne des petites villes, malgré des ressources documentaires déficientes en nombre et des heures d’ouverture réduites, expliquant sans doute le faible nombre de prêts par habitant. Le problème de l’exiguïté des locaux est résolu depuis la fin des travaux. Reste l’allocation municipale, très en deçà de la moyenne provinciale et de la moyenne des petites villes.

5.6.2 L’élue municipale

La conseillère municipale est élue depuis 1998. Elle est membre du Comité des loisirs depuis cette date, mais elle en est présidente depuis moins d’un an au moment de l’entrevue. Son parcours est atypique. Quand elle a été élue, elle avait beaucoup de difficultés à lire et à écrire. Dans le cadre de son mandat et pour son travail personnel, elle a ressenti le besoin de réapprendre à lire. Depuis, elle fréquente la bibliothèque et achète parallèlement des livres. Si elle ne fréquente pas plus la bibliothèque, c’est en raison de son éloignement (elle vit à 8 km du village) et des conditions de prêt qui, selon elle, sont contraignantes.

5.6.3 Les thèmes et métaphores

L’élue est particulièrement sensible à l’accessibilité de la bibliothèque, notamment au niveau financier. Pour elle, la municipalité doit aider les personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter des livres ou d’avoir accès à Internet chez eux. Elle dit : « C’est sûr que ça aide ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent. Mais ça ne veut pas dire que ceux qui ont pas beaucoup d’argent vont lire ».

L’élue justifie l’agrandissement de la bibliothèque par l’accessibilité aux documents « qui étaient rendus tellement hauts que tu ne pouvais plus. Tu étais obligé de monter sur des bancs ». Dans la nouvelle bibliothèque « ça va être tout classé », dit-elle, faisant preuve d’un rationalisme exemplaire.

Étant donné son parcours personnel, la conseillère municipale est sensibilisée au problème de l’alphabétisation. Elle se cite en exemple. La bibliothèque a un rôle à jouer « c’est certain », répète-t-elle.

Pour l’élue, la bibliothèque est également un lieu de divertissement notamment pour les personnes âgées qui s’ennuient beaucoup. La bibliothèque leur offre « un bon dés-ennui ». Les personnes âgées forment une cible importante pour les bibliothèques parce qu’elles ont besoin de se divertir.

Mais la bibliothèque est principalement vouée à l’éducation des enfants et l’apprentissage pour les adultes. La conseillère avoue avoir eu des doutes sur l’utilité d’une nouvelle bibliothèque publique. Mais « on s’aperçoit que les jeunes avec les études ont besoin de faire des recherches » parce qu’ « en lisant on peut éduquer les gens » dit-elle. Or, forte de sa propre reconquête de la lecture, elle prophétise : « un jeune qui aime lire, il va aller loin ».

Pour les adultes, la bibliothèque reste un lieu où l’on peut se former, continuer d’apprendre et de découvrir, selon la conseillère municipale. La bibliothèque est un centre d’information dont le principal but est « de renseigner les gens ». Car pour elle, le fonds documentaire est la qualité principale de la bibliothèque. « Ils ont pas mal tous les sujets », se réjouit-elle. Il n’y a pas de limites à ce fonds puisque la bibliothèque fonctionne en réseau, se félicite l’élue.

Les thèmes et métaphores dans le discours de l’élu sont listés dans le Tableau 44. Tableau 44 - Les thèmes et métaphores dans le discours de l’élue de la ville 6

Entrevues avec l’élue

ƒ alphabétisation ƒ « dés-ennui » ƒ éducation ƒ « renseigner» ƒ les gens ƒ personnes âgées ƒ enfants

ƒ accessibilité aux personnes démunies ƒ accessibilité des documents

ƒ qualité du fonds documentaire

ƒ livres « classés »

Le discours de l’élue est basé sur son expérience personnelle. Elle dit ne pas connaître d’autres bibliothèques que celle de la ville 6. Pour autant, c’est un discours qui s’intéresse particulièrement aux différents publics et à la collection, plutôt qu’aux services offerts ou à développer.

5.6.4 Les effets idéationnels du discours

La conseillère s’exprime en tant qu’élue (elle parle de sa « gang au niveau du conseil ») mais surtout en tant qu’usager de la bibliothèque (elle relate son expérience).

La conseillère municipale n’utilise les verbes performatifs que pour imposer à la personne responsable de la bibliothèque de penser aux personnes âgées, et imposer aux jeunes de lire. Ses impératifs se limitent donc aux publics principaux selon elle : les personnes âgées et les jeunes.

Elle n’utilise pas de conditionnel et bien peu de futur, ce qui clôt le champ des possibilités futures. Le discours se limite au passé et au présent. L’élue semble ainsi satisfaite de la bibliothèque actuelle; elle dit : « ça va tout de même assez bien ». Les adverbes mettent pourtant un bémol à cette satisfaction.

La conseillère municipale concentre ses pris pour acquis sur les différents publics : les personnes âgées aiment lire et s’ennuient (« les personnes âgées adorent lire […] elles s’ennuient »), les jeunes doivent lire (« il faut que nos jeunes lisent, que nos jeunes apprennent à lire. C’est officiel »), tout le monde n’a pas accès à Internet (« ce n’est pas tout le monde aussi qui a la possibilité d’avoir Internet et ce n’est pas accessible à tout le monde »), les citoyens sont satisfaits du projet de la nouvelle bibliothèque (« ça on peut dire que les citoyens ne se sont pas objectés. Non on n’a pas eu de misère de ce côté-là »). Ce sont là des affirmations qui ne laissent pas de place à l’objection de l’interlocuteur.

Les effets idéationnels du discours de l’élue sont rappelés dans le Tableau 45. Tableau 45 - Les effets idéationnels du discours de l’élue de la ville 6

Indicateurs Entrevues avec l’élue Distance ƒ ƒ je = usager de la bibliothèque gang du conseil municipal

Pris pour acquis

ƒ la bibliothèque va bien

ƒ le projet de nouvelle bibliothèque est apprécié par les citoyens ƒ tout le monde n’a pas accès à Internet

ƒ les personnes âgées s’ennuient Impératif ƒ ƒ penser aux personnes âgées les jeunes doivent lire

Le discours de l’élue est un discours s’appuyant sur des pris pour acquis concernant les publics et leur satisfaction quant au projet de rénovation de la bibliothèque. C’est un discours qui s’appuie sur l’expérience personnelle de l’élue. C’est aussi un discours basé sur le présent et n’ayant aucune vision de l’avenir et des possibilités de développement de la bibliothèque.

5.6.5 Écart entre le discours de l’élue et les pratiques de la bibliothèque

Si le discours de l’élue met de l’avant l’accessibilité de la bibliothèque aux plus démunis, dans les faits l’abonnement à la bibliothèque est payant pour les plus de 13 ans. Dans la seconde entrevue, l’élue se défend : « mais ce n’est pas un gros montant ». Fait plus surprenant encore, elle ajoute : « on n’en n’a pas discuté ». La personne responsable de la bibliothèque le confirme : la tarification de l’abonnement n’est pas une problématique pour elle ni pour le conseil municipal.

L’élue ne parle pas du tout d’animations. Pourtant le budget qui lui est consacré a fortement augmenté cette dernière année, aux dires de la responsable de la bibliothèque. Les projets sont de renforcer les animations culturelles, faire venir les classes à la bibliothèque, proposer des ateliers artistiques, développer le prêt à domicile pour les personnes à mobilité réduite. La formation des usagers ne fait pas partie des projets. Dans la seconde entrevue, la conseillère municipale explique qu’elle n’a pas parlé d’animations parce que rien ne se faisait jusque là, faute de place. Dans son discours, elle n’a pas anticipé ce qui pourrait se faire comme activités.

L’écart entre le discours de l’élue et les pratiques de la bibliothèque au plan local est exposé dans le Tableau 46.

Tableau 46 - Écart entre le discours de l’élue et les pratiques de la bibliothèque de la ville 6

Entrevues avec l’élu Ressources et offre de service

ƒ accessibilité financière de la bibliothèque ƒ l’abonnement est payant pour les plus de 13

ans

ƒ pas un mot sur les animations ƒ le budget animation a été augmenté et des

nombreux projets sont prévus dans les nouveaux locaux

L’écart entre le discours de l’élue et la réalité de l’offre de la bibliothèque réside dans l’abonnement et le volet animations. L’élue insiste sur l’accessibilité de la bibliothèque pour les plus démunis mais l’abonnement reste payant. Il faut dire que la personne responsable de la bibliothèque ne milite pas pour la gratuité. L’élue n’anticipe pas les animations qui pourraient être développées dans la nouvelle bibliothèque, tandis que le budget a été revu à la hausse pour développer ce volet spécifiquement.