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Études de perception sur les bibliothèques publiques

2.1 Les missions des bibliothèques publiques

2.1.3 Études de perception sur les bibliothèques publiques

Ces dix dernières années, quelques études sont parues sur la perception du public, des professionnels ou des élus, relative aux bibliothèques publiques. Ces recherches ont été lancées soit par les associations professionnelles (ALA, Americans for Library Council, IFLA,) ou par des organismes du milieu documentaire (OCLC, Metropolitan Cooperative Library System), soit par des chercheurs (Ladhari & Morales, 2008; Smith, 2008).

2.1.3.1 Perception du public

L’enquête menée par la Metropolitan Cooperative Library System (1999) porte sur la perception du public des bibliothèques publiques en Californie. Cinq focus-groupes de personnes inscrites ou non dans une bibliothèque publique ont été réalisés, ainsi qu’une enquête par téléphone menée sur la base d’un questionnaire auprès d’un échantillon aléatoire de résidents. Les résultats ont montré l’importance du personnel de la bibliothèque comme vecteur de qualité du service rendu. Les usagers ont répondu avoir utilisé la bibliothèque pour le divertissement et la recherche d’information. Pour eux, la bibliothèque est un endroit pour lire et emprunter des livres, avant d’être un endroit qui offre un accès aux ordinateurs et à Internet. Les programmes d’alphabétisation ont été jugés absolument nécessaires. Mais la mission principale de la bibliothèque est relative à l’éducation.

OCLC (2005) a initié une recherche auprès d’un panel d’individus résidant en Australie, au Canada, en Inde, à Singapour, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Un questionnaire en anglais a été envoyé par voie électronique. Les répondants sont donc des adultes anglophones qui naviguent sur Internet. De manière générale, le public connait mal les services offerts par la bibliothèque. Au Canada, les répondants ont décrit leurs usages en bibliothèque : 30% vont à la bibliothèque pour emprunter des livres, 19% pour consulter les bases de données, 17% pour chercher de l’information dans les collections de référence, 17% pour emprunter des best-sellers, 15% pour demander de l’aide à la recherche d’information, 14% pour avoir accès à Internet, 13% pour étudier et 12% pour photocopier des articles de journaux ou revues. Aussi, 60% d’entre eux ont affirmé que le principal champ d’activité de la bibliothèque publique est l’information; environ 10% ont opté pour

le divertissement. Les attentes du public canadien touchent principalement aux collections (29% des répondants) et aux services aux usagers (29% également).

L’Americans for Libraries Council a demandé à Public Agenda (une organisation non gouvernementale qui mène des enquêtes d’opinion sur des thèmes divers) de mener une enquête auprès du public sur tout le territoire américain cette fois, concernant les bibliothèques publiques (Public Agenda, 2006). L’étude a été réalisée par téléphone auprès du grand public, ainsi que des focus-groupes de personnes inscrites ou non en bibliothèque publique. Le premier résultat à noter est la valeur que le public reconnait à la bibliothèque. Ce que le public apprécie le plus est la bibliothèque comme lieu de rencontre, l’accès à Internet, les programmes de lutte contre l’analphabétisme, les animations, et moindrement l’orientation pour les nouveaux immigrants. La valeur accordée aux services traditionnels de la bibliothèque, notamment les collections pour les enfants et les collections de référence, est immense. L’amour du livre reste un leitmotiv même si l’accès aux ressources électroniques est grandement apprécié.

L’ALA (2006) a réalisé une enquête par questionnaire auprès de personnes âgées de 18 ans et plus résidant aux États-Unis portant sur leurs usages premiers et seconds de la bibliothèque publique. 46% des répondants ont opté pour des motifs relatifs à l’éducation, et 40% pour le divertissement. Dans ce questionnaire, les motifs relatifs à la recherche d’information étaient fractionnés (information médicale, information relative aux vacances, etc.). Si l’on ajoute les résultats relatifs à l’information quelle qu’elle soit, 49% des répondants ont opté pour des motifs reliés à l’information.

Ladhari et Morales (2008) ont utilisé un questionnaire de mesure de la qualité des bibliothèques (LibQual+ TM) auprès d’un échantillon d’usagers de bibliothèques publiques canadiennes. Leurs résultats ont montré l’importance de la bibliothèque en tant que lieu; le local de la bibliothèque est perçu comme déterminant dans la qualité du service. Il doit offrir des espaces d’étude, de lecture, de formation et de rencontre. Le dernier déterminant de la qualité des bibliothèques publiques est, dans cette étude, le contrôle de l’information. Les usagers sont sensibles aux espaces, aux collections et aux outils de référence, mais ne demandent pas d’aide à la recherche d’information.

Les enquêtes de perception du public posent des questions variées, si bien que leurs résultats ne peuvent être comparés. Toutefois, une constante apparait : l’importance et la valeur de la bibliothèque publique aux yeux du public.

2.1.3.2 Perception des professionnels

La thèse de Smith (2008) porte sur la perception des bibliothécaires texans quant au rôle de la bibliothèque publique. Smith a mené deux focus-groupes et trois entrevues individuelles avec des bibliothécaires. Pour eux, le rôle le plus important de la bibliothèque publique est la présentation de la variété des points de vue (62% des répondants), la démocratie (19%), la bibliothèque en tant qu’université du peuple (14%), la bibliothèque en tant que centre communautaire (2%). Les trois services les plus importants selon les bibliothécaires sont les collections (68% des répondants), l’accès aux nouvelles technologies (62%), le service à la clientèle (51%), les services et ressources pour tous les âges (48%), l’aide à la recherche d’information (33%), le conseil de lecture (21%), les services et ressources pour toutes les cultures (11%) et la référence aux services sociaux (4%). Pour les professionnels, la fonction principale de la bibliothèque est l’information (69%), l’éducation (10%), le divertissement (4%), l’animation (4%), et autres (9%). La bibliothèque idéale pour les professionnels serait une bibliothèque qui assurerait l’égalité d’accès (43% des répondants), qui serait centrée sur la clientèle (32%), qui offrirait une aide, un service aux particuliers (11%), qui agirait en toute impartialité (6%).

La thèse de Smith (2008) repose sur un échantillon restreint et de convenance. Toutefois, c’est à ma connaissance, la seule recherche effectuée auprès des bibliothécaires, sur le rôle des bibliothèques publiques. Ses résultats sont donc précieux.

2.1.3.3 Perception des élus

La section de l’IFLA « Théorie et recherche sur la bibliothéconomie » a initié en 2002 une recherche internationale sur les attitudes des politiciens vis-à-vis des

bibliothèques publiques. Les rapports de la Croatie, de la Norvège, des Pays-Bas, de l’Ouganda et de l’Australie sont disponibles. L’étude croate a porté sur des fonctionnaires et non sur des élus. Elle n’est pas donc présentée ici. Les autres ont aussi inclus des fonctionnaires et des responsables des associations des bibliothèques. Les résultats concernant ces participants ne sont pas retenus pour cette recherche.

Audunson (2005) présente le cas de la Norvège. Il a réalisé des entrevues avec sept parlementaires de toutes les allégeances politiques en 2003, et a réutilisé les résultats d’une enquête par questionnaire qu’il avait menée en 1998 auprès d’élus municipaux. Dans cette enquête, les élus municipaux norvégiens mentionnent l’éducation comme rôle prioritaire de la bibliothèque publique, tandis que l’accueil des communautés culturelles arrive en bas de liste. Pour ces élus, l’investissement des municipalités dans les bibliothèques publiques vise la promotion de l’alphabétisation et du patrimoine, tandis que le rôle de centre communautaire n’est pas reconnu. Les entrevues avec les parlementaires ont confirmé l’importance du livre, de l’alphabétisation et du patrimoine pour les élus norvégiens. Ceux- ci sont particulièrement sensibles à la promotion du livre et de la lecture. Un seul parlementaire sur sept a évoqué l’accès aux nouvelles technologies et l’aide à la recherche d’information. Les élus nationaux sont plus sensibles à la bibliothèque en tant que lieu de rencontre que leurs homologues municipaux. Par contre, les premiers sont moins sensibles au rôle social de la bibliothèque que les seconds. Tous se retrouvent pour regretter le peu de visibilité de la bibliothèque et son absence dans les médias et autres cercles d’influence dans la société norvégienne. Les élus reconnaissent que la bibliothèque publique contribue à la société démocratique mais ne considèrent pas que ce soit son rôle de former le citoyen. Selon Audunson (2005), les bibliothèques publiques sont considérées comme des services essentiels par les élus norvégiens.

Aux Pays-Bas, la Public Library Vlissingen (2003) a mené une enquête similaire auprès d’élus municipaux, régionaux et nationaux. Pour eux, la principale fonction des bibliothèques publiques est essentiellement une fonction d’information (32,4%), une fonction culturelle (35,1% des répondants), une fonction sociale (13,5%; le pourcentage est plus élevé chez les élus des petites municipalités), une fonction éducative (5,4%) et autre (13,5%). La bibliothèque publique est largement reconnue comme un service public

essentiel (51,4% sont totalement d’accord et 48,6% sont d’accord), une institution essentielle dans une société démocratique (35,1% sont totalement d’accord et 64,9% sont d’accord), un service qui promeut l’inclusion sociale (21,6% sont totalement d’accord, 56,8% sont d’accord, mais 21,6% n’ont pas d’opinion). Par contre, le soutien à l’éducation n’est pas reconnu par les élus des Pays-Bas (18,9% sont d’accord mais 29,7% ne le sont pas, tandis que 51,4% n’ont pas d’opinion). La promotion de la liberté intellectuelle est débattue par les élus (51,4% ne sont pas d’accord, 8,11% n’ont pas d’opinion, tandis que 18% sont totalement d’accord et 21,6% sont d’accord). La capacité des bibliothèques à faire une différence dans la communauté est mise en doute par une majorité d’élus (70,3% ne sont pas d’accord, 8,11% n’ont pas d’opinion, 18,9% sont d’accord et 2,7% sont totalement d’accord). Les résultats sont donc mitigés : la bibliothèque est reconnue mais ses capacités le sont moins. Les élus des Pays-Bas apprécient plus ou moins leur participation au développement des bibliothèques publiques (2,7% extrêmement, 18,9% beaucoup, 56,8% raisonnablement, 21,6% un peu). Ceux qui n’apprécient pas mettent en cause un domaine pas assez innovateur et décisif à leur goût.

En Ouganda, Ikoja-Odongo (2003) a enquêté par questionnaire auprès de parlementaires et d’élus locaux. Pour ces derniers, la bibliothèque publique est une source d’information, de divertissement, un lieu de lecture et d’alphabétisation. Les élus voient la bibliothèque publique comme un service démocratique qui peut donner accès à l’information gouvernementale. L’auteur rappelle toutefois que les collections des bibliothèques publiques sont particulièrement désuètes.

En Australie, Smith (2004) a envoyé par courriel un questionnaire à l’ensemble des élus au niveau des municipalités et des États. Pour les élus municipaux, l’information et le divertissement sont les principales fonctions de la bibliothèque publique. Mais le rôle de centre communautaire est aussi important. Pour les élus au niveau des États, l’éducation et l’accès à l’information sont les fonctions principales de la bibliothèque publique. Pour tous, la bibliothèque est un service public essentiel qui soutient l’éducation, promeut l’inclusion sociale, la démocratie et la liberté intellectuelle. Les élus australiens reconnaissent la capacité des bibliothèques publiques à faire une différence dans la communauté.

Ces enquêtes menées sur la base d’un même questionnaire offrent des résultats variés en fonction des pays, mais aussi en fonction du niveau électoral des élus. Tous reconnaissent la bibliothèque publique mais ses fonctions varient.