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Rôles et responsabilités des élus municipaux québécois

2.2 Les élus municipaux québécois face aux bibliothèques publiques

2.2.3 Rôles et responsabilités des élus municipaux québécois

Le système municipal québécois se compose de plusieurs types de municipalités. Certaines municipalités sont régies par le Code municipal (Québec (Province), 2007a); ce

sont des municipalités de petite taille. Les municipalités plus grosses sont régies par la Loi sur les cités et villes, le statut de cité étant tombé en désuétude depuis les années 1970 (Québec (Province), 2007b). Enfin, quelques municipalités sont régies par des lois spéciales. Toutefois, « bien que régies par des fondements juridiques différents, on peut admettre que la différence, entre les municipalités urbaines […] et les municipalités de villages et de campagne […] a tendance à s’amenuiser sous la pression du mouvement de l’urbanisation au Québec » (Gravel, 1999, p. 21-22).

À travers les textes de loi et la littérature professionnelle, le fonctionnement municipal est présenté, notamment les rôles des élus municipaux québécois en ce qui a trait aux bibliothèques publiques autonomes. Dans un second temps, les responsabilités des élus municipaux vis-à-vis des bibliothèques publiques sont explicitées.

2.2.3.1 La gestion municipale

La gestion municipale au Québec est décidée par un conseil municipal élu. Elle est alors menée par le directeur général de la municipalité et les fonctionnaires employés dans les divers services et départements de la municipalité.

Le conseil municipal

Le conseil municipal, composé d’un maire et de plusieurs conseillers municipaux (au minimum six dans les municipalités de moins de 20 000 habitants), est élu pour quatre ans. Dans les grandes municipalités, il existe aussi des conseils d’arrondissement dont les élus siègent au conseil de ville. Certaines fonctions sont alors déléguées aux conseils d’arrondissement, notamment la fonction Loisirs dont dépendent généralement les bibliothèques publiques (Québec (Province). Ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir, 2005). Dans le cas des villes fusionnées en 2002 puis démembrées en 2006, les municipalités sont responsables des services de proximité, dont les bibliothèques publiques, tandis que les services d’intérêt collectif sont gérés par des conseils d’agglomérations (Québec (Province). Ministère des Affaires municipales et des Régions, 2005).

L’élu joue principalement trois rôles : il représente les électeurs auprès du conseil municipal et informe les citoyens; il légifère dans le cadre des compétences de la municipalité, principalement urbanisme, zonage, réseau routier local, transport en commun en milieu urbain, eau potable, assainissement des eaux usées, gestion des matières résiduelles, développement communautaire et culturel, cour municipale, habitation, logement social, police, protection des incendies, mesures d’urgence, mais aussi culture, loisirs, activités communautaires, parcs, développement économique local, production d’énergie, environnement, salubrité, nuisances et sécurité (Québec (Province). Ministère des Affaires municipales et des Régions, 2005); il administre la municipalité et ses services de manière à viser l’efficacité et une utilisation rationnelle des ressources de la municipalité (Québec (Province), 2007a, article 142.1; Québec (Province), 2007b, article 47). Le maire a droit de surveillance, d’enquête et de contrôle sur le fonctionnement des services municipaux, dont la bibliothèque publique autonome (Québec (Province), 2007b, article 52). Le conseiller municipal peut être nommé à des commissions ou à des comités créés par le conseil; la bibliothèque relève d’une de ces commissions, ou d’un de ces comités. L’élu peut aussi être en charge de dossiers spéciaux (Prévost, 1999; Québec (Province), 2007a, article 82; Québec (Province), 2007b, article 70).

Représentation et information des citoyens

Les conseillers municipaux sont élus pour représenter les citoyens. Mais ils doivent, en retour, les informer. Pour ce faire, les élus peuvent utiliser divers outils de communication. Parmi eux, le bulletin municipal est particulièrement intéressant parce qu’il est destiné à informer régulièrement le public sur la gestion municipale et non sur un service en particulier. Le bulletin municipal est un périodique d’information dont l’objectif est de « renseigner efficacement et de favoriser l’utilisation maximale des services offerts à la population. Son contenu résume la vie municipale » (Penven & Lupien, 1997, p.27). Il permet de renseigner les citoyens, de promouvoir les évènements et de légitimer l’action du conseil municipal (Lux, 2002).

Les bibliothèques publiques ne sont pas des enjeux politiques dans la mesure où elles ne sont pas l’objet de polémiques, débats, etc. dans les instances politiques ni dans les campagnes électorales (Rasmussen & Jochumsen, 2003; Tarin, 1998; Usherwood, 1993). Pour Baillargeon, « de toutes les institutions culturelles, la bibliothèque publique semble être la plus discrète, celle dont on parle le moins » (2004b, p. 11). Le bulletin municipal présente les évènements qui touchent la bibliothèque publique tout au long de son histoire.

Législation

Dans son rôle de législateur, l’élu produit des politiques. Une politique culturelle municipale est un « cadre général par lequel une municipalité exprime par écrit ses aspirations et ses volontés » (La Durantaye, 2001, p. 32). Dans la politique, la municipalité définit « les domaines qu’elle considère de sa responsabilité, le rôle qu’elle entend exercer et les limites de son engagement » (Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications, Regroupement québécois du loisir municipal, 1997, p. 29). La municipalité exprime ses priorités, ses valeurs, ses représentations des bibliothèques publiques entre autres. L’adoption d’une politique culturelle municipale étant un préalable requis par le gouvernement québécois pour signer une entente globale de développement culturel (Québec (Province). Ministère des Affaires culturelles, 1992, p. 135), de nombreuses municipalités se sont dotées de politiques culturelles municipales (Gauthier & Roy-Valex, 2004; Ricard & Garon, 2004). Quatre-vingt pour cent de ces politiques ont en effet été adoptées après 1992 (Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications, 2000a), soit après la publication de la Politique des arts et de la culture (Québec (Province). Ministère des Affaires culturelles, 1992). En 2000, 3,3% des municipalités avaient une politique culturelle. Mais si l’on ne regarde que les municipalités de plus de 10 000 habitants, plus du tiers d’entre elles ont une politique culturelle, concernant 42% de la population totale du Québec (Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications, 2000a, p. 3). Les bibliothèques se situent au troisième rang des domaines d’action mentionnés dans les objectifs des politiques culturelles municipales du Québec, suggérant que « ce volet de l’action culturelle municipale représente maintenant un acquis » (Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications, 2000a, p.

9). Pourtant les bibliothèques ne sont mentionnées que dans 11,3% des politiques culturelles municipales du Québec (La Durantaye, 2002, p. 308).

Administration

Dans son rôle d’administrateur, l’élu décide de la structure administrative de la municipalité, c’est-à-dire le canevas sur lequel sont positionnés les différents acteurs sur différents paliers hiérarchisés. Au Québec, la structure administrative d’une municipalité est organisée sur trois paliers : le premier est celui du conseil municipal élu; le second est celui du directeur général qui, sous l’autorité du conseil, est responsable de l’administration de la municipalité (Québec (Province), 2007a, article 211; Québec (Province), 2007b article 113-114; Québec (Province). Ministère des Affaires municipales et des Régions, 2005); et les services municipaux se situent au troisième palier. Ces services peuvent être divisés en deux catégories selon qu’il s’agisse de services de soutien à la gestion municipale, comme le service de gestion des ressources humaines, ou bien de services de première ligne c’est- à-dire des services directement en lien avec les citoyens. Les gestionnaires des services municipaux, dont le responsable de la bibliothèque, se chargent d’appliquer les décisions prises par le conseil municipal. Ils doivent rendre des comptes au conseil (Québec (Province), 2007a, article 176.5; Québec (Province), 2007b, article 82). Ils agissent comme intermédiaires entre le conseil et la population (Québec (province). Ministère des Affaires municipales et des Régions, 2005).

Dans cette structure, les bibliothèques publiques relèvent ainsi souvent du service Loisirs (Gagnon, 1996; Gravel, 1999; Prévost, 1999). Les services municipaux des loisirs se sont diversifiés dans les années 1990. La culture, le développement sociocommunautaire et le « récréotourisme » se sont ajoutés au sport (Gagnon, 1996, p. 161-164). Ainsi, en 2005, sur 106 bibliothèques publiques autonomes au Québec, 53 étaient sous la responsabilité du service des loisirs, 19 du directeur général, 2 du secrétaire trésorier, 15 du service culturel, 11 d’un conseil d’administration et 6 d’une autre entité (Québec (Province). Ministère de la Culture et des Communications, 2007).

Au Québec, il n’est pas rare de constater, dans l’organisation administrative de nos municipalités, que culture soit une subdivision de loisir et que la bibliothèque soit une subdivision de culture. C’est dire la place qu’on lui donne souvent dans la hiérarchie municipale (Baillargeon, 2004b, p. 12). Cependant, selon la taille des villes, la départementalisation est différente. Dans tous les cas,

la place de la bibliothèque dans l’organigramme est significative parce qu’elle détermine les moyens de communication entre la bibliothèque et son autorité de tutelle (Mittermeyer, 1994).

2.2.3.2 Les responsabilités des élus vis-à-vis des bibliothèques publiques

Dans la littérature, on distingue cinq niveaux d’intervention des municipalités dans la gestion des bibliothèques publiques :

(1) Ce sont les élus qui décident de l’existence ou non des bibliothèques publiques. En effet, la création des bibliothèques est laissée à l’initiative des élus. Au Québec, rien n’a jamais obligé ni n’oblige encore les municipalités à créer une bibliothèque publique (Crépeau, 1999; Gagnon, 1985). L’élu peut donc choisir de créer, de réaménager ou de fermer tout ou une partie de la bibliothèque publique.

(2) Les élus interviennent dans la définition des missions, des objectifs des bibliothèques publiques et de leurs modalités d’application. En réalité, divers groupes d’acteurs influencent les missions des bibliothèques publiques : les élus, les usagers et les professionnels au plan local (Bertrand, 2002), mais plus globalement, on peut y ajouter les organismes professionnels ou culturels comme l’ASTED et l’UNESCO (Bouthillier, 1997). Toutefois, c’est le conseil municipal qui entérine les missions de la bibliothèque publique autonome dans une délibération ou un règlement.

(3) Toutes les décisions concernant le niveau des ressources (humaines, matérielles et financières) et les contrats pour les activités sont prises par les élus. L’autorité et la décision politique leur reviennent (Bertrand, 1995). Ainsi, ils décident en matière de ressources humaines à allouer aux bibliothèques (en termes de recrutement, de salaire et de carrière),

des ressources matérielles (mobilier, outils technologiques de travail, etc.), des ressources financières et des contrats avec des intervenants pour des activités diverses.

(4) Les élus demandent des comptes aux bibliothécaires. Ils peuvent imposer des évaluations qualitatives et quantitatives des activités des bibliothèques publiques.

Tout officier municipal est tenu de faire à la municipalité ou à toute personne autorisée, de la manière fixée par le conseil, un rapport par écrit sur toutes les matières relevant de ses fonctions… (Québec (Province), 2007a, article 176.5; Québec (Province), 2007b, article 82).

(5) Les employés municipaux, y compris les bibliothécaires, n’ont pas à répondre aux plaintes des citoyens. Ultimement, ce sont les élus qui reçoivent les complaintes des usagers insatisfaits, à moins d’avoir instauré un service de relations publiques formé à cet effet (Mittermeyer, 1994). Généralement, tout ce que souhaite l’élu responsable de la bibliothèque est de ne pas en entendre parler; cela veut dire que tout va bien (Mittermeyer, 1994).

Conséquemment, les actions des élus vis-à-vis des bibliothèques publiques s’articulent autour de ces cinq responsabilités indiquées dans le Tableau 6.

Tableau 6 - Les actions des élus municipaux pour les bibliothèques publiques

Responsabilités des élus Les actions possibles des élus Existence ƒ ƒ Création Réaménagement

ƒ Fermeture

Définition des missions, des objectifs et des modalités d’application

ƒ Énoncé de mission ƒ Politiques diverses

ƒ Plan stratégique

Allocation des ressources et décisions sur les activités

ƒ Budget ƒ Personnel ƒ Technologies

ƒ Ententes et contrats pour les activités Mesure de l’efficacité ƒ Rapport annuel d’activités