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Partie 1 l'incontinence urinaire

6.2 Facteurs de risque

6.2.4 Le vieillissement

6.2.4.1 Physiopathologie

Le vieillissement est à l'origine de modifications histologiques et fonctionnelles. Concernant les paramètres de biologie moléculaire et cellulaire, on observe une perte de la contractilité et d'élasticité du détrusor par raréfaction des fibres musculaires lisses, infiltration de fibres conjonctives et de collagène dans les faisceaux musculaires. Ceci se traduit fréquemment par un résidu post-mictionnel. L'atrophie urogénitale provoque un amincissement de l’épithélium urétral et une diminution du volume et de la vascularité de sa muqueuse. Le col vésical devient plus rigide et on parle d'ischémie de la vessie. Par ailleurs le nombre de cellules adipeuses augmente autour de la vessie. On constate une perte de tonus et une atrophie des sphincters lisse et strié avec diminution de la pression

Figure 15: Mécanisme de l'inflammation dans les adipocytes. D'arès Jaap

de fermeture. Une diminution du réflexe inhibiteur parasympathique provoque des contractions vésicales involontaires. Au microscope on observe un élargissement des espaces entre les cellules musculaires. On constate une altération du seuil de sensibilité pour détecter le besoin d'uriner et une augmentation de l'activité du récepteur cholinergique M3 situé sur l'urothélium. La libération d'acétylcholine synthétisée directement dans les cellules de l'urothélium pendant la phase de remplissage augmente également.

Les ROS (reactive oxygen species) liées à l'inflammation qui augmentent avec l'âge auraient également un rôle car on observe un accroissement de la production de leucotriènes et prostaglandines qui causent des contractions du détrusor.

6.2.4.2 La nycturie

La nycturie est un trouble très gênant qui réveille les personnes âgées une à plusieurs fois dans la nuit. C'est une des principales causes de perturbation du sommeil chez le sujet âgé.

En premier lieu il peut exister une polyurie nocturne qui est définie par l'existence d'une diurèse supérieure à 33% de la diurèse des 24 h. Elle peut être causée par des modifications physiologiques liées à l'âge comme la perturbation de la sécrétion de l'hormone antidiurétique (ou vasopressine), du facteur natriurétique ou des hormones du système rénine-angiotensine-aldostérone.

ADH : hormone antidiurétique ; ACTH : hormone adrénocorticotropine ; ATR1 : récepteur de type 1 de l'angiotensine II.

L'hormone antidiurétique ou ADH (Fig.16), produite par l'hypothalamus, augmente la capacité de concentration des tubules rénaux distaux ce qui favorise la réabsorption hydrique. Chez le sujet sain il y a un pic nocturne de sécrétion d'hormone antidiurétique mais avec l'âge ce pic diminue ou disparaît ce qui participe à la diurèse nocturne. Le facteur natriurétique est une hormone synthétisée par l'atrium droit du cœur qui diminue la réabsorption de sodium dans les urines et permet donc de diminuer la pression artérielle en augmentant la production d'urine. La synthèse du facteur natriurétique est augmentée en cas d'apnée du sommeil, un syndrome dont la fréquence augmente avec l'âge. En effet l'apnée du sommeil induit une hypoxie qui provoque une augmentation de la pression dans l'oreillette droite et donc une augmentation de la sécrétion du facteur natriurétique. L'insuffisance cardiaque ou veineuse ou les médicaments peuvent provoquer des œdèmes et lors de la position allongée la nuit, la mobilisation des fluides provoque une nycturie. Il faut donc adapter les traitements liés à l'insuffisance cardiaque ou provoquant des œdèmes comme les inhibiteurs calciques et les diurétiques doivent être pris au moins 6 heures avant le coucher.

6.2.4.3 Pathologies favorisant l'incontinence urinaire

Les personnes âgées connaissent une perte de mobilité, ce qui peut affecter l’habilité à se Figure 16: Système rénine-angiotensine.ECA : enzyme de conversion

rendre aux toilettes ainsi qu'une diminution de la dextérité manuelle, liée par exemple à l’arthrose sévère, qui empêche de se déshabiller à temps. Rappelons que l'IU est une cause importante de chutes dans la population âgée. Les problèmes psychiatriques ou cognitifs comme la démence ou la maladie d’Alzheimer empêchent de bien reconnaître le besoin d'uriner. Certaines pathologies plus courantes chez les personnes âgées favorisent l'IU, comme l'insuffisance cardiaque, l'hypertension, l'obésité, les accidents vasculaires cérébraux, la broncho-pneumopathie chronique obstructive et l'apnée du sommeil. La constipation chronique crée une augmentation de la pression abdominale par les poussées répétées qu'elle entraîne et peut causer une incontinence urinaire d'effort. Les prolapsus, plus fréquents dans cette population, favorisent l'incontinence urinaire d'effort car il y a une ptôse du col de la vessie qui empêche la transmission des pressions de l'abdomen vers l'urètre. Lors d'un prolapsus on observe une hyper mobilité de l'urètre.

6.2.4.4 La polymédication

Les personnes âgées peuvent souffrir de plusieurs pathologies chroniques ce qui provoque une hausse du nombre de traitements. Or ces traitements peuvent causer des effets indésirables quand il s'agit de traiter l'incontinence urinaire et des interactions médicamenteuses peuvent se révéler. Par exemple on peut prescrire des anticholinergiques pour traiter l’IU. Mais ils peuvent avoir comme effet indésirable d'aggraver l'insuffisance cardiaque du patient. Pour traiter cette pathologie, on va alors prescrire un inhibiteur de l'enzyme de conversion comme le captopril qui peut provoquer une toux comme effet indésirable et cette toux risque d'augmenter l'incontinence urinaire d'effort. Autre exemple: une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer prend un inhibiteur de cholinestérase comme la rivastigmine dont un des effets indésirables est l'IU. On lui prescrit alors un anticholinergique pour traiter l'IU mais ce dernier augmente les troubles cognitifs déjà présents chez ce patient. De plus les anticholinergiques et les anticholinestérasiques ont un mécanisme d'action opposé.

Certains médicaments, par divers mécanismes, sont connus pour augmenter l'incontinence surtout chez les personnes âgées ou chez les personnes associant plusieurs facteurs de risques.

-Les anticholinergiques: antiparkinsoniens, antidépresseurs imipraminiques, neuroleptiques (clozapine), bronchodilatateurs, anticholinergiques urinaires, prednisone, lopéramide, hydroxyzine, furosémide, coumadine...Ils bloquent les récepteurs M2 et M3 du détrusor et empêchent les contractions des fibres musculaires lisses durant la phase de stockage. Il y a alors des fuites par regorgement. Ils peuvent mener à une rétention aiguë d'urine qui est une urgence médicale et participent aussi à la « charge anticholinergique ».

-Le lithium altère la réponse rénale à l'hormone antidiurétique qui est synthétisée par l'hypothalamus. L'hormone antidiurétique diminue le volume d'urine en augmentant la perméabilité à l'eau du tube collecteur par l'augmentation de synthèse d'aquaporines 2 situées dans la membrane apicale des cellules du canal collecteur. Les aquaporines sont des protéines qui facilitent la pénétration d'eau à travers la bicouche lipidique de la membrane plasmique. La fixation de l'hormone antidiurétique à son récepteur est couplée à une adénylate cyclase et entraîne une stimulation de la protéine kinase A. Cette kinase régule le taux de phosphorylation de l'aquaporine 2 stockée dans des vésicules sous- membranaires des cellules du canal collecteur. La phosphorylation de l'aquaporine 2 provoque son insertion dans la membrane qui devient immédiatement perméable à l'eau. Le lithium diminue le couplage de l'hormone antidiurétique avec son adénylate cyclase et induit donc une augmentation de la volémie et peut provoquer une polyurie allant jusqu'à 3 L par jour, dans ce cas on peut prescrire de l'amiloride (5 ou 10 mg par jour) comme diurétique

-Les diurétiques (furosémide, hydrochlorothiazide, spironolactone) : ils stimulent le système rénine-angiotensine et induisent une augmentation de sécrétion de rénine et aldostérone. Le plasma s'élimine alors sous forme d'urine.

-Certains médicaments favorisent l'insuffisance sphinctérienne comme les myorelaxants qui agissent sur le sphincter strié de l'urètre. Les antagonistes α adrénergiques (alfuzozine, prazozine) diminuent le tonus musculaire lisse dans l'urètre. Ils relaxent le col vésical et les cellules musculaires lisses de l'urètre, ce qui compromet les forces de retenue du système urinaire. Ils entraînent une incontinence particulièrement en cas d'association avec des médicaments qui augmentent le volume urinaire comme le lithium ou les diurétiques.

-La toux chronique peut être d'origine médicamenteuse et favoriser l'IU d'effort en augmentant la pression abdominale. Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (particulièrement le captopril et l'enalapril) causent une toux chez 5 à 20 % des patients traités et les sartans chez 3 à 4 % des patients (particulièrement l'olmésartan) (31).

On observe une toux sèche souvent quinteuse qui apparaît dans les 6 semaines après le début du traitement. La cause de la toux sous IEC est une accumulation locale de bradykinine et de substance P, des médiateurs de l'inflammation qui sont physiologiquement inactivés par l'enzyme de conversion de l'angiotensine. La toux sous sartans serait due à un mécanisme allergique. Les bêta-bloquants par voie générale ou ophtalmique (timolol) provoqueraient une toux par hyper-réactivité bronchique.

-Les inhibiteurs de cholinestérase (rivastigmine): ils augmentent la contractilité de la vessie et peuvent favoriser l'IU par urgenterie car il y a plus d'acétylcholine agissant sur

les récepteurs M3 du détrusor.

-l'hormonothérapie substitutive par voie orale aggrave l'IUE sans que l'on sache pourquoi alors que l’œstrogénothérapie locale est un traitement adjuvant de l'incontinence. -Les médicaments qui peuvent favoriser la constipation sont à éviter car elle aggrave l'incontinence urinaire d'effort à cause des efforts de poussée répétés. Par exemple les sels de calcium et de fer, les anticholinergiques, les inhibiteurs calciques, les opioïdes sont à éviter.

Enfin, malgré l'arsenal thérapeutique dont on dispose (médicaments, rééducation, chirurgie...) la Consultation Internationale de l'Incontinence a déclaré que les patients faibles et âgés ont très peu de chance de retrouver la continence. Ces personnes grabataires se trouvent souvent en maison de retraite où l'incontinence est parfois considérée comme une fatalité et l'usage de protections urinaires est une facilité lorsque le personnel manque pour aider les personnes à aller aux toilettes.

L'arsenal thérapeutique n'est pas suffisamment exploité chez les personnes âgées. Toutefois si l'incontinence est très sévère elle est plus difficile à traiter, la rééducation ne peut se faire que chez des personnes motivées et sans troubles cognitifs. Les techniques de chirurgie ne sont pas indiquées chez des personnes démentes ou très âgées par exemple.

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