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CHAPITRE 1 er Les premiers signes de mécontentement mélanésien

V. La vie économique et le développement de certaines industries

Les années 1950 ont vu l’émergence d’une industrie de pêche aux Nouvelles-Hébrides. « La création de cette industrie nécessitait l’installation sur place d’une usine frigorifique et d’une conserverie de thon »457. À cette époque, « l’usine frigorifique venait tout juste d’être

achevée et fut financée par des capitaux britanniques étant dirigée par M. Gubbay, ressortissant britannique »458. Son montage a nécessité l’appel à des techniciens japonais qui, à cause des

événements récents liés à la Seconde Guerre mondiale, n’étaient pas initialement attendus avec impatience dans l’archipel. En fin de compte, trente-quatre spécialistes sont venus sous réserve qu’ils forment sur place « du personnel local pour faire fonctionner l’usine et qu’ils soient obligatoirement rapatriés à l’expiration d’un séjour de trois ans »459. En ce qui concerne les

Français, la charge leur incombait de construire la conserverie de thon qui a encore une fois nécessité l’introduction d’une main-d’œuvre japonaise. Cela dit, le gouvernement français a rencontré des difficultés auprès du gouvernement britannique concernant l’introduction dans le condominium de cette main-d’œuvre japonaise460. « Bien que le Protocole franco-britannique

de 1914 ne fît pas obligation en cette matière à l’une des autorités administratives de recueillir l’accord de l’autorité conjointe, les deux Commissaires-Résidents se sont toujours concertés en matière d’immigration asiatique »461. Après quelques années de stagnation, en juin 1957, et pour

457 AD, série Asie-Océanie, 1956-1967, carton 16, note au sujet de l’introduction de main-d’œuvre japonaise dans

le condominium des Nouvelles-Hébrides, auteur et date non indiqués, p. 1.

458 Ibid. 459 Ibid.

460 Les difficultés dans les négociations étaient surtout dues à l’obstination du gouvernement australien à l’effet

que le gouvernement de Londres consultait sur les questions d’immigration asiatique. Voir Ibid.

461 Cela dit, le protocole de 1914 stipulait que « les ressortissants des tierces puissances jouissaient des mêmes

droits étant soumis aux mêmes obligations que les citoyens français et les sujets britanniques; ils avaient seulement à opter dans le délai d’un mois pour le régime applicable aux ressortissants de l’une ou de l’autre puissance. Voir

Ibid. Or, si le régime applicable aux ressortissants britanniques permet d’être assuré que la condition de

rapatriement à l’expiration d’un séjour de trois ans pourra être exécutée, le chaos a vu le jour puisqu’il n’était pas certain qu’il en serait de même du régime applicable aux ressortissants français. Voir Ibid et AD, série Asie- Océanie, 1956-1967, carton 16, lettre du ministre des Affaires étrangères à l’ambassadeur de France sur l’introduction de main-d’œuvre japonaise aux Nouvelles-Hébrides, 27 décembre 1957.

sortir de l’impasse, le Commissaire-Résident français Pierre Anthonioz462 a « simplement

accepté de laisser l’entreprise responsable de la construction de la conserverie libre de faire opter ses employés japonais pour le statut britannique » (rapatriement obligatoire après un séjour de trois ans)463. En somme, malgré son insignifiance à long terme, la question de la main-d’œuvre

japonaise pour la construction de la conserverie expose les défauts et les problèmes du système condominial.

Le 3 mars 1957, la Compagnie française des pêcheries du Pacifique a été créée464.

L’équivalent britannique de cette compagnie française était la South Pacific Fishery Company

462 Pierre Anthonioz est né à Genève en 1913. En tant qu’officier d’infanterie pendant la Seconde Guerre mondiale,

il a été grièvement blessé lors de la bataille de France en 1940 avant de rejoindre les rangs des Forces françaises libres en Tunisie, en Italie et en France. Après avoir servi en tant que lieutenant-colonel en Indochine (1946-1947), il a représenté la France aux Nouvelles-Hébrides comme Commissaire-Résident français pour la période de 1949 à 1958. Dans ses mémoires des Nouvelles-Hébrides, Anthonioz a particulièrement mis l’accent sur les désaccords entre lui et le Syndicat agricole – organisme qui a vu le jour après le décret du 19 juin 1935 qui a créé dans l’archipel une association agricole de cautionnement mutuel. Voir ANOM, Fonds ministériels, 3ecol/37/11, Philippe Mermet, Résultats économiques du condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides, 1939, p. 81. Par conséquent, des syndicats agricoles pouvaient se constituer et obtenir des avances de l’association. Anthonioz explique que les différends ont surgi lorsqu’il a constaté qu’un grand nombre de planteurs et de commerçants n’obéissaient pas à la législation de la Convention de 1906, loin s’en faut. Pour remédier au problème, il a insisté à ce qu’un inspecteur du travail fut choisi pour suivre de plus près la situation. Malgré les protestations de la SFNH et les membres du Syndicat agricole, l’inspecteur du travail est venu aux Nouvelles-Hébrides pour effectuer une série de tournées d’inspection (trente-six pour 1951) mais sa tâche fut compliquée par ceux qui opposaient sa présence (notamment la SFNH). Dans un autre registre, en ce qui concerne les Nouvelles-Hébrides, Anthonioz souligne également le fait que les Britanniques ont gouverné selon un système d’administration indirecte tandis que les Français ont gouverné selon un système d’administration directe. Voir BNF, synthèse des Nouvelles-Hébrides pour l’année 1951, auteur non indiqué, p. 37 et Pierre Anthonioz, « Pierre Anthonioz: French Resident Commissioner, 1949-1958 », dans Bresnihan et Woodward, ed., Tufala Gavman, op. cit., pp. 73, 77 et 78.

463 AD, série Asie-Océanie, 1956-1967, carton 16, note au sujet de l’introduction de main-d’œuvre japonaise dans

le condominium des Nouvelles-Hébrides, auteur et date non indiqués.

464AD, série Asie-Océanie, 1956-1967, carton 16, lettre du Commissaire-Résident de France aux Nouvelles-

Hébrides au Haut-Commissaire de la République dans l’Océan pacifique et aux Nouvelles-Hébrides sur l’usine de conserverie de poisson et l’emploi de main-d’œuvre japonaise, 9 avril 1958.

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qui a commencé ses opérations le 1er novembre 1957 à Palekula sur Santo465. Centrée sur le

thon, la South Pacific Fishery Company employait trente-quatre citoyens japonais qui achetaient du thon aux termes d’un contrat avec des navires de pêche japonais466. Alors qu’il n’y avait

aucune exportation en 1957, en 1958, cette compagnie a exporté plus de 3 500 tonnes de poisson congelé principalement aux États-Unis et au Japon mais aussi au Canada et en France467. En

1959, la même compagnie a exporté 3 709 tonnes de poisson congelé468. Les installations à

Palekula comprenaient : « une usine pour la fabrication et le stockage de la glace, une usine de congélation à 30 degrés, une installation pour stockage de 600 tonnes à 15 degrés, une usine de séchage et de fumage du poisson, une cale de halage pour bateaux de 150 tonnes et des installations pour stockage des carburants »469.

La perspective de l’exploitation minière fut abordée avec beaucoup d’optimisme aux Nouvelles-Hébrides. En 1954, la Compagnie française des phosphates de l’Océanie (CFPO) « détachait aux Nouvelles-Hébrides une mission géologique qui s’attachait à l’étude de l’île de Vaté »470. Ses recherches ont abouti en 1956 à la découverte d’indices sérieux de manganèse à

Forari dans la région est de l’île471. L’année 1958 a vu se poursuivre l’effort entrepris au cours

des années précédentes par certaines sociétés qui avaient obtenu en 1957 l’autorisation personnelle472. Dès la fin de l’année 1958, plus de trente autorisations ont été octroyées avec

983 permis de prospection473. C’est ainsi qu’en décembre 1958 la CFPO a « sollicité une

concession de 4 000 hectares pour manganèse, fer, cuivre et titane recouvrant le gisement de

465 BNF, synthèse des Nouvelles-Hébrides pour l’année 1957, auteur non indiqué, p. 15. 466 BNF, New Hebrides Anglo-French condominium, report for the years 1957-1958, p. 4. 467 Ibid.

468 BNF, New Hebrides Anglo-French condominium, report for the years 1959-1960, p. 4. 469 Ibid.

470 ANOM, archives privées, carton 126APOM//7, note sur le régime minier aux Nouvelles-Hébrides, Résidence

de France aux Nouvelles-Hébrides, date non indiquée, p. 6.

471 Ibid.

472 ANOM, archives privées, carton 126APOM//7, note sur les mines, auteur et date non indiqués, p. 1. 473 BNF, New Hebrides Anglo-French condominium, report for the years 1957-1958, p. 4.

Forari »474. En tout état de cause, la présence des représentants du Bureau de recherches

géologiques et minières qui ont fait la majorité de la prospection à la fin des années 1950 a soulevé beaucoup d’enthousiasme475. Cet enthousiasme s’expliquait par le fait que les gisements

potentiels étaient proches des mouillages, ce qui pourrait enfin donner au territoire l’élan qui lui manquait476. Cela dit, pour les autorités françaises sur place, les gains économiques des

années 1950 étaient eclipsés par la résistance mélanésienne, de plus en plus manifeste dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.

L’histoire de la CFPO fut marquée par une alternance de hauts et de bas. La CFPO a commencé à extraire du manganèse à Forari dans l’île de Vaté en 1962477. Il est important de

noter qu’avant de commencer l’extraction du manganèse, la CFPO a construit une usine, un port et une cité résidentielle à Forari, investissant dans ces installations environ 500 millions de FNH478. À compter de mars 1962, la CFPO employait à Forari 272 ouvriers qui, avec leurs

familles, formaient une agglomération de 512 personnes (96 Européens, 277 Wallisiens et Tahitiens, 37 Vietnamiens, 34 Calédoniens et 68 Mélanésiens des Nouvelles-Hébrides)479.

Toutefois, les débuts à Forari n’étaient pas sans difficultés. « Alors qu’un total de 45 000 tonnes d’exportations fut prévu pour 1962, les exportations se sont limitées finalement à 14 468 tonnes, soit seulement le tiers des prévisions »480. De surcroît, la seule commande pour 1963, portant

sur 5 000 tonnes, fut annulée481. La mine a fini par être fermée en 1968482. Ce phénomène était

474 ANOM, archives privées, carton 126APOM//7, note sur les mines, auteur et date non indiqués, p. 1. 475 BNF, New Hebrides Anglo-French condominium, report for the years 1959-1960, p. 4.

476 ANOM, archives privées, carton 126APOM//7, note sur les problèmes économiques, P. Anthonioz, date non

indiquée, p. 28.

477 AD, série Asie-Océanie 1956-1967, carton 12, note sur les Nouvelles-Hébrides, 19 janvier 1965, auteur non

indiqué, p. 3.

478 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 210, note sur la situation économique des Nouvelles-

Hébrides au début de l’année 1962, Résidence de France aux Nouvelles-Hébrides, mars 1962, p. 14.

479 Ibid.

480 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 209, rapport mensuel pour décembre 1962, Résidence de

France aux Nouvelles-Hébrides, p. 1.

481 Ibid.

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dû au fait que le Japon, principal client du manganèse néo-hébridais, offrait des prix plus bas pour le produit, ce qui a contribué à la faible rentabilité de l’industrie483.

Il y avait aussi d’autres obstacles non résolus depuis plusieurs années qui embarrassaient le développement économique de la colonie. Au cours des années 1960, il y avait toujours le problème de la pénurie générale de main-d’œuvre. Le recensement de 1967 a évalué à moins de 20 000 personnes le chiffre de la population active sur un total d’environ 78 000 habitants où les Européens étaient à peine plus de 3 000484. Le manque de main-d’œuvre qualifiée étant un

problème depuis plusieurs décennies, « le problème s’est même étendu à la main-d’œuvre non qualifiée à cause de l’élargissement des secteurs d’activité économique dû à la création de nouvelles industries »485. Certains secteurs déjà très bien implantés dans la colonie, comme

l’agriculture, ont également été touché. Pour combler le besoin d’ouvriers agricoles, en août 1961, le Syndicat des planteurs des Hébrides a fait venir une vingtaine de familles originaires de Futuna par un bateau spécialement affrété par l’administration française à Santo486. En même

temps, le nombre de Wallisiens a aussi augmenté. De quatre-vingts en 1958, ils étaient passés à 162 en 1961, et ce, en excluant les enfants487.

Toutefois, ce qui a attiré ces Wallisiens et Futuniens aux Nouvelles-Hébrides n’était pas durable. Peu après leur arrivée dans l’archipel, et toujours dans une ambiance de pénurie d’ouvriers, beaucoup de Mélanésiens sont partis en Nouvelle-Calédonie pour y gagner leur vie. Ce phénomène, très défavorable au développement de l’archipel, s’explique par « les hauts salaires en Nouvelle-Calédonie conjugués à une baisse temporaire de la production du coprah dans certaines îles à cause des attaques de parasites ou les coups de vent des dernières

483 Ibid.

484 AD, série Asie-Océanie 1956-1967, carton 20, note sur la France et les Nouvelles-Hébrides, 1970, auteur non

indiqué, p. 6.

485 ANF, carton 19940165/26, procès-verbal du Conseil consultatif des Nouvelles-Hébrides, quinzième session, 5

décembre 1967, p. 7.

486 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 244, compte-rendu sur les événements politiques et

économiques du mois d’août dans la circonscription des îles du nord, R. Gauger, 29 août 1961, p. 1.

487 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 244, compte rendu mensuel sur la situation politique et

années »488. Cette émigration a affecté des ouvriers qualifiés, mais aussi non qualifiés489. Pour

ne citer qu’un exemple, la CFPO a perdu en mai et en juin sept Wallisiens, dont cinq conducteurs d’engins490. Ces derniers recevraient en Nouvelle-Calédonie des salaires de 20 000 à 30 000

Francs CFP, plus des avantages en nature, contre 10 000 à 15 000 Francs à Forari491. De surcroît,

le rapatriement des Vietnamiens, initié dans les années 1950, continuait de plus belle dans les années 1960492. Des manifestations ont souvent eu lieu pour protester contre leur

rapatriement493. Leur retour à la patrie comportait la liquidation des véhicules et des immeubles

dont les gains pécuniaires sont dirigés vers le compte spécial ouvert à cet effet à la Banque d’Indochine494. De même, quelques tentatives d’introduire des ouvriers polynésiens et gilbertins

à la fin des années 1960 échouèrent à leur tour495.

Le tourisme à grande échelle a également été au cœur de la volonté de rentabilisation de la colonie contemplé pour la première fois dans les années 1960. Cette décennie a vu plusieurs paquebots étrangers se mettre à quai transportant des centaines de touristes (l’escale du Saga

488 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 209, synthèse mensuelle pour mai 1965, Résidence de

France aux Nouvelles-Hébrides, p. 6.

489 Ibid.

490 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 209, synthèse mensuelle pour juin 1965, Résidence de

France aux Nouvelles-Hébrides, p. 6.

491 Ibid.

492 À partir du début des années 1960, on voit que les Vietnamiens ont commencé à travailler dans d’autres

domaines que l’agriculture. Ils ont aussi commencé à investir : « constructions en dur, petit commerce, taxis, etc). Voir SHD, archives historiques, carton 12H9, extrait du BR des départements et territoires d’outre-mer, 1962, p. 18.

493 ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 244, compte-rendu sur l’évolution de la situation politique

et économique dans la circonscription des îles du nord, 1er janvier au 4 juin 1961, auteur non indiqué, 2 juin 1961,

p. 1.

494 Ibid.

495 M. Reid, chef du syndicat New Hebrides Workers’ Committee, a critiqué la venue d’ouvriers polynésiens dans

l’archipel; c’est à son instigation, semble-t-il, qu’une motion à cette immigration a été déposée au Conseil consultatif par des membres mélanésiens qu’il avait rencontrés le 8 décembre 1968. Voir ANOM, série Résidence Nouvelles-Hébrides, carton 210, synthèse mensuelle pour décembre 1968, p. 12.

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Fjord à Port-Vila le 9 mars 1967 avec à son bord 390 touristes en est un très bon exemple)496.

Néanmoins, les débuts du tourisme dans l’archipel furent difficiles. Par exemple, le projet de la Société de l’hôtel du Lagon d’un complexe touristique comportant un terrain de golf avec clubhouse, une piscine et un hôtel composé d’une trentaine de bungalows et des aménagements destinés à permettre la pratique de sports nautiques nécessitait un financement partiel de 45 millions de Francs. Le projet ayant subi des accrocs, le financement a finalement été ramené à 30 millions de Francs497. De surcroît, « l’hôtel Vaté a vu se succéder les gérants et le personnel

subalterne, le seul poste permanent de son exploitation étant un coulage dont les proportions affectaient gravement la rentabilité de l’établissement »498.

Malgré les déboires initiaux, le secteur touristique néo-hébridais a souvent servi de terrain de jeu pour des spéculateurs étrangers, voulant à tout prix être partie prenante dans les affaires de la colonie. Eugène Peacock en est un parfait exemple. Originaire de Honolulu à Hawaii où il était homme d’affaires et promoteur, Peacock voyageait régulièrement au Pacifique Sud dans les années 1960 à la recherche des perspectives du marché de l’immobilier à bas prix. Ayant acheté en février 1967 la plantation Graziani à Hog Harbour avec ses associés de la compagnie Amalgamated Land pour une somme de 86 000 dollars américains, à partir de début 1971, la plantation fut divisée en plus de 800 parcelles qui furent vendues, surtout à Hawaii, pour un total de 3 millions de dollars américains499. Aussitôt, Peacock est devenu

célèbre pour sa richesse, établissant sa résidence aux Nouvelles-Hébrides. Il convient aussi de constater que ce citoyen des États-Unis avait des contacts avec des compagnies spécialisées dans la fabrication des maisons préfabriquées pour assurer une implantation touristique rapide dans

496 ANF, carton 19940165/0014, synthèse mensuelle pour le mois de mars 1967, Résidence de France aux

Nouvelles-Hébrides, p. 15.

497 ANF, carton 19940165/0014, synthèse mensuelle pour le mois de mai 1968, Résidence de France aux Nouvelles-

Hébrides, p. 17.

498 ANF, carton 19940165/0014, synthèse mensuelle pour le mois de mars 1967, Résidence de France aux

Nouvelles-Hébrides, p. 15.

499 « New Hebrides: French ambition, British pride – and now American dream », Pacific Islands Monthly, janvier

l’archipel500. À Hog Harbour, il envisageait l’aménagement d’un terrain d’aviation ainsi que la

construction de 760 logements et deux hôtels de trente à quarante chambres501. Somme toute,

les terrains américains ont suscité de nouvelles conceptions quant à la valeur du terrain ainsi qu’aux perspectives de développement502.

Conclusion

Malgré la persistance de certains problèmes qui ont tourmenté les Nouvelles-Hébrides lors des décennies précédentes (notamment la pénurie de main-d’œuvre et le rapatriement des Vietnamiens), les années 1960 sont importantes, car elles dénotent une nouvelle ère dans l’histoire de l’archipel. Tout d’abord, la naissance du Nagriamel indique que les Mélanésiens avaient aussi leurs propres besoins et objectifs, ne voulant plus être de simples sujets et sans le moindre droit. Il va sans dire que pour les Mélanésiens des Nouvelles-Hébrides, la terre était vitale. À partir des années 1960, elle avait acquis, à part sa signification, une valeur qui avait le potentiel d’être utilisée comme véhicule pour l’affranchissement politique. Avec quelques éléments sectaires (comme la fondation d’une nouvelle dénomination), le Nagriamel avait l’étoffe d’une organisation politique, caractéristique qui sera confirmée dans les chapitres suivants. Beaucoup mieux organisé que le mouvement John Frum et avec des ressources financières plus importantes, le Nagriamel fonctionnait à bien des égards comme une nation, une entité avec son propre système de pouvoir, de symboles et de relations avec des territoires externes.

Les années 1960 ont vu l’application d’une nouvelle approche des puissances administrantes – une approche centrée sur les investissements dans les soins médicaux et

500 ANF, carton 19940165/0014, synthèse mensuelle pour le mois de mars 1967, Résidence de France aux

Nouvelles-Hébrides, p. 16.

501 ANF, carton 19940165/0014, synthèse mensuelle pour le mois de juillet 1968, Résidence de France aux

Nouvelles-Hébrides, p. 8. À part ses projets à Hog Harbour, Peacock avait d’autres entreprises dont une exploitation bovine sur Vaté ainsi qu’une subdivision résidentielle aux alentours de Port-Vila - SODEPAC. « New Hebrides: French ambition, British pride – and now American dream », Pacific Islands Monthly, janvier 1971, John Griffin, p. 42.

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l’infrastructure ainsi qu’un rôle plus direct dans la scolarisation des Mélanésiens. En ce qui concerne l’enseignement, les Français étaient à la traîne par rapport aux Britanniques dès le départ. Cela s’explique par le travail précurseur des missionnaires britanniques503. De plus,

l’enseignement britannique, par son système visant l’intégration des Mélanésiens au monde du travail, a attiré un plus grand nombre d’entre eux que l’enseignement français. L’administration britannique disposait également d’un meilleur ensemble d’employés, plus informés quant aux besoins de la population mélanésienne. Il est donc peu surprenant que les Mélanésiens fussent plus enclins à coopérer avec les Britanniques qu’avec les Français. Plus que jamais, durant les années 1960, la France et la Grande-Bretagne ont ressenti le besoin de dialoguer sur la marche à suivre aux Nouvelles-Hébrides, ce dont témoignent les nombreuses réunions qui se tinrent entre les deux pays au cours de cette décennie. Cela dit, il ne faut pas négliger l’obstination des Français qui étaient peu avenants envers tout changement aux Nouvelles-Hébrides. Cette préférence pour le statu quo a retardé le développement de la colonie sur plusieurs fronts tout en rapprochant les Mélanésiens des Britanniques qui étaient beaucoup moins gênés à réformer