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CHAPITRE 2. La politique prend vie aux Nouvelles-Hébrides

VII. L’œuvre culturelle de la France aux Nouvelles-Hébrides

Déterminée à préserver son autorité dans l’archipel, la Résidence de France avait aussi comme objectif de « mettre à la portée du maximum d’habitants de la colonie les moyens de s’informer sur le mode de vie, les réalisations et la culture de la France »875. Cette action s’est

manifestée par le biais d’un Centre culturel condominial à Port-Vila, d’une bibliothèque publique à Luganville et de nombreuses implantations administratives ou scolaires dans les îles876. Des ouvrages ont été confiés en priorité au Centre Culturel de Port-Vila ainsi qu’à la

bibliothèque de Luganville. La distribution des films était également à la tête des objectifs français. Afin de permettre une rotation plus rapide du matériel cinématographique, l’archipel a été sectionné en deux zones, une zone nord comprenant les circonscriptions des îles du nord et des îles du Centre II (Norsup) et une zone sud comprenant les circonscriptions des îles du Centre I (Port-Vila) et des îles du sud (Tanna)877. Il est important de noter que la Résidence française a

assumé tous les frais de transport et de diffusion dans les îles de l’archipel.

872 Ibid.

873 Malgré avoir dit que les aspirations pour la démocratie et le bon développement de la vie politique aux

Nouvelles-Hébrides étaient partagées entre la France et la Grande-Bretagne, Joan Lestor était beaucoup plus prompte à s’exprimer sur le sujet que son homologue français. Cela signifie que la France était plus réticente à parler de l’indépendance pour les Nouvelles-Hébrides que la Grande-Bretagne. Voir Ibid.

874 « Stirn : de Santo », La France Australe, 22 janvier 1975, auteur non indiqué.

875 ANF, carton 19980041/91, lettre du Commissaire-Résident de France aux Nouvelles-Hébrides au ministre des

départements et territoires d’outre-mer sur l’envoi de documents et action culturelle, 14 juin 1973, p. 1.

876 Ibid. 877 Ibid., p. 2.

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Le scoutisme et le sport ont été utilisés comme instruments pour exercer une influence auprès des jeunes. En ce qui concerne le scoutisme, dès octobre 1974, les scouts de France groupaient plus de 500 jeunes répartis en un grand nombre de troupes à Port-Vila, Santo, Lamap, Walla-Rano, Melssissi, etc.878. Au cours du dernier rallye du Pacifique qui eut lieu aux

Nouvelles-Hébrides en août 1974, le taux de participation a atteint 800 personnes qui représentaient tous les territoires français879. Cependant, c’est surtout grâce au sport que

l’emprise sur les jeunes s’est développée au cours des années 1970. Grâce aux efforts du Commissaire-Résident Robert Langlois, « l’embryon d’un service de la Jeunesse et des Sports qui animait non seulement le sport scolaire qui était pratiqué dans chaque école française mais aussi le sport civil, destiné aux adultes »880. Le football était de loin le sport le plus populaire881.

Avec la création des équipes, elles étaient réparties en cinq districts rassemblés au sein d’une ligue affiliée à la Fédération française de Football.

Au début des années 1970, l’enseignement français a continué à se développer. Avec 7 086 élèves primaires en 1972, ils étaient 7 817 dès 1973 et 8 582 en 1974882. Les effectifs de

l’enseignement secondaire sont passés de 180 élèves en 1970 à 355 en 1974883. La prise en

charge par l’État des dépenses des écoles primaires de la Mission catholique (Convention du 23 février 1973) et celles de l’Église évangélique libre de Nouvelle-Calédonie (Convention du 12 avril 1973) a donné à l’enseignement privé français, qui s’essoufflait, les moyens d’un renouveau884. Une fois de plus, il avait été question de la réduction de l’écart qui séparait le

878 ANOM, série Nouvelles-Hébrides, carton RNH 215, lettre du secrétaire d’État aux départements et territoires

d’outre-mer au Haut-Commissaire de la République dans l’Océan pacifique et aux Nouvelles-Hébrides, 16 octobre 1974, p. 7.

879 Ibid. 880 Ibid.

881 En termes de popularité, le football était suivi par l’athlétisme puis le basketball. 882 Ibid., p. 5.

883 Ibid. 884 Ibid.

nombre d’élèves scolarisés en anglais de ceux qui étaient scolarisés en français885. En ce qui

concerne l’enseignement supérieur, il est intéressant de noter qu’en 1974, trois étudiants mélanésiens des Nouvelles-Hébrides, de sciences économiques, de Droit et du génie civil, poursuivaient leurs études supérieures en France. Cela dit, les Britanniques avaient plus de succès que les Français dans la formation des élites locales886. Ce fait ne peut pas être négligé,

surtout lorsque l’on cherche à comprendre comment les Britanniques sont parvenus à avoir une plus grande influence que les Français auprès des Mélanésiens.

Conclusion

La scène politique aux Nouvelles-Hébrides a vraiment pris forme au début des années 1970. Un thème marquant de cette période est la création des partis politiques. Ces formations politiques ont séparé la colonie en deux principaux camps. Les pro-britanniques étaient pour le NHNP pendant que les pro-Français étaient plus susceptibles d’appuyer l’un des nombreux partis francophones de la colonie. En ce qui concerne les Français, le problème était que, à la différence des Britanniques qui ont tout misé sur un parti politique aux Nouvelles- Hébrides (le NHNP), ils avaient plusieurs options, dont le MANH et l’UCNH. Entre autres choses, ce chapitre souligne l’impact qu’ont eu les Églises presbytérienne et anglicane aux Nouvelles-Hébrides. Il est facile de constater que plusieurs individus influents de cette période, tels que Walter Lini ou John Bani, étaient d’une manière ou d’une autre associés à la vie spirituelle britannique de la colonie. Malgré l’exception notable qu’a pu être le père Gérard Leymang, on ne peut tout de même accorder la même importance à l’Église catholique française aux Nouvelles-Hébrides. Il faut aussi signaler que le chaos et la peur, éléments notables du premier chapitre, débordent sur le deuxième chapitre. Au début des années 1970, ces deux

885 En 1974, environ 12 500 élèves ont été scolarisés en anglais tandis que le nombre d’élèves scolarisés en français

était autour de 9 000 (tous les niveaux confondus). Voir Ibid.

886 Cette observation peut être expliquée par le fait que les diplômes britanniques admis en équivalence avec les

diplômes français étaient dévalués pour devenir spécifiquement néo-hébridais. En revanche, l’enseignement français suivait tous ses élèves au cours de leur scolarité. Voir ANOM, série Nouvelles-Hébrides, carton RNH 216, note sur les mesures proposées en vue de d’accélérer la formation des élites francophones néo-hébridaises, date et auteur non indiqués.

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phénomènes s’intensifient, profitant à des individus comme Antoine Fornelli qui créent une atmosphère d’anarchie et de désordre.

Ce chapitre a relevé le fossé qui s’est creusé entre les Britanniques et les Français pour ce qui est de l’influence politique sur les affaires de la colonie. Par le biais de l’éducation, les Britanniques ont réussi à créer une élite politique anglophone dans la colonie, ce qui n’a pas vraiment été le cas du côté des Français. Alors que les différents entretiens entre les deux délégations ont connu des succès limités, les Français se trompaient en pensant que le statu quo leur bénéficiait. En bref, les Français n’avaient pas de stratégie claire et cohérente aux Nouvelles-Hébrides. Leurs efforts liés à la culture étaient trop faibles et trop tardifs. En ce qui concerne les relations entre Européens et Mélanésiens, les rapports entre les Mélanésiens et les Britanniques étaient plus soudés qu’entre les Français et les Mélanésiens, les Britanniques étant plus conscients des besoins de la communauté mélanésienne que les Français. La mésentente entre les Britanniques et le Nagriamel, si elle a été réelle, demeure anecdotique par rapport à l’ensemble des relations entre Européens et Mélanésiens.

Comme la fondation du parti Natui Tano permet de l’illustrer, les Mélanésiens étaient loin d’être une force unie. Les chapitres suivants vont permettre de voir que le Nagriamel, malgré sa coalition avec le MANH, avait toujours ses propres objectifs politiques à l’esprit, se trouvant dans une situation de rivalité avec les autres partis politiques, y compris le MANH. Par conséquent, les Britanniques et le NHNP n’en sont que devenus plus forts. En guise de conclusion, le deuxième chapitre a permis d’introduire la vaste majorité des acteurs politiques pour les dernières années du condominium. La scène politique aux Nouvelles-Hébrides, marquée par des campagnes électorales et des élections de 1975 à 1977, constituera l’objet principal du troisième chapitre.