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Section 2 : Un manquement à un devoir juridique après la production du dommage

2. La victime est tenue de prendre des mesures générales

356. Si des auteurs reconnaissent le même devoir de la victime quand ils se réfèrent à la minimisation ou à l'aggravation du dommage, certains considèrent que le contenu de ce devoir n'est pas précisément défini. La minimisation et la réduction ne sauraient être équivalentes au fait d'éviter l'aggravation du dommage (a). L'examen de la jurisprudence administrative indique au contraire que pèse sur la victime la prise de mesures sûres et raisonnables qui visent tant à corriger qu'à prévenir le dommage (b) avec lesquelles elle évite l'aggravation du dommage.

a) Minimiser le dommage ou ne pas aggraver le dommage ?

357. Pour présenter ce devoir qui pèse sur la victime après la production du dommage, les auteurs font mention soit de la minimisation du dommage, soit de l'évitement de l'aggravation de celui-ci. Les différents projets de réforme sur le droit des obligations et de la prescription et sur la responsabilité civile procèdent de manière équivalente. Si le projet TERRÉ retient la limitation du [dommage]438 et le projet de la Chancellerie l'évitement de l'aggravation du [dommage]439, le projet CATALA et la proposition de loi BÉTEILLE font à la fois mention, avec la conjonction de coordination « ou », de la réduction de l'étendue du dommage440 et de l'évitement de l'aggravation de celui-ci.

433 Par ex., v. Cass., 2è civ., 24 novembre 2011, n°10-25635 ; Resp. civ. et assur., 2012, comm. 34, S. HOCQUET-BERG ;

J.C.P. G., 2012, 170, V. REBEYROL ; J.C.P. G., 2012, doctr. 530, P. STOFFEL-MUNCK. 434 Code civil, art. 1231-3.

435 Code civil, art. 1231-4.

436 Cass., 1re civ., 2 juillet 2014, n° 13-17599 ; J.C.P. G., 2014, 1034, Y. DAGORNE-LABBE.

437 Par ex., v. Cass., 3è civ., 25 novembre 2014, n°13-13466 ; Cass., 3è civ., 5 février 2013, n°12-12124 ; Resp. civ. et

assur., 2013, comm. 135, S. HOCQUET-BERG.

438 F. TERRÉ (dir.), Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, op. cit..

439 ACADÉMIEDES SCIENCESMORALESETPOLITIQUES, Projet de réforme du droit de la responsabilité civile, op. cit.. 440 Le projet CATALA, Avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, op. cit., se réfère

358. L'utilisation de la minimisation et de l'absence d'aggravation du dommage ne paraît pas mettre en exergue une opposition catégorique. Toutefois, reconnaître à la fois les deux manifestations de ce devoir et les présenter de manière alternative laisse augurer une éventuelle distinction441. Si les projets de réforme concernés ne donnent aucune définition, certains auteurs de droit civil considèrent que la minimisation ou la réduction de l'étendue du dommage et l'évitement de l'aggravation ne sont pas similaires442.

359. À cet égard, Jean-Luc AUBERT s'estime, à propos du projet CATALA, « surpris de voir

consacrer cette obligation pour contraindre [la victime] à la fois pour réduire son dommage et pour en éviter l'aggravation »443. S'il « approuve sans hésitation »444 le fait d'éviter l'aggravation, il est cependant réservé quant à la réduction du dommage. En effet, il pense que celle-ci contredit le principe selon lequel celui qui cause un dommage à autrui dans des conditions qui engagent sa responsabilité est tenu de réparer ce dommage. Or, obliger la victime à réduire son dommage revient, selon Jean-Luc AUBERT, à ce que la victime soit tenue de réparer, par ses propres mesures, le dommage qui lui est infligé par le responsable445. Christophe QUÉZEL-AMBRUNAZ considère également que si était consacré le devoir de réduire le dommage, « l'inaction de la victime

apparaîtrait, non comme une cause de rupture du lien causal, mais comme une faute susceptible d'entraîner sa propre responsabilité à l'égard du responsable initial »446.

360. Au-delà de la distinction éventuelle entre la minimisation du dommage et l'évitement de l'aggravation de ce dernier, se pose en outre la question de la prévention du dommage. De nature identique mais de degré différent447, la prévention du dommage revient ainsi, pour certains, à éviter l'aggravation du dommage. Jean-Luc AUBERT estime à cet égard qu'empêcher qu'un dommage ne s'aggrave « n'est rien d'autre que prévenir un dommage qui viendrait s'ajouter à celui qui a déjà été

réalisé »448.

du dommage.

441 Pourtant, C. CORGAS-BERNARD, « Le devoir de la victime de ne pas aggraver son préjudice consacré par l'avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile : entre critiques et incertitudes », loc. cit., pt. 15, précise que « le départ entre la minimisation du dommage et l'évitement de son aggravation peut être ténu ».

442 Ibid ; J.-L. AUBERT, « Remarques sur l'obligation pour la victime de limiter les conséquences dommageables d'un fait générateur de responsabilité », loc. cit., p. 57 - 61.

443 Ibid, p. 57.

444 Id.

445 Id.

446 C. QUÉZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la responsabilité civile, op. cit., p. 293 - 295.

447 J.-L. AUBERT, « Remarques sur l'obligation pour la victime de limiter les conséquences dommageables d'un fait générateur de responsabilité », loc. cit., p. 57.

448 Id. V. aussi C. CORGAS-BERNARD, « Le devoir de la victime de ne pas aggraver son préjudice consacré par l'avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile : entre critiques et incertitudes », loc. cit., pt. 17, qui semble également partager cette opinion lorsqu'elle affirme que la prise de mesures correctives par la victime révèle un

361. Si les civilistes sont amenés à distinguer la minimisation, l'aggravation voire la prévention, une analyse sémantique de ces notions ne laisse pas supposer une éventuelle opposition. La minimisation, la modération et la réduction renvoient toutes à l'idée d'atténuation, de rendre moindre, de tenir dans une juste mesure449. L'aggravation signifie, au contraire, rendre plus lourd, plus pesant450. De la sorte, éviter l'aggravation suppose de rendre moins lourd, moins pesant. Or, pour parvenir à cette fin, il s'agit d'atténuer, de rendre moindre. Enfin, la prévention consiste à empêcher, à faire obstacle à quelque chose qu'on ne peut éviter en prenant des précautions pour en limiter la portée et les conséquences451.

362. Il résulte de l'acception courante de ces notions une tendance similaire : limiter, atténuer la portée et les conséquences d'un objet. Appliquées au dommage, ces notions renvoient, pour notre part, à la même approche. Minimiser, éviter d'aggraver ou prévenir le dommage consistent à limiter l'étendue du dommage. En effet, il appartient à la victime d'agir ou de s'abstenir d’agir afin d'éviter que son dommage ne s'aggrave. L'étude de la jurisprudence administrative le confirme. En effet, elle permet d'identifier, en premier lieu, une pluralité de mesures qui pèsent sur la victime postérieurement à son dommage et d'affirmer, en second lieu, que ces mesures peuvent être tant correctives que préventives (b).

b) Le devoir de prendre des mesures correctives et préventives, sûres et raisonnables

363. L'étude du droit positif et des travaux doctrinaux permet de mettre en évidence que ce devoir de la victime de ne pas aggraver son dommage consiste à prendre, d'une part, des mesures correctives ou préventives (α) et, d'autre part, des mesures sûres et raisonnables (β).

α) Le devoir de prendre des mesures correctives et préventives

364. L'analyse attentive de la jurisprudence administrative enseigne que la victime est tenue de prendre, selon les circonstances, une pluralité de mesures. Par exemple, il incombe à la victime d'agir en responsabilité avec diligence452 et de réparer le bien endommagé453 ou de reconstituer le bien détruit454. En outre, il appartient à la victime de prendre des mesures ayant pour objet de

glissement possible vers la minimisation.

449 V. « Minimisation », « Modération » et « Réduction », in Littré et C.N.R.T.L.. 450 V. « Aggravation », in Littré et C.N.R.T.L..

451 V. « Prévention », in Littré et C.N.R.T.L..

452 Par ex., v. les arrêts précités C.E., Sect., 29 juillet 1953, Dame veuve Lebourg, Rec., p. 428 ; C.E., 5 mai 1952,

Baratelli, Rec., p. 223 ; C.E., 10 février 1950, Rec., p. 104 ; C.E., Ass., 21 mars 1947, Dame veuve Aubry, Rec.,

122, précité.

453 Par ex., v. C.E., 4 juillet 1947, Constans, Rec., p. 300, précité.

prévenir l'aggravation de son dommage. Ainsi, le juge administratif exige de la victime de demander son changement d'affectation afin de mettre un terme aux troubles dont elle était affectés et dont elle connaissait l'existence455. Il impose également à la victime de respecter les consignes médicales d'immobilisation post-opératoires afin que l'état de santé ne se dégrade pas456. Il oblige enfin la victime à ne pas consommer d'alcool eu égard à son état de santé qui contre-indique totalement une pareille consommation457. Dans ces trois derniers exemples, a méconnu le devoir de ne pas aggraver son dommage la victime qui s'est abstenue de prévenir l'aggravation de son dommage. À ce titre, le juge administratif a reconnu un fait générateur de la victime de nature à exonérer partiellement la personne publique défenderesse de sa responsabilité.

365. Si Jacques MOREAU identifie le devoir d'agir en responsabilité avec diligence et le devoir de réparer ou de reconstituer le bien endommagé ou détruit458, Stephan REIFEGERSTE distingue de manière plus complète les mesures relatives à la gestion du dommage et celles concernant l'exercice de moyens d'action459. En premier lieu, la gestion du dommage se manifeste par la prise de mesures conservatoires, réparatrices, de remplacement, le tout éventuellement financé par la victime si elle en a les moyens. En second lieu, l'exercice de moyens d'action renvoie à la fois à la prévention d'une aggravation du dommage en réagissant au fait générateur du responsable et à agir rapidement en justice pour obtenir réparation.

366. Il résulte de cette typologie qu'il appartient à la victime d'agir avec prudence ou diligence pour limiter, pour atténuer son dommage. Plus précisément, il incombe à la victime de prendre des mesures correctives et préventives. Si la prévention permet d'éviter l'aggravation du dommage, corriger celui-ci revient, pour certains civilistes, à le minimiser. Obligeant la victime à réparer par ses propres moyens consiste à rendre moins lourd, moins pesant et, partant, à ne pas aggraver le dommage. Ainsi, la prévention et la correction peuvent être complémentaires. Par exemple, imposer à un patient de respecter son traitement médical pour éviter que son état de santé ne se dégrade peut consister à l'obliger à prendre son traitement médical. De la sorte, le patient prend une mesure réparatrice. En prenant une telle mesure, il prévient l'aggravation du dommage.

De plus, si cette réparation est contestée par certains460, force est d'admettre que la victime,

455 C.A.A., Marseille, 11 décembre 2001, Zabatta, n°98MA00456, précité. 456 C.A.A., Nancy, 13 juin 2013, Mme. A., n°12NC01478, précité.

457 C.E., 25 juillet 2013, n°354956, précité.

458 J. MOREAU, L'influence de la situation et du comportement de la victime sur la responsabilité administrative , op.

cit., p. 233 - 244.

459 S. REIFEGERSTE, Pour une obligation de minimiser le dommage, op. cit., p. 191 - 225.

460 Par ex., v. C. QUÉZEL-AMBRUNAZ, Essai sur la causalité en droit de la responsabilité civile, op. cit., p. 293 - 295 ; J.-L. AUBERT, « Remarques sur l'obligation pour la victime de limiter les conséquences dommageables d'un fait

qui n'a pas contribué à la production de son dommage, peut en droit positif réparer elle-même ses préjudices afin d'en éviter l'aggravation. Dans ce cas de figure, il est prévu que les frais mobilisés par la victime au titre d'une réparation en nature soient mis à la charge de la personne responsable, notamment en matière contractuelle. Le projet de réforme de la Chancellerie de mars 2017 propose d'ailleurs de consacrer cette réparation assurée par la victime aux frais du responsable. En son article 1261 alinéa 3, ledit projet propose que « […] le juge peut également autoriser la victime à

prendre elle-même les mesures de réparation en nature aux frais du responsable. Celui-ci peut être condamné à faire l'avance des sommes nécessaires »461.

Aussi, il est possible de retenir que la victime qui a aggravé son dommage par un fait générateur postérieur soit contrainte de réparer son préjudice pour éviter de l'aggraver.

367. Il semble donc que la victime soit obligée de prendre des mesures correctives ou préventives, d'autant plus si ces dernières sont sûres et raisonnables, pour reprendre l'expression consacrée par les différents projets de réforme.

β) Le devoir de prendre des mesures sûres et raisonnables

368. Si la référence aux moyens proportionnés, évoquée dans le projet TERRÉ et dans la proposition de loi BÉTEILLE,462 a été abandonnée « pour des motifs que l'on ignore, à défaut de

travaux préparatoires »463, l'exigence des mesures sûres et raisonnables persiste. Celles-ci conditionnent le devoir pour la victime de ne pas aggraver son dommage. En effet, si la victime a la possibilité de prendre ces mesures, elle est tenue d'agir. Le problème est que ces mesures sûres et raisonnables ne sont pas définies. Elles ont d'ailleurs tout du standard. Or, l'acception classique de ce qui est sûr et raisonnable permet de considérer que les mesures sûres renvoient à la fiabilité, tandis que les mesures raisonnables correspondent à la faisabilité eu égard notamment à un certain nombre de caractéristiques et de circonstances464.

369. Cette conception est en partie confirmée par la pratique judiciaire tant en droit français que dans des systèmes juridiques étrangers, à l'instar du Québec ou de la Belgique. En effet, les juges « s'efforcent d'apprécier si la victime a fait preuve de la diligence attendue d'une personne

générateur de responsabilité », loc. cit., p. 57.

461 ACADÉMIEDES SCIENCESMORALESETPOLITIQUES, Projet de réforme du droit de la responsabilité civile, op. cit.. 462 F. TERRÉ (dir.), Pour une réforme du droit de la responsabilité civile, op. cit. ; Proposition de loi L. BÉTEILLE, pour

réforme de la responsabilité civile, op. cit..

463 C. CORGAS-BERNARD, « Le devoir de la victime de ne pas aggraver son préjudice consacré par l'avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile : entre critiques et incertitudes », loc. cit., pt. 20.

raisonnable placée dans les mêmes circonstances et si son comportement n'a pas eu pour conséquence de rompre la causalité entre le fait générateur […] et le [dommage] »465. Ce constat permet d'affirmer que si elle a le devoir de ne pas aggraver son dommage, la victime doit agir avec prudence ou diligence. Pour apprécier le manquement à ce devoir, le juge a recours à la méthode « in abstracto subjective » (II).

II. – Le recours à la méthode « in abstracto subjective » pour déterminer le manquement au devoir de ne pas aggraver le dommage

370. Pour déterminer un manquement à un devoir juridique préexistant de l’auteur d’un fait générateur devenu victime, nous avons précisé que le juge administratif a recours à une appréciation « in abstracto subjective »466. En effet, il compare le comportement de la victime par rapport à celui qu'aurait eu le standard général et abstrait placé dans les mêmes circonstances, c'est-à-dire la personne raisonnable.

371. Le juge procède de manière équivalente pour apprécier le manquement au devoir de la victime de ne pas aggraver son dommage. À ce titre, Jacques MOREAU ajoute à sa liste des standards idéaux ceux du « justiciable idéal » et du « bon citoyen » soucieux de participer à la reconstruction nationale467.

372. Le recours à la même méthode d'appréciation ne saurait surprendre tant le juge impose à la victime de prendre des mesures sûres et raisonnables. Il importe en effet à la victime de se comporter avec prudence ou diligence pour éviter d'aggraver son dommage comme le ferait toute personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

373. Aussi, la victime ne s'est pas comportée comme la personne raisonnable dans les mêmes circonstances lorsqu'elle aggrave son dommage en n'ayant pas demandé un changement

465 C. CORGAS-BERNARD, « Le devoir de la victime de ne pas aggraver son préjudice consacré par l'avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile : entre critiques et incertitudes », loc. cit., pt. 21 - 22. Pour des développements, v. L. LANGEVIN, « Mythes et réalités : la personne raisonnable dans le livre ''Des obligations'' du Code civil du Québec », Les Cahiers de droit, 2005, vol. 46, n°1-2, p. 353 - 377.

466 V. supra nos développements aux pt. 156 - 300.

467 J. MOREAU, L'influence de la situation et du comportement de la victime sur la responsabilité administrative , op.

cit., p. 232 - 233 : « Ces règles de conduite, auxquelles une victime idéale doit se conformer, apparaissent comme des prolongements de l'obligation de prudence et de diligence. Ce sont des précisions apportées au devoir général contenu dans l'article 1382 du code civil. Le ''justiciable idéal'' et le ''bon citoyen'', soucieux de participer à la reconstruction nationale, telles sont les deux formes de types idéaux qui complètent la liste que nous avons dressée ». Nous soulignons.

d'affectation, alors qu'elle savait que les troubles qu'elle a subis étaient dus à son contact avec l'eau468. La référence à la connaissance de l'origine des troubles permet en effet de révéler une circonstance que le juge prend en compte pour reconnaître l'écart de conduite de la victime. La personne raisonnable aurait, dans ce contexte, demandé un changement d'affectation plus rapidement.

374. D'une autre manière, la victime viole son devoir de ne pas aggraver son dommage en ne respectant pas les consignes « strictes » d'immobilisation données par l'équipe médicale suite à une opération chirurgicale469. Toute personne raisonnable ayant subi une opération est censée suivre les consignes et les recommandations médicales pour obtenir un état de guérison complet et, en attendant ce dernier, pour éviter l'aggravation de l'état de santé.

375. La victime n’exerce pas le comportement normalement attendu en ayant consommé de l'alcool alors même qu'elle est atteinte d'une hépatite C et d'une cirrhose du foie470. Or, le juge précise que ce comportement favorise l'évolution de la maladie. Toutefois, il ne met pas en exergue la connaissance qu'a la victime de ce lien entre la consommation d'alcool et l'évolution de sa pathologie. Toujours est-il que toute personne raisonnable est censée, d'une part, connaître les risques liés à la consommation d'alcool et, d'autre part, ne pas consommer d'alcool en cas de cirrhose du foie. Aussi, la victime ayant consommé de l'alcool malgré son état de santé ne s'est pas comportée comme la personne idéale victime d'une cirrhose du foie. Cet exemple est d'autant plus intéressant qu'il illustre, selon nous, la prise en compte de l'état de santé comme une circonstance qui permet d'élaborer le standard de comparaison471.

376. De plus, en considérant que la victime a tardé à agir en responsabilité ou qu’elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour réparer472 ou afin de reconstituer son bien473, le juge estime que la victime a manqué de diligence. Toute personne raisonnable ayant été victime d'un dommage constitutif de préjudice corporel et/ou matériel aurait nécessairement agi rapidement en responsabilité ou pris les mesures nécessaires pour éviter que son dommage ne s'aggrave.

468 C.A.A., Marseille, 11 décembre 2001, Zabatta, n°98MA00456, précité. 469 C.A.A., Nancy, 13 juin 2013, Mme. A., n°12NC01478, précité. 470 C.E., 25 juillet 2013, n°354956, précité.

471 Sur cette question, v. supra nos développements sur la prise en compte de l'état de santé dans l'élaboration du standard général et abstrait aux pt. 250 - 252.

472 Pour le préjudice corporel, v. par ex. les arrêts précités C.E., Sect., 29 juillet 1953, Dame veuve Lebourg, Rec., p. 428 ; C.E., 5 mai 1952, Baratelli, Rec., p. 223 ; C.E., 10 février 1950, Rec., p. 104 ; C.E., Ass., 21 mars 1947, Dame

veuve Aubry, Rec., 122.

Pour le préjudice matériel, v. par ex. C.E., 4 juillet 1947, Constans, Rec., p. 300, précité.

377. Un ensemble de circonstances est pris en considération par le juge pour élaborer le standard de comparaison et afin d'apprécier le comportement de la victime. Le juge se réfère en effet aux possibilités techniques474 ou financières475 de la victime. De la sorte, si une victime n'agit pas ou agit tardivement, alors qu'elle dispose des possibilités techniques ou financières pour procéder à la réparation de son bien endommagé, elle manque nécessairement au comportement normal de la personne raisonnable qui dispose des mêmes facultés. Ce comportement est d'autant plus normal au sens où il permet de déterminer la date d'évaluation du montant de l'indemnité au jour de la décision et non au jour de l'accident en vertu de la jurisprudence Compagnie générale des eaux et Dame

veuve Aubry précitée476.

378. Pour conclure, il pèse sur la victime postérieurement à son dommage un devoir de ne pas

aggraver son dommage. Si ce devoir n'est pas formellement consacré en droit positif, il est