12. Victimations à répétition et exposition aux risques
12.2. Les victimations multiples
Il arrive que des personnes interrogées disent avoir subi un nombre relativement élevé
de victimations, sans pour autant que ces victimations soient identiques ; on désignera ces
personnes sous le terme de "victimes multiples". Les "victimes multiples" ne sont pas
nécessairement des "victimes à répétition" : ce sont des personnes (ou des ménages) qui, au
cours de la période considérée, ont subi un nombre relativement élevé de victimations
n'appartenant pas nécessairement à la même catégorie. Alors que les "victimes à répétition"
ont subi des victimations en série, les "victimes multiples" peuvent certes être également des
"victimes en série", mais elles peuvent aussi subir les conséquences d'un "cumul de
handicaps", qui les rend plus vulnérables que la plupart de leurs concitoyens, et les expose à
des risques variés.
Pour caractériser les "victimes multiples", nous avons additionné le nombre de toutes
les catégories d'infraction dont chaque répondant dit avoir été victime, qu'il s'agisse d'atteintes
aux biens du ménage ou d'atteintes personnelles. Pour analyser leurs caractéristiques, nous
avons fait figurer côte à côte dans un même tableau les non victimes, les "victimes uniques",
et les "victimes multiples" ayant subi respectivement deux, trois, quatre et plus de quatre
victimations, quelle que soit la nature de celles-ci.
Les tableaux suivants permettent d'identifier les contextes ou les caractéristiques
personnelles qui favorisent les victimations multiples : ce sont les habitants des grandes villes,
vivant par conséquent dans des immeubles collectifs, et surtout les plus jeunes et les plus
instruits (en particulier les étudiants) qui déclarent le plus de cas de victimation. Ce constat
doit toutefois être tempéré par la prise en compte de facteurs socioculturels : une meilleure
maîtrise du langage et le sentiment d'appartenir au même milieu social que l'enquêteur
favorisent certainement un taux plus élevé de déclarations ; mais surtout, l'indice global que
nous utilisons pour identifier les "victimes multiples" inclut des types de victimation très
différents, certains sans ambiguïté (cambriolages, vols de voiture, vols à la tire, etc.), et
d'autres dont le caractère déviant est apprécié diversement selon les milieux sociaux et les
générations (dégradations de véhicules, menaces, injures). Les recherches ultérieures sur la
victimation multiple devront certainement introduire une pondération variable selon le type de
la victimation subie
1.
12.2.1. L'influence du contexte sur les victimations multiples
Le tableau 134 met en évidence l'opposition entre les communes rurales, et les grandes
agglomérations : la part des premières dans la proportion de victimes décroît régulièrement,
passant de 20,6 % des victimes uniques à 9,8 % des victimes de plus de quatre infractions ;
corrélativement, dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants comme dans la région
parisienne, les taux de "victimes multiples", sans croître régulièrement, sont généralement
plus élevés que ceux de "victimes uniques". Dans les autres agglomérations, on n'observe pas
d'évolution bien nette, et les pourcentages fluctuent autour de la moyenne.
1Deux solutions simples sont envisageables pour concevoir un indice de victimation multiple tenant compte de
la gravité de la victimation : 1) attribuer, dans le calcul de l'indice, un poids moindre aux tentatives et aux
infractions sans grande conséquence matérielle ou psychologique, et un poids plus grand aux délits jugés plus
graves par les victimes (cambriolages, vols de voiture, violences même légères) ; 2) pour chaque type de
victimation, établir un seuil du nombre de victimations subies en dessous duquel ce type n'est pas pris en compte
dans l'indice : par exemple, compter tous les cambriolages, vols de voiture, et agressions, mais ne considérer les
menaces et injures que lorsque leur nombre est supérieur à 3 (et ne les compter que pour le nombre qui excède ce
seuil).
Nombre total de victimations subies
Catégorie d'agglomération
0 1 2 3 4 > 4
Commune rurale 30,8 % 20,6 % 18,2 % 19,0 % 16,0 % 9,8 %
Moins de 20 000 hab. 17,3 % 14,6 % 12,8 % 15,7 % 13,1 % 19,1 %
20 000 à 100 000 hab. 12,9 % 13,0 % 11,3 % 12,0 % 9,8 % 12,7 %
Plus de 100 000 hab. 24,4 % 32,0 % 37,3 % 33,9 % 32,6 % 36,1 %
Unité urbaine de Paris 14,7 % 19,7 % 20,5 % 19,4 % 28,4 % 22,3 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Tableau 134. Victimation multiple
selon la catégorie d'agglomération de résidence du ménage.
Le tableau 135 montre une évolution de la proportion des victimations des habitants
d'immeubles collectifs (hors cités et grands ensembles) remarquable par sa régularité : on
passe de 9,4 % des non victimes à 22,8 % des victimes de plus de quatre infractions. Les
autres liaisons statistiques sont moins nettes ; on remarque d'ailleurs que, dans les cités et
grands ensembles, le pourcentage le plus élevé correspond à trois victimations seulement.
Nombre total de victimations subies
Environnement
0 1 2 3 4 > 4
Pavillons isolés 34,4 % 25,2 % 22,1 % 20,2 % 23,2 % 14,9 %
Ensemble de pavillons 32,5 % 34,0 % 32,8 % 32,5 % 27,0 % 29,7 %
Habitat mixte 7,2 % 9,8 % 12,6 % 8,1 % 9,7 % 12,1 %
Immeubles collectifs 9,4 % 10,6 % 11,7 % 13,4 % 18,4 % 22,8 %
Cité, grand ensemble 16,5 % 20,3 % 20,9 % 25,9 % 21,8 % 20,6 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Tableau 135. Victimation multiple selon l'environnement de la résidence du ménage.
Nombre total de victimations subies
Type d'habitat
0 1 2 3 4 > 4
Maison individuelle 68,6 % 60,9 % 57,6 % 54,5 % 52,8 % 45,8 %
Petit immeuble 11,9 % 13,0 % 16,5 % 17,2 % 15,5 % 22,3 %
Immeuble > 3 étages 19,6 % 26,1 % 25,9 % 28,3 % 31,8 % 31,9 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Le tableau 136 confirme ces tendances de manière encore plus marquée : les
pourcentages correspondant aux personnes vivant en pavillon (isolé ou non) décroissent
régulièrement (de 60,9 % des "victimes uniques" à 45,8 % des victimes de plus de quatre
infractions), tandis que ces mêmes pourcentages croissent pour les habitants d'immeubles de
plus de trois étages (de 19,6 % à 31,9 %).
Le tableau 137 ne révèle pas de lien systématique entre le taux de victimation et le
niveau de revenus du ménage, à ceci près que, chez les faibles revenus, le pourcentage des
non victimes est plus élevé que celui des victimes (quel que soit le nombre des victimations),
alors que chez les revenus élevés, on observe exactement le phénomène inverse.
Nombre total de victimations subies
Revenus annuels du
ménage 0 1 2 3 4 > 4
Moins de 80 000 Frs. 26,6 % 17,6 % 15,7 % 16,5 % 12,7 % 18,9 %
80 000 à 120 000 Frs. 22,6 % 18,6 % 20,1 % 19,6 % 21,4 % 18,2 %
120 000 à 180 000 Frs. 24,9 % 25,0 % 23,5 % 24,1 % 22,5 % 22,2 %
Plus de 180 000 Frs. 25,9 % 38,8 % 40,7 % 39,7 % 43,5 % 40,7 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Tableau 137. Victimation multiple selon le niveau de revenus du ménage.
12.2.2. L'influence des caractéristiques individuelles sur les victimations
multiples
Les différences des taux de victimation selon le sexe sont assez faibles, même si l'on
observe un pourcentage un peu plus élevé d'hommes parmi les "victimes multiples"
(tableau 138). Par contre, l'influence de l'âge est plus marquée : on dénombre
proportionnellement plus d'hommes et de femmes de moins de 40 ans parmi les "victimes
multiples", et corrélativement, plus d'hommes et de femmes de 65 ans et plus parmi les non
victimes et les "victimes uniques".
Les enseignements du tableau 139 confirment indirectement les effets de l'âge sur la
victimation multiple : chez les retraités, les pourcentages les plus élevés s'observent pour les
non victimes et les "victimes uniques", alors que, chez les étudiants, les pourcentages les plus
élevés correspondent à quatre victimations et plus. Les professions les plus exposées aux
victimations multiples sont les indépendants (agriculteurs exploitants, artisans, commerçants,
chefs d'entreprise ou professions libérales) et les professions intermédiaires, ainsi que les
cadres supérieurs.
Nombre total de victimations subies
Sexe et âge de la
personne interrogée 0 1 2 3 4 > 4
Hommes, dont : 47,2 % 48,2 % 49,8 % 55,1 % 51,2 % 50,2 %
- moins de 25 ans 6,3 % 9,3 % 12,5 % 13,3 % 14,4 % 14,0 %
- de 25 à 39 ans 11,5 % 14,4 % 16,1 % 17,9 % 16,0 % 15,4 %
- de 40 à 64 ans 19,2 % 18,6 % 18,2 % 20,2 % 18,8 % 17,3 %
- 65 ans et plus 10,2 % 5,8 % 3,1 % 3,7 % 2,1 % 3,4 %
Femmes, dont : 52,8 % 51,8 % 50,2 % 44,9 % 48,8 % 49,8 %
- moins de 25 ans 6,9 % 9,0 % 9,8 % 10,0 % 12,1 % 14,1 %
- de 25 à 39 ans 12,0 % 15,2 % 17,0 % 12,3 % 16,8 % 18,9 %
- de 40 à 64 ans 19,1 % 20,3 % 19,3 % 17,9 % 18,2 % 14,2 %
- 65 ans et plus 14,8 % 7,3 % 4,1 % 4,7 % 1,7 % 2,6 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Tableau 138. Victimation multiple selon le sexe et l'âge du répondant.
Nombre total de victimations subies
Profession de la personne
interrogée 0 1 2 3 4 > 4
Agriculteur 2,0 % 0,9 % 1,1 % 1,5 % 0,3 % 0,8 %
Indépendant, chef d'entr. 2,7 % 3,2 % 3,8 % 5,5 % 6,6 % 5,2 %
Cadre supérieur 5,9 % 9,9 % 12,7 % 12,7 % 7,6 % 14,9 %
Profession intermédiaire 10,2 % 14,2 % 15,1 % 19,3 % 19,0 % 18,4 %
Employé 18,5 % 21,9 % 24,5 % 19,9 % 23,8 % 21,4 %
Ouvrier 19,2 % 17,7 % 15,3 % 16,3 % 17,4 % 13,3 %
Retraité 27,3 % 15,7 % 9,8 % 9,5 % 6,7 % 5,7 %
Inactif 5,6 % 4,0 % 3,7 % 1,8 % 0,3 % 2,9 %
Étudiant 8,7 % 12,7 % 14,0 % 13,5 % 18,3 % 17,5 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Tableau 139. Victimation multiple selon la profession du répondant.
Les niveaux d'instruction proportionnellement les plus représentés chez les "victimes
multiples" sont les diplômés de l'enseignement général (deuxième cycle de l'enseignement
secondaire), et de l'enseignement supérieur, ainsi que les personnes en cours d'études ; les
moins représentés sont les moins diplômés, ou les diplômés de l'enseignement technique ou
professionnel court (tableau 140).
Nombre total de victimations subies
Niveau d'instruction le plus
élevé atteint 0 1 2 3 4 > 4
Études en cours 9,3 % 13,6 % 15,6 % 15,7 % 21,5 % 20,8 %
Niveau≤ens. primaire 30,9 % 16,1 % 11,4 % 12,0 % 6,1 % 10,9 %
Niveau≤1
ercycle ens. gén. 11,7 % 10,9 % 10,0 % 8,6 % 12,0 % 5,7 %
Niveau≤2
ièmecycle 8,9 % 10,3 % 10,3 % 10,6 % 15,5 % 16,1 %
Ens. tech. ou pro. court 21,5 % 22,5 % 22,5 % 20,1 % 16,9 % 13,4 %
Ens. long ou ens. supérieur 17,8 % 26,6 % 30,2 % 33,1 % 28,0 % 33,2 %
Base : 100,0 % = 30 589 845 4 124 447 4 124 447 1 926 324 939 741 928 512
Tableau 140. Victimation multiple selon le niveau d'instruction du répondant.