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Section II : Causes d’impossibilité

A) Vices du consentement

773. Figure que l’on retrouve aux articles 23 et suivants CO, les « vices du consentement » comprennent trois situations de fait, l’erreur d’une partie, le dol et la crainte fondée. Contrairement à la nullité, qui peut être relevée par tout intéressé en tout temps, les vices du consentement doivent être invoqués par leur victime, dans le respect des règles de l’art. 31 CO813. La déclaration d’invalidation met fin avec effet rétroactif au contrat, qui serait resté valable en son absence814. Il se justifie de les traiter dans le cadre de notre analyse sur la

« disparition » du rapport de base.

774. Nous n’entrerons pas dans le détail des conditions d’invocation de chacun de ces vices, ni sur les autres prérequis des articles 23 et suivants CO. Ce sont des éléments complètement extérieurs au recouvrement. Seul le résultat – à savoir l’invalidation du contrat de base – nous intéresse.

775.Le contrat ne déployant plus d’effets815, le recouvreur ne peut parvenir à ses fins. L’effet rétroactif conduit à considérer que la prestation promise par le recouvreur n’a jamais été possible, et que le contrat devait être considéré comme impossible – et donc nul – ab initio. Une fois encore, seule la responsabilité précontractuelle pourrait être invoquée.

776. Dans l’hypothèse où l’invalidation du contrat de base déploie ses effets ex nunc, par exemple car il s’agit d’un contrat de durée, la créance que le

812 TERCIER/PICHONNAZ, N 964 ; CR CO I-WINIGER, CO 18 N 198 ss.

813 CR CO I-SCHMIDLIN, CO 31 N 12 ; TERCIER/PICHONNAZ, N 773a.

814 CR CO I-SCHMIDLIN, CO 31 N 5 ; TERCIER/PICHONNAZ, N 773.

815 CR CO I-SCHMIDLIN, CO 31 N 21 ; TERCIER/PICHONNAZ, N 773a.

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recouvreur est chargé de récupérer n’est pas affectée, et il peut poursuivre son activité.

B) Révocation

777. Les articles 40a et suivants CO prévoient qu’un consommateur peut à certaines conditions révoquer un contrat pourtant valablement conclu, en dérogation au principe général pacta sunt servanda816. On retrouve pareille réglementation à l’art. 406e CO, dans le contexte des mandats visant à la conclusion d’un mariage ou à l’établissement d’un partenariat817.

778.A priori, l’engagement d’un recouvreur durant les quatorze818 jours suivant la conclusion d’un contrat soumis au régime de la révocation n’aura jamais lieu. Cependant, le délai de quatorze jours peut être indéfiniment prolongé, tant que le fournisseur n’a pas fourni les informations requises pour permettre au consommateur d’exercer valablement son droit de révocation (art. 40e al. 2 let. b CO)819. Il n’est donc pas impossible qu’un recouvreur soit engagé bien plus tard, mais que le débiteur soit toujours fondé à révoquer.

779. La révocation ayant un effet ex tunc, il nous faut conclure à la nullité d’un contrat de recouvrement conclu postérieurement. De même, un contrat de recouvrement postérieur à la déclaration de révocation – par hypothèse valablement faite – doit être traité comme un cas d’inexistence de la créance.

780.Le contrat de recouvrement ne peut pas être transformé pour couvrir une prétention résiduelle du créancier – par exemple un loyer approprié pour l’usage de la chose (art. 40f al. 1 CO)820. Ces deux obligations sont à notre avis trop différentes.

781.Aucune clause contractuelle ne peut permettre de se prévaloir contre le risque de nullité du contrat de recouvrement dans ce contexte, vu que la révocation a un effet ex tunc. Reste donc uniquement la culpa in contrahendo, si le créancier ne pouvait ignorer le risque de révocation et qu’il n’en a pas informé le recouvreur – ce qui sera généralement le cas.

816 MARCHAND, Consommation, p. 166 ; CR CO I-STAUDER/STAUDER, Intro. art. 40a-40f, N 4.

817 CR CO I-WERRO, CO 406a-406h, N 22.

818 Ce nouveau délai est entré en vigueur au 1er janvier 2016, il était jusque-là de sept jours : RO 2015 4017, p. 4019.

819 MARCHAND, Consommation, p. 171 ; CR CO I-STAUDER/STAUDER, CO 40e N 7.

820 MARCHAND, Consommation, p. 172 ss.

163 C) Demeure qualifiée

782.En cas de retard du débiteur, le créancier peut aller jusqu’à se départir du contrat, en application des règles de la demeure qualifiée (art. 107-109 CO).

Il nous faut donc examiner les trois choix à disposition du créancier, après qu’il a fixé un délai de grâce au débiteur pour s’exécuter.

1) Demande d’exécution

783. La première option offerte au créancier ne nécessite pas de déclaration particulière. La situation juridique n’est pas modifiée par l’échéance du délai de grâce, et le recouvreur peut poursuivre son activité. S’il parvient par son action à obtenir le paiement, il aura droit à son salaire aux conditions que nous avons explicitées.

2) Renonciation à l’exécution

784.La renonciation à l’exécution (art. 107 al. 2, 2e hyp. CO), transforme la prétention initiale en une prétention en dommages-intérêts positifs821. Dans le cas qui nous occupe, le recouvrement concerne généralement une somme d’argent, ce qui rend cette hypothèse inutile. La somme étant toutefois la même, le contrat de recouvrement devrait selon nous être maintenu – moyennant le risque de compensation que nous verrons bientôt.

785.Si le contrat de recouvrement portait – cas exceptionnel – sur une prestation autre que le paiement d’une somme d’argent, la renonciation à l’exécution la transforme en dommages-intérêts. La prestation étant différente, le recouvrement devient impossible.

786.Comme en matière de remise de dette, le créancier a fait preuve d’un comportement contradictoire. S’il souhaitait obtenir la prestation promise au point d’engager un recouvreur, il n’a pas à changer d’avis sans devoir en supporter les conséquences. La problématique de la preuve reste cependant la même, et pourrait faire obstacle à l’indemnisation.

3) Résolution

787.La résolution du contrat (art. 107 al. 2, 3e hyp. CO) conduit certes à la disparition du contrat, mais ne le met pas intégralement à néant. On assiste alors à sa transformation en un rapport de liquidation contractuel822.

821 CR CO I-THÉVENOZ, CO 107 N 29.

822 CR CO I-THÉVENOZ, CO 107 N 36, CO 109 N 6.

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788.La prétention initialement prévue disparaît cependant, rendant la continuation du recouvrement impossible et entraînant les mêmes conséquences qu’en cas de remise de dette – pour les mêmes raisons823.

D) Compensation

789.La compensation permet de réduire, voire supprimer deux dettes de même nature – généralement deux dettes d’argent – si le débiteur de l’une est simultanément créancier de l’autre, hors exception contractuelle ou légale824. Lorsqu’un cas de compensation est possible, chacune des deux parties peut en principe faire une déclaration de compensation, vu le caractère réciproque des créances.

790.La compensation a un effet rétroactif, en vertu de l’art. 124 al. 2 CO, qui dispose que « [l] es deux dettes sont alors réputées éteintes, jusqu'à concurrence du montant de la plus faible, depuis le moment où elles pouvaient être compensées. ». Cet effet ex tunc conduit à des aménagements d’autres institutions de la partie générale du Code des obligations, les plus marquants étant l’art. 120 al. 3 CO825, relatif à la prescription, et l’art. 169 al. 2 CO826, dans un contexte de cession de créances.

791.On voit immédiatement que la combinaison de l’extinction de la dette avec l’effet rétroactif peut mettre en péril le contrat de recouvrement, en fonction du moment à partir duquel la compensation devenait possible.

792. Nous avons vu qu’il était possible de convenir qu’une dette particulière ne serait pas compensable, mais cette stipulation doit être faite dans le rapport de base. Il n’est pas possible de prévoir pareille clause dans le contrat de recouvrement, elle n’aurait alors aucun effet. En revanche, il est possible de prévoir que le créancier s’engage à ne pas exercer lui-même la compensation, accord qui devrait être renforcé par une clause pénale.

1) Effet postérieur au recouvrement

793.Lorsque le moment de la compensation est situé après la conclusion du contrat, nous considérons que la compensation correspond à l’exécution. Le créancier a obtenu son dû, dès lors que l’effet patrimonial de l’effacement de sa dette équivaut à un paiement. Le contrat de recouvrement pouvant avoir eu comme effet l’invocation de la compensation, il faudra analyser le lien psychologique entre l’action du recouvreur et la déclaration compensation.

823 Supra N 754.

824 ATF 132 III 342, JdT 2007 I 51, consid. 4.3.

825 BOUVERAT/WESSNER, N 8 ; CR CO I-PICHONNAZ, CO 120 N 21.

826 CR CO I-PROBST, CO 169 N 21.

165 2) Effet antérieur au recouvrement

794. L’effet ex tunc de la compensation peut amener à une situation où la créance est éteinte avant même que le contrat de recouvrement ne soit conclu. Le contrat est dans ce cas initialement impossible, et le recouvreur ne peut en déduire des droits.

795. Si le débiteur déclare exercer la compensation, le créancier n’est pas fautif. Tout au plus pourrait-on lui imputer une responsabilité précontractuelle s’il n’a pas informé le recouvreur du risque de compensation.

796.Le créancier est également en mesure de déclarer qu’il exerce la compensation. Il met donc à néant l’obligation qui lui est due, en acquittant simultanément un de ses dettes. Il nous apparaît contraire aux règles de la bonne foi d’engager un recouvreur pour tenter de récupérer la créance, puis d’éteindre celle-ci.

797. L’effet rétroactif fait toutefois que le contrat de recouvrement n’existe plus. La question du paiement du salaire ou de dommages-intérêts positifs n’a pas à se poser. Ne restent alors que des dommages-intérêts, basés sur la culpa in contrahendo. Certes, la déclaration de volonté est postérieure à la conclusion du contrat de recouvrement, mais ses effets interviennent lors de la phase précontractuelle.

E) Condition résolutoire