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193. Le but même du contrat de recouvrement est d’arriver au paiement par le débiteur, qu’il faille le convaincre ou l’y contraindre. Ce but se confond avec celui de la procédure de poursuite, même si les méthodes sont différentes.

Il nous faut donc analyser les rapports entre le contrat de recouvrement et la procédure de poursuite.

194.Nous devons distinguer le contrat de recouvrement de la représentation en matière d’exécution forcée qui trouve son fondement à l’art. 27 LP. Celle-ci ne peut s’exercer que dans le cadre d’une procédure de poursuite engagée contre le débiteur, et est limitée aux actions du droit de l’exécution forcée. À l’inverse, le contrat de recouvrement se trouve à l’extérieur du droit des poursuites. Cette séparation entre les domaines ne signifie pas qu’ils sont sans influence l’un sur l’autre. Pour justifier son existence au sein de

186 Infra N 401.

187 Infra N 238 ss.

188 BERGER, N 641 s. ; CR CO I-MORIN, CO 2 N 5 ; MÜLLER, Contrats, N 13 ; PdV-MÜNCH/KASPER LEHNE, N 2.10 ; TERCIER/FAVRE, N 212.

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l’ordre juridique, le recouvrement privé peut être vu comme un préalable à la poursuite (§ I.), ou comme une véritable alternative (§ II.).

§ I. Préalable

195. Le recouvrement peut être une phase préalable à la poursuite. Dans cette hypothèse, le créancier ne souhaite pas procéder directement, mais préfère trouver une solution extrajudiciaire au conflit.

196.L’action du recouvreur peut prendre plusieurs formes. On peut se trouver dans un cas typique de négociation, où créancier et débiteur font chacun des concessions : délai de paiement, acomptes, reconnaissance de dette, etc.

Le recouvreur est ici plus proche d’un médiateur.

197.À l’inverse, le recouvreur peut se montrer beaucoup plus dur, par exemple en menaçant le débiteur de poursuites, en faisait pression par des contacts répétés ou en l’inscrivant dans un registre de « mauvais payeurs », au risque de tomber dans l’illicéité189.

198.Quelle que soit la méthode choisie, le recouvreur a l’avantage d’être un tiers au conflit, même s’il n’est pas véritablement neutre. Son action peut donc amener à un changement d’attitude du débiteur ou faire évoluer les positions des deux parties, pour qu’elles parviennent à un compromis. Le recouvreur peut ici faire valoir une expérience et un savoir-faire particulier en la matière.

199.Par la suite, si le débiteur persiste à refuser – à tort ou à raison – de payer, trois hypothèses sont envisageables, en partant du principe que les parties souhaitent introduire une poursuite :

- Le créancier qui a conservé la titularité de la créance peut lui-même poursuivre son débiteur, sans l’aide du recouvreur. On se trouve alors dans un cas standard de procédure de poursuite, qui n’appelle pas de commentaire dans notre étude.

- Le créancier peut être représenté dans la poursuite par le recouvreur.

Cette activité est licite, mais elle est réglementée dans certains cantons, notamment Vaud et Genève190. Une modification législative fédérale, visant à faire disparaître cette réglementation, est en cours d’examen à l’heure où nous écrivons. Nous ne nous y attarderons pas dans cette thèse.

189 Pour les conséquences : infra N 1333 ss.

190 STOFFEL/CHABLOZ, § 3 N 15.

41 - Le recouvreur qui s’est fait céder la créance peut lancer lui-même une poursuite, afin d’obtenir le paiement. À nouveau, la procédure de poursuite suivra son cours.

§ II. Alternative

200.Le recouvrement peut également se voir comme une véritable alternative à la procédure de poursuite. Il s’agit d’une autre approche du problème des

« mauvais payeurs », qui présente plusieurs avantages par rapport à la procédure étatique, mais qui souffre de quelques inconvénients.

201.Le droit des poursuites est un droit impératif, formaliste et neutre191. Le créancier désireux d’avoir à ses côtés un intermédiaire qui suit ses instructions, ou qui souhaite pouvoir mener son processus de recouvrement en s’affranchissant du carcan étatique a donc tout intérêt à s’adresser à un tiers.

202. Les différences entre droit des poursuites et droit contractuel resteront en toile de fond tout au long de cette thèse, mais il nous paraît utile de survoler déjà quelques points fondamentaux.

A) Avantages

203. Nous l’avons vu, le droit des poursuites est un droit formel. Toute procédure d’exécution forcée est soumise à une succession de délais impératifs.

Si un seul de ces délais n’est pas respecté, la procédure s’effondre et doit être recommencée. Parallèlement, il n’est pas possible d’accélérer la procédure.

204. Le recouvrement, fondé sur la liberté contractuelle, est bien plus souple. Le créancier peut donc mener les opérations de recouvrement à son rythme, n’ayant pour seule limite que la volonté de son cocontractant. De plus, vu qu’il ne s’agit pas d’une procédure officielle, il n’y a aucun risque de devoir reprendre la procédure à zéro.

205.Le créancier qui s’adresse à un office de poursuite ou de faillite doit s’acquitter de frais, avant même que la procédure ne commence (art. 68 al. 1 LP)192. Il peut ensuite se retourner contre le débiteur et en obtenir le remboursement (art. 68 al. 1 LP)193. Cependant, si la procédure n’aboutit pas – soit parce que la créance n’était pas fondée, soit parce que le créancier a manqué un délai – il ne peut pas se les faire rembourser.

191 GILLIÉRON P.-R., Poursuite, N 113, 193 s. ; SPÜHLER, N 3 ; STOFFEL/CHABLOZ, § 3 N 52.

192 BSK SchKG I-EMMEL, LP 68 N 4 ; GILLIÉRON P.-R., Commentaire, LP 68 N 14, 24 ; MARCHAND,

Poursuites, p. 30 s. ; CR LP-RUEDIN, LP 68 N 13 ; STOFFEL/CHABLOZ, § 2 N 15.

193 BSK SchKG I-EMMEL, LP 68 N 16 ; GILLIÉRON P.-R., Commentaire, LP 68 N 14 ; MARCHAND,

Poursuites, p. 31 ; CR LP-RUEDIN, LP 68 N 4, 34 ; STOFFEL/CHABLOZ, § 2 N 15.

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206.Le contrat de recouvrement, en règle générale, ne prévoit pas d’avance de frais. Plus encore, la commission du recouvreur n’est due qu’en cas de réussite. Le créancier prend donc moins de risques en s’adressant à un recouvreur plutôt qu’à l’autorité de poursuite. En revanche, le créancier ne peut généralement pas faire supporter au débiteur le salaire du recouvreur194.

207.En plus d’une forte charge émotionnelle, le commandement de payer entraîne une inscription dans le registre des poursuites, qui a une fonction première d’information, mais qui peut aussi se montrer pratiquement infamante195. Les tiers peuvent en effet consulter le registre des poursuites s’ils font valoir un intérêt. Une poursuite frappée d’opposition reste inscrite jusqu’à sa péremption, même si le créancier ne procède à aucun autre acte (art. 8a LP)196. Ainsi, tous les partenaires contractuels, existants ou potentiels pourront voir ces poursuites, sans qu’aucun contrôle ne soit effectué quant à la validité de la dette.

Il s’agit certes de la fonction du registre, mais les conséquences peuvent être dommageables pour la réputation du débiteur.

208.La procédure de poursuite n’est pas sans risque pour le débiteur.

La faillite ou la délivrance d’un acte de défaut de biens peut mettre à néant certains contrats – par exemple le mandat (art. 405 CO)197, et empêche le débiteur d’exercer certaines professions, telles que celle d’avocat198 (art. 8 al. 1 let. c et 9 de la Loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA)199), ou, selon la législation cantonale, le notariat200 – par exemple à Genève : art. 48 al. 1 let. c de la Loi sur le notariat (LNot/GE)201. Elle peut aussi conduire à la dissolution d’une personne morale – par exemple en application de l’art. 736 ch. 3 CO pour la société anonyme.

209. En dehors du cadre civil, une poursuite peut également avoir un impact sur la carrière militaire, vu qu’elle est prise en compte lors de la procédure d’avancement202, en vertu de l’art. 103 de la Loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (Loi sur l’armée, LAAM)203.

210.Il s’agit donc d’un signe fort de la part du créancier. Il indique qu’il est prêt à prendre le risque de mettre fin à l’activité de son débiteur. Cela peut

194 Voir les possibilités et les limitations en matière de clause pénale : infra N 1121 ss.

195 Référence ancienne, mais à notre sens toujours d’actualité, au sujet du caractère « infamant » de la poursuite ou de la faillite : FF 1887 I 616, 620.

196 CR LP-DALLÈVES, LP 8a N 1, 3 ; MUSTER, p. 170 ; BSK SchKG I-PETER, LP 8a N 5 ss.

43 également montrer que le conflit entre les parties a atteint un point de non-retour. Dans le cadre d’une relation suivie entre deux partenaires commerciaux, cela pourrait signifier la fin des rapports contractuels.

211. Le recouvrement permet d’arriver plus facilement à une solution négociée. Recourir aux services d’un recouvreur peut, en fonctions des circonstances, montrer une certaine ouverture à la discussion, par rapport à la solution abrupte du commandement de payer. Dans l’idéal, elle permet aux deux parties de trouver un arrangement pour éviter une procédure longue et coûteuse.

212.Paradoxalement, la poursuite pourrait ne pas avoir assez d’impact.

L’opposition, par laquelle le débiteur peut stopper la poursuite, est en effet gratuite et informelle204, et le débiteur n’a pas besoin de la motiver, sauf cas particuliers (art. 75 LP)205.

213.La poursuite ne peut être continuée en cas d’opposition, à moins que le créancier n’obtienne la mainlevée de celle-ci206. Afin d’y parvenir, le créancier peut agir au fond (art. 79 LP), obtenir la mainlevée définitive (art. 80 LP – par exemple grâce à un jugement exécutoire)207 ou provisoire (art. 82 LP), grâce à une reconnaissance de dette208. Cette expression doit cependant être comprise dans un sens plus large qu’à l’art. 17 CO, un contrat de prêt signé peut par exemple suffire209. Si le créancier ne bénéficie pas déjà d’un document avant de s’adresser à un recouvreur, il paraît difficile de l’obtenir par la suite, si le débiteur persiste à refuser de payer.

214.L’introduction d’une action engendre un coût supporté par le créancier – par exemple CHF 100.— pour une audience de conciliation à Genève, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 30 000.—210 – qui peut être disproportionné par rapport au montant de la créance. À cela s’ajoutent le cas échéant les frais d’avocat, qui ne sont pas nécessairement couverts par les dépens. Enfin, le créancier supporte toujours le risque de perdre le procès211.

204 FF 1991 III 1, 5 ; GILLIÉRON P.-R., Commentaire, Remarques introductives aux art. 69-87, N 3.

GILLIÉRON P.-R., Poursuite, N 671 ; CR LP-RUEDIN, LP 74 N 2, 8, 22, LP 75 N 4 ; SPÜHLER, N 286, 297 ; STOFFEL/CHABLOZ, § 4 N 53.

205 BSK SchKG I-BESSENICH, LP 75 N 3, 8 ; CR LP-RUEDIN, LP 75 N 4, 8 ; STOFFEL/CHABLOZ, § 4 N 48.

Voir également, pour l’opposition de non-retour à meilleure fortune : supra N 179.

206 MARCHAND, Poursuite, p. 58.

210 Art. 15 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC ; RS/GE E 1 05.10).

211 COENDET/HURNI, p. 211.

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215.Ainsi, le coût de la procédure est un obstacle à l’action judiciaire et à la poursuite. Si la créance est d’un petit montant – quelques dizaines de francs – aucun créancier raisonnable ne prendra le risque d’obtenir la mainlevée de l’opposition. Le débiteur ne sera donc pas contraint à l’exécution. L’accès à la justice est garanti en théorie, mais bute sur des obstacles pratiques.

216.Si la créance est valable, mais qu’elle n’est pas suffisamment importante pour justifier une action en justice, le recouvreur peut entrer en action. Là où le créancier renonce de fait à l’exécution, le recouvreur peut y parvenir. Deux raisons expliquent cette différence : d’une part le recouvreur est un professionnel, qui fait métier de la persuasion et qui est plus à même de convaincre un débiteur de s’exécuter. D’autre part, les montants accumulés entre ses différents clients font que son activité est rentable, au contraire d’un créancier s’adressant à un unique débiteur.

217.Comme nous l’expliquions, le recouvrement pourrait aussi avoir son utilité pour les obligations naturelles, car si la justice ne permet pas d’en obtenir le paiement, le recouvreur n’est pas lié par ces considérations. Cependant, il serait illusoire de croire que le débiteur s’exécutera s’il en est conscient, dès lors qu’il ne peut y être contraint212. Il en va de même pour le « recouvrement d’actes de défaut de biens »213. L’activité du recouvreur n’est pas non plus limitée par l’exigibilité de la créance214.

218. Les dettes découlant d’une activité illicite ou contraire aux mœurs sont nulles et ne peuvent faire l’objet d’une action ou d’une poursuite. Dans ce cas, l’objet du contrat est à la fois illicite de par sa nature et impossible – la dette n’existe juridiquement pas. Le recouvrement est également impossible215 et n’offre donc aucun avantage particulier.

219.Si le débiteur est insolvable, c’est-à-dire qu’il n’est pas en mesure d’honorer toutes ses dettes exigibles, sans qu’il y ait nécessairement faillite, saisie ou cessation de paiements216, le recouvrement privé peut être utile. En effet, vu que le débiteur a encore la faculté de payer certaines dettes de son choix, le recouvrement privé permet de favoriser le créancier qui y recourt. La fonction de négociateur du recouvreur permet aussi au débiteur de trouver un arrangement de paiement, et peut-être éviter le recours aux poursuites.

212 Supra, N 112 ss.

213 Supra N 175 ss.

214 Supra N 142, 145.

215 Supra N 157.

216 BUTTICAZ, N 6 ; CORBOZ, Infractions, CP 165 N 31 et CP 167 N 2 ; ENGEL, Obligations, p. 659 ; GILLIÉRON P.-R., Surendettement, p. 130 ; CR CO I-HOHL, CO 83 N 5 ; MARCHAND, Poursuites, p. 36.

45 220.Le législateur a prévu un mécanisme de défense pour le créancier dont le débiteur est devenu insolvable après la conclusion du contrat217, il s’agit de l’art. 83 CO. Selon cette disposition :

« 1 Si, dans un contrat bilatéral, les droits de l’une des parties sont mis en péril parce que l’autre est devenue insolvable, et notamment en cas de faillite ou de saisie infructueuse, la partie ainsi menacée peut se refuser à exécuter jusqu’à ce que l’exécution de l’obligation contractée à son profit ait été garantie.

2 Elle peut se départir du contrat si cette garantie ne lui est pas fournie, à sa requête, dans un délai convenable. ».

221.Cet article est de droit dispositif, les parties peuvent atténuer ou renforcer ses effets par une clause ad hoc, par exemple en facilitant la résiliation218.

222.Dans l’hypothèse où le débiteur était déjà insolvable avant la conclusion du contrat et qu’il a caché ce fait au créancier, celui-ci peut se départir du contrat pour dol au sens de l’art. 28 CO, sans recourir à l’art. 83 CO219. Ce dernier article ne s’applique pas non plus si le contrat n’est pas synallagmatique220.

223.L’art. 83 CO a vocation à être utilisé en amont du problème, à savoir avant l’exécution par le créancier. Si le créancier prouve l’insolvabilité du débiteur221, il peut refuser sa prestation, voire se départir du contrat – à moins qu’il n’ait obtenu une garantie222. Cela lui permet donc d’éviter de prester en vain et de subir une perte223. Le recouvrement est dans cette optique un complément à cette disposition. Si le créancier a déjà exécuté sa prestation, il peut encore tenter de sauver sa contreprestation grâce à l’action du recouvreur, sans risquer d’être en concurrence avec les autres créanciers.

224.Il existe toutefois une limite à l’action du recouvreur dans ce domaine.

L’art. 167 CP interdit au débiteur insolvable de favoriser indûment un créancier au détriment des autres, notamment si ses actes de disposition ont un caractère

217 BUTTICAZ, N 52 ; CR CO I-HOHL, CO 83 N 7 ; MARCHAND, Poursuites, p. 36 s. ; SCHWENZER, N 62.09.

218 MARCHAND, Clauses, p. 175.

219 MARCHAND, Clauses, p. 175.

220 BUTTICAZ, N 53 ; CR CO I-HOHL, CO 83 N 6 ; SCHWENZER, N 62.09.

221 BUTTICAZ, N 11 ; ENGEL, Obligations, p. 659 ; CR CO I-HOHL, CO 83 N 10.

222 BUTTICAZ, N 4 ; CR CO I-HOHL, CO 83 N 11 ; SCHWENZER, N 62.12 ; ATF 105 II 28, JdT 1979 I 314, consid. 2b.

223 BUTTICAZ, N 2 s. ; CR CO I-HOHL, CO 83 N 1.

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inusuel ou si une créance inexigible est payée224 – ce dont un recouvreur peut précisément se charger225.

225.Mentionnons enfin que l’insolvabilité du débiteur met par définition sa capacité de remboursement en péril. Le salaire du recouvreur étant dépendant du paiement, il est important que ce dernier soit informé de la situation du débiteur, afin de pouvoir évaluer le risque qu’il prend226.

226.Ces deux derniers points, absence d’intérêt à une procédure et insolvabilité sont les plus pertinents pour qualifier le contrat de recouvrement d’alternative à la poursuite pour dettes. Le recouvrement offre une vaste palette de moyens au créancier qui souhaite récupérer son dû. Si le créancier parvient à ses fins, il s’est épargné les lourdeurs de la procédure, en n’abandonnant qu’une partie de la créance recouvrée. Sinon, sa situation ne s’est pas péjorée.

B) Inconvénients

227.Le principal inconvénient du recouvrement privé est évidemment l’absence de recours à la force publique. Cependant, on ne peut que s’en réjouir. Il serait en effet choquant qu’un privé puisse procéder lui-même à une saisie, sans le concours d’une autorité étatique de surveillance ou d’exécution.

228.Comme nous l’avons mentionné précédemment227, le recours à un recouvreur ne crée aucun droit supplémentaire, ni pour lui, ni pour le créancier.

Ainsi, quel que soit le contenu du contrat de recouvrement, il ne sera pas possible de procéder à une saisie sur les biens du débiteur, ou d’obtenir un titre officiel qui constate l’existence de la créance.

229.Faute de moyen de contrainte efficace, le débiteur peut toujours refuser de payer, sans encourir la moindre sanction. Le recouvreur doit se montrer persuasif. La limite n’est pas toujours claire entre négociation, persuasion et menaces. Il est nécessaire d’être attentif au risque de dérives dans l’activité du recouvreur228.

224 BSK StGB II-BRUNNER, CP 167 N 15, 18 ; CORBOZ, Infractions, CP 167 N 4 s. ; GILLIÉRON P.-R., Poursuite, N 1417 ; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, BT I, § 24 N 17 ss ; ATF 117 IV 23, JdT 1993 IV 42, consid. 4c.

Pour une analyse détaillée, infra N 1252 ss.

225 Supra N 142.

226 Infra N 678, 684 ss.

227 Supra N 46.

228 Infra N 1167 ss, 1298 ss.

47 C) Neutralité procédurale

230.L’action d’un recouvreur est dans tous les cas neutre d’un point de vue procédural. Le débiteur qui refuse de payer n’encourt pas de sanction et le créancier n’est pas privé de ses autres moyens de droit. Mais, pour les raisons que l’on vient de voir, tenter une action judiciaire n’est pas nécessairement le meilleur choix, le créancier aura donc parfois intérêt à renoncer à sa créance.

231.La majeure partie des créances sont soumises à un régime de prescription, le risque est de laisser s’écouler le délai sans réagir. En effet, on ne saurait dire que le créancier qui s’adresse à un recouvreur interrompt la prescription au sens de l’art. 135 ch. 2 CO. Les actes visés par cette disposition – un commandement de payer, par exemple – ont en effet une nature officielle229, dont le recouvrement ne saurait se prévaloir230.

232.L’action du recouvreur peut en revanche amener le débiteur à payer un acompte (paiement partiel) ou à reconnaître sa dette, ce qui constituera alors un acte interruptif de prescription au sens de l’art. 135 ch. 1 CO, même si le débiteur ne souhaitait pas l’interrompre231. Un nouveau délai, de même durée que celui interrompu, commencera alors à courir (art. 137 CO)232.

229 BOUVERAT/WESSNER, N 79 ; BSK OR I-DÄPPEN, CO 135 N 5 ; HUGUENIN, N 2268 ; CR CO I-PICHONNAZ, CO 135 N 11 ; SCHWENZER, N 84.29 ; TERCIER/PICHONNAZ, N 1578 ; ATF 133 III 675, consid. 2.3.1 s.

230 Au sujet du courrier d’un avocat qui ne peut interrompre la prescription : BOUVERAT/WESSNER, N 79.

231 BOUVERAT/WESSNER, N 77 ; CHAIX, Droit des contrats, p. 9 ; BSK OR I-DÄPPEN, CO 135 N 2 ; HUGUENIN, N 2267 ; MUSTER, p. 119 ; CR CO I-PICHONNAZ, CO 135 N 7, 9 ss ; SCHWENZER, N 84.27 ; TERCIER/PICHONNAZ, N 1577 ; ATF 134 III 591, JdT 2008 I 483, consid. 5.2.1.

232 BOUVERAT/WESSNER, N 74 ss ; HUGUENIN, N 2266 ; CR CO I-PICHONNAZ, CO 137 N 1 ; TERCIER/PICHONNAZ, N 1579 s.

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Synthèse

233.Le recouvrement de créances au sens où nous l’entendons dans cette thèse est donc le contrat par lequel une partie s’engage à récupérer le produit d’une créance et le rétrocéder contre rémunération. Elle peut être cédée au recouvreur, mais cela n’est pas nécessaire pour le bon fonctionnement du contrat.

234.Nous pouvons regrouper les créances en trois catégories principales : - Les créances « normales » ne posent aucun problème en matière

de recouvrement ;

- Les créances existantes, mais qui ne sont pas actionnables – inexigibles ou prescrites – ainsi que les créances futures déterminables ou déterminées, peuvent être l’objet d’un contrat de recouvrement. L’action du recouvreur semble cependant vouée à l’échec, temporairement ou définitivement ;

- Les créances inexistantes – futures mais indéterminables, périmées, nulles ou illicites – ne peuvent pas faire l’objet d’un recouvrement, car elles n’existent précisément pas aux yeux de la loi.

235.Le caractère contesté de la créance n’a pas de pertinence quant à l’objet du recouvrement, car – juridiquement – la créance existe ou n’existe pas.

En revanche, cela fait courir un risque supplémentaire au recouvreur, qui doit déterminer s’il accepte de voir ses efforts réduits à néant dans l’hypothèse où la créance s’avérait mal fondée. Ce caractère contesté est parallèlement le fondement économique du recouvrement privé.

En revanche, cela fait courir un risque supplémentaire au recouvreur, qui doit déterminer s’il accepte de voir ses efforts réduits à néant dans l’hypothèse où la créance s’avérait mal fondée. Ce caractère contesté est parallèlement le fondement économique du recouvrement privé.