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614.D’autres obligations à la charge du recouvreur découlent de la nature du contrat de recouvrement. Comme tout contrat de service, il faut tout d’abord examiner si le créancier est en droit d’exiger l’exécution personnelle du contrat (§ I.). Nous examinerons ensuite l’obligation de diligence (§ II.), celle de respecter les instructions (§ III.) et le devoir de discrétion (§ IV.).

§ I. Exécution personnelle

615.En matière d’exécution personnelle, la règle générale se trouve à l’art. 68 CO, qui dispose que :

« Le débiteur n'est tenu d'exécuter personnellement son obligation que si le créancier a intérêt à ce qu'elle soit exécutée par le débiteur lui-même. »

616.On présume cet intérêt dans le mandat, car le mandataire est le plus souvent un spécialiste engagé pour ses qualités, le rapport de confiance entre les parties entraîne aussi le plus souvent l’obligation d’exécuter personnellement685. On retrouve une concrétisation de cette obligation à l’art. 398 al. 3 CO686 :

« 3 [Le mandataire] est tenu [d’exécuter] personnellement [le mandat], à moins qu'il ne soit autorisé à le transférer à un tiers, qu'il n'y soit contraint par les circonstances ou que l'usage ne permette une substitution de pouvoirs. »

681 Infra N 692 ss.

682 HUGUENIN, N 3276 ; CR CO I-WERRO, CO 400 N 13.

683 Infra N 695.

684 CR CO I-WERRO, CO 400 N 19.

685 ENGEL, Contrats, p. 485 ; HUGUENIN, N 3251.

686 ENGEL, Contrats, p. 485 ; HONSELL, BT, p. 326 ; MÜLLER, Contrats, N 1948.

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617.Dans le courtage, l’exécution personnelle est également la règle.

La substitution est possible si elle est autorisée par le contrat ou par l’usage687. L’art. 398 al. 3 CO, en tant que règle générale s’appliquant au contrat de mandant, est concerné par le renvoi général de l’art. 412 CO.

618.Tout d’abord, relevons qu’en cas de recours à un auxiliaire688, le mandataire répond sur la base de l’art. 101 al. 1 CO689.

619.Il existe une controverse pour les cas de substitution – à savoir quand la tâche est déléguée à un tiers indépendant690. Une partie de la doctrine considère que le mandataire engage sa responsabilité personnelle en cas de recours à un tiers sans y être autorisé691, tandis que l’autre préfère y voir un cas d’application de l’art. 101 al. 1 CO692.

620. Nous nous rallions à cette seconde opinion, qui nous semble correspondre davantage à la systématique du Code des obligations – en renonçant à créer une nouvelle forme de responsabilité – et élimine la difficulté de la distinction entre auxiliaire et sous-mandataire693.

621. En revanche, si la substitution est autorisée, le mandataire bénéficie d’une responsabilité allégée (art. 399 al. 2 CO), en cela qu’il répond du choix et de l’instruction de son substitut – curae in eligendo et instruendo – mais pas de sa surveillance694.

622. Nous avons pu constater que nombre de recouvreurs sont organisés sous la forme de sociétés anonymes ou à responsabilité limitée. Les tâches déléguées découlant du contrat sont assumées par des employés – qui sont des auxiliaires – et non des sous-mandataires. Le régime de l’art. 101 al. 1 CO s’appliquera donc dans les rapports contractuels.

623.Nous étudierons plus loin les questions de responsabilité et de recours internes en cas d’acte illicite commis au préjudice du débiteur, car ces points nécessitent d’avoir étudié la protection que la loi confère à ce dernier695.

687 ENGEL, Contrats, p. 485 ; TERCIER/FAVRE, N 5623.

688 Supra N 337 ss pour la définition.

689 MÜLLER, Contrats, N 1950 ; TERCIER/FAVRE, N 5208.

690 TERCIER/FAVRE, N 5094.

691 DROZ, N 812 ; ENGEL, Contrats, p. 485 ; MÜLLER, Contrats, N 1968.

692 HONSELL, BT, p. 327 ; TERCIER/FAVRE, N 5209 s. ; CR CO I-WERRO, CO 399 N 2.

693 Sur la distinction : HUGUENIN, N 3251 ; MÜLLER, Contrats, N 1956 ; TERCIER/FAVRE, N 5101.

694 ENGEL, Contrats, p. 485 ; HONSELL, BT, p. 326 s. ; MÜLLER, Contrats, N 1954 ; TERCIER/FAVRE, N 5210 ; CR CO I-WERRO, CO 399 N 4.

695 Infra N 1326 ss.

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§ II. Diligence

624.En tant que telle, l’obligation de diligence du recouvreur n’existe pas véritablement – il s’agit en effet d’une incombance. On ne peut donc attendre du recouvreur qu’il mette en œuvre des moyens raisonnables pour amener le débiteur à payer.

625.Toutefois, cette obligation de diligence a d’autres facettes pleinement applicables au contrat de recouvrement. Notamment, l’obligation d’informer le créancier des actions entreprises et celle d’éviter les conflits d’intérêts696 restent à notre sens pleinement applicables.

§ III. Respect des instructions

626.L’art. 397 CO, relatif au devoir de respecter les instructions données par le mandant, est également applicable de manière générale au courtage, par le renvoi de l’art. 412 CO. Le droit de donner des instructions ne peut pas être supprimé par contrat697, le créancier gardera toujours le contrôle sur les actes du recouvreur qu’il a engagé. Cela ne l’empêche toutefois pas de lui laisser une grande liberté d’action698.

627. Le recouvreur est à notre sens un spécialiste dans son domaine d’expertise. Si les instructions données par le créancier sont « déraisonnables » – en ce sens qu’elles nuisent à la réalisation du but du contrat – le recouvreur n’a pas à les suivre699. Il doit toutefois clarifier la situation avec son cocontractant, notamment en l’informant de son désaccord700.

628.En revanche, des instructions illicites ou contraires aux mœurs seraient nulles701 – par exemple dans le l’hypothèse où les méthodes de recouvrement souhaitées par le créancier constitueraient une infraction pénale si elles étaient utilisées702. Le recouvreur est tenu d’en informer le créancier703.

629. Le mandataire qui suit les instructions précises du mandant, ou dont les actes ont été approuvés n’engage pas sa responsabilité vis-à-vis de ce

696 La classification change en fonction des auteurs, mais les principes restent les mêmes : TERCIER/FAVRE, N 5145 ss ; CR CO I-WERRO, CO 398 N 16, 29.

697 MARCHAND, Clauses, p. 16 ; CR CO I-WERRO, CO 397 N 3.

698 MÜLLER, Contrats, N 1996.

699 MÜLLER, Contrats, N 2003 ; CR CO I-WERRO, CO 397 N 10.

700 CR CO I-WERRO, CO 397 N 11.

701 MÜLLER, Contrats, N 2004 ; CR CO I-WERRO, CO 397 N 8.

702 Voir la casuistique que nous avons développée : infra N 1202 ss.

703 CR CO I-WERRO, CO 397 N 9.

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dernier704. Le recouvreur doit être soumis au même régime. Cela ne saurait toutefois pas exclure sa responsabilité pour acte illicite vis-à-vis du débiteur, le cas échéant705.

630. En cas d’instructions déraisonnables ou illicites, le recouvreur qui refuse de les suivre et en informe dûment son cocontractant n’engage pas sa responsabilité706. Toutefois, s’il accepte l’instruction, il répond de sa mauvaise exécution – même si elle est illicite ou immorale707.

631. Cette jurisprudence est à notre avis critiquable, car le recouvreur acceptant une instruction avant de se raviser est confronté au choix cornélien d’engager sa responsabilité vis-à-vis du créancier – même si le dommage reste difficile à prouver – ou commettre un acte illicite au préjudice du débiteur, dont les conséquences peuvent être graves708. Avec d’autres auteurs709, nous préférons considérer que le recouvreur n’est jamais lié par des instructions illicites ou immorales, même s’il les a dans un premier temps acceptées.

§ IV. Discrétion

632.Le recouvrement de créances est un sujet sensible, tant pour le débiteur en retard que pour le créancier. Ce dernier est légitimement fondé à souhaiter que l’intervention du recouvreur ne s’ébruite pas. D’une part, cela peut être mal perçu de la part des clients, qui sont susceptibles de se retrouver dans la même situation que le débiteur et ne souhaitent pas qu’un recouvreur intervienne.

D’autre part, il s’agit d’un signal négatif vis-à-vis des fournisseurs, car des difficultés à se faire payer peuvent à terme fragiliser la trésorerie du créancier.

633.Corollaire de son obligation de fidélité, le devoir de discrétion du recouvreur est le même que celui du mandataire vis-à-vis de son mandant.

Il couvre toutes les informations que le recouvreur a reçues ou découvertes durant son activité710, et l’obligation subsiste après la fin du contrat711. En revanche, faute d’une base légale topique, le recouvreur qui révèlerait une information à lui confiée ne commettrait pas une infraction pénale de ce fait712.

704 TF, 4A_637/2012, consid. 2.8, non publié aux ATF 139 III 160.

705 CR CO I-WERRO, CO 397 N 9, 12.

706 CR CO I-WERRO, CO 397 N 8, 12.

707 ATF 124 III 253, JdT 1999 I 389, consid. 3c.

708 Conséquences pénales et civiles : infra N 1167 ss et 1298 ss.

709 Dans le même sens : CR CO I-WERRO, CO 397 N 8.

710 MÜLLER, Contrats, N 1995 ; CR CO I-WERRO, CO 398 N 22.

711 MÜLLER, Contrats, N 1996.

712 CORBOZ, CP 321 N 8.

Comparer avec le médecin ou l’avocat : art. 321 CP. MÜLLER, Contrats, N 1997.

Voir également : infra N 1238 ss.

133 Cela vaut également pour un avocat qui serait chargé de recouvrer une créance, cette activité ne relevant pas typiquement de sa profession713.

634.Cette obligation contractuelle ne protège que le créancier. La discrétion dont doivent faire preuve le recouvreur et le créancier au sujet des difficultés qu’ils rencontrent avec le débiteur n’a pas à être réglée dans le contrat de recouvrement en tant que tel, mais dans les rapports entre celui-ci et ceux-là.

Nous y reviendrons dans notre seconde partie714.