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§ I. Détermination contractuelle

438.Selon l’art. 116 al. 1 LDIP, « [l]e contrat est régi par le droit choisi par les parties. ». Les contrats de mandat et de courtage, dont on a vu qu’ils étaient des composantes principales du recouvrement, ne font pas exception à la règle507. Ainsi, le droit applicable au contrat de recouvrement est avant tout déterminé par la volonté des parties. L’élection du droit suisse est possible même si le contrat ne présente aucun lien avec la Suisse, notamment si les parties souhaitent qu’un droit neutre régisse leur relation. L’usage de cette liberté ne doit toutefois pas constituer un abus de droit508.

439.L’art. 116 al. 2 LDIP règle les modalités de l’élection de droit. Celle-ci ne requiert pas de forme particulière. Elle peut être expresse ou tacite, il suffit que la volonté des parties soit claire509. L’élection de droit est rétroactive en vertu de l’art. 116 al. 3 LDIP, sous réserve des droits de tiers ou d’un accord contraire des parties510.

440.Le créancier et le recouvreur peuvent donc en principe s’entendre tant sur le choix du for que sur celui du droit applicable. Nous examinerons cependant quelques normes spécifiques restreignant le choix du droit applicable par les parties au contrat.

506 CR LDIP-BONOMI, LDIP 114 N 3 ; CPC-HALDY, CPC 32 N 5 ss ; KZPO-FELLER/BLOCH, CPC 32 N 15 ss ; FORNAGE, p. 125.

En 2008, au sujet du projet de CPC : PICHONNAZ, Consommation, p. 54.

507 BUCHER/BONOMI, N 1056 ; BK-FELLMANN, Vorb. zu Art. 394-406, N 166, 172 ; KREN KOSTKIEWICZ, N 2202.

508 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 17 ;KREN KOSTKIEWICZ, N 2106.

509 BSK IPRG-AMSTUTZ/VOGT/WANG, LDIP 116 N 37 ss ; CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 35 ; FURRER/ GIRSBERGER/MÜLLER-CHEN/SCHRAMM, § 7 N 85 SS ;KREN KOSTKIEWICZ, N 2122 ; ATF 130 III 417, consid. 2.2.1.

510 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 44.

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§ II. Détermination légale

A) En général

441.La détermination légale du droit applicable en matière contractuelle découle de l’art. 117 LDIP :

« 1 À défaut d'élection de droit, le contrat est régi par le droit de l'État avec lequel il présente les liens les plus étroits.

2 Ces liens sont réputés exister avec l'État dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ou, si le contrat est conclu dans l'exercice d'une activité professionnelle ou commerciale, son établissement.

3 Par prestation caractéristique, on entend notamment : […]

c. la prestation de service dans le mandat, le contrat d'entreprise et d'autres contrats de prestation de service ; […] ».

442.Cette présomption posée par l’art. 117 LDIP concernant les « liens les plus étroits » doit être vérifiée dans chaque véritable litige, et le juge peut s’en écarter511. Nous pouvons cependant dire qu’en règle générale, le contrat de recouvrement sera régi par le droit du domicile du recouvreur. En effet, la prestation caractéristique est le service rendu512, tant dans le contrat de mandat que dans le contrat de courtage, qui sont les deux composantes du contrat de recouvrement513. Cela est renforcé par le fait que le créancier exécute une prestation pécuniaire, qui n’est en principe pas la prestation caractéristique du contrat514.

B) Détermination impérative

443. Comme en matière de for, certaines règles de droit international privé restreignent la liberté des parties de choisir le droit applicable. Par exemple, l’art. 120 LDIP exclut l’élection de for en matière de contrat conclu avec un consommateur, le droit de ce dernier étant impérativement applicable515.

511 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 6 ; BUCHER/BONOMI, N 1036 s. ; FURRER/GIRSBERGER/MÜLLER-CHEN/SCHRAMM,

§ 8 N 56;KNOEPFLER/SCHWEIZER/OTHENIN-GIRARD, N 518.

512 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 36 ;BUCHER/BONOMI, N 1043 ; FURRER/GIRSBERGER/MÜLLER-CHEN/SCHRAMM,

§ 8 N 55;KNOEPFLER/SCHWEIZER/OTHENIN-GIRARD, N 519. KREN KOSTKIEWICZ, N 2202.

513 Supra N 396.

514 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 14 ;BUCHER/BONOMI, N 1043.

515 CR LDIP-BONOMI, LDIP 120 N 22 ; BUCHER/BONOMI, N 1081, 1084 ; JEANDIN/PEYROT, p. 166 ; KNOEPFLER/ SCHWEIZER/OTHENIN-GIRARD, N 914 ; FURRER/GIRSBERGER/MÜLLER-CHEN/SCHRAMM,§ 7 N 76,§ 8 N 49 ; KREN KOSTKIEWICZ, N 2283.

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444.On l’a vu, le créancier ne peut être considéré comme un consommateur sous l’angle du droit international privé suisse, en raison du critère de la prestation de consommation courante516. La détermination impérative du droit applicable ne peut donc pas entrer en ligne de compte ici.

445.Au-delà de ces règles impératives, il existe des normes particulièrement importantes, qui trouvent à s’appliquer en toutes circonstances et qui font échec à l’application d’une norme tirée d’un autre droit. Elles sont toutefois d’application restrictive517. Il s’agit des règles d’ordre public, qui comportent deux aspects, un positif et un négatif.

446.L’ordre public positif – régi par l’art. 18 LDIP – est l’application d’une norme impérative de droit suisse (une « loi d’application immédiate » ou une

« loi de police ») malgré l’existence d’une norme différente dans le droit étranger applicable. Il ne s’agit pas simplement d’une norme impérative, dont la violation serait sanctionnée en droit interne par l’illicéité, mais bien d’une règle appartenant au noyau d’un système légal518. On peut citer par exemple le droit d’action de la Confédération en matière de concurrence déloyale519.

447. Il faut cependant que la cause en question ait un lien suffisant avec la Suisse. La simple élection d’un droit neutre par des parties à un contrat n’entraîne pas nécessairement l’application des articles 17 ou 18 LDIP520.

448.Parmi ces règles – dont la liste ne saurait être exhaustive – on compte l’interdiction de l’abus de droit, l’interdiction des taux d’intérêt usuraires, les dommages-intérêts punitifs, le respect de l’intérêt de l’enfant dans les affaires qui le concerne, l’interdiction des pots-de-vin ou encore la protection du noyau des droits de la personnalité521.

449. Il n’est pas possible de se soustraire à ces règles, qui s’appliquent dès que le for est en Suisse. En matière contractuelle, l’ordre public empêche l’application de la règle convenue par les parties522.

450.Le contrat de recouvrement n’échappe pas à l’ordre public, mais les cas d’application sont rares. On pourrait penser à l’interdiction de l’abus de droit,

Pour les dommages-intérêts punitifs uniquement : BUCHER/BONOMI, N 1182, 1194.

522 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 13 ; BUCHER/BONOMI, N 483.

95 commune à toutes les relations contractuelles.L’ordre public négatif, tiré de l’art.

17 LDIP, empêche l’application d’une norme de droit étranger qui « heurterait » le sentiment de justice de façon « intolérable »523. Nous n’avons pas connaissance d’une telle règle étrangère en matière de contrat de recouvrement.

523 CR LDIP-BONOMI, LDIP 116 N 13 ; BUCHER/BONOMI, N 484 ; DUTOIT, p. 25 ; KNOEPFLER/SCHWEIZER/OTHENIN-GIRARD, N 351 ; BSK IPRG-MÄCHLER-ERNE/WOLF-METTIER, LDIP 17 N 13 ; OTHENIN-GIRARD, N 12, 113 ; ATF 128 III 201, SJ 2002 I 293, consid. 1b ; ATF 135 III 614, consid. 4.2.

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Synthèse

451.En conclusion, les parties au contrat de recouvrement sont libre d’élire un for et un droit applicable, sous réserve que l’une d’elle soit consommatrice ou travailleuse – un cas rare – ou dans les situations, plus rares encore, d’atteinte à l’ordre public. Le système suisse est donc relativement libéral en la matière.

452.À défaut d’une clause particulière, on en reviendra aux règles applicables en matière de contrats. Le for sera au domicile du défendeur de l’action ou au lieu de l’exécution. La prestation caractéristique du contrat étant celle du recouvreur, le droit applicable sera celui de sa résidence ou de son siège.

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« In principio erat Verbum […] et Verbum caro factum est et habitavit in nobis »

Évangile selon JEAN, Chapitre 1, versets 1 et 14.

Chapitre 4 : Formation du contrat

453.Nous tâcherons de déterminer dans ce chapitre comment le contrat de recouvrement se forme. Deux éléments sont à prendre en compte, d’une part l’échange des manifestations de volontés (Section I), d’autre part les règles de forme applicables (Section II).