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468.Le droit suisse est basé sur le principe du consensualisme, qui prévoit – en accord avec le principe de la liberté contractuelle547 – que les parties peuvent se lier contractuellement sans avoir à respecter une forme particulière (art. 11 al. 1 CO)548.

469. Il existe deux catégories d’exceptions au principe de la liberté de la forme, qui sont les formes contractuelles légales et conventionnelles549. Ces exigences de forme ne doivent pas être prises à la légère. En effet, l’art. 11 al. 2 CO prévoit que le contrat qui ne les respecterait pas serait nul, sauf disposition contraire de la loi550. Une autre limite à cette nullité est l’abus de droit de la partie qui invoquerait le vice de forme551.

544 Infra N 551.

545 Infra N 515 ss.

546 Infra N 836 ss.

547 ENGEL, Obligations, p. 246 ; CR CO I-GUILLOD/STEFFEN, CO 19/20 N 54 ; HUGUENIN, N 337 ; CR CO I-MORIN, CO 1 N 36b ; TERCIER/PICHONNAZ, N 553, 555 ; ATF 129 III 35, JdT 2003 I 127, consid. 6.1.

548 ENGEL, Obligations, p. 246 ; CR CO I-GUILLOD/STEFFEN, CO 19/20 N 54 ; HUGUENIN, N 337 ; SCHWENZER, N31.01 ;TERCIER/PICHONNAZ,N666 ;CRCOI-XOUDIS,CO11N 9.

549 ENGEL, Obligations, p. 246 ; CR CO I-GUILLOD/STEFFEN, CO 19/20 N 55 ; HUGUENIN, N 337 ; TERCIER/PICHONNAZ,N667,671ss ;CR CO I-XOUDIS, CO 11 N 10.

550 ENGEL, Obligations, p. 247, 259 ;HUGUENIN, N 368 ; SCHWENZER,N31.26 ;TERCIER/PICHONNAZ,N697 ; CR CO I-XOUDIS, CO 11 N 33.

551 HUGUENIN, N 370 ; SCHWENZER,N31.30 ;CR CO I-XOUDIS, CO 11 N 36 s.

La solution n’est toutefois « guère satisfaisante », compte tenu du fait qu’il s’agit d’une exigence légale, pour ENGEL, Obligations, p. 264 s.

101 470.La forme légale n’existe par définition que pour les contrats nommés, seuls réglés par la loi. Ces règles de forme poursuivent des buts de protection des parties – en particulier d’une éventuelle partie faible du contrat – ou de publicité552. Les règles de forme sont évidemment impératives, sans quoi elles n’auraient aucun intérêt553. Suivant en cela la règle générale, une exigence de forme peut être transposée d’un contrat nommé à un contrat innommé, si cela répond au but protecteur de la norme imposant cette forme554.

471. Les différences de nature entre mandat de recouvrement (§ I.) et cession de créances aux fins de recouvrement (§ II.) font qu’il est judicieux de les traiter différemment dans ce contexte.

§ I. Mandat de recouvrement

472.Le contrat de recouvrement est bien un contrat innommé555, mais ni le mandat556, ni le courtage557 ne prévoient de forme particulière pour la conclusion du contrat. Force est de constater que le contrat de recouvrement peut être conclu sans forme.

473.Certaines clauses du contrat d’agence nécessitent la forme écrite pour être valables558. Nous avons déjà explicité les différences entre le contrat de recouvrement et le contrat d’agence, pour parvenir à la conclusion que le recouvreur n’avait pas le même besoin de protection559. Ces règles de forme ne sont donc à notre avis pas transposables.

474. Cependant, vu le principe de liberté de la forme, les parties peuvent valablement prévoir durant les négociations le respect d’une forme particulière, même par actes concluants560 – vu les montants en jeu, la forme écrite simple semble la plus raisonnable. L’art. 16 al. 2 CO présume que la forme écrite

Également critique : TERCIER/PICHONNAZ,N698ss, 703d.

Dans la jurisprudence fédérale : ATF 92 II 323, JdT 1967 I 338, consid. 3 ; ATF 93 II 97, consid. 1 ; ATF 98 II 23, JdT 1972 I 541, consid. 5 ; ATF 104 II 99, JdT 1979 I 16, consid. 4 ; ATF 112 II 107, JdT 1986 I 587, consid. 3 ; ATF 112 II 330, JdT 1987 I 70, consid. 3 ; ATF 140 III 200, SJ 2014 I 321, consid. 4.

552 HUGUENIN, N 341 ; SCHWENZER,N31.02 ;TERCIER/PICHONNAZ,N672 S.

553 TERCIER/PICHONNAZ,N672 ;CR CO I-XOUDIS, CO 11 N 50.

554 CR CO I-RAYROUX, CO 412 N 16 ; CR CO I-XOUDIS, CO 11 N 13.

555 Supra N 398.

556 CHAUDET/CHERPILLOD/LANDROVE, N 2285 ; ENGEL, Contrats, p. 480 ; HONSELL, BT, p. 304 ; MÜLLER, Contrats, N 1920 ; CR CO I-WERRO, CO 395 N 12.

557 ENGEL, Contrats, p. 522 ; HONSELL, BT, p. 352 ; CR CO I-RAYROUX, CO 412 N 16.

558 Supra N 309.

559 Supra N 314, 317.

560 ENGEL, Obligations, p. 246, 257 s. ; CR CO I-XOUDIS, CO 16 N 1 ; ATF 139 III 160, consid. 2.6.

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correspond aux exigences légales en la matière, soit les articles 13 et suivants CO561.

475.Cette forme conventionnelle peut avoir une simple valeur de preuve – forme probatoire – ou entraîner la nullité du contrat si elle n’est pas respectée – on parle alors de forme constitutive562. L’art. 16 al. 1 CO crée une présomption en faveur de la forme constitutive, qui peut évidemment être renversée si l’interprétation de la volonté des parties amène à la solution inverse563.

476. L’art. 12 CO – qui soumet la validité d’une modification d’un contrat soumis à une forme légale aux mêmes exigences que pour sa conclusion – ne s’applique pas si le contrat est soumis à une forme conventionnelle. Pour déterminer si les parties entendaient réserver une forme particulière pour la modification du contrat, il faut interpréter leur volonté564.

§ II. Cession de créances aux fins de recouvrement

477.Nous avons vu que la cession de créances aux fins de recouvrement est un contrat innommé, présentant les mêmes fondements de mandat et de courtage que le mandat de recouvrement, mais intégrant de plus un élément de cession de créances au sens des articles 164 et suivants CO.

478.Parmi les règles applicables à la cession de créances, l’art. 165 CO pose l’exigence du respect de la forme écrite. Le but est ici d’assurer la sécurité du droit. Dès lors qu’une créance n’a pas d’existence matérielle, le débiteur doit savoir envers qui il est obligé565.

479.La ratio legis de l’art. 165 CO est sans autre transposable à la situation du recouvrement. Elle sert même les parties, vu que leur objectif est d’amener le débiteur à payer. Ce denier doit être sûr que son paiement en mains du recouvreur sera apte à le libérer de ses obligations. Il nous faut donc conclure que la cession de créances aux fins de recouvrement est soumise à l’exigence légale du respect de la forme écrite.

480.En principe, seul le cédant doit signer la cession de créances, dès lors qu’il est le seul à s’engager566. Cette conception doit être suivie ici, car il suffit que le débiteur puisse savoir envers qui il doit s’acquitter de sa dette, condition remplie par la signature de son « ancien » créancier. De plus, le recouvreur-cessionnaire s’engage uniquement sous l’angle d’un contrat de service, qui ne

561 SCHWENZER, N 31.48.

562 CR CO I-XOUDIS, CO 16 N 2, 35.

563 ENGEL, Obligations, p. 246, 258 ; SCHWENZER,N31.45 ;CR CO I-XOUDIS, CO 16 N 3.

564 ENGEL, Obligations, p. 258 ; CR CO I-XOUDIS, CO 12 N 2, CO 16 N 24, 31.

565 CR CO I-PROBST, CO 165 N 1.

566 CR CO I-PROBST, CO 165 N 2.

103 nécessite pas de forme. Il ne se justifie pas d’étendre l’exigence de forme écrite au-delà du strict nécessaire, d’autant plus qu’il s’agit d’une dérogation au principe de la liberté de la forme, composante de la liberté contractuelle567.

481. Si la forme n’est pas respectée, il nous semble que la nullité de l’entier du contrat serait une sanction trop incisive, et qui irait au-delà du but de sécurité juridique imposé par la loi. Il convient selon nous de considérer alors que le contrat est valable, sauf en ce qui concerne le transfert de la titularité de la créance. On revient donc à un mandat de recouvrement.

567 Supra N 468.

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Synthèse

482.Le contrat de recouvrement suit les mêmes règles que les autres contrats en matière d’échange des manifestations de volontés, sous réserve de l’art. 395 CO, qui facilite la conclusion du contrat en prévoyant que l’acceptation expresse par le prestataire de services – ici le recouvreur – n’est pas nécessaire.

Le recouvreur étant principalement soumis à une incombance568, cette approche ne lui est pas trop défavorable.

483.En revanche, l’art. 6 CO ne s’applique à notre avis pas au créancier, qui devra donc toujours manifester son accord pour que l’on puisse considérer que le contrat est conclu. Cela permet d’éviter qu’un recouvreur ne commence son activité sans avoir eu l’aval clair de son partenaire contractuel.

484. Vu la nature juridique du mandat de recouvrement, celui-ci peut être conclu sans forme, à l’instar du mandat et du courtage. Les parties demeurent toutefois libres de choisir une forme plus stricte.

485.La cession de créances aux fins de recouvrement nécessite en revanche que l’élément de cession de créances revête la forme écrite pour être valable.

À défaut, la titularité de la créance ne passera pas au recouvreur, et les parties se retrouveront dans une situation équivalente à la conclusion d’un mandat de recouvrement.

568 Infra N 498.

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« Uccider quel gobbo! Che diavol dicesti!

Un ladro son forse? Son forse un bandito?

Qual altro cliente da me fu tradito'!

Mi paga quest'uomo… fedele m'avrà. » Giuseppe VERDI, Rigoletto, Acte III, Scène VI.

Chapitre 5 : Obligations du recouvreur

486. Nous examinerons les obligations du recouvreur en deux temps. Tout d’abord, nous nous attacherons aux obligations typiques du contrat de recouvrement (Section I). Dans un second temps, nous nous intéresserons aux autres obligations, qui sont communes aux contrats de service (Section II).

487. Cette distinction a son importance. Les parties peuvent à loisir modifier les obligations du contrat, dans les limites de la loi. Toutefois, si elles altèrent radicalement une obligation typique d’un contrat, la nature de celui-ci changera569.

488. Nous conclurons en examinant les moyens de droit à disposition du créancier en cas d’inexécution ou d’exécution fautive du recouvreur (Section III).

489.À titre liminaire, il nous semble important de préciser l’étendue des pouvoirs dont dispose le recouvreur, l’art. 396 CO prévoit que :

« 1 L'étendue du mandat est déterminée, si la convention ne l'a pas expressément fixée, par la nature de l'affaire à laquelle il se rapporte.

2 En particulier, le mandat comprend le pouvoir de faire les actes juridiques nécessités par son exécution.

3 Le mandataire ne peut, sans un pouvoir spécial, transiger, compromettre, souscrire des engagements de change, aliéner ou grever des immeubles, ni faire des donations. »

490. À moins que le contrat ne prévoie des restrictions particulières570, le recouvreur – comme tout courtier ou mandataire – dispose de tous les pouvoirs nécessaires pour mener à bien la mission qui lui a été confiée.

En particulier, il pourra effectuer tous les actes de fait ou de représentation nécessaires571. Toutefois, certaines limites existent. Nous examinerons de façon

569 Supra N 238.

570 MÜLLER, Contrats, N 1933 ; CR CO I-WERRO, CO 396 N 3.

571 MÜLLER, Contrats, N 1934 ss ; CR CO I-WERRO, CO 396 N 7 ss.

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approfondie la transaction au cours de ce chapitre572, puis les limites sous l’angle de la protection du débiteur dans notre seconde partie573.

491.La représentation du créancier par le recouvreur se matérialisera dès le premier contact, qui peut correspondre à une interpellation au sens de l’art. 102 al. 1 CO – si cela n’a pas déjà été fait574. Ce moment est également important au regard du droit au salaire, car il marque le début de l’activité du recouvreur.