• Aucun résultat trouvé

Section I : Obligations principales

B) Modulations contractuelles

674. Conformément au principe de la liberté contractuelle, une clause contraire aux principes que nous avons énoncés est possible. En présence de pareil accord, l’art. 413 al. 3 CO – qui doit selon nous trouver application, toujours par souci de cohérence – présume que le remboursement est dû même si le courtier n’est pas parvenu à ses fins. Cette règle est toutefois de droit dispositif740.

675.Par conséquent, la modulation contractuelle du remboursement des impenses se fait principalement à deux niveaux. Premièrement, les parties sont libres de décider du principe du remboursement. Deuxièmement, elles peuvent le lier au paiement du salaire, en prévoyant que seul l’accomplissement du but visé ouvre ce droit.

676.Au cours de notre recherche, nous avons pu constater que les contrats de recouvrement prévoyaient fréquemment le remboursement des impenses engagées, et ne les conditionnaient que rarement au succès obtenu.

737 CR CO I-RAYROUX, CO 413 N 2.

738 CR CO I-WERRO, CO 402 N 5 ss.

739 Supra N 205 ss.

740 ANTOGNAZZA, p. 4 ; CR CO I-RAYROUX, CO 413 N 2.

142

677.Si le droit au salaire est indépendant du résultat obtenu par le recouvreur, ou si le recouvreur agit gratuitement, nous avons vu que le contrat devait être qualifié de mandat simple741. Dans ce cas, la règle de l’art. 402 CO sera la seule à trouver application, et les impenses seront en principe remboursées. Toutefois, rien n’empêche les parties de prévoir un régime différent par contrat : soit une exclusion totale, soit un remboursement conditionné à la réussite – dont on peine toutefois à voir l’utilité pratique.

Section II : Obligations accessoires

§ I. Renseignements

678.L’obligation de fournir certains renseignements au recouvreur découle de la nature même du contrat. D’une part, l’objet du contrat – la créance – doit être déterminé, ce qui signifie que le créancier doit donner suffisamment d’informations pour permettre la spécification de la créance en souffrance.

D’autre part, le recouvreur est obligé de disposer de certaines informations pour pouvoir exécuter sa prestation.

A) Créance

679.Nous avons vu que le contrat de recouvrement ne pouvait porter que sur une créance déterminée ou déterminable742. Le créancier qui s’adresse à un recouvreur doit donc suffisamment spécifier de quelle créance il s’agit. Parmi les éléments d’identification, nous comptons au moins la cause de la créance, le montant de celle-ci et l’identité du débiteur.

680.La nécessité d’indiquer la cause et le montant de la créance découle de la nature même des obligations. Premièrement, le recouvreur doit savoir combien il réclamera au débiteur et quand il pourra cesser ses démarches en estimant que le débiteur s’est correctement exécuté. Deuxièmement, la rémunération promise est généralement corrélée au montant de la dette de base.

681.L’obligation d’identifier le débiteur découle logiquement de l’obligation d’identifier la créance. Parmi les éléments à mentionner, on trouve en premier lieu le nom, puis les moyens à disposition pour le localiser et le distinguer d’éventuels homonymes : adresse, date de naissance, coordonnées téléphoniques ou informatiques, etc.

741 Supra N 295.

742 Supra N 120.

143 682.Si le débiteur est identifié, mais que le créancier ignore où il se trouve, les parties peuvent s’entendre sur les recherches à mener afin de le retrouver.

Il est parfaitement envisageable que le recouvreur s’en charge, si le contrat ou un accord subséquent le prévoit. Sauf convention spéciale, les règles relatives aux impenses743 s’appliqueront également dans ce cas de figure.

683.Le recouvreur et le créancier doivent être attentifs aux risques découlant de la conclusion d’un contrat portant sur une obligation qui incorpore un élément de secret, qu’il soit conventionnel (clause de confidentialité) ou protégé par le droit pénal (par exemple, le secret du médecin ou de l’avocat – art. 321 CP). Nous y reviendrons744.

B) Solvabilité

684.Au contraire de la validité de la créance, la solvabilité du débiteur ne constitue pas un élément nécessaire au contrat de recouvrement. En revanche, son éventuelle insolvabilité peut être un risque pour le recouvreur, dont la rémunération dépend directement du paiement de la créance de base.

Le créancier doit donc à notre avis fournir toutes les informations pertinentes au recouvreur, pour que celui-ci évalue le risque qu’il a de conclure le contrat.

685.En principe, le créancier devrait au préalable se renseigner sur la solvabilité de son débiteur. L’expérience montre qu’il n’en est généralement rien. Il se peut que le créancier ne dispose d’aucune ou de trop peu d’informations sur l’état financier de son débiteur. Comme en matière de recherche et d’identification, les parties peuvent s’accorder sur d’éventuelles recherches préalables, qui seront également réglées comme des impenses.

686.À défaut d’informations, les deux parties prennent le risque que le contrat ne puisse pas être correctement exécuté. Le risque pèsera sur l’une ou l’autre partie en fonction du paiement des impenses en cas d’échec. Sachant que les deux parties ont consciemment et volontairement pris ce risque, il ne convient à notre sens pas de modifier la répartition du risque ou d’invoquer les règles de l’erreur.

687. Autre est la situation dans laquelle une partie – en principe le créancier – sait que le contrat ne pourra pas être exécuté, à cause de graves difficultés financières du débiteur. Cette situation ne doit être admise que dans les cas extrêmes, par exemple si le débiteur est une personne morale et que sa faillite entraînera sa dissolution. Le cas d’une personne physique disposant d’un acte de défaut de biens définitif ne suffira en revanche pas, celle-ci ayant toujours la possibilité de rembourser ses dettes. Dans ce cas, il convient selon nous

743 Supra N 669 ss.

744 Infra N 1238.

144

d’appliquer les règles du dol, l’invalidation du contrat menant à des dommages-intérêts négatifs et à une éventuelle responsabilité basée sur la culpa in contrahendo.

688. Le contrat peut également mettre à la charge du recouvreur l’obligation de vérifier la solvabilité du débiteur avant de continuer les démarches de recouvrement. En fonction de la configuration des obligations, il pourrait s’agir d’un contrat indépendant, ou d’une condition incluse dans le contrat principal, vraisemblablement avec un effet résolutoire en cas d’insolvabilité du débiteur.

C) Démarches

689.Le recouvreur qui conclut le contrat doit avoir en main les éléments permettant de jauger ses chances de succès. Parmi ceux-ci, on peut penser aux démarches déjà effectuées par le créancier, qu’elles soient informelles comme un envoi de rappel ou formelles comme une poursuite ou une action en justice.

L’engagement, passé ou présent, d’un autre recouvreur est également une information qui doit à notre sens être transmise. Le risque est ici de voir le lien psychologique rompu par un élément extérieur.

690. Enfin, toute information sur le comportement du débiteur, dans la relation en cause ou dans une relation précédente devrait être transmise.

Ces divers éléments permettront au recouvreur d’apprécier la détermination du débiteur et de mieux calibrer son action. En particulier, les arguments éventuels invoqués par le débiteur pour justifier son absence ou son refus de paiement sont déterminants. Si la créance est contestée en tout ou partie, les chances de succès et de rémunération sont diminuées d’autant.

691.Le créancier qui ne satisferait pas à cette obligation pourrait se voir opposer l’erreur du recouvreur, et donc l’invalidation du contrat. L’utilité de l’invalidation est toutefois diminuée au vu de la possibilité de résilier en tout temps garantie par l’art. 404 al. 1 CO745. Si les éléments ont été sciemment dissimulés, les circonstances conduiront potentiellement à reconnaître un cas de dol au sens de l’art. 28 CO, et à mener à des dommages-intérêts sur la base de la culpa in contrahendo746.

D) Documentation

692.Les documents sont la concrétisation des affirmations développées précédemment, ils permettent de juger littéralement « sur pièces » de la situation factuelle.

745 Infra N 836 ss.

746 Sur le régime de la culpa in contrahendo : infra N 720 ss.

145 693.Parmi les documents envisageables, on peut penser au contrat signé par les parties au rapport de base s’il existe, mais également une facture ou les courriers échangés. Les documents ayant servi au cours d’une procédure officielle ou au cours d’un recouvrement précédent sont également inclus dans notre définition. En plus de la nécessaire détermination de la créance à recouvrer, qui est un élément de la validité du contrat, cela permet au recouvreur de déterminer quels sont les arguments les plus susceptibles de fonctionner.

694.Des éléments non-écrits en tant que tels, mais permettant de conserver une trace des interactions entre le créancier et le débiteur – notamment les courriers électroniques – doivent à notre sens faire l’objet du même traitement.

695.À notre avis, le recouvreur n’a pas d’intérêt particulier à recevoir le document original. Une copie est suffisante pour les besoins du recouvreur, et le créancier ne prend ainsi pas le risque de se défaire de l’original – dont il pourrait avoir besoin dans une procédure subséquente.

§ II. Abstention

696. Les obligations étudiées jusqu'à présent étaient des actions qui devaient être entreprises par le créancier, mais celui-ci ne doit pas non plus mettre en péril la bonne exécution du contrat.