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2.3- Le non-versement des contributions aux OIG4 africaines par les pays membres

Dans le document Doctorat de Droit Public (Page 163-166)

La difficulté majeure que rencontrent les OIG africaines5 dans le financement de leur œuvre d‟intégration est le non-versement des contributions financières dues par les Etats membres. Force est de constater qu‟en dépit de la volonté politique et des efforts déployés pour asseoir l‟intégration régionale en Afrique, l‟inadéquation entre les objectifs de l‟intégration régionale et les moyens financiers consacrés à leur mise en œuvre n‟ont pas permis à ce jour de tenir la promesse de fleurs.

1 Abdoul KANE, „Etude prospective sur la faisabilité d‟un mécanisme de ressources propres pour l‟Union Africaine », p. 45 in Commission Economique pour l‟Afrique des nations Unies, « Financer l‟intégration régionale en Afrique », MAISONEUVE et LAROSE, Paris, 2005

2 Environ 92 milliards d‟euros pour l‟exercice règlements 2000.

3 Espagne, Portugal, Grèce, Irlande.

4 Abdoul KANE, „Etude prospective sur la faisabilité d‟un mécanisme de ressources propres pour l‟Union Africaine », p. 42-43 in Commission Economique pour l‟Afrique des nations Unies, « Financer l‟intégration régionale en Afrique », MAISONEUVE et LAROSE, Paris, 2005.

5 Difficultés financières aggravées par les actes de détournement et les malversations. En 1985, une commission de la CEDEAO a découvert un déficit de l‟ordre de 800 millions de francs CFA.

164 En effet, la faiblesse et l‟irrégularité des financements ont toujours constitué l‟une des causes majeures de la stagnation de l‟intégration régionale en Afrique. Le non-versement des contributions dues par les Etats membres est l‟une des causes principales de leurs faibles performances.

Dans le cadre de l‟OUA, le problème, récurrent comme dans diverses autres Organisations Intergouvernementales africaines, est celui de l‟insuffisance ou de l'irrégularité des ressources financières mobilisées pour la réalisation d‟objectifs dont la pertinence n‟est pas à établir. Il s‟y est manifesté par l‟accumulation d‟importants arriérés de paiement des contributions par les Etats et une dépendance vis-à-vis des donateurs1.

L‟accumulation des arriérés de paiement a, de ce fait, fini par sonner le glas du système classique de financement de l'intégration régionale, fondé essentiellement sur la contribution financière des Etats membres.

Par conséquent, les premières études et réflexions sur le thème du financement autonome des OIG africaines vont être menées en Afrique de l‟Ouest, et ce, dans le cadre de la CEAO, au milieu des années 1980. Les apports y afférents ont préconisé la mise en place de prélèvements affectés, avec quelques agrégats macro-économiques comme assiettes alternatives. Il était notamment question :

- de la valeur des exportations de produits agricoles, - de la valeur des exportations de produits miniers, - du tonnage des marchandises importées et exportées,

- ou encore, de la consommation énergétique des Etats membres.

L‟analyse de ces différentes propositions a révélé quelques contraintes et inconvénients majeurs. Les deux premières assiettes avaient la particularité d‟être à la fois très stratégiques pour les économies nationales (importance du commerce des produits de base) et surtout subir de fortes variations des cours sur les marchés internationaux. Dans le contexte des négociations multilatérales qui étaient en cours (Uruguay Round) et de la compétition qui allait en découler pour les différents acteurs du commerce mondial, asseoir un prélèvement supplémentaire sur ces catégories de produit revenait à affaiblir davantage les positions concurrentielles déjà fort modestes des quelques exportations africaines. Par ailleurs, tous les Etats n‟étant pas exportateurs de produits de base à des niveaux comparables, le coût de l‟intégration allait être supporté par quelques uns seulement des partenaires régionaux.

L‟assiette « tonnage du commerce extérieur » aurait impliqué, soit de fortes distorsions entre les prélèvements opérés et la valeur marchande des produits (par exemple 100 F sur une tonne de coton et 100 F sur une tonne d‟or ou d‟uranium), soit l‟application d‟une multitude de taux (par position tarifaire) avec en prime une surcharge de travail pour les administrations fiscales nationales.

Le choix de la « consommation énergétique » préemptait un handicap majeur de faire peser tout le coût de la coopération régionale sur la consommation d‟une seule catégorie de produits (pétroliers notamment). Il en aurait résulté un taux relativement élevé pour couvrir tous les besoins en financement des OIG, avec une incidence certaine sur toute la chaîne de production et de distribution des biens et services.

1 Barthélemy BIAO, “L‟Union africaine et le financement de l‟intégration en Afrique” in “Financer l‟intégration régionale en Afrique”, op. cité, p. 15.

165 Pour toutes ces considérations, aucune des propositions initiales n‟a retenu l‟intérêt des Etats membres. Une autre étude a été réalisée en 1987 et a abouti à l‟adoption le 24 octobre 1989 à Cotonou (Bénin) du Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS), au taux de 1% sur les importations des Etats membres de produits originaires des pays tiers. Cet instrument a été mis en œuvre par 5 Etats membres sur 7 en février et en août 1990, avant de connaître un gel partiel à partir de 1993 (non transfert des recettes dans les comptes de la Communauté) pour cause de retard d‟application du protocole y afférent par les deux autres membres.

3- L’influence des acteurs étrangers

Par ailleurs, ces tentatives d‟intégration souffrent de l‟action de certains acteurs qui, même s‟ils ne sont pas partie au traité, exercent une influence décisive sur la destiné de ces projets d‟intégration. Ces acteurs peuvent être définis comme les « bailleurs de fonds » des pays d‟Afrique de l‟Ouest1. Il s‟agit de la France2, de l‟Union Européenne et des institutions de Bretton Woods3.

Ils sont présents dès l‟élaboration des projets d‟intégration. Leur contribution est déterminante dans la réalisation des études de faisabilité menées pour apprécier de la viabilité de ces projets. Lors des négociations des traités d‟intégration, même s‟il apparaît que les idées entérinées sont le résultat de la volonté des Etats de la région de conserver les relations initiées durant la période coloniale, la présence de ces bailleurs de fonds se fait encore ressentir. Au vu de l‟orientation donnée au projet d‟intégration ainsi que de leur influence à la fois par la philosophie de l‟Eurafrique et par l‟expérience d‟intégration réussie en Europe, il parait donc manifeste que le mode d‟intégration africaine est la résultante de la suggestion pressante de pays européens de réaliser, en Afrique une intégration qui soit la voie royale vers le développement. Engagé dans la construction communautaire, ces pays déploient d‟énormes efforts pour favoriser l‟intégration régionale, au travers de la politique de coopération régionale qu‟ils ne cessent de mener avec les pays africains. Ils sont animés du souci d‟exporter vers ces pays africains un modèle de développement qui leur a particulièrement bien réussi.

Pourquoi, pourrions-nous nous interroger, les tentatives d‟intégration se sont-elles multipliées en Afrique de l‟Ouest, créant des chevauchements et une concurrence entre les projets d‟intégration, alors que leur réalisation concrète se heurte à des résistances tellement profonde et tellement difficile à surmonter ? Ces tentatives de reproduction du schéma d‟intégration européen en Afrique de l‟ouest sont soutenues au niveau international par l‟Union européenne, par le FMI et la Banque Mondiale. En fait, il apparaît clairement que ces pays ne possèdent pas les caractéristiques économiques et sociales comparables à celles qui ont permis au projet européen d‟avancer dans la voie de l‟intégration. Cela étant, ce processus d‟intégration dans la région va être soumis, de surcroît, à des pressions supplémentaires. Dans les années 1980, la chute du dollar va entraîner la baisse des recettes d‟exportation de matières premières, principales ressources des pays d‟Afrique de l‟Ouest.

Contraint d‟emprunter pour l‟élaboration de leur politique économique, ils se sont tournés vers les institutions de Bretton Woods, le FMI et la Banque Mondiale. Comme condition de l‟octroi de ses prêts, elles leurs ont imposés un ensemble de mesures

1 Ce sont les bailleurs de fonds des pays africains en général

2 Dans les années qui suivent immédiatement l‟indépendance.

3 E. CEREXHE et Louis le HARDY de BEAULIEU, ibidem, p. 54.

166 économiques. Elles ont été imposées, d‟une part, pour rééquilibrer les pays d‟Afrique de l‟ouest, à la fois à l‟intérieure et à l‟extérieure, afin qu‟ils puissent s‟insérer dans les échanges internationaux. D‟autre part, pour sauvegarder les intérêts des créanciers de ces pays, en rendant ceux-ci incapables de rembourser leurs dettes.

4- Le non respect des étapes de l’intégration

Cependant, l‟expérience européenne n‟est pas aussi aisément transposable. Les théories de l‟intégration régionale décrivent un processus lent, dont les étapes se déroulent selon le schéma suivant : la première étape est la zone de libre échange, suivie par une union douanière qui deviendra à terme un marché commun. Ce processus verra son accomplissement avec les deux dernières étapes que sont l‟union monétaire et l‟union économique1.

Dans le cas de l‟Afrique de l‟Ouest, les pays n‟ont pas observé ce schéma dans leur démarche d‟intégration. Investis dans des processus très ambitieux, relativement aux performances qu‟ils envisageaient d‟atteindre, ces pays se sont engagés sur la voie de l‟union économique avant d‟avoir pu réaliser le marché commun ; l‟union monétaire est l‟étape initiale qui a précédé l‟union douanière, même mieux, sur lequel est fondé le projet d„intégration.

Ce non respect des phases logiques de l‟intégration économique perturbe le processus lui-même, et est à l‟origine de nombreux dysfonctionnement et des retards dans l‟exécution des programmes d‟activité.

Dans le document Doctorat de Droit Public (Page 163-166)