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I – L’historique de la création des organisations internationales 1

Dans le document Doctorat de Droit Public (Page 60-63)

Pendant une longue période de son histoire, le droit international a été l‟ordre juridique d‟une société composée d‟un nombre relativement petits d‟Etats souverains et juridiquement égaux d‟Europe occidentale, entre lesquels il existait une forte cohésion politique, sociale et culturelle. Les rapports au sein de cette société étaient essentiellement horizontaux et régis par un droit de coordination se limitant à favoriser la coexistence entre les Etats, et de manière occasionnelle à faciliter la coopération entre eux grâce à des techniques principalement bilatérales

Depuis lors, la situation a profondément changé, le nombre des Etats s‟est multiplié par quatre en un siècle, en même temps que s‟intensifiaient leurs différences de pouvoir, de développement économique et de valeurs culturelles. Cette révolution s‟est traduite par un développement spectaculaire de moyens de transport et des communications, entraînant à son tour une intensification des échanges et l‟apparition de nouveaux besoins que les nations individuellement, n‟étaient pas en mesure de satisfaire.

Les Etats ont rapidement pris conscience que nombre de leurs problèmes ne pouvaient être résolu au niveau strictement national et que la solution passait nécessairement par une coopération entre eux. En effet, bien des aspects de la vie quotidienne, tels le service des postes, les télécommunications, les chemins de fer, la navigation fluviale ou le commerce international qui s‟étendent au-delà des frontières, exigeaient une action concertée des Etats, la technique traditionnelle de l‟accord bilatérale s‟avérant insuffisante. De plus, une série d‟intérêts collectifs s‟imposaient progressivement dans la vie internationale, face à des problèmes mondiaux tels que la paix, le développement ou l‟environnement, qui ne pouvaient être satisfaits par un seul Etat.

Confrontés à des impératifs de solidarité et d‟interdépendances, les Etats furent contraints de coopérer. Pour mettre en œuvre cette coopération en dépit des lacunes institutionnelles de la société internationale, ils ont utilisé, dans un premier temps, les ressources propres à une société dont les sujets de droit souverains sont juxtaposés, c'est-à-dire les conférences internationales et les traités multilatéraux. Très vite, cependant, est apparue l‟insuffisance de ces techniques pour coordonner et gérer une coopération de plus en plus indispensable. Les Etats furent donc amenés à créer des mécanismes institutionnalisés de coopération permanente et volontaire, donnant ainsi naissance à des entités indépendantes animées d‟une volonté propre pour réaliser des objectifs collectifs. C‟est ainsi que sont apparues sur la scène internationale les premières organisations internationales.

Leur origine se situe en effet à un moment historique assez précis, pendant la longue période de paix Ŕ relative Ŕ et de progrès scientifique et de technique qu‟a connue l‟humanité entre la fin des guerres napoléoniennes et le début de la première guerre mondiales. Pendant

1 Manuel DIEZ DE VELASCO VALLEJO, „‟Les organisations internationales‟‟, Economica, Paris, 2002, p. 3 et suiv.

61 cette période, qui va de 1815 à 1914, la société internationale assiste au développement de deux phénomènes qui vont concourir à la naissance des Organisations Internationales (OI) modernes : les conférences internationales et l‟établissement des structures institutionnelles permanentes.

Le premier de ces phénomènes, la multiplication de conférences internationales, entraîne l‟essor d‟une diplomatie parlementaire et l‟utilisation d‟un nouvel instrument juridique : le traité multilatéral1. Les grandes Puissances victorieuses des guerres napoléoniennes2 commencent à se réunir avec une certaine régularité dans des conférences internationales, à adopter actions concertées3, dans un premier temps pour créer un nouvel ordre européen, et plus tard pour résoudre les problèmes relatifs aux territoires non européens issus de l‟expansion coloniale4. A la fin du XIXe siècle, les conférences internationales s‟étendent au-delà du continent européen, tout d‟abord avec les Conférence sur la Paix de la Haye de 1899, et surtout de 1907, qui constituent un point de référence important dans l‟évolution des OI puisqu‟elles ont clairement marqué une tendance vers la périodicité et l‟universalité de participation5, en même temps qu‟elles sont à l‟origine des premières institutions juridictionnelles internationales6.

Ces conférences préfigurent les OI en ce qu‟elles sont des mécanismes de concertation associés à une certaine périodicité, sans cependant constituer des compétences particulières7. Elles conduisent tout naturellement au deuxième élément qui a favorisé la naissance des organisations internationales : l‟établissement de structures institutionnelles permanentes. Ce fait survient alors que les progrès les réalisés dans certains domaines de la technique, le développement des communications et des transports exigent la création d‟administrations internationales ayant certains pouvoirs de décision, de contrôle et d‟exécution. La première voie ouverte à cette institutionnalisation de la coopération est celle des commissions fluviales, qui ont pour but de règlementer et de faciliter la navigation sur certains fleuves internationaux, en l‟occurrence la Commission centrale du Rhin prévue dans l‟acte final du Congrès de Vienne de 1815 et créée par le Traité de Mayenne de 1831, ou la Commission européenne du Danube instituée par le Traité de Paris de 1856 dont la gestion fut confiée à un secrétariat permanent composé de personnes diverses nationalités.

La deuxième voie est celle des unions administratives internationales qui ont pour tâche de canaliser de façon permanente et institutionnalisée l‟action concertée de leurs Etats membres dans des secteurs techniques spécifiques, notamment les communications8, l‟hygiène9, l‟industrie10, l‟agriculture11. Au niveau régional, la Conférence de Washington de 1890 institue un Bureau Commercial qui prend le nom d‟Union panaméricaine à

1 Dont le premier exemple est précisément l‟acte final du Congrès de Vienne du 9 juin 1815.

2 Auxquelles s‟unissent rapidement d‟autres nations européennes.

3 De nature politique et même militaire.

4 Par exemple la conférence de Berlin de 1885.

5 Georges ABI-SAAB, „‟La notion d‟organisation internationale : essai de synthèse‟‟, in Le concept d’organisations internationales, Unesco, Paris, 1980, p.11.

6 La Cour permanente d‟arbitrage et la Cour des prises.

7S. BASID, „‟Cours de Droit International Public : problèmes juridiques posés par les organisations internationales (1971-1972)‟‟, Paris, 1986, 31.

8 Union télégraphique internationale créée en 1865, Union postale universelle instituée en 1874, Bureau central des transports internationaux par chemins de fer fondé en 1907.

9 Office international d‟hygiène publique institué en 1907.

10 Union internationale des poids et mesures créée en 1875, Union pour la protection de la propriété industrielle institué en 1883, Bureau des statistiques internationales fondé en 1913.

11 Institut international d‟agriculture créé en 1905.

62 la !conférence de Buenos Aires de 1910. Ces commissions fluviales et union administratives internationales, exemples d‟une première génération d‟OI se caractérisant par la

„‟coordination économique et technique‟‟, introduisent un élément d‟institutionnalité et de permanence par l‟établissement d‟un bureau ou d‟un secrétariat ; ce sont les premières manifestations de la fonction publique internationale, assez modestes certes, puisqu‟elles se composent généralement d‟un directeur et d‟un nombre restreint de fonctionnaires, habituellement mis à disposition par l‟Etat où l‟organisation à son siège1.

La conjonction de ces deux processus, coopération multilatérale d‟une part, création de structures organiques de l‟autre, permet de passer de la technique de la conférence internationale à celle de l‟organisation internationale ; elle sera consolidée par la création de la Société des Nations (SDN) en 1919, sous les auspices des Puissances alliées victorieuses de la Première Guerre Mondiale. La SDN va favoriser la création de nouvelle OI techniques et économiques, telles que l‟Organisation économique et financière, le Bureau de coopération intellectuelle, en même temps que voit le jour la Cour permanente de justice internationale qui commence à fonctionner en 1922 à la Haye.

Cependant, l‟échec de la SDN impuissante à empêcher l‟éclatement de la deuxième Guerre mondiale va conduire à la création d‟une nouvelle organisation mondiale, mieux structurée et plus efficace. Ainsi, en pleine conflagration, les Puissances alliées commencèrent déjà à concevoir un nouveau type d‟OI, qui se concrétisera à la fin de la guerre par la Charte des Nations Unies signées à San Francisco le 26 juin 1945 qui institue l‟Organisation des Nations Unies (ONU).

A partir de la deuxième guerre mondiale, les OI vont se multiplier d‟une manière spectaculaire en raison de deux phénomènes : la revitalisation des organismes techniques à l‟échelon universel et l‟institutionnalisation du régionalisme international par la création d‟OI régionales.

Le premier phénomène donnera naissance à ce qu‟il est convenu d‟appeler le Système des Nations Unies, constitué essentiellement d‟un nombre important d‟institutions spécialisées qui gravitent autour de l‟Organisation des Nations Unies (ONU), certaines de création récente, d‟autres, simple prolongation des anciennes unions administratives. Il s‟agit de l‟ Organisation Internationale qui a pour but de promouvoir le maintien de la paix dans le monde par L'éducation, la Science et la Culture (UNESCO) (1945), le Fonds Monétaire International (FMI) (1944), la Banque International pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) (1945), l‟Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (1946), l‟Organisation Internationale du Travail (OIT) (réorganisée en 1946), l‟Union Internationale des Télécommunications (UIT) (réorganisée en 1947), l‟Union Postale Universelle (UPU) (réorganisée en 1947), l‟Organisation Météorologique Mondiale (OMM) (réorganisée en 1947), l‟organisation Maritime Consultative Intergouvernementale (OMCI) (1948), la Société Financière Internationale (SFI) (1955), l‟Association Internationale de Développement (AID) (1960), l‟Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI)(1967), le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) (1977). Outre ces organismes, des organisations telles l‟Agence Internationale de l‟Energie Atomique (AIEA) (1956), ou le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) (1947) jusqu‟à son intégration récente dans l‟Organisation Mondiale du Commerce (OMC) (1994), font partie de la „‟famille des Nations Unies‟‟.

1 CH. ZORGBIDE, „‟Les organisations internationales‟‟, P.U.F., Paris, 1986, p.5.

63 Une série de facteur explique l‟éclosion du deuxième phénomène : les organisations internationales régionales. Le premier de ces facteurs est lié à l‟échec du système de sécurité collective établi dans la Charte des Nations Unies (NU), qui a entraîné l‟apparition d‟une multitude d‟organisations dont plusieurs ont aujourd‟hui disparu1. Le deuxième facteur est de nature politique et s‟inscrit dans la tentative d‟organiser la coopération à l‟échelle d‟un continent2. Le troisième facteur, qui est essentiellement de nature économique et commerciale, est lié aux essais d‟intégration régionale et à la vague de décolonisation qu‟à connue la planète à partir des années soixante3.

Enfin, il faut mentionner, l‟apparition d‟une nouvelle génération d‟OI sur la scène internationale, qui se caractérise par le fait que ces organisations sont créées par les Etats pour gérer au nom de l‟humanité une partie du patrimoine commun de l‟humanité, notamment l‟Autorité internationale des fonds marins dont les activités ont commencé le jour de l‟entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, le 16 novembre 1994.

Dans le document Doctorat de Droit Public (Page 60-63)