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Sous section 1: L’intégration ouest africaine : un processus empreint d’une émulation inspiré de l’expérience européenne

Dans le document Doctorat de Droit Public (Page 142-147)

L‟intégration ouest africaine est marquée par une émulation que l‟intégration européenne a fait naître dans les pays d‟Afrique de l‟ouest.

§I – L’impératif d’une politique d’intégration en Afrique de l’ouest

Les pays d‟Afrique de l‟ouest avec l‟avènement des indépendances, à l‟instar du reste du monde libéré et indépendant, ont élevé au rang d‟idéal d‟accomplissement le développement, dont la réalisation se heurte à de nombreuses contraintes. De dimension très modestes tant sur le plan démographique qu‟économique1, ces pays sont enfermés dans le carcan d‟espaces socio-économique trop étroits qui les contraints à envisager l‟élargissement de leurs horizons dans leur quête de développement. Les avantages d‟une telle démarche sont de plusieurs ordres, passant par la réduction des coûts unitaires grâce aux économies d‟échelle, par un niveau accru de spécialisation et de concurrence économique, par l‟accès à la technologie et par un meilleur partage des idées et des expériences à tous les niveaux de l‟activité socio-économique2. Cependant, la taille de ces pays ne constitue pas la seule affection à leur quête de développement. Car, la taille d‟un pays peut même devenir tout à fait secondaire lorsque celui-ci sait multiplier et faciliter les liens avec d‟autres pays de la région ou du monde3.

Le constat opposable est celui d‟une sous région ouest africaine marquée par des dispositions non propices à l‟amélioration du cadre socio-économique. Au niveau national, les rivalités ethniques ou sociopolitiques sont flagrantes dans les pays tel que la Côte d‟Ivoire, le Nigeria. Au niveau régional, un ensemble d‟obstacles institutionnelles, légaux et infrastructurelles4 vient entraver la coopération socio-économique que les pays de la zone

1 Exception faite du Nigeria, du Ghana et de la Côte d‟Ivoire qui ont des populations de plus de 10 millions d‟habitants, le produit national des pays de cette région est équivalent à celui de petites villes dans les pays industriels.

2 R. LAVERGNE (dir.), « Intégration et coopération régionales en Afrique de l‟ouest », Editions KARTHALA et CRDI, Paris, Ottawa, 1996, Avant propos, p.5

3 R. LAVERGNE., idem.

4 Une situation qui vient accentuer l‟insuffisance de leurs infrastructures nationales de transport et de communication.

143 pourraient développer. Au niveau international, l‟Afrique de l‟ouest se retrouve de plus en plus en marge des marchés mondiaux, des réseaux technologiques, des grands systèmes de télécommunications, de la communauté internationale en général1.

Un tel décrochage sur chacun de ces trois plans amène les pays de la sous - région à rechercher les moyens d‟une dynamique nouvelle susceptible de les aider à relever le défi du développement dans un monde en évolution constante et effrénée. Dans une telle optique, le phénomène de l‟intégration et la coopération répondraient le mieux à cette attente, face à la désillusion par rapport à l‟Etat - nation comme agent de développement sur le plan national et à la méfiance des africains vis-à-vis d‟une politique d‟insertion à outrance dans les courants économiques et politiques mondiaux sur lesquels ils n‟ont aucune prise2.

Ainsi, instrument de cette dynamique nouvelle, l‟intégration régionale se poserait alors comme une voie intermédiaire apte à apporter des réponses et des solutions de modernisation et d‟amélioration du cadre économique, sous un angle communautaire, aux difficultés sous-régionales de développement économique. Des difficultés de production, d‟industrialisation, de commercialisation, d‟exploitation, de présence sur les marchés mondiaux. Des difficultés rencontrées également dans la création de produits éligibles à l‟exportation sur les marchés mondiaux, du fait du faible niveau de développement et des industries, essentiellement alimentaires, textiles, chimiques utilisant peu de capitaux, une main-d‟œuvre très réduite et sans qualification.

Le choix de l‟intégration comme alternative économique face aux inhibitions de leur développement n‟est pas une simple contingence de relations internationales. Cette option représente une vraie nécessité pour les pays en développement, en l‟occurrence, les pays d‟Afrique de l‟ouest, à la recherche de vraies solutions depuis les indépendances pour réaliser leur développement économique. Ce concept n‟est ni sui generis, ni expérimentale. Il possède un caractère historico empirique.

Cependant, pour ces pays d‟Afrique de l‟Ouest, une telle insertion est inspirée par l‟expérience des Communautés économiques européennes avec les réalisations qu‟elle engendra.

§2 – Présentation historique de l’intégration africaine

L‟Afrique de l‟ouest, investie de l‟émulation de la construction communautaire européenne, à l‟instar du reste du monde n‟est pas restée en marge de toutes ces mutations régionales. Car, si l‟engouement pour le concept du régionalisme est un phénomène relativement contemporain, l‟Afrique de l‟ouest figure parmi les régions du monde où on observe une certaine tradition en la matière.

En effet, l‟idée de créer une intégration régionale entre les Etats de l‟ouest est loin d‟être une idée neuve3. Pour retrouver une première ébauche d‟un ensemble regroupant ces pays, il faut remonter à plus d‟un siècle, à la fin du XIXe siècle en l‟occurrence, et aux efforts du gouvernement français de l‟époque destinés à pourvoir d‟une structure commune ses

1 R. LAVERGNE, ibidem.

2 R. LAVERGNE, ibid.

3 CERHEXE E., De BEAULIEU L., « Introduction à l‟Union économique ouest africaine », De Boeck Université, Paris, Bruxelles, 1997, pp.15-33

144 différents territoires coloniaux d‟Afrique de l‟ouest. C‟est par le décret du 16 juin 1895 qu‟est créé le gouvernement général de l‟Afrique Occidentale Française (AOF) qui reçoit pour mission d‟assurer la coordination administrative et économique de l‟ensemble des territoires ouest africains1, d‟arbitrer les intérêts divergents des différentes colonies et d‟instaurer une solidarité financière afin d‟offrir de solides garanties pour les investissements dans la région.

Au début du XXe siècle, les efforts d‟intégration des colonies françaises en Afrique de l‟ouest se concentrent autour du développement des infrastructures d‟une part, avec les projets de réalisation d‟un réseau routier, d‟un réseau aérien et d‟un système de communication radiotélégraphique. D‟autre part, le souci de l‟intégration financière qui s‟illustre par la création de la Banque de l‟Afrique Occidentale (BAO) qui bénéficie du privilège d‟émission de la monnaie.

Jusqu‟à la fin des années 1950, l‟Afrique Occidentale Française se voit progressivement dotée d‟organes compétents en matière budgétaire, en matière de gestion des biens et en matière de consultation sur l‟organisation de l‟Administration, de l‟Enseignement, de l‟Economie et des Affaires sociales. A cet effet, deux fonds sont créés. Le premier est le Fonds d‟Investissement pour le Développement Economique et Social (FIDES) et le second, le Fonds d‟Equipement Rural pour le Développement Economique et Social (FERDES). Le FIDES est destiné à financer le plan de développement des territoires d‟outre-mer et est alimenté à la fois par des dotations de la métropole et par des contributions des territoires concernés. Le FERDES est lui destiné à financer un « grand programme de petits travaux », tels que l‟édification ou l‟aménagement de dispensaires, d‟écoles rurales, de pistes secondaires, l‟ouverture de marchés, la construction de puits, de petits barrages ou de magasins2.

Cependant, dès la fin de 1958, certains membres de l‟AOF envisagent des regroupements entre eux ; le Sénégal, le Soudan, la Haute Volta et le Dahomey sont les premiers à initier ce mouvement. Il ne restera au terme des négociations qu‟un regroupement de deux partenaires, le Sénégal et le Soudan pour former la fédération du Mali, qui réclame et obtint son indépendance le 20 juin 1960. Mais, le nouvel Etat ne survivra que pendant deux mois. Les deux entités qui le composent ne s‟entendent ni sur l‟organisation interne de la Fédération, ni sur sa politique extérieure et décident de se séparer. La République du Sénégal proclame son indépendance le 20 août, et le Soudan devient la République du Mali le 22 septembre de la même année.

La Haute Volta et le Dahomey décident de maintenir les liens économiques importants qu‟ils entretiennent avec la Côte d‟Ivoire. En mai 1959, à l‟initiative de Félix Houphouët Boigny, président de la Côte d‟Ivoire, ces pays rejoints par le Niger décident parallèlement à la Fédération du Mali, de se regrouper au sein du « Conseil de l‟Entente ». Ils signent une série d‟accords d‟ordre économique, politique et juridiques. Ils prévoient une union douanière pour tous les produits, l‟harmonisation des statuts de fonction publique, celle du code du travail ainsi que la lutte contre les grandes maladies endémiques et les parasites agricoles.

Par ailleurs, l‟exemple du Sénégal et du Soudan va inciter les pays du Conseil de l‟Entente à revendiquer leur indépendance ; qu‟ils obtinrent au cours du mois d‟août 1960, le 1er pour le Dahomey, le 3, pour le Niger, le 5, pour la Haute Volta et le 7, pour la Côte

1 Le territoire de l‟Afrique Occidentale Française, malgré de nombreuses modifications au cours du temps, se compose de huit colonies : le Sénégal, la Haute-Volta, le Niger, le Soudan français, la Guinée française, la Côte d‟Ivoire, le Dahomey, la Mauritanie.

2 CERHEXE E., De BEAULIEU L., idem.

145 d‟Ivoire. Le Conseil de l‟Entente sera rejoint par le Togo en 1968 et les accords furent révisés à Niamey en 1973.

L‟avènement des indépendances en 1960 n‟a pas endigué cette dynamique du regroupement des pays d‟Afrique de l‟ouest. Bien au contraire, ces pays seront parties aux Traités fondateurs d‟une quarantaine d‟organisations d‟intégration régionale. En décembre 1960 à Brazzaville, les pays du Conseil de l‟Entente et les autres pays de l‟ex-Afrique Equatoriale française (AEF), le Gabon, le Congo, la République Centrafricaine et le Tchad décident de créer entre eux une union politique, L‟Union Africaine et Malgache (UAM). Puis, en mars 1961, avec la cessation des activités de l‟U.A.M., ces mêmes pays créent l‟Organisation Africaine et Malgache de Coopération Economique (UAMCE) qui se concentre comme son nom l‟indique sur la coopération économique, alors que les questions politiques sont laissées à l‟Organisation de l‟Unité Africaine (OUA). Mais faute de recueillir l‟adhésion de certains membres, l‟UAMCE disparaîtra au profit de l‟Organisation Commune Africaine et Malgache (OCAM). En mars 1985, cette organisation sera définitivement supprimée.

Cependant, plusieurs organisations sectorielles issues de cette organisation sont toujours en vie. Ces institutions sont principalement : l‟ex-Air Afrique ; l‟Union Africaine des Postes et Télécommunications (UAPT) ; l‟Union Africaine de la Propriété Industrielle (OAPI) ; l‟Union Africaine et Mauricienne de Banques pour le Développement (UAMBD) ; l‟Ecole Inter - Etats des Sciences et des Médecines Vétérinaires (EISMV) ; l‟Ecole Inter - Etats des Ingénieurs de l‟Equipement Rural (EIER) ; l‟Institut Culturel Africain et Mauricien (ICAM) ; l‟Institut Africain de l‟Informatique (IAI) ; le Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d‟Etudes Législatives (BAMAREL) ; le Consortium Interafricain de Distribution Cinématographique (CIDC) ; Centre Interafricain de Production de Film de l‟OCAM (CIPROFILM) ; le Centre Africain et Mauricien de Perfectionnement des Cadres (CAMPC) ; l‟Institut Africain et Mauricien de Statistique et d‟Economie Appliquée (IAMSEA) ; l‟Ecole Africaine et Mauricienne d‟Architecture et d‟Urbanisme (EAMAU) ; l‟Institut Africain de Bilinguisme (IAMB) ; des institutions couvrant des secteurs charnières du développement économique dans les domaines de l‟agriculture, la finance, les nouvelles technologies de l‟information, la communication, les ressources humaines, la formation1.

Cette profusion d‟institutions créées par l‟OCAM témoigne de la volonté des Etats membres d‟adopter la coopération inter-Etats comme stratégie de développement économique. Cependant, d‟autres organisations souscrivant à cette approche communautaire pour répondre de façon solidaire aux problèmes communs et aux fléaux régionaux poursuivent des objectifs moins élargies, plus spécifiques ou se limitent à certaines formes de coopération.

Ainsi, plusieurs organisations intergouvernementales interviennent activement dans les domaines de l‟agriculture et de la gestion des ressources naturelles, en l‟occurrence2 :

- Le Comité permanent Inter - Etats de Lutte contre la Sécheresse du Sahel (CILSS), créé en 1973 contre la menace croissante de la sécheresse et de la désertification1.

1 BELAOUANE Ŕ GHERARI S., GHERARI H., « Les organisations régionales africaines (Recueils de textes et documents) », la documentation française, Paris, 1988, p.48

2 LAVERGNE R. (dir.), « Intégration et coopération régionales en Afrique de l‟ouest », Editions KARTHALA et CRDI, Paris, Bruxelles, 1996, p.45

146 - La Communauté Economique du Bétail et de la Viande (CEBV) mise sur pied en 1970 pour améliorer l‟élevage et assurer une meilleure organisation du marché pour le commerce du bétail entre les pays producteurs et les pays consommateurs de la région.

- Association pour le Développement de la Riziculture en Afrique de l‟Ouest (ADRAO) créé en 1970 dans le but d‟améliorer la production du riz qui est un aliment de base en Afrique de l‟ouest.

- L‟Organisation Internationale de lutte contre le Criquet Migrateur Africain (OICMA) ainsi que l‟Organisation Commune de Lutte Antiacridienne et de Lutte Aviaire (OCLALAV) chargées de lutter contre les criquets et autres ravageurs migrateurs dans la région sahélienne en particulier.

- Des organisations de mise en valeur des bassins fluviaux et lacustres telles que l‟Autorité du bassin du Niger (ABN), l‟Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Gambie (OMVG) et la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT).

- L‟Autorité pour le développement intégré de la région du Liptako-Gourma, une organisation chargée de coordonner et d‟accélérer la mise en valeur des ressources d‟une région partagée entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso.

Pour ce qui est du développement des ressources humaines, on note dans le secteur de la santé, l‟existence de deux organisations ouest africaines, à savoir :

- La Communauté Ouest Africaine de la Santé (COAS)

- L‟Organisation de Coordination et de Coopération pour la lutte contre les grandes endémies (OCCGE).

Ces deux organisations devraient devenir après leur fusion l‟Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS), une organisation de la CEDEAO.

Dans le domaine de l‟enseignement, il y a le Conseil des Examens de l‟Afrique Occidentale (WAEC) et le Conseil Africain et Malgache de l‟Enseignement Supérieur (CAMES), équivalent francophone du WAEC.

Tout cela constitue un déploiement impressionnant d‟organisations régionales qui s‟inscrivent, cependant, dans une tendance profonde à rechercher les meilleures conditions pour la réalisation de zone de libre échange, par une démarche idéologique libérale, classique de l‟intégration. Les politiques et programmes régionaux lancés par ces OIG forment une toile de fond sur laquelle il est possible de faire avancer le processus d‟intégration. Ainsi, en se mettant d‟accord sur des projets relatifs à l‟institution d‟une zone de libre échange, à la coopération régionale en matière de défense et à l‟exploitation commune des réseaux de transport et de télécommunication au niveau régional, les pays d‟Afrique de l‟ouest ont fait preuve de solidarité et d‟esprit communautaires.

Ils ont alors soudés, peu à peu, les liens divisés depuis les indépendances par leurs différentes expériences coloniales, les clivages linguistiques et culturelles, et des systèmes juridiques et administratifs différenciés.

1 Cette organisation a été le point de convergence des efforts déployés tant au niveau externe qu‟interne en vue de lutter contre la dégradation de l‟environnement et de promouvoir un développement durable dans la Sahel.

147 Sous section II : Les expériences synoptiques du processus ouest africain

d’intégration

Les expériences synoptiques de l‟intégration ouest africaine sont des expériences d‟intégration dont le déroulement résume et offre une lecture d‟ensemble des traits caractéristiques des processus d‟intégration menés dans la sous-région. En effet, l‟intégration régionale en Afrique de l‟ouest s‟est déroulée au travers de l‟expérience de plusieurs organisations régionales. Ces expériences donnent lecture d‟un processus, très saccadé, irrégulier, irrationnel ; pourtant, la chronologie de ces évènements montre qu‟elles s‟inscrivent dans une continuité inspiratrice des expériences suivantes. Le processus ouest africain est surtout historico empirique. Cependant, trois expériences parmi elles en offrent une vision synoptique.

§I –Les expériences historiques notables de l’intégration ouest africaine

Trois communautés économiques ayant comme objectifs l‟intégration économique de tous leurs Etats membres viennent refléter l‟expression de cette solidarité et de cet esprit communautaires. Ces organisations par les œuvres qu‟elles ont réalisées et l‟héritage qu‟elles ont laissé, ont prouvé que le régionalisme peut être source d‟une dynamique de progrès, voir essentiellement de modernisation du cadre socio-économique communautaire. Elle procède, d‟une démarche volontariste d‟intégration, affichant ainsi les signes d‟une volonté réelle de s‟associer, de réaliser une intégration de leur économie et de leur politique. Elles vont alors poser les jalons d‟un modèle d‟intégration, stratégie de développement que ces pays de l‟Afrique de l‟Ouest ont adoptés. Ce sont la Communauté Economique de l‟Afrique de l‟Ouest (CEAO), la Communauté des Etats Des Etats l‟Afrique de l‟Ouest (CEDEAO), l‟Union du Fleuve Mano (UFM).

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