lorsqu'ils estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions, soit lorsqu'elle constate que la gestion ne peut plus être assurée dans des conditions normales
B- Vers l’admission de toutes les catégories de débiteur
77. L’extension pourrait provenir de la récente révision de l’Acte uniforme portant droit
commercial général (1), qui a pour conséquence, une certaine atténuation de la portée de
l’obligation d’immatriculation (2).
1. La réforme de l’AUDCG, un facteur d’extension possible
78. Le 15 décembre 2010 a été adopté à Lomé, au Togo, un nouvel Acte uniforme de l’OHADA
portant sur le droit commercial général
125, pour réformer le droit applicable jusqu’alors en la
matière. Le nouveau texte, contrairement à l’ancien, a innové en créant notamment, aux côtés
des commerçants, personne physique ou personne morale, le statut d’entreprenant. Celui-ci
est, aux termes de l’article 30, AUDCG, « un entrepreneur individuel, personne physique qui,
sur simple déclaration (…), exerce une activité professionnelle civile, commerciale,
artisanale ou agricole. » Il s’agit manifestement de la prise en compte juridique d’une
« réalité informelle ».
79. En effet, le droit OHADA a vocation à s’appliquer dans des pays où l’on est confronté à
l’existence d’entités de type informel sur le plan juridique, désignées souvent sous
l’expression "établissement". Il s’agit, la plupart du temps, d’entreprises individuelles ou
familiales qui, bien que parfois déclarées auprès de l'administration fiscale, sont constituées
sans acte écrit et au mépris des règles légales, c’est-à-dire, sous aucune des formes légales de
société commerciale, et sans immatriculation au RCCM. Il ne fait aucun doute qu’une
structure fonctionnant dans de telles conditions et ne possédant pas la personnalité morale ne
peut prétendre au bénéfice des dispositions propres au règlement préventif. Ce qui semble ne
plus être le cas avec l’adoption du nouvel Acte uniforme relatif au droit commercial général.
80. Car, en effet, permettre à l’entrepreneur individuel, personne physique, d’exercer, sur simple
déclaration au greffe de la juridiction compétente
126ou à l’organe compétent, une activité
professionnelle civile ou commerciale ou artisanale ou encore agricole, c’est de facto lui
accorder le droit de saisir, en cas de difficulté, la juridiction compétente aux fins de bénéficier
de la procédure du concordat préventif. Seraient ainsi dorénavant justiciables du règlement
préventif, tous les professionnels indépendants, aussi bien commerçants que
non-commerçants : des personnes exerçant une activité commerciale, c’est-à-dire, les
commerçants, qui répondent à la définition des articles 2 et 3, AUDCG, mais aussi des
personnes exerçant une activité artisanale ou agricole. La procédure devrait également
s’appliquer aux professionnels indépendants, même si le texte ne le dit pas expressément, la
formule « activité professionnelle civile » pouvant, à cet égard, être entendue au sens de
profession libérale
127. Ainsi, avocats, médecins, architectes, détectives privés
128… et officiers
ministériels : notaires
129, huissiers… et de manière générale tous les professionnels
indépendants, seraient désormais éligibles au bénéfice du concordat préventif. La position du
législateur OHADA s’alignerait ainsi sur celle de son homologue français, qui, depuis
2005
130, soumet aux procédures collectives « toute personne physique exerçant une activité
professionnelle », indépendamment de tout autre critère
131.
81. Pourraient également bénéficier de la procédure des époux qui exercent une exploitation en
commun, c’est-à-dire, qui effectuent chacun des actes de commerce de manière répétée
132.
Deux procédures distinctes seraient alors ouvertes. En cas de confusion des patrimoines, les
tribunaux organisent une procédure commune et unique
133. On rappellera qu’en principe, en
cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, la procédure ouverte contre un
126 Art. 39, 62 et s. AUDCG.
127 FAVARIO (Th), L’avocat en difficulté (application de la loi de sauvegarde à l’avocat exerçant en nom), Bull. Joly juin 2006, § 155, p. 691 ; RETIF (S), Professions libérales et procédures collectives, Contribution à l’étude du droit des professions libérales, thèse, Toulouse, 2004 et L’extension des procédures collectives aux professions libérales, Dr. et patri. mars 2006, p. 95 ; VARIN (O), Les professions libérales, aspects pratiques, Rev. proc. coll. 2006, p. 156 ; VALLENS (J.-L.), Le redressement judiciaire et les professions libérales, op. cit., p. 15.
128 Com. 27 mai 2008, LPA 24 oct. 2008, n° 214, p. 9, obs. J.P. LEGROS.
129 Com. 22 mai 2007, n° 06.12193, RJDA 2/08, n° 169, p. 164.
130 Loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 (art. L. 611-5 et L. 620-2, C. com.).
131 PEROCHON (F) et BONHOMME (R), Entreprises en difficulté, … 8ème éd. op. cit., n° 140, p. 113.
132 Rennes, 2ème ch. 13 mai 1987, Petites affiches 1990, n° 63, p. 17, note Gallet ; Com. 18 avril 1985, Bull. civ. IV, n° 115, p. 100 ; 27 mai 1986, RTD com. 1986, p. 514, obs. J. DERRUPPÉ ; Mais encore faut-il que soit établi cet exercice en commun ou une immixtion réelle d’un époux dans les affaires de l’autre (Com. 15 oct. 1991, JCP E 1992, n° 136, p. 165, note CABRILLAC et Ph. PÉTEL : ouverture de la procédure à l’encontre du mari de la commerçante dont le rôle dans l’exploitation dépassait celui d’un simple auxiliaire "pour avoir de manière indépendante exercé des actes de commerce et en avoir fait sa profession").
commerçant ne retentit pas sur son conjoint si ce dernier n’exerce pas d’activité commerciale
et s’il est séparé de biens. Mais si les époux sont mariés sous le régime de la communauté, les
créanciers du débiteur peuvent saisir les biens communs
134.
82. Hormis la possibilité d’une extension du champ d’application de la procédure du concordat
préventif, la réforme de l’Acte uniforme portant droit commercial général entraîne une
certaine atténuation de la portée de l’obligation d’immatriculation.
2. L’atténuation de la portée de l’obligation d’immatriculation
83. La réforme de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général apporte, en outre, réponse
à une autre inquiétude : celle de la question de l’immatriculation au RCCM. Puisque c’est
l’exercice effectif de l’activité indépendante qui est requis, il est désormais incontestable que
le commerçant de fait peut bénéficier de la procédure préventive, les nouvelles dispositions
des articles 5 et 44, AUDCG
135, contrairement à celles de l’ancien article 25, étant, à cet
égard, sans équivoque, en ce qui concerne le commerçant personne physique. En effet, ainsi
qu’il a été dit plus haut, la preuve de la commercialité peut maintenant être rapportée par la
tenue correcte des livres de commerce et des états financiers de synthèse. Aussi, la production
d’un extrait du RCCM ne serait-elle exigée du commerçant personne physique que dans le cas
où son "immatriculation est requise par la loi"
136.
134 DERRIDA (F), Redressement et liquidation judiciaires et régime de communauté, D. 1994. 108 ; Le sort du passif né du chef du conjoint en cas de redressement judiciaire d’un époux sous le régime de communauté légale, Mél. COLOMER, Litec, p. 153 ; MAHINGA (G), Solidarité et communauté à l’épreuve des procédures collectives, Rev. Proc. Coll. 1992-1, p. 7 ; SAINT-ALARY-HOUIN (C), Les dangers pour les créanciers de l’époux « in bonis » de l’ouverture d’une procédure collective contre son conjoint, Les Petites affiches, 26 août 1998, p. 16 ; RUBELLIN (P), Régimes matrimoniaux et procédures collectives, Thèse, Strasbourg, 1998 ; STORCK (M), L’exécution sur les biens des époux, les Petites affiches 2000, n° 8, p. 12. La question a été tranchée, après de multiples hésitations, par un arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation, en date du 23 décembre 1994 (D. 1995.145, note F. Derrida ; Rev. Proc. Coll. 1995.246, n° 2, obs. DUREUIL ; RTD com. 1995, 657, note A. Martin-Serf ; JCP E 1995, II, 660, note P. PÉTEL ; 1994, I, 3733, obs. P. Simler; F. VAUVILLE, L’arrêt de l’Assemblée plénière en date du 23 déc. 1994 relatif au sort des biens communs, Rev. Proc. Coll. 1995.23).
135 Article 5, AUDCG : "Les actes de commerce se prouvent par tous moyens même par voie électronique à l'égard des commerçants. Tout commencement de preuve par écrit autorise le commerçant à prouver par tous moyens contre un non-commerçant. Les livres de commerce tenus en application des dispositions du présent Acte uniforme sont admis par le juge pour constituer une preuve dans les conditions prévues ci-dessus. Les livres de commerce et les états financiers de synthèse constituent des moyens de preuve. Dans le cours d’une contestation, la représentation des livres de commerce et des états financiers de synthèse peut être ordonnée par le juge, même d’office, à l’effet d’en extraire ce qui concerne le litige." Comp. Art. 25, ancien AUDCG : "toute personne physique ayant la qualité de commerçant doit requérir du Greffe de la juridiction compétente dans le ressort de laquelle ce commerce est exploité, son immatriculation au Registre."
136 Article 44, AUDCG : "Toute personne physique dont l'immatriculation est requise par la loi doit, dans le premier mois de l'exercice de son activité,… demander son immatriculation..."
84. Il devrait en être de même de l’associé en nom et de l’associé commandité, qui, aux termes
des articles 270 et 293, AUSC, sont des commerçants tenus indéfiniment et solidairement des
dettes sociales. Seul l’associé immatriculé pourra bénéficier de la protection du règlement
préventif, le commerçant de fait ne pouvant invoquer ni son défaut d’inscription pour
échapper à la procédure collective, ni sa qualité réelle pour bénéficier de cette procédure
137.
85. La question reste cependant posée au sujet de l’associé commerçant d’une société en
participation, non-tenue à immatriculation. Le groupement étant dépourvu de personnalité
morale ne peut bénéficier de la procédure de règlement préventif. En revanche, l’associé ou le
gérant pourra, en principe, en demander l’ouverture, dans la mesure où il exerce une activité
commerciale, artisanale ou agricole, à titre individuel
138, et s'il tient correctement les
documents comptables prévus par la loi.
86. Le problème du caractère restreint du champ d’application rationae personae du règlement
préventif semble donc en voie de résolution, du fait de la récente réforme de l’Acte uniforme
portant droit commercial général. Toutefois, le débiteur qui souhaite bénéficier de cet
instrument de prévention doit adresser au président de la juridiction compétente une demande
sous la forme d’une requête exposant sa situation économique et financière.
§.2 - Le débiteur, initiateur exclusif de la procédure
87. Aux termes de l’article 5, al. 1, AUPC, « la juridiction compétente est saisie par requête du
débiteur exposant sa situation économique et financière et précisant les perspectives de
redressement de l’entreprise et l’apurement du passif ». L’article 7 précise que le débiteur
doit, « à peine d’irrecevabilité de sa requête », « déposer une offre de concordat préventif
précisant les mesures et conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise ». Ces
deux textes énoncent ainsi, d’une part, l’auteur de la requête en règlement préventif (A),
d’autre part, l’objet de celle-ci (B).
137 V. sur l’ensemble de la question : JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Instrument de paiement et de crédit – Entreprises en difficulté, 5ème éd., op. cit., n° 576; GUYON (Y), Droit des Affaires, T. 2,9ème éd., op. cit., n° 1098; SAINT-ALARY-HOUIN (C), Droit des entreprises en difficulté, 4ème éd., op. cit., n° 327 et s.; SAWADOGO (F. M.), OHADA, Droit des entreprises en difficulté, op. cit. p. 86 et s ; R. ROBLOT & G. RIPERT, par DELEBECQUE (PH) et GERMAIN (M), Droit Commercial, T. 2, 17ème éd., op. cit., p. 860 et s.
138 V. en ce sens, SAINT-ALARY-HOUIN (C), Droit des entreprises en difficulté, 6ème éd., op. cit., n° 366, p. 211 ; PEROCHON (F) et BONHOMME (R), Entreprises en difficulté, … 8ème éd., op. cit., n° 141, p. 116.