• Aucun résultat trouvé

Ce qui renforce l’idée qu’en pratique le nom de l’expert serait le plus souvent « suggéré » 518

Dans le document Le concordat préventif en droit Ohada (Page 121-124)

par le requérant au président, qui ne disposerait lui-même d’aucun pouvoir ni moyen de

contrôle de l’honorabilité et de la compétence de l’expert ainsi désigné. Que le nom de

l’expert soit "suggéré" ou carrément proposé par le débiteur n’est pas une mauvaise chose en

soi. En droit français, le législateur accorde au débiteur le droit d’en proposer un au président

et de récuser celui que ce dernier a choisi

519

. Toutefois, les missions assignées au conciliateur

du droit français n’étant pas les mêmes que celles assumées en droit OHADA par l’expert,

toute possibilité qu’aurait le débiteur d’interférer dans le choix de celui-ci pourrait avoir de

graves conséquences sur le bon déroulement de la procédure du règlement préventif. On

pourrait, en effet, assister à des retards inexpliqués dans le dépôt du rapport de l’expert, selon

que celui-ci est animé de la volonté de favoriser les intérêts du débiteur ou bien ceux des

créanciers

520

.

258.Les nombreuses imprécisions sur le choix et le statut de l’expert constituent donc de réelles

difficultés pour une procédure telle que le règlement préventif, dont la réussite dépend dans

une large mesure de la neutralité et de l’honnêteté de tous les intervenants dans l'exercice de

la mission qui est la leur.

B- Des imprécisions affectant la mission de l’expert

259.La mission de l’expert est importante. L’article 8, AUPC, dispose expressément qu’il est

désigné par le président de la juridiction compétente pour « lui faire rapport sur la situation

économique et financière de l’entreprise, les perspectives de redressement compte tenu des

délais et remises consentis ou susceptibles de l’être par les créanciers et toutes autres

mesures contenues dans les propositions du concordat préventif ». C'est la mission habituelle

518 FENEON (A), Le règlement préventif : analyse critique, op. cit., p. 22.

519 Article R. 611-26 et R. 611-27, C. com.

520 CA, Abidjan, 1er avril 2005, NORDISK c/ HAIDAR BOIS EXOTIQUE, Juris-Ohada, n° 4/2006 p. 40, qui prononce la caducité d’une ordonnance de suspension des poursuites décidée depuis le 19 mars 2003, pour défaut de dépôt du rapport de l’expert, soit plus de deux ans après la prise de fonction de celui-ci ; CA, Lomé, 2 septembre 2008, BIA-TOGO c/ UDECTO SA : annulation de l’ordonnance de suspension des poursuites individuelles pour défaut de dépôt de son rapport par l’expert ; TPI Libreville, 17 janvier 2005 : l’expert dépose son rapport huit mois après sa nomination, et le Tribunal se prononce onze mois plus tard pour constater la cessation des paiements, puis le redressement judiciaire de la société "Général Business Machines" et homologue son concordat, qui certainement avait été élaboré dans le cadre du règlement préventif. V. les observations amusées du Prof. SAWADOGO, sous art. 13, AUPC, OHADA, Traité et Actes uniformes… op. cit.

de l’expert en diagnostic d’entreprise

521

. Il s’agit, en effet, pour l’expert d’apprécier la

situation du débiteur, afin de déterminer l’étendue de ses difficultés, tant économiques que

financières, pour en dresser rapport au président.

260.C’est donc une mission d’investigation dans le cadre d’une procédure collective, ce qui peut

l'amener à s’adjoindre un expert-comptable (si lui-même ne l’est pas déjà), sans que les

opérations soient entachées de nullité

522

. Pour atteindre ce but, l’expert dispose d’énormes

prérogatives et de plusieurs moyens d’information. Il peut, nonobstant toute disposition

législative ou réglementaire contraire, obtenir communication par les commissaires aux

comptes, les comptables, les représentants du personnel, les administrations publiques, les

organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements bancaires ou financiers,

ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement,

des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique

et financière du débiteur

523

. Il ne peut donc, dans ses investigations, se voir opposer un refus

quelconque fondé sur le secret professionnel

524

.

261.Il est, toutefois, à craindre que ces demandes de renseignements n’ébruitent les difficultés du

débiteur et ne compromettent le redressement espéré

525

. On aurait pu, à ce stade de la

procédure, prévoir comme en droit français, que toute personne qui est appelée à la procédure

ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité

526

, quand bien même

le concordat qui sera conclu soit destiné à être publié après son homologation. Cela aurait

contribué à conduire la procédure au moins jusqu'à son homologation, c'est-à-dire, jusqu'à son

terme, ce qui lui garantirait du coup une plus grande efficacité, les créanciers non appelés au

concordat ne devant être informés qu'après la publication subséquente à l'homologation.

262.En outre, et comme l’ont souligné plusieurs auteurs

527

, l’étendue des pouvoirs octroyés à

l’expert auraient dû être suivie de précisions sur les qualifications et compétences à réunir

521 Art. L. 813-1, C. com. : "Les experts en diagnostic d’entreprise sont désignés en justice pour établir un rapport sur la situation économique et financière d’une entreprise en cas de procédure de conciliation ou de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire."

522 Com. 23 juin 1998, D. 1999, somm. comm., p. 71, obs. A. HONORAT ; Procédures, éd. J.-Cl., janv. 1999, p. 14 ; RJDA 11/98, n° 1248, p. 938 ; Act. proc. coll. 31 juill. 1998 ; n° 78.

523 Article 12-1, AUPC.

524 TIGER (Ph.), Le droit des affaires en Afrique, OHADA, PUF, Coll. Que sais-je ? n° 3536, 1999, p. 112.

525 PEROCHON (F) et BONHOMME (R), Entreprises en difficulté, … 7ème éd. LGDJ, 2006, n° 73, p. 52.

526 Art. L. 611-15, C. com.

527 V. not., SAWADOGO (F. M.), obs. sous art. 41, AUPC ; ROUSSEL-GALLE (Ph.), OHADA et difficultés des entreprises, op. cit. n° 28, p. 64 ; FENEON (A), Le règlement préventif, op. cit., p. 22.

avant l’exercice d’une telle mission. Ce qui pourrait se faire dans le cadre d’une

règlementation de ces professions d’auxiliaire de justice

528

, en précisant les conditions

d’admission et les modalités de rémunération

529

.

263.La mission de l’expert, quoique vaste, est assurément brève : deux mois au maximum, sauf

autorisation motivée du président de la juridiction compétente de proroger ce délai d’un mois.

Ce qui fait au total trois mois pour déposer le rapport. Le dépôt du rapport de l’expert est

particulièrement important pour la suite de la procédure, puisqu’il contient le concordat

préventif conclu, qui doit faire l’objet d’une homologation par la juridiction compétente.

Cependant, de nombreuses décisions révèlent que ce délai n’est généralement pas respecté

530

,

malgré la disposition du texte qui précise que l’expert engage sa responsabilité auprès du

débiteur ou des créanciers en cas de non-respect du délai. Aussi est-il proposé d’obliger ou au

moins d'encourager l’expert à souscrire une assurance

531

, en vue de la mise en œuvre de cette

responsabilité, ou comme l’ont fait déjà certaines juridictions

532

, de frapper de caducité la

décision de suspension des poursuites individuelles dès lors que le rapport de l’expert n’est

pas déposé dans le délai de deux ou trois mois

533

.

264.Synthèse de la section 2. La preuve de la situation du débiteur justifiant l’octroi de la mesure

préventive semble donc difficile, du fait de l’étendue et de la variété des documents exigés à

l’appui de la demande. Une intervention du législateur serait dès lors utile, afin de limiter le

nombre des documents à ceux strictement indispensables (notamment les pièces comptables)

528 Il pourrait être envisagé, à l’instar de ce que prévoit l’Acte uniforme portant droit commercial général, la création, dans chaque Etat partie d’une liste nationale d’auxiliaires de justice (experts, syndics, etc.), près chaque cour d’appel ; ensuite, une liste OHADA regroupant les meilleurs auxiliaires de justice des divers Etats partie, sélectionnés sur une base de compétence et de moralité, cette 2nde liste devant être tenue près la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.

529 Sur la question de fixation de la rémunération des auxiliaires de justice, v. les obs. de SAWADOGO, sous art. 41, AUPC et les décisions citées.

530 V. les obs. et les nombreuses décisions citées par SAWADOGO sous art. 13, AUPC. On citera à titre d’ex., TPI Libreville, 19 juin 2006, faisant suite à l’ordonnance du 1er sept. 2005 suspendant les poursuites contre la société SENBT et nommant un expert, connaît de la contestation de ladite ordonnance par un créancier qui sollicite sa rétractation en raison du non-respect du délai de 2 ou 3 mois pour le dépôt du rapport de l’expert, près d’un an s’étant écoulé depuis la nomination. La nouvelle ordonnance, se basant sur le fait que l’ordonnance de nomination a été prise conformément à la loi, décide simplement de remplacer le premier expert par un nouvel expert en rappelant à ce dernier qu’il a un délai de 2 mois pour déposer son rapport – Trib. com. Bamako, 2 mars 2005, qui prononce la liquidation des biens de la société SOGEP-Mali, après avoir attendu plus de 20 mois après le dépôt du rapport de l’expert, celui-ci, nommé dans le cadre du règlement préventif, n’ayant lui aussi déposé son rapport que trois mois et demi après sa nomination.

531 ROUSSEL-GALLE (Ph.), OHADA et difficultés des entreprises, étude critique, op. cit. n° 29, p. 65

532 CA, Abidjan, 1er avril 2005, NORDISK c/ HAIDAR BOIS EXOTIQUE, Juris-Ohada, n° 4/2006 p. 40 : prononcé de la caducité d’une ordonnance de suspension des poursuites de plus de deux ans, pour défaut de dépôt du rapport de l’expert.

à une analyse rapide de la situation du requérant par le président du tribunal, en attendant le

Dans le document Le concordat préventif en droit Ohada (Page 121-124)

Outline

Documents relatifs