l’indication des créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des
poursuites individuelles.
105.Les représentants du personnel doivent-ils être informés et consultés avant même la demande
du dirigeant ?
194Dans le silence des textes, la réponse devrait être positive, puisque les
dispositions du droit du travail de la plupart des Etats-partie à l’OHADA investissent les
représentants du personnel, en l’occurrence les délégués du personnel, d’un droit
d’information et de consultation sur toutes les questions tendant à l’amélioration de
193 Sur l’ensemble de la question, v. Lamy, Droit Commercial, éd. 2010, op. cit., fasc. 2402, p. 1122
194 En droit français, le Code de commerce ne prévoit, dans le cadre de la conciliation, aucune information des représentants du personnel, avant la saisine du tribunal par le chef d’entreprise. Ce que déplorent la plupart des auteurs. V. GANDIN (M), Information et consultation des représentants des salariés dans le cadre de la prévention des difficultés – Loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, JCP E, 2006, n° 2557, p. 1838 ; VALLENS (J.-L.), Entreprises en difficulté, in Lamy Droit commercial 2008, n° 2758 ; LIENHARD (A), Procédures collectives, 3ème éd., Delmas, 2009, n° 341, et Code des procédures collectives commenté, 7ème éd., Dalloz, 2009, p. 48 ; SelonLE CORE (P.-M.), Droit et pratique des procédures collectives, 4ème éd., n° 141-61 in fine, l’information n’est requise que lors de l’homologation, vu le rejet d’amendements imposant l’information dès l’ouverture ; La lettre de l’Observatoire de la juridiction consulaire, "La prévention mode d’emploi", mai 1998, p. 59 ; Contra : PEROCHON (F) et BONHOMME (R), Entreprises en difficulté, 8ème éd., op. cit., p. 55, n° 71, qui jugent la consultation non-nécessaire, parce que la demande de nomination d’un conciliateur n’intéresse pas en soi la marche générale de l’entreprise, et qu’il sera temps d’informer les salariés si et seulement si un conciliateur est effectivement nommé, ce qui limite au seul cas utile le risque d’ébruiter les difficultés de l’entreprise.
l’organisation et du rendement de l’entreprise, de même que sur les mesures de licenciement
pour motifs économiques envisagées par l’employeur. C’est notamment le cas du Togo, où
l’article 216 du Code du travail dispose expressément que « les délégués du personnels sont
obligatoirement consultés sur toute décision de réduction du personnel, de réorganisation de
l’entreprise entraînant une diminution d’effectifs et de fermeture d’établissement au moins un
(01) mois avant la décision. »
195L’avant-projet d’Acte uniforme de l’OHADA relatif au Droit
du travail prévoit des dispositions similaires. Aux termes de l’article 178 : « les délégués du
personnel ont pour attributions de faire part à l’employeur de leurs avis et observations sur
les mesures de licenciement pour motifs économiques envisagées ». L’article 181 de
l’avant-projet énonce quant à lui que « l’employeur est tenu d’informer les délégués du personnel, et
notamment celui ou ceux dont il envisage le licenciement, de la date du dépôt de la demande
d’autorisation de licenciement. »
196106.Or, l’article 7, AUPC, fait obligation au débiteur de préciser dans l’offre de concordat devant
accompagner sa requête les différentes mesures et conditions envisagées pour le redressement
de l’entreprise, notamment les modalités de continuation de l’entreprise telles que la cession
ou la location-gérance d’une branche d’activité formant un fonds de commerce, la cession ou
la location-gérance de la totalité de l’entreprise, les licenciements pour motif économique,
etc., autant de mesures dont la mise en œuvre est soumise à une consultation préalable des
délégués du personnel. Il rentre dès lors dans les attributions économiques de ces derniers
d’être mis au courant d’une demande en règlement préventif qui peut aboutir à des mesures
de restructuration ayant des répercussions sur les effectifs de l’entreprise
197.
107.L’Acte uniforme ne prévoit, toutefois, aucune information des délégués du personnel; ce qui
est une lacune
198d’autant plus étonnante que le texte dispose expressément que les
licenciements pour motif économique envisagés doivent intervenir dans les conditions
prévues par les dispositions du droit du travail.
195 J.O.R.T., 13 décembre 2006, n° 38.
196 Avant-projet d’Acte uniforme relatif au Droit du Travail (Douala final 4 - 24/11/2006)
197 SAINT-ALARY-HOUIN (C), Droit des entreprises en difficulté, 6ème éd., op. cit., n° 296.
198 Il convient de noter que dans le cadre de la procédure de sauvegarde en droit français, qui est également réservée au débiteur non encore en état de cessation des paiements, même si la loi ne prévoit pas expressément la nécessité de consulter les représentants du personnel, cette consultation est imposée, non seulement par le Code du travail (art. L. 2323-6) qui exige que le comité d’entreprise soit informé de tout ce qui "intéresse la bonne marche de l’entreprise", mais aussi, et de façon implicite, par le décret d’application, puisque l’art. R. 621-1, C. com. exige que soient annexés à la demande le nom et le domicile des représentants du personnel qui seront entendus par le tribunal. Un autre texte du Code, l’art. L. 621-1, al. 1, exige d’ailleurs, avant même qu’il ne soit statuer sur l’ouverture de la procédure, que le juge procède à l’audition des représentants du personnel.
108.En tout état de cause, le débiteur qui sollicite l’ouverture du règlement préventif du droit
OHADA doit, à peine d’irrecevabilité de sa requête, présenter au plus tard dans les trente
jours, une offre de concordat préventif précisant les mesures et conditions envisagées pour le
redressement de l’entreprise.
2. L’offre de concordat préventif
109.Le concordat est l’instrument juridique permettant le sauvetage de l’entreprise par son
débiteur. Celui-ci doit donc formuler des propositions de manière à convaincre de son
intention ses créanciers, du moins ceux d’entre eux dont les poursuites risquent de nuire à ses
efforts. La loi n’impose pas, en effet, que l’ensemble des dettes du débiteur fasse l’objet d’un
règlement, le créancier restant libre de refuser de participer à l’accord, comme de s’engager
dans les liens d’un règlement préventif pour partie seulement de ses créances
199. Il importe
donc de préciser clairement les créanciers concernés, les créances dont la remise ou tout au
moins dont le règlement différé est sollicité, ainsi que celles qui en sont exclues
200. Aux
termes de l’article 7, AUPC, l’offre de concordat préventif doit préciser les mesures et
conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise, mesures dont la liste énonciative
correspond textuellement à celle des mesures et conditions exigées dans l’offre du concordat
de redressement de l’article 27, AUPC. Il s’agit, dans l’ensemble, des mêmes mesures et
conditions que doit comporter le plan ou le projet de plan, qu’il s’agisse de redressement ou
de sauvegarde du droit français
201, dont s’est fortement inspiré le législateur OHADA.
110.Au total
202, le débiteur doit proposer des mesures devant assurer le maintien et le financement
de l’activité de l’entreprise (volet économique), de même que le règlement du passif antérieur
199 Article 15 et s., AUPC. Rapp. Cass. Com., 13 oct. 1998, n°96-16577, Bull. civ. IV, n°235, p. 196, rapp. C. cass. 1998, p. 233, Rev. Lamy dr. aff. 1998, n°11, n°683, obs. MONTÉGUDET G., BRDA 1998, n°21,p.9, Actualité proc. Coll. 1998, n°10, n°129.
200 DERRIDA (F), La réforme du règlement judiciaire et de la faillite, Rép. Defrénois, 1969, p. 143, n° 124 et s. ; TOUJAS (G) et ARGENSON (J), Le nouveau régime du règlement judiciaire et de la liquidation des biens, JCP 1968, éd. G., I, 2179.
201 La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, qui a remplacé le terme de "concordat" par celui de "plan" reprend en ses articles 61 à 64 les mesures que doivent contenir les propositions concordataires de la loi du 13 juillet 1967, relative au règlement judiciaire. Ces mêmes mesures sont reprises dans la loi de sauvegarde au sujet des plans de sauvegarde (art. L. 626-2 et s., C. com.) et de redressement (art. L. 631-19 et s., C. com.).
202 LUCAS (F.-X.), Du plan de continuation au plan de sauvegarde, la restructuration de l’entreprise, in La loi du 25 janvier a vingt ans, Entre bilan et réforme, Colloque Toulouse 2005, Rev. Lamy dr. aff. supp. mars 2005, n° 80, p. 35 ; CAVIGLIOLI (CHR.), La construction d’une solution durable de redressement : le rôle de l’administrateur judiciaire, ibidem, p. 28.
au jugement d’ouverture (volet financier). L’offre doit également préciser les licenciements
pour motif économique nécessaire à la survie de l’entreprise (volet social), et éventuellement
les garanties indispensables pour assurer l’exécution du concordat. Enfin, la réalisation de ces
mesures repose sur des engagements qu’auront souscrits certaines personnes, qui vont être
tenues d’exécuter le concordat : associés ou futurs associés qui doivent souscrire à une
augmentation de capital en incorporant leur compte courant ou leurs créances au capital
social, ou en faisant des apports nouveaux
203; cautions qui vont garantir des crédits
bancaires ; dirigeants qui abandonnent leurs créances ; fournisseurs qui consentent des délais ;
banques qui ouvrent des crédits nouveaux
204; créanciers qui manifestent leur intention de
renoncer à une partie de leurs créances
205; et, en cas de cession de l’entreprise, engagements
du repreneur
206.
111.L’offre de concordat envisage donc l’avenir possible de l’entreprise, sa restructuration ou la
réorganisation de son activité
207. À cet égard, le concordat préventif est un mécanisme d’une
extrême souplesse : il peut prévoir la continuation pure et simple de l’activité, l’arrêt ou
l’adjonction d’une ou plusieurs activités, une cession partielle de l’entreprise
208. Dans cette
dernière hypothèse, l’offre de concordat recense, annexe et analyse les offres d’acquisition
portant sur une ou plusieurs activités, présentées par des tiers
209. Les cessions seront ensuite
réalisées selon les règles du plan de cession insérées dans le redressement judiciaire, par le
syndic
210.
112.En outre, l’Acte uniforme envisage, dans le règlement préventif, la cession totale de
l’entreprise au même titre que dans le cadre de la procédure de liquidation des biens, puisque
l’article 7 énonce expressément parmi les mesures destinées au redressement de l’entreprise,
« la cession ou la location-gérance de la totalité de l’entreprise ». Ce qui confirme l’idée
203 DERRIDA (F), GODÉ (P) et SORTAIS (J.-P.), Redressement et liquidation judiciaires…, 3ème éd., op. cit., n° 431.
204 CALENDINI (J.-M.), Les crédits consentis après l’ouverture du redressement judiciaire, Banque et droit 1990, 135.
205 Com. 29 mai 1990, Bull. civ. IV, n° 157 ; D. 1990, IR, 161 : statuant sur l’abandon envisagé d’une partie de la créance dans un contexte donné, mais qui ne peut être maintenu dans un contexte différent.
206 DERRIDA (F), GODÉ (P) et SORTAIS (J.-P.), Redressement et liquidation judiciaires…, 3ème éd., op. cit., n° 431.
207 SAINT-ALARY-HOUIN (C), Droit des entreprises en difficulté, 6ème éd., op. cit., p. 536, n° 832.
208 NEUVILLE (S), Le plan en droit privé, LGDJ, 1998.
209 C. com., art. L. 626-2, al. 5.
210 Article 131 et s., et 160, AUPC. En droit français, les cessions sont désormais insérées dans la liquidation judiciaire, mais réalisées par le mandataire judiciaire qui exerce les missions de liquidateur (C. com. art. L. 626-1, al. 2 renvoyant à la section 1 du chapitre II du titre IV).