doute de regrouper ces procédures devant une même juridiction afin d'obtenir une cohérence
et une efficacité maximale
714. Une autre raison qui pourrait expliquer cette unité procédurale,
serait de pallier le manque de personnel qualifié, les Etats de l'espace OHADA ne connaissant
pas en général de juridiction consulaire. En outre, et surtout, l'attribution de compétence à une
seule juridiction permet d'éviter les conflits de compétence auxquels peut donner lieu la
répartition entre tribunal de commerce et tribunal de grande instance
715.
340.L'exemple du droit français est, à cet égard, assez éloquent. Il s'agit, en pratique, d'incidents
soulevés par le débiteur en réponse à une assignation de créancier ou sur requête du ministère
public
716. En effet, même si les conflits de compétence d'attribution sont rares s'agissant des
personnes physiques, des difficultés peuvent se soulever lorsque, par exemple, un agriculteur
assigné en redressement judiciaire devant un tribunal de commerce, conteste la compétence
de cette juridiction
717. Ces conflits sont d'autant plus courants lorsque le caractère civil ou
commercial d'une personne morale dépend de son objet, tel le cas des GIE et des
associations
718.
341.Ainsi, lorsque la personne assignée en redressement ou liquidation judiciaire n'a pas la qualité
requise, n'exerçant, par exemple, ni une activité commerciale, ni une activité artisanale, et est
cependant traduite devant le tribunal de commerce, elle doit soulever l'irrecevabilité de la
demande pour incompétence de cette juridiction. Celle-ci est tenue de déclarer la demande
714 SAWADOGO (F. M.), obs. sous article 3, AUPC, OHADA, Traité et Actes uniformes…, 3ème éd., op. cit.
715 C'est le cas en droit français où, conformément à une solution déjà admise par la loi du 13 juillet 1967, l'article L. 621-2, C. com. (issu de l'ord. du 18 déc. 2008), auquel renvoient les articles L. 631-7 et L. 641-1, fait dépendre la compétence d'attribution, non plus de la qualité, mais de la nature de l'activité du débiteur. Le tribunal de commerce sera compétent pour toutes les procédures ouvertures contre les commerçants, les artisans et les personnes morales commerçantes. Le tribunal de grande instance connaît des procédures collectives relatives aux agriculteurs, aux personnes morales de droit privé non commerçantes, à moins que ces personnes n'aient accompli de façon répétée des actes de commerce, ainsi que, depuis 2005, aux professions civiles indépendantes. En effet, les sociétés d'exercice libéral, nonobstant leur forme commerciale, relèvent de la compétence civile, de par les dispositions expresses de l'article L. 411-6 du Code de l'organisation judiciaire: V. JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Droit commercial, Entreprises en difficulté, 7ème éd., op. cit., n° 275, p. 196, note 1; v. aussi Civ. 2ème, 6 mai 1997, Bull. Joly, 1997, p. 989, § 355, note DAIGRE; Trib. com. Paris, 22 mars 1994, Les Petites affiches, 4 mai 1994, n° 53, p. 23, note DERRIDA; Bull. Joly, 1994, 671, note JEANTIN.
716 JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Droit commercial, Entreprises en difficulté, 7ème éd., op. cit., n° 275.
717 GUYON (Y), Droit des affaires, T. 2, 9ème éd., op. cit., n° 1142.
718 La question s'est posée notamment à propos de clubs de football, constitués sous forme d'associations, lorsque ces clubs agissaient comme des entreprises de spectacles publics, donc comme des commerçants (Reims, 19 février 1980, JCP, 1981, II, 19496, note Y. GUYON; RTD com., 1980, 103, note ALFANDARI et M. JEANTIN; Dijon, 4 nov. 1987, Rev. soc., 1988, somm. 291).
irrecevable, au besoin d'office, les règles de compétence d'attribution étant d'ordre public
719. Il
en va de même en cas de demande d'ouverture d'une procédure de sauvegarde adressée à un
tribunal incompétent. Cependant, le tribunal initialement saisi demeure compétent, même si
l'entreprise est soumise, après l'ouverture d'une sauvegarde, par exemple, au redressement ou
à la liquidation judiciaire
720.
342.C'est également le cas, lorsqu'il y a extension
721de la procédure initialement ouverture à une
autre personne physique ou morale, qui ne relèverait pas, à titre principal, de la compétence
de la juridiction initialement saisie. Celle-ci conservera une compétence exclusive « pour les
contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exercera une
influence juridique »
722, exception faite des actions en responsabilités contre les mandataires
de justice
723ou de celles qui, par nature, relèvent de la compétence d'un autre tribunal
(tribunal administratif, conseil des prud'hommes, etc.)
724. Le législateur français assure ainsi
l'unité procédurale
725de la procédure collective, afin, sans doute, de réaliser une meilleure
administration de la justice, en centralisant auprès d'une même juridiction des actions qui
pourraient être dispersées
726.
719 LIENHARD (A), Procédures collectives, 4ème éd., op. cit., n° 53.18.
720 Depuis un arrêt de la Chambre des requêtes du 29 octobre 1889 (D. 1889, 1, p. 13), il est admis que "le tribunal de commerce du domicile du failli est seul compétent pour connaître des contestations nées de la faillite ou sur lesquelles l'état de faillite exerce une influence juridique". Il suffit que l'action ait sa cause dans la faillite (HOUIN, obs. sous Com. 17 juin 1956, D. 1956, p. 266). V. sur l'ensemble de la question, STAËS (O), Procédures collectives et droit judiciaire privé, thèse, Toulouse, 1995, n° 57 et s.; CAGNOLI (P), préface, thèse LE BARS, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté, LGDJ, 2002.
721 Art. L. 622-10, L. 651-1, L. 653-1, C. com.
722 Com. 8 juin 1993, Bull. civ. 1993, IV, n° 233. On estime que ces deux critères sont repris avec constance par la Cour de cassation (JACQUEMONT (A), Droit des entreprises en difficulté, 7ème éd., op. cit. n° 232, note 3). V. pour un exemple récent, Com. 2 oct. 2007, JCP E 2008, 1750, note C. LEBEL; et sur ces critères, v. FOUCHARD (PH), Arbitrage et faillite, Rev. arb. 1998, p. 471 et s.
723 DERRIDA (F), GODE (P) et SORTAIS (J.-P.), Redressement et liquidation judiciaires …, 3ème éd., op. cit., n° 64, p. 57, note 312. Ainsi, sont de la compétence du tribunal initialement saisi, les actions relatives à la déclaration des créances, aux nullités de la période suspecte et les actions en comblement de passif quand bien même elles seraient engagées contre une personne morale de droit public (Trib. confl. 2 juill. 1984, D. 1984, 545, note DERRIDA; JCP 1984, II, 20306, concl. LABETOULLE et note E. ALFANDARI, si, toutefois, la personne morale de droit public a la qualité de dirigeant de droit; par contre, si celle-ci se voit reprocher une faute qu'elle aurait commise en qualité de dirigeant de fait, les juridictions administratives sont compétentes. Le tribunal saisi connaît, de manière très générale, de toutes les actions liées à la procédure, c'est-à-dire, "des actions propres à la faillite ou des contestations nées de celle-ci ou juridiquement influencées par elle", telles que la levée de mesures conservatoires, des actions en responsabilité exercée contre une banque (Com. 3 juin 1997, D. 1997, p. 517, note DERRIDA) ou encore de la connexité de créances fiscales aux fins de compensation (Trib. confl. 22 janv. 2001, Les Petites affiches, 14 juill. 2001, p. 22, note B. LAGARDE).
724 JACQUEMONT (A), Droit des entreprises en difficulté, 7ème éd., op. cit., n° 232.
725 JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Droit commercial, Entreprises en difficulté, 7ème éd., op. cit., n° 275.
726 V. SAINT-ALARY-HOUIN (C), Droit des entreprises en difficulté, 6ème éd., op. cit., n° 409, qui parle de "bloc de compétence" en matière de faillite.
343.Contrairement au droit français, le législateur OHADA a institué l'unité procédurale dès
l'ouverture de la procédure, quel qu'en soit le type, règlement préventif ou redressement
judiciaire ou liquidation des biens, et quel que soit l'auteur de la saisine. De plus, l'unité est
maintenue tout au long de la procédure, de sorte que les difficultés éventuelles que pourraient
susciter des contestations nées de la procédure ou encore l'éventualité d'une extension de
procédure, sont résolues à l'avance
727. Ce qui ne saurait être remise en cause à l'occasion de
l'homologation du concordat, d'autant que la saisine à cette fin ne relève pas de l'initiative des
parties, mais plutôt du président, initialement saisi, qui doit lui-même saisir la juridiction
compétente, dans les huit jours du dépôt du rapport de l'expert contenant le concordat
728.
344.Les juridictions compétentes en matière commerciale
729seront, en fonction des Etats, le
tribunal de première instance, le tribunal de grande instance, le tribunal régional, sans oublier
les tribunaux de commerce, fonctionnant, non pas avec des juges consulaires, mais avec des
magistrats professionnels, et parfois avec des assesseurs commerçants, qu'auraient créés
certains Etats d'Afrique centrale
730. Elles sont également compétentes pour connaître,
notamment, des actions tendant à l'admission ou au rejet d'une créance
731, des recours contre
les décisions du juge-commissaire, des actions tendant à la reddition des comptes du syndic,
des actions relatives aux inopposabilités de la période suspecte
732, des actions en
responsabilité contre des tiers suspectés d'avoir accru le passif ou diminué l'actif, en
particulier contre le banquier dispensateur de crédit
733, des actions pauliennes, en comblement
du passif social
734, des actions du conjoint débiteur
735, des litiges relatifs aux baux
727 L'alinéa 2 de l'article 3, AUPC, prévoit d'ailleurs que la juridiction compétente "est également compétente pour connaître de toutes les contestations nées de la procédure collective, de celles sur lesquelles la procédure collective exerce une influence juridique, ainsi que de celles concernant la faillite personnelle et les autres sanctions".
728 Article 14, AUPC.
729 Au Togo, il s'agit du Tribunal de première instance de première classe à Lomé (ex. Jugement n° 565/ 2009 du 10 mars 2009) et des tribunaux d'instance dans les autres grandes villes du pays. Au Burkina Faso, il s'agit du Tribunal de grande instance à Ouagadougou (ex. Jugement n° 20 du 29 janvier 2003), au Sénégal, le Tribunal régional hors classe, dans le cas de Dakar (ex. Jugement commercial n° 6 du 9 janvier 2004); au Niger, il s'agit du Tribunal régional, en ce qui concerne Niamey (ex. Jugement n° 16 du 15 janvier 2003); au Gabon, il s'agit du Tribunal de première instance pour Libreville (ex. Jugement du 11 juillet 2003, répertoire n° 48/2002/2003); en Côte d'Ivoire, il s'agit du Tribunal de première instance (ex. Jugement n° 41 du 13 mars 2003).
730 SAWADOGO (F. M.), obs. sous article 3, AUPC, OHADA, Traité et Actes uniformes …, 3ème éd., op. cit.
731 Article 89 et s., AUPC.
732 Article 70, AUPC.
733 Article 118 et s., AUPC.
734 Article 183 et s., AUPC.