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Typologie et traitement de la polysémie

PASSER 1 : Croisement entre les données lexicographiques du TLFi et les entrées de LVF

III- 2.3. Le verbe traverser

III-2.3.1. Etude de la distance entre les entrées du verbe traverser dans LVF

Dans LVF, le verbe traverser possède 8 entrées (cf. « Annexe 22 – Le verbe traverser

dans LVF »). Cinq des huit entrées appartiennent à la classe E (« verbes de mouvements d’entrée et de sortie ») et présentent l’opérateur générique « ire » (« aller qqp ») :

Opérateur Sens opérateur classe Sous- Entrée

« ire per lc » « aller à travers un lieu » E3e Traverser01 : On traverse le pays en voiture. « (qc)ire per som » « qqch va à travers le corps » E3e Traverser03 : Les rides traversent le front.

« ire per état abs » « aller à travers un état abs. » E4d Traverser05 : On traverse la crise sans ennuis.

« (qc)ire ultra abs » « qqch va au-delà de qqch

d’abstrait » E4d

Traverser06 : Cette idée traverse P, son esprit, son imagination.

« (qc)ire ultra tps » « qqch va au-delà du temps » E4d Traverser07 : Cette pensée traverse les ages. Ce

manuscrit a traversé le temps.

Les trois dernières entrées du verbe relèvent respectivement des classes L (« verbes locatifs », opérateur générique « lc.ultra » = « être, mettre au-delà »), R (« verbes de réalisation », opérateur générique « rag » = « briser ou trouer ») et H (« verbes d’état physique ou de comportement », opérateur générique « av.som » = « avoir tel état du corps » ) :

« (voie)lc.ultra lc » = « une voie est au-delà d’un lieu », L3b. Traverser02 : Le pont traverse le Rhin.

« (qc)rag obj » » = « qqch troue un objet », R3i.

Traverser04 : La balle a traversé le poumon. La pluie traverse la tente.

« (equi)av.som travers » = « un cheval a le corps de travers », H1a. Traverser08(s) : Le cheval se traverse.

Calcul du degré de proximité entre les entrées du verbe traverser dans LVF

Les cinq entrées du verbe qui appartiennent à la classe E et sont associées à l’opérateur « ire », sont unies par un degré de proximité de rang 1. Elles expriment soit un « déplacement » (concret ou métaphorique) par lequel le sujet parcourt un espace d’un bout à l’autre (mouvement transversal), soit une « situation » dans laquelle le sujet statique s’étend (est positionné) d’un bout à l’autre d’un espace.

Traverser01 : On traverse le pays en voiture. déplacement concret Traverser05 : On traverse la crise sans ennuis, une époque de paix.

Traverser06 : Cette idée traverse P, son esprit, son imagination.

Traverser07 : Cette pensée traverse les ages. Ce manuscrit a traversé le temps.

Traverser03 : Les rides traversent le front. situation

L’entrée 3 peut être mise en relation (degré de proximité de rang 3) avec l’entrée 2 de la classe L qui dénote également une situation où le sujet statique <non humain> est positionné d’un bout à l’autre d’un espace. Ces deux entrées sont associées au même code de construction [T3300] :

Traverser02 : Le pont traverse le Rhin.

L’entrée 4 de la classe R dénote un déplacement et met en scène un objet direct qui a le rôle d’affecté. Plus que le parcours global du sujet, ce sont la phase initiale et la phase

déplacement

médiane du déplacement qui sont focalisées ainsi que les conséquences que le procès a sur l’objet :

Traverser04 : La balle a traversé le poumon. La pluie traverse la tente.

Traverser a ici un sens proche de celui de pénétrer employé transitivement (« entrer profondément dans »). Sur la base de l’identification de ce noyau de sens, on peut opérer un rapprochement (degré de proximité de rang 3) entre l’entrée 4 et l’entrée 6 de la classe E : Traverser06 : Cette idée traverse P, son esprit. Cette idée pénètre l’esprit de P.

L’entrée pronominale 8 (classe H) semble isolée des autres (proximité de rang 4) : Traverser08(s) : Le cheval se traverse.

Il est difficile de relier cette entrée aux autres pour deux raisons. D’une part, il s’agit d’un emploi de spécialité impliquant exclusivement un sujet de type équin. D’autre part, le procès n’évoque ni parcours, ni situation par rapport à un espace ayant un point d’entrée et un point de sortie, mais un mouvement du corps débouchant sur une position transversale par rapport à un axe de direction habituel. Cette différence s’apparente à la celle qui existe entre la locution adverbiale en travers (« perpendiculaire par rapport à un axe ») et les locutions à travers et au travers (« d’un bout à l’autre, de part en part »).

L’espace sémantique du verbe traverser est concentré au sein du domaine spatial. Ses emplois sont très majoritairement transitifs directs et dénotent un « déplacement » (concret ou métaphorique) ou une « situation » par rapport à un lieu repère. Lorsque traverser

exprime un « déplacement », celui-ci implique un point d’entrée, un parcours et un point de sortie.

3-2.3.2. Déploiement historique des sens du verbe traverser

Le verbe traverser est issu (980) du latin populaire traversare, lui-même issu du latin classique transversare (dérivé de transversus, « travers ») signifiant d’abord « remuer en travers » puis « parcourir d’un bord à l’autre ».

L’étude diachronique a été réalisée à partir du croisement de l’article « traverser » du

DHLF (mettant en avant la parenté historique entre les emplois) et la rubrique « Etymologie et Histoire » du TLFi (plus exhaustive que le DHLF en termes d’emplois mais moins précise concernant leur parenté).

A la fin du XIIe siècle, traverser est employé au sens de « contredire » (1190) qui donne lieu au sens « empêcher d’agir » (1440-1475) puis à celui de « tourmenter, troubler » (1621). Ces sens ont totalement disparu et n’ont pas généré d’emplois ayant toujours cours dans la langue moderne. Ils n’apparaissent donc pas dans le tableau de mise en relation du déploiement historique des sens du verbe avec les entrées de LVF.

Le verbe traverser apparaît tout d’abord avec le sens « passer à travers (un corps, un milieu) » (1-a, 980) illustré par l’entrée 4 dans LVF. Ce n’est donc pas le déplacement qui est focalisé dans l’emploi historiquement primaire mais plutôt l’action de « percer de part en part » (dégradation) dont le « déplacement » est une conséquence indirecte. Il ne s’agit pas d’un emploi locatif pur, le complément d’objet direct ne désigne pas un lieu géographique mais un obstacle sur la trajectoire du sujet, affecté par les retombées du procès (franchissement). Par extension, le verbe est ensuite employé au sens « se frayer un passage à travers (une assemblée) » (1580, non illustré dans LVF) puis « passer par l’esprit » (fin XVIe siècle) qui correspond à l’entrée 6. Le rapprochement effectué entre l’entrée 4 et l’entrée 6 lors de l’analyse synchronique trouve une justification sur le plan diachronique. Dans le dernier emploi abstrait associé à cette série, traverser est synonyme de « pénétrer au plus profond de (qqn) » (1669). Il n’est pas illustré dans LVF mais correspond à des exemples du type un doute, une inquiétude, une supposition traverse quelqu’un (TLFi). C’est trois emplois abstraits exploitent l’idée de « mouvement / déplacement » associée à l’emploi primaire, et constituent des emplois locatifs abstraits. L’entité en position d’objet direct n’est pas affectée par les retombées du procès et représente un lieu métaphorique.

A partir de 1080, le verbe est utilisé au sens « passer de l’autre côté de » (1-b, non illustré dans LVF). Il exprime alors véritablement un « déplacement » dont la phase finale (franchissement) est focalisée (Traverser une allée, un boulevard, une chaussée; traverser un cours d'eau, une rivière. TLFi). Cet emploi représente (comme l’entrée 1) un emploi transitif direct locatif du type déplacement via lieu de passage. Il est à l’origine de l’utilisation du verbe au sens « passer d’un bord à l’autre » / « parcourir un espace d'un bout à l'autre » (1-c, 1155) qui focalise cette fois la phase médiane du « déplacement » (le parcours) sans pour autant remettre en cause le fait que la frontière initiale et la frontière finale de l’espace soient franchies. Ce sens correspond à l’entrée 1 et constitue un deuxième emploi transitif direct locatif du verbe traverser. Par transposition du plan spatial au plan temporel, le verbe signifie ensuite « se trouver dans une période caractérisée par un certain état » (1808, entrée 5) et « aller d’un bout à l’autre d’un espace temporel » (1839, entrée 7).

Dès 1583, traverser est employé avec un sujet non humain désignant une chose mobile et signifie « se déplacer, aller à travers » (1-d, non illustré dans LVF), puis « s’étendre d’un bout à l’autre d’un espace » (fin XVIe siècle), avec un sujet non humain statique. Ce dernier emploi couvre les entrées 2 et 3 auxquelles un degré de proximité de rang 3 avait été attribué lors de l’étude synchronique.

L’emploi de spécialité « mettre (un cheval) en travers » (2-a) date de 1155. L’emploi pronominal « mettre son corps de travers » avec un sujet désignant un cheval (entrée

pronominale 8), est dérivé (1680) de l’emploi transitif. Par extension, l’emploi « mettre de travers » est repris dans le domaine de la marine à partir de 1694 (2-b) et s’applique à une voile ou une ancre. Cet emploi de spécialité n’est pas présenté dans LVF.

Sur le plan diachronique, l’emploi primaire du verbe traverser n’est pas purement locatif. Il dénote une « action » affectant l’entité en position d’objet direct et dont le « déplacement transversal » est une conséquence indirecte. La dimension spatiale sous-jacente devient dominante à partir du XIe siècle et l’on observe une multiplication des emplois locatifs du type « déplacement » via un lieu de passage. Pour ce type d’emplois, quelle que soit la phase du « déplacement » focalisée, le procès implique toujours un point d’entrée, un parcours et un point de sortie. Traverser est également apte à exprimer une « situation » avec un sujet désignant une entité statique et un objet direct désignant un lieu. Il implique alors des emplois transitifs directs locatifs du type « situation » par rapport à un lieu repère.

III-2.3.3. Fréquence de représentation des emplois du verbe traverser en discours

La recherche dans la base catégorisée de Frantext, a été réalisée à partir de la formule &e(c=&ctraverser g=V). Elle donne 460 résultats dont nous avons retenu les 100 premiers. La recherche dans les sous-titres a été effectuée à partir de la requête « travers* ». Elle donne plus de 1000 résultats dont on retient les 100 premiers (cf. « Annexe 23 – Corpus traverser »).

Les emplois du verbe ont été codés de la manière suivante :

Les emplois 1A2, 1A3 et 1A4 sont locatifs abstraits, les emplois 1B et 1D1 sont locatifs purs et les emplois 1C2 et 1C3 dénotent une localisation temporelle (locatif temporel). Ils expriment tous un « déplacement » via un lieu de passage. L’emploi 1D2 est également locatif mais renvoie à une situation. Les emplois 1C1 et 1B correspondent à des emplois transitifs directs locatifs du type « déplacement » via lieu de passage (cf. « Annexe 24 – Concordancier corpus traverser »).

Fréquence comparative d’apparition des emplois du verbe traverser dans les deux corpus

Les emplois de spécialité 2A1, 2A2, et 2B sont absents des deux corpus. Hormis ce point commun, ils ont des profils différents. Le corpus « Romans » privilégie nettement l’emploi 1C1 (« passer d’un bord à l’autre » / « parcourir un espace d'un bout à l'autre », 37%) :

(TraverserROM31) : Pour parvenir à la vigne sur la petite route, on traversait un bois de sapins, de bouleaux, qui me paraissait une forêt, un peu mystérieuse, menaçante. - BOUDARD A, MOURIR D'ENFANCE, 1995, 27-28.

Viennent ensuite les emplois 1B (« passer de l’autre côté de », 23%) et 1A1 (« passer à travers (un corps, un milieu) », 12%) :

(TraverserROM6) : Il traversa le petit pont que les blessés encombraient pour gagner la maison de pierre où il s'était reposé la veille dans les bras de Rosalie, mais cette nuit le pavillon de chasse était vide. - RAMBAUD P, LA BATAILLE, 1997, 177-178.

1B

(TraverserROM5) : La plupart des cuirassiers font volter leurs montures pour fondre sur les fantassins, quand le général Espagne reçoit une balle de mitraille en pleine poitrine, qui traverse la cuirasse. - RAMBAUD P, LA BATAILLE, 1997, 152-153. 1A1 Les emplois 1A3 (« passer par l’esprit », 8%), 1D1 (« se déplacer, aller à travers », 6%) et 1A4 (« pénétrer au plus profond de (qqn) », 5%) ont une fréquence d’apparition plus faible mais néanmoins remarquable (entre 5 et 10%) :

(TraverserROM18) : Naples était là, tout entière sous mes yeux ; et l'idée traversa mon esprit d'un déménagement nocturne, jadis, derrière les siècles, de populations luttant entre elles pour gagner la meilleure place dans ce plus beau lieu du monde. - BIANCIOTTI

(TraverserROM86) : Les avions miniatures, il faut qu'ils fassent du bruit, qu'ils s'échauffent, qu'ils clignotent comme ceux qui traversent la nuit, lumières blanches et rouges, lents satellites... - SOLLERS P, LE SECRET, 1993, 74-75. 1D1

Les emplois 1D2 (« s’étendre d’un bout à l’autre d’un espace », 4%), 1C3 (« aller d’un bout à l’autre d’un espace temporel », 3%), 1A2 (« se frayer un passage à travers (une assemblée) », 1%) et 1C2 (« se trouver dans une période caractérisée par un certain état », 1%) sont marginaux.

Dans le corpus « Sous-titres », ce n’est pas l’emploi 1C1 qui est majoritaire mais l’emploi 1B (« passer de l’autre côté de ») :

(TraverserST2) : J'ai la pierre et je vais traverser cette porte.

L’emploi 1C2 (« se trouver dans une période caractérisée par un certain état »), marginal dans les romans (1%), se place ici en deuxième position avec une fréquence de 31% :

(TraverserST26) : On savait tous qu'il traversait un moment difficile et que vous lui manquiez beaucoup toutes les deux.

L’emploi 1C1 (« passer d’un bord à l’autre » / « parcourir un espace d'un bout à l'autre », 18%), majoritaire dans les romans, et l’emploi 1A1 (« passer à travers (un corps, un milieu) », 13%) bénéficient également d’une fréquence remarquable (supérieure à 10%) :

(TraverserST98) : Il faut traverser la maison hantée pour arriver à la soirée, qui vaut le coup.

1C1

(TraverserST24) : La balle a traversé sans toucher d'os. 1A1

Les emplois 1C3 (« aller d’un bout à l’autre d’un espace temporel », 2%), 1A3 (« passer par l’esprit », 1%) et 1D2 (« s’étendre d’un bout à l’autre d’un espace », 1%) sont marginaux, tandis que les emplois 1A2 (« se frayer un passage à travers (une assemblée) », 1A4 (« pénétrer au plus profond de (qqn) ») et 1D1 (« se déplacer, aller à travers ») ne sont pas représentés.

Quel que soit le type de discours, les emplois transitifs directs locatifs du type « déplacement » via lieu de passage, avec focalisation du parcours (1C1) ou du point de sortie (1B), sont majoritaires (à 60% dans les romans et 52% dans les sous-titres). Ces emplois sont historiquement secondaires. La fréquence de représentation de l’emploi 1C2 (« se trouver dans une période caractérisée par un certain état ») dans le corpus « Sous-titre » est remarquable, par comparaison avec le corpus « Romans ». Cet emploi abstrait et temporel est nettement privilégié à l’oral. De manière générale, le point de vue discursif tend également à prouver que l’espace sémantique du verbe traverser est concentré dans le domaine spatial. Ce verbe exprime prioritairement un « mouvement / déplacement ». Il admet un seul emploi dénotant une « situation » spatiale statique (1D2, « s’étendre d’un bout à l’autre d’un espace ») et cet emploi est marginal en discours.

III-2.4. Polysémie des verbes du type « déplacement » via lieu de passage III-2.4.1. Profilage des verbes du type « déplacement » via lieu de passage

L’espace sémantique des trois verbes est concentré dans le domaine spatial du « mouvement / déplacement ». Pour autant, ce domaine conceptuel n’implique pas systématiquement des emplois locatifs ; le déplacement peut être la conséquence indirecte d’une action affectant une entité (non locative) en position d’objet direct et le mouvement peut être intransitif. Au terme de l’étude individuelle des verbes, on identifie trois profils : 1- Verbe historiquement locatif :

Passer est un verbe historiquement locatif exprimant prioritairement un « mouvement / déplacement ». Son espace sémantique est concentré dans le domaine spatial et s’organise autour du concept cohésif de « parcours ». En synchronie, ce sont également les emplois locatifs du verbe qui sont majoritaires. Le statut primaire des emplois locatifs est remis en cause en discours et, plus particulièrement, dans le discours oral. Dans les romans, les emplois locatifs sont très légèrement majoritaires (53%) ce qui n’est pas suffisant pour y voir une concordance avec le point de vue synchronique et le point de vue diachronique. Dans les sous-titres, les emplois locatifs sont très nettement minoritaires (21%) et le corpus est dominé par les emplois temporels du type quelque chose se passe et quelqu’un passe son temps à faire quelque chose, historiquement secondaires. Tout en retenant que les différents types de discours ne privilégient pas les mêmes emplois de passer, on peut considérer que, de manière générale, les emplois locatifs du verbe ne s’imposent pas sur le plan discursif et que les emplois temporels constituent des extensions polysémiques uniquement sur le plan historique. L’emploi transitif direct locatif est quant à lui historiquement primaire (il est apparu au même moment que les emplois transitifs indirects locatifs) mais secondaire sur le plan discursif et ce quel que soit le type de discours considéré.

2- Verbe dont les emplois locatifs sont secondaires historiquement et en discours :

Le verbe sauter exprime originellement un « mouvement » et secondairement un « déplacement ». Son espace sémantique reste concentré dans le domaine spatial mais ses emplois sont très majoritairement intransitifs et donc non locatifs. Ses emplois locatifs représentent, sur le plan historique, des extensions polysémiques internes au domaine spatial. En discours, comme pour le verbe passer, les emplois locatifs sont très faiblement majoritaires dans les romans (53%) et très nettement minoritaires dans les sous-titres (34%). L’emploi transitif direct locatif du type « déplacement » via un lieu de passage est quant à lui très marginal dans les deux corpus. De manière générale, sur le plan discursif, les emplois figurés historiquement secondaires (sauter sur qqn, sauter aux yeux de

qqn, « exploser »), concurrencent les emplois antérieurs qui expriment soit un « mouvement », soit un « déplacement ».

3- Verbe dont les emplois locatifs sont historiquement secondaires mais primaires en discours :

Historiquement, le verbe traverser n’est pas un verbe locatif. Son emploi primaire dénote une « action » dont le « déplacement transversal » est une conséquence indirecte. Pour autant, son espace sémantique est ancré dans le domaine spatial car de nombreux emplois locatifs (concrets et abstraits) se sont développés à partir du XIe siècle. Le verbe possède deux emplois transitifs directs locatifs du type « déplacement » via un lieu de passage et ce sont ces emplois qui s’imposent en discours. Ils constituent des extensions polysémiques sur le plan diachronique mais des emplois primaires sur le plan discursif. III-2.4.2. Approche synonymique de définition d’un espace sémantique commun

Le verbe passer est synonyme de sauter et de traverser qui ne sont, par ailleurs, pas synonymes l’un de l’autre. Les trois verbes possèdent 245 synonymes différents (168 pour

passer, pour 48 sauter et 29 pour traverser, cf. « Annexe 25 – Liste des synonymes et antonymes des verbes du type déplacement via lieu de passage ») et 21 synonymes communs :

aller, baigner, céder, couler, couper, courir, croiser, descendre, enjamber, filtrer, franchir, omettre, oublier, passer, pénétrer, percer, plonger, revenir, se présenter, tomber, vivre.

Parmi ces 21 synonymes, 20 sont synonymes de deux des vedettes et un (franchir) est synonyme des trois vedettes. Le synonyme franchir constitue la zone de connexion entre les espaces sémantiques respectifs des trois verbes.

Répartition des synonymes communs par paire de verbes vedettes Synonymes communs

Passer – Sauter 9 : céder, descendre, enjamber, franchir, omettre, oublier, plonger, revenir,

tomber.

Passer – Traverser 12 : aller, baigner, couler, couper, courir, croiser, filtrer, franchir, pénétrer,

percer, seprésenter, vivre. Sauter – Traverser 2 :franchir, passer.

Les verbes passer et traverser entretiennent des relations privilégiées ; ils partagent 12 synonymes. Sauter et traverser sont, à l’inverse, plus éloignés l’un de l’autre ; ils sont unis par le synonyme récurrent franchir et par le verbe passer qui apparaît définitivement central dans la construction de l’espace sémantique commun. Il n’existe aucune zone de recouvrement entre l’espace sémantique de sauter et celui de traverser qui soit externe à l’espace sémantique de passer.

Schématisation de l’espace sémantique commun des verbes passer, sauter et traverser

Aucune clique ne contient les trois verbes vedettes étant donné que sauter et traverser ne sont pas synonymes l’un de l’autre. En revanche, en examinant les cliques qui contiennent le synonyme récurrent franchir et l’une ou l’autre des vedettes, on voit que la zone de recouvrement entre les espaces sémantiques respectifs des trois verbes, correspond à l’emploi transitif direct locatif du type « déplacement » via un lieu de passage :

Les verbes passer et traverser partagent 11 synonymes parmi lesquels baigner et couler

qui évoquent le « parcours » d’une entité linéaire de type <cous d’eau> dans un lieu : Clique Emplois correspondants

La Seine passe à Paris.

<baigner, couler, passer, traverser>

La rivière traverse le parc.

Les synonymes filtrer, pénétrer et percer, impliquent le « franchissement d’un obstacle » : Clique Emplois correspondants

La lumière passe à travers le tissu, le café passe

<filtrer, passer, pénétrer, percer, traverser>

La balle traverse le poumon, la pluie traverse la tente

Couper et croiser renvoient, quant à eux, à des « situations spatiales » : Clique Emplois correspondants

Une droite passe par un point

<couper, croiser, passer, traverser>

Les rides traversent le front

Les synonymes aller et courir dénotent un « mouvement de parcours » : Clique Emplois correspondants

On passe par les bois.

<aller, courir, passer, traverser>

On traverse les bois.

Vedettes Cliques Emplois correspondants