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Typologie et traitement de la polysémie

II- 2.1. Propriétés des sujets

L’identification des propriétés pertinentes pour décrire les sujets implique l’étude systématique de chacun des 254 emplois.

II-2.1.1. Sujets en mouvement et sujets statiques

Relativement aux relations spatiales transitives directes, l’intérêt de la sous-catégorisation sémantique est tout d’abord de savoir si le sujet est en mouvement ou non. Le trait <+ ou – en mouvement> est préférable au trait <+ ou – humain>, car il existe des entités non humaines en mouvement. Il s’agit par exemple des véhicules (objets mus par un moteur), des animaux, des entités dont un élément constitutif est en mouvement (ex : une rivière ou un fleuve), des entités affectées par la croissance en nombre ou en taille (ex : l’herbe, les boutons, les bactéries) ou mues par une force externe naturelle comme le courant, le vent ou la marée (ex : l’eau, la mer). A l’inverse, on rencontre des emplois avec sujet humain statique :

Habiter01 : On habite la banlieue.

Les sujets de tous les emplois ont donc, dans un premier temps, été étiquetés <Smouv> (sujet en mouvement) ou <Sstat> (sujet statique) :

Descendre01 : On descend les escaliers. <Smouv> Border02 : La maison borde la rivière. <Sstat>

Mais cette catégorisation nécessite d’être affinée. On rencontre des cas de métonymie / méronymie, dans lesquels le sujet n’est pas directement en mouvement, mais réfère à l’un de ses éléments constitutifs qui, lui, est en mouvement :

Explorer02 : On explore le fond du tiroir.

Ici, ce sont les yeux du sujet.

Dans cet exemple, la relation est méronymique et non plus métonymique. Les phares sont une partie d’un véhicule et c’est le véhicule qui est en mouvement. Les emplois de ce type ont été étiquetés <Smouv mét> (sujet en mouvement par métonymie / méronymie).

Les emplois métaphoriques ont également bénéficié d’un étiquetage particulier : <Smouv méta> (pour sujet métaphorique en mouvement).

Pénétrer05 : L’angoisse pénètre les assistants.

Certains emplois mettent en scène des sujets qui ne sont pas en mouvement mais dont la situation dans le lieu résulte d’un mouvement antérieur :

Occuper01 : La troupe occupe la ville.

La position statique du sujet est ressentie comme transitoire entre un mouvement d’entrée passé et un mouvement de sortie à venir. Cette position statique correspond à la phase médiane du déplacement (Muller & Sarda : 1999, p.131) :

Un événement décrivant un déplacement exprime explicitement une relation de localisation entre deux entités pendant au moins une portion temporelle associée à l’événement, que l’on appelle la « Phase Saillante du Procès » (PSP). Cette PSP peut correspondre soit au « pre-state » (que l’on appelle par abus de langage la phase initiale du déplacement bien qu’elle ne fasse pas partie de l’événement à proprement parler), soit au « post-state » (que l’on appelle tout aussi abusivement la phase finale du déplacement), soit à une portion de l’événement lui-même (entre pre- et post-state) et que l’on appelle la phase médiane du déplacement.

Ces emplois, pour lesquels le sujet est étiqueté <Sstat résult mouv>, sont distincts de ceux du type :

Occuper03 : On occupe un studio à Paris.

Ici, ce n’est pas l’état résultant qui est focalisé mais la situation d’occupation. Le mouvement d’entrée est temporellement plus éloigné de la situation dénotée par le procès qui n’est, de ce fait, plus perçue comme transitoire. Pour distinguer les emplois impliquant un sujet statique d’un sujet dont la position statique résulte d’un mouvement antérieur, on peut utiliser le test d’insertion de la périphrase verbale « venir de » (X vient de VINF Y) qui traduit la proximité temporelle entre le mouvement et la situation résultante :

Occuper01 : La troupe vient d’occuper la ville.

Occuper03 : ? On vient d’occuper un studio à Paris.

Au final, ces 5 propriétés se répartissent de la manière suivante (Cf. « Annexe 3 – Propriétés des 254 emplois transitifs directs locatifs ») :

<Smouv> 130 emplois

<Smouv mét> 37 emplois

<Smouv méta> 4 emplois

<Sstat> 60 emplois

II-2.1.2. Contrôle et intentionalité

Comme nous l’avons évoqué dans le premier chapitre (I-2.2.1.), nous avons exploité les concepts de « contrôle » et d’« intentionalité » de Desclés pour évaluer le degré de participation du sujet à l’action dénotée par le verbe. Nous avons choisi de retenir trois degrés d’agentivité : l’absence de contrôle (NC = non contrôle), le contrôle sans intention (c’est à dire sans but visé, noté C) et le contrôle intentionnel (le but visé s’exprime dans le sémantisme du verbe ou dans le prédicat, noté CI). Le degré d’agentivité des sujets a été évalué à partir de leur réaction à deux tests :

- X décide d’arrêter de V

- X met tout en œuvre pour réussir à V

Les sujets statiques (60 sujets codés <Sstat>) sont caractérisés par l’absence de contrôle puisque les procès ne dénotent pas des actions mais des situations.

• Absence de contrôle (<SNC>)

Impossibilité d’appliquer le test X décide d’arrêter de V : Dégringoler02 : Le rocher dégringole la pente.

→ *Le rocher décide d’arrêter de dégringoler la pente.

• Contrôle sans intention (<SC>)

Possibilité d’appliquer le test X décide d’arrêter de V / X décide de commencer à V mais impossibilité d’appliquer le test X met tout en œuvre pour réussir à V.

Arpenter02 : On arpente le trottoir.

On décide d’arrêter d’arpenter le trottoir.

→ *On met tout en œuvre pour réussir à arpenter le trottoir.

• Contrôle intentionnel (<SCI>)

Possibilité d’appliquer le test X met tout en œuvre pour réussir à V. Aménager03 : Les économistes aménagent le littoral.

Les économistes mettent tout en œuvre pour réussir à aménager le littoral.

On voit par ces exemples que la différence entre contrôle et contrôle intentionnel a des conséquences sur l’affectation du lieu. Ce qui nous amène naturellement à étudier les propriétés des locatifs.

II-2.2. Propriétés des locatifs II-2.2.1. Lieu « site » et lieu « affecté »

Comme nous l’avons plusieurs fois évoqué dans le premier chapitre, la structure transitive directe locative présente la particularité de mettre en relation directement l’argument en position sujet et le lieu en position d’objet direct. On distingue deux profils participatifs :

• N0<Cible> V N1<Site>

La plupart des emplois (199) impliquent un lieu qui ne subit aucune modification et auquel on attribue le rôle de « site ».

Avoisiner01 : La maison avoisine la rivière.

Parcourir01 : On parcourt la ville.

Dans ces deux exemples, le lieu N1 n’est pas affecté par les retombées du procès. Pour autant, les propriétés de la cible N0 ne sont pas les mêmes. Avoisiner01 illustre une situation statique dans laquelle le sujet (<Sstat>) est simplement repéré par rapport au lieu. Parcourir01 illustre une situation dans laquelle le sujet est en mouvement (<Smouv>).

• N0<Agent Cible> V N1<Affecté Site >

Si le lieu subit une modification que ce soit au niveau de son apparence, de son statut (vide ou occupé) ou de sa structure, on lui attribue le rôle d’« Affecté » en plus de celui de « Site ». Tous les emplois (55) de ce type dénotent des situations dynamiques et n’impliquent donc pas de sujets totalement statiques. Pour déterminer si le lieu est affecté par les retombées du procès, nous avons appliqué le test : Maintenant N1 est V<participe passé>, où V<pp> traduit un état résultant dans lequel le lieu a subi une modification.

Inonder01 : Les eaux inondent la plaine.Maintenant la plaine est inondée.

L’affectation peut résulter d’un déplacement du sujet (comme dans inonder01) ou d’une action du sujet s’exerçant directement sur le lieu :

Ranger05 : On range la chambre. Maintenant la chambre est rangée. II-2.2.2. Polarité du lieu

Nous avons exploité ici les traits de polarité du lieu de la classification de Guillet & Leclère (I-1.1.2.) :

• Lieu de destination (<loc dest>)

Au début de l’action dénotée par le procès, le sujet n’est pas encore dans le lieu N1. A la fin, le sujet se trouve dans le lieu N1 (entrée, envahir01) ou entre en contact avec sa frontière (contact, atteindre01) :

Envahir01 : Les troupes envahissent le pays.

Atteindre01 : On atteint le rivage.

• Lieu source (<loc source>)

Au début de l’action dénotée par le procès, le sujet se trouve dans le lieu N1. A la fin, il n’y est plus.

• Lieu de passage (<loc pass>)

L’action dénotée par le verbe implique que le sujet passe par le lieu N1. Au début le sujet n’est pas encore dans le lieu N1 et à la fin il ne s’y trouve plus. N1 est un point de transit. Franchir01 : On franchit un mur.

• Lieu du procès (<loc proc>)

L’action dénotée par le verbe se déroule dans le lieu N1. Le sujet (ou une partie du sujet pour les cas de métonymie) reste dans le lieu N1 pendant tout le procès, qu’il y soit en mouvement (sillonner02) ou statique (baigner03).

Sillonner02 : On sillonne les océans.

Baigner03 : Le fleuve baigne la ville.

Il existe des emplois dans lesquels le sujet n’est à aucun moment dans le lieu N1. Il paraît donc utile d’ajouter un cinquième type de lieu :

• Lieu repère (<loc rep>)

Dans ce cas, le N1 est un repère spatial par rapport auquel le sujet en mouvement se déplace (longer01) et le sujet statique est localisé (surplomber).

Longer01 : On longe la rive.

Surplomber : La falaise surplombe la mer.