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L’intérêt suscité par ces peptides dans la recherche biomédicale est une conséquence directe de leur capacité à importer efficacement à l’intérieur de la cellule des molécules aussi diverses que des siRNA (Moschos et coll., 2007), des oligonucléotides anti-sens (Astriab- Fisher et coll., 2002), des peptides (Pooga et coll., 1998; Shibagaki et Udey, 2002), des protéines entières (Schwarze et coll., 1999), des plasmides (Ignatovich et coll., 2003), des nano-particules (Lewin et coll., 2000) ou des liposomes (Torchilin et coll., 2001), que ce soit in vitro comme in vivo (pour revue (Dietz et Bahr, 2004)). Ces molécules peuvent être des marqueurs ou des molécules biologiquement actives. La première étude in vivo qui ait été réalisée a concerné la protéine de fusion Tat-bétagalactosidase qui a été délivrée par voie intrapéritonéale chez la souris. La protéine de fusion a été retrouvée dans presque tous les tissus y compris le cerveau, confirmant l’absence de spécificité cellulaire observée in vitro. De manière intéressante, le pic d’activité de la béta-galactosidase était observé 2 h après

celui de la concentration intracellulaire de la protéine, probablement en raison du délai de repliement de la protéine par les protéines chaperonnes après son internalisation. Cette étude a ainsi démontré la possibilité de délivrer une protéine biologiquement active in vivo par cette approche (Schwarze et coll., 1999). Par la suite, d’autres études du même type ont été effectuées et ont montré des résultats intéressant in vitro et in vivo, confirmant ainsi la pertinence de cette approche (Roisin et coll., 2004; Snyder et coll., 2004; Hotchkiss et coll., 2006; Nagel et coll., 2008).

Afin qu’une application médicale soit envisageable chez l’homme, la toxicité potentielle de ces PTD a été évaluée. Notamment, il a été décrit que le peptide Tat initial de 82 acides aminés était neurotoxique (Nath et coll., 1996). C’est le fragment 31-61 qui serait responsable de cet effet. Le fragment 48-85 qui contient le PTD Tat 47-57 utilisé depuis, n’induirait pas cette neurotoxicité. Par la suite, des études de toxicité concernant uniquement le fragment 47-57 ont été réalisées in vitro. Vives et coll. ont montré que l’incubation de 100 µM de PTD Tat avec des cellules Hela en culture n’induisait que 10 % de mort cellulaire après 24 h (Vives et coll., 1997). De même, une étude comparative de toxicité du PTD Tat et des polyarginines a été réalisée dans ces mêmes conditions et a montré une mortalité cellulaire de 5 à 10 % pour les deux types de peptides (Suzuki et coll., 2002). De plus, une étude a également été effectuée in vivo chez la souris, par injection de 1 mg/kg du PTD Tat fusionné à la béta-galactosidase pendant 14 jours consécutifs, et aucun signe de toxicité n’a pu être révélé chez l’animal dans ces conditions (Schwarze et coll., 1999).

Par ailleurs, ces peptides sont capables de pénétrer dans la plupart des cellules de mammifères testées mais également dans les levures (Holm et coll., 2005), les bactéries (Nekhotiaeva et coll., 2004) et les cellules de plantes (Mae et coll., 2005). Cette absence de spécificité cellulaire a amené l’utilisation de ces PTD en association avec diverses stratégies d’adressage cellulaire (pour revue, (Vives et coll., 2008)). Pour cela, différents systèmes ont été envisagés et permettent, soit l’activation de la molécule associée au PTD de manière locale ou spécifique, soit l’internalisation des complexes « PTD-molécule active » spécifiquement dans le type cellulaire visé. Parmi les stratégies d’activation, l’utilisation de transporteur thermo-sensible a été évoquée et notamment de liposome (Dromi et coll., 2007). La libération des molécules est induite par une source d’hyperthermie externe et focalisée, telle que des ultrasons, et permet de délivrer le complexe « PTD-molécule active » à un site précis. Le PTD associé à la molécule active est alors internalisé préférentiellement dans les cellules environnant le site d’activation thermique. D’autres stratégies utilisent les spécificités environnementales des cellules visées et notamment la présence des métalloprotéases de la matrice (Jiang et coll., 2004). Cette stratégie utilise les PTD

PTD polycationique PTD polycationique polyanion polyanion Site de clivage de MMP

Circulation générale : faible concentration en métalloprotéases (MMP)

= PTD non internalisé

Proximité de la tumeur : forte concentration en métalloprotéases (MMP) = PTD internalisé

Schéma 30 : Ciblage des tumeurs via l’utilisation d’un polyanion couplé à un site de clivage des métalloprotéases.

D’après Vivès et coll., Biochim. Biophys. Acta 2008

Circulation générale : pH physiologique, le polyanion (bleu) bloque le PTD polycationique

(rouge) = PTD non internalisé

Proximité de la tumeur : pH acide, le polyanion libère le PTD polycationique

= PTD internalisé

Schéma 31 : Ciblage des tumeurs via le pH.

polyarginines et leur capacité à se lier, par des interactions ioniques avec une molécule polyanionique (schéma 30). Ces deux molécules sont reliées entre elles par une séquence de clivage par les métalloprotéases, qui forme une structure en « épingle à cheveux ». Dans la circulation sanguine, la concentration en métalloprotéases est faible, il n’y a donc pas declivage du PTD et du polyanion et les charges anioniques empêchent les charges cationiques du PTD de se lier de manière non spécifique aux héparane-sulfates de la surface cellulaire, ce qui induirait l’internalisation du complexe. Les cellules tumorales sécrétant des métalloprotéases (Talvensaari-Mattila et coll., 2003), l’environnement de la tumeur est plus riche en métalloprotéases et le clivage de la structure PTD/polyanion se produit, libérant ainsi le complexe « PTD-molécule active » qui peut alors être internalisé. Une stratégie très similaire à celle-ci utilise le pH acide environnant la tumeur pour libérer le complexe « PTD-molécule active » d’un transporteur masquant le PTD à un pH plus élevé (Sethuraman et Bae, 2007) (schéma 31).

Hormis ce type de stratégies, un nouveau type de peptide émerge et est appelée « cell targeting peptide » ou CTP. Il s’agit de petits peptides (3 à 10 acides aminés), spécifiques de types cellulaires et internalisés par endocytose (Vives et coll., 2008). Ces CTP montrent d’importantes spécificité et affinité pour un type cellulaire donné via une interaction avec un récepteur, fortement voire exclusivement exprimé à la surface de ces cellules, et sont internalisés via ces récepteurs. Un des CTP les plus documentés est le motif RGD ou arginine-glycine-acide aspartique (Wickham et coll., 1995). Ce motif peut reconnaître spécifiquement le récepteur αvβ3 des intégrines en fonction des séquences l’encadrant et de sa conformation (Aumailley et coll., 1991). Ce récepteur αvβ3 est surexprimé de manière sélective à la surface des cellules endothéliales de vaisseaux croissants (Brooks PC et coll., 1994), et dans certains cas, directement à la surface de cellules tumorales (Gladson et Cheresh, 1991; Danen et coll., 1995). Il est donc de plus en plus utilisé pour cibler les tumeurs via les cellules tumorales elles-mêmes ou via l’angiogenèse associée aux tumeurs. Afin de potentialiser les propriétés de ce motif RGD, Garanger et coll. utilisent un décapeptide cyclique appelé RAFT qui permet, d’une part la fixation de quatre motifs cRGD (forme cyclique du RGD qui permet une reconnaissance optimale du récepteur αvβ3), et d’autre part la fixation de molécules actives ou de molécules « traceurs » permettant de détecter la tumeur en imagerie (Garanger et coll., 2005). Cette étude a montré que ce système pourrait être utilisé pour délivrer des molécules biologiquement actives.

En conclusion,

les PTD sont des outils intéressants dans la délivrance de molécules biologiquement actives et ont montré à plusieurs reprises leur potentiel d’utilisation in vivo. Leur faible voire absence de toxicité et les diverses stratégies d’adressage pour un type cellulaire donné qui peuvent leur être associé, ouvrent le champ d’une utilisation biomédicale de ces peptides. Néanmoins, un PTD en particulier ne peut pas être considéré comme un système universel d’internalisation (Zavaglia et coll., 2005). La capacité des PTD à internaliser des molécules et leur permettre une activité biologique à l’intérieur de la cellule dépend beaucoup de la molécule transportée. Le choix du PTD à utiliser doit être réévalué pour chaque cas, en fonction de la molécule active et notamment de sa nature et de la localisation subcellulaire de son activité.

Objectif de la thèse :

Le laboratoire au sein duquel j’ai effectué ma thèse étudie l’angiogenèse hormono-régulée et l’angiogenèse tumorale. En 2002, notre équipe a montré que la stimulation de cellules primaires cortico-surrénaliennes bovines en culture primaire par l’hormone hypophysaire ACTH induisait l’expression du VEGF de manière indépendante de sa transcription. En effet, en réponse à l’ACTH, l’expression du VEGF est régulée au niveau post-transcriptionnel par la stabilisation/déstabilisation de son transcrit via des séquences riches en AU (ARE) situées dans la région 3‘ non traduite (3’UTR) de son ARNm. Le laboratoire a mis en évidence une protéine, TIS11b, exprimée également en réponse à une stimulation des cellules par l’ACTH, mais de manière concomitante avec la phase de déstabilisation de l’ARNm du VEGF. TIS11b appartient à une famille de protéines déstabilisatrices des ARNm via les séquences ARE. L’interaction de TIS11b avec l’ARNm du VEGF a été confirmée par la suite, et le site de liaison de la protéine à l’ARNm a également été identifié.

Dans ce contexte, le premier objectif de ma thèse était d’évaluer la possibilité d’utiliser les propriétés déstabilisatrices de TIS11b sur l’ARNm du VEGF pour une thérapie anti- angiogène et anti-tumorale. Pour cela, la protéine a été vectorisée par la fusion de petits peptides ou PTD (protein transduction domain) lui permettant de traverser les membranes et d’atteindre sa cible intracellulaire, l’ARNm du VEGF.

L’ACTH étant une hormone qui active la voie de l’AMPc et de la protéine kinase A (PKA), le

deuxième objectif de ma thèse était de caractériser la phosphorylation de TIS11b par la

PKA en réponse à une stimulation par l’ACTH et d’étudier les conséquences de cette phosphorylation sur son activité déstabilisatrice des ARNm.

1

ère

Partie :

Adressage intracellulaire de TIS11b

et déstabilisation de l’ARNm du