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2. Le VEGF-A

2.1. Rôle du VEGF

2.1.1. Les différents types de VEGF et leurs récepteurs

Parmi les facteurs pro-angiogènes, une attention particulière a été portée sur la famille des facteurs de croissance VEGF et de leurs récepteurs à activité tyrosine kinase (Ferrara, 2002; Hicklin et Ellis, 2005). Cette famille de molécules structuralement apparentées, inclut chez l’homme les VEGF-A, VEGF-B, VEGF-C, VEGF-D et le PlGF (placental growth factor). Le médiateur clef de l’angiogenèse est le VEGF-A. Il est généralement appelé VEGF. Il s’agit du membre de la famille le plus documenté et a été caractérisé en 1989 par deux équipes simultanément (Ferrara et Henzel, 1989; Plouet et coll., 1989). Il se lie préférentiellement à deux récepteurs, le VEGFR-1 (VEGF receptor 1) et le VEGFR-2 (VEGF receptor 2). En revanche, le VEGF ne montre pas d’affinité pour le VEGFR-3 (VEGF receptor 3) (Shibuya et Claesson-Welsh, 2006). Il peut par ailleurs, activer directement les neuropilines 1 et 2 (Nrp1 et Nrp2) qui agissent comme des co-récepteurs (schéma 12).

Le PlGF ou placental growth factor, dénommé ainsi car il a été cloné dans une banque d’ADNc de placenta humain (Maglione et coll., 1991), existe sous deux isoformes : le PlGF-1 et le PlGF-2. Il peut former des hétérodimères avec le VEGF, qui ne sont pas nécessairement fonctionnels (Eriksson et coll., 2002). Contrairement au VEGF, il n’est capable de se lier qu’au VEGFR-1 et aux neuropilines (Park et coll., 1994). Des études d’invalidation du gène PlGF n’ont montré aucune anomalie du développement vasculaire chez l’embryon. Cependant, le PlGF semblerait impliqué dans l’angiogenèse pathologique et l’angiogenèse tumorale. Celui-ci augmenterait l’angiogenèse induite par le VEGF, en déplaçant le VEGF du VEGFR-1 et favorisant sa liaison au VEGFR-2 (Carmeliet, 2003). Plus récemment, une approche thérapeutique visant le PlGF au moyen d’un anticorps a été testée chez la souris et a montré des résultats intéressants dans l’inhibition de la croissance tumorale (Fischer C et coll., 2007).

Le VEGF-B, comme le PlGF, ne se lierait pas au VEGFR-2. La délétion de son gène chez la souris n’induit pas de défaut de développement au cours de l’embryogenèse. Néanmoins, ces souris présentent après la naissance un cœur plus petit, un dysfonctionnement de la vascularisation coronarienne ainsi qu’une incapacité à se rétablir après un accident ischémique cardiaque (Bellomo et coll., 2000). Par ailleurs, le VEGF-B pourrait être impliqué dans la vasculogenèse post-natale (Mould et coll., 2005).

Séquence signal Site de liaison à l’héparine Site de liaison au VEGFR-2 Site de liaison au VEGFR-1 Sites de dimérisation N-terminal 8b

Schéma 13 : Les différentes isoformes du VEGF.

Le VEGF-C et le VEGF-D seraient plutôt impliqués dans la croissance, la migration et la survie des cellules endothéliales lymphatiques. Tous deux activent le VEGFR-3, exprimé par les cellules endothéliales lymphatiques (Jeltsch et coll., 1997; Makinen et coll., 2001). Le VEGFR-3 serait également exprimé par certaines cellules tumorales issues par exemple d’adénocarcinomes du côlon (Witte et coll., 2002). Le VEGF-C et le VEGF-D peuvent par ailleurs être protéolysées et ces formes plus courtes sont capables de se lier au VEGFR-2 et de l’activer, néanmoins avec une affinité plus faible que le VEGF (Joukov, 1996; Baldwin et

coll., 2001).

2.1.2. Le VEGF-A

Le VEGF est un facteur de croissance dont l’expression est très finement régulée. En effet, la délétion d’un seul allèle de son gène est létale (Carmeliet et coll., 1996; Ferrara et coll., 1996), ce qui indique une sensibilité importante de l’organisme au taux de VEGF, du moins au cours du développement embryonnaire (Dibbens et coll., 2001). De même, la surexpression de 2 à 3 fois du VEGF par rapport à son expression endogène entraîne de graves anomalies du développement cardiaque et une létalité embryonnaire (Miquerol et

coll., 2000). Le VEGF est exprimé sous différentes isoformes, plus ou moins actives, qui ont

été décrites comme pro-angiogènes pour certaines (les isoformes xxx) et anti-angiogènes pour d’autres (les isoformes xxxb), ce qui permet un niveau supplémentaire de régulation de son effet (Houck et coll., 1992), selon les niveaux d’expression de chacune de ces deux « sous-familles ».

2.1.2.1. Les isoformes xxx du VEGF-A

Le VEGF existe sous différentes isoformes qui résultent d’un épissage alternatif des 8 exons de son gène (schéma 13). Toutes les isoformes comportent les exons 1 à 5, ainsi que le dernier exon, l’exon 8. Les exons 6 et 7 codent pour un site de liaison à l‘héparine et peuvent être ainsi inclus ou exclus de la protéine. Ces différentes isoformes sont nommées en fonction du nombre d’acides aminés qu’elles comportent et sont ainsi appelées chez l’homme VEGF121, VEGF145, VEGF165, VEGF189 et VEGF206. Les trois formes majoritaires, sont les isoformes 121, 165 et 189, alors que la forme la plus rare est l’isoforme 206 qui n’aurait été décrite que dans une banque d’ADNc de foies fœtaux (Houck et coll., 1991). L’isoforme 145 a été décrite plus tardivement dans l’utérus humain, et est également assez rare (Charnock-Jones et coll., 1993).

Le VEGF121 est une protéine faiblement acide et ne comporte pas de site de liaison à l’héparine. Le VEGF165 est, à l’inverse, une glycoprotéine basique capable de se lier à l’héparine (Ferrara et Davis-Smyth, 1997). Alors que le VEGF121 est une protéine soluble, le VEGF165 est majoritairement associé à la surface cellulaire ainsi qu’à la matrice extracellulaire, bien qu’une fraction soit également sécrétée. En revanche, les VEGF189 et 206 sont presque exclusivement séquestrés dans la matrice extracellulaire (Park et coll., 1993). Le site de liaison à l’héparine serait à l’origine des interactions avec les protéoglycanes de la surface cellulaire. L’affinité de liaison à l’héparine augmente avec la longueur des isoformes. Par ailleurs, les isoformes associées à la matrice extracellulaire peuvent être libérées sous forme soluble et bioactive par de l’héparine ou de la plasmine, par digestion de la partie C-terminale. La partie biologiquement active du VEGF est localisée dans les 110 acides aminés N-terminaux de la protéine (Keyt et coll., 1996), ce qui suggère que le VEGF pourrait être accessible à ses cellules cibles par deux mécanismes : la sécrétion de protéines librement diffusibles (VEGF121, VEGF165), et la libération des isoformes plus longues de la matrice extracellulaire (VEGF165, VEGF189, VEGF206) (Ferrara et Davis-Smyth, 1997). Néanmoins, la forme 121 est moins active que la forme 165 (Keyt et

coll., 1996) et il semblerait que les isoformes plus longues, même liées à la matrice

extracellulaire, soient capables d’activer la prolifération de cellules endothéliales (Park et

coll., 1993). Ceci suggère que les différentes isoformes du VEGF, par leur hétérogénéité de

structure et de fonction, permettent une réponse biologique graduelle et contrôlée (Ferrara et Davis-Smyth, 1997).

Le ratio des différentes isoformes du VEGF varie au cours de l’embryogenèse, et varie chez l’adulte selon les organes (Ng et coll., 2001). La création de souris transgéniques exprimant séparément ces différentes isoformes a permis de préciser les rôles et l’importance de ces diverses isoformes ainsi que leur complémentarité. Les souris transgéniques qui expriment uniquement la forme la plus courte i.e. l’isoforme 120 chez la souris qui correspond à l‘isoforme 121 chez l’homme, présentent des défauts importants de l’angiogenèse myocardique, rénale, osseuse (Carmeliet et coll., 1999), pulmonaire (Ng et coll., 2001) ou encore rétinienne (Stalmans et coll., 2002). Par ailleurs, les souris qui n’expriment que l’isoforme 188, qui correspond à l’isoforme 189 humaine, montrent une croissance normale des veines, mais un défaut de croissance artérielle. En revanche, les souris qui n’expriment que l’isoforme 164, qui correspond à l’isoforme 165 humaine, montrent un poids et une fertilité normale ainsi qu’un développement rétinien normal, suggérant une angiogenèse rétinienne efficace (Stalmans et coll., 2002). De plus, l’expression des isoformes 120 et 188 ensemble, sans l’isoforme 165, serait suffisante pour observer une néovascularisation rétinienne normale (Ishida et coll., 2003).

certains types de tumeurs. L’expression des isoformes diffusibles serait favorisée (Cheung et

coll., 1998). En effet, l’isoforme 121 est considérée comme plus tumorigène que les autres

isoformes dans le carcinome du sein (Zhang et coll., 2000) et est prépondérante dans la progression du mélanome malin (Yu JL et coll., 2002b). De plus, cette isoforme est la plus exprimée dans un poumon sain, mais son expression, relativement à l’expression globale du VEGF, est augmentée dans la tumeur. A l’inverse, l’expression relative de l’isoforme 189 est diminuée dans les carcinomes pulmonaires (Zygalaki et coll., 2007). Néanmoins, la prépondérance de l’isoforme 189 est associée à une vascularisation importante de la tumeur, un faible taux de survie et des rechutes précoces dans le cancer du poumon non à petites cellules (Yuan et coll., 2001). L’isoforme 165 est associée à une forte vascularisation intra-tumorale ainsi qu’un mauvais pronostic dans les ostéosarcomes (Lee et coll., 1999).

2.1.2.2. Les isoformes xxxb

Plus récemment, de nouvelles isoformes du VEGF ont été mises en évidence et sont appelées les isoformes VEGFxxxb. Elles résultent de deux possibilités d’épissage au niveau de l’exon 8, conduisant à la formation de deux familles d’isoformes possèdant la même longueur, mais qui diffèrent au niveau de leur région C-terminale : les isoformes VEGFxxx et les isoformes VEGFxxxb (Bates et coll., 2002). Les isoformes VEGFxxx comportent la partie proximale de l’exon 8, dite 8a, alors que les isoformes VEGFxxxb comportent la partie distale, dite 8b (schéma 13). Le VEGF165b est la première isoforme VEGFxxxb à avoir été identifiée. Les isoformes 121b, 145b et 189b ont également été décrites (Perrin et coll., 2005; Miller-Kasprzak et Jagodzinski, 2008).

Les conséquences fonctionnelles de cette différence dans la région C-terminale, sont que les homodimères de VEGF165b entrent en compétition avec les homodimères de VEGF165 pour la liaison au récepteur principal du VEGF, le VEGFR-2, pour lequel elles ont la même affinité, mais inhibent la prolifération et la migration de cellules endothéliales en culture (Woolard et coll., 2004). Elles bloquent également l’induction de l’angiogenèse in vivo dans la cornée de lapin et du mésentère de rat. De plus, le VEGF165b humain recombinant montre également un effet anti-angiogène dans des expériences d’angiogenèse induite par hypoxie dans un modèle oculaire de rétinopathie chez la souris (Konopatskaya et coll., 2006).

Par ailleurs, Varey et coll. ont montré en utilisant un test ELISA spécifique des isoformes VEGFxxx ou VEGFxxxb, que plus de 90% du VEGF exprimé dans un colon normal était du VEGFxxxb (Varey et coll., 2008). Cependant, dans le carcinome colorectal métastatique, le VEGFxxx est surexprimé et le VEGFxxxb est sous-exprimé. De plus, les cellules d’adénome du côlon en culture expriment principalement du VEGFxxxb alors que les cellules de

carcinome expriment du VEGFxxx de manière prépondérante. Par ailleurs, ces cellules d’adénome soumises à une hypoxie permutent leur expression prépondérante de VEGFxxxb en VEGFxxx (Varey et coll., 2008).

La surexpression de VEGF165b dans des cellules de carcinome du côlon inhibe la croissance tumorale dans un modèle de xénogreffe chez la souris. Par ailleurs, cette étude a également montré que le VEGF165 et le VEGF165b se liaient au bevacizumab avec la même affinité (Varey et coll., 2008).