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2. Le VEGF-A

2.2. Régulation de l’expression du VEGF

2.2.2. Régulations post-transcriptionnelles

2.2.2.1. Régulation de la stabilité de l’ARNm

La réponse cellulaire à des signaux physiologiques et environnementaux nécessite une régulation fine et coordonnée de l’expression des gènes. Cette régulation peut avoir lieu à différents niveaux. Bien que la transcription soit un point de contrôle majeur, les mécanismes de régulation post-transcriptionnelle jouent également un rôle important dans le contrôle de l’expression des gènes. En particulier, la régulation de la stabilité des ARNm impliquant des séquences en cis et des facteurs en trans permet d’ajuster rapidement le niveau d’expression d’un gène aux besoins de la cellule. Parmi les séquences en cis impliquées dans la modulation de la stabilité des ARNm, les éléments riches en AU (ARE ou AU rich element) sont les plus étudiés. Ils ont été identifiés dans la région 3’ non traduite ou 3’-UTR (3’ untranslated region) des ARNm à demi-vie courte. Les éléments ARE sont en général composés de plusieurs séquences consensus pentamériques AUUUA, nonamériques UAUUU(A/U)(A/U) ou simplement des motifs riches en U (Chen et Shyu, 1995). Plusieurs protéines de liaison de ces domaines ARE ont été identifiées comme influençant le renouvellement des ARNm mais les mécanismes exacts impliqués ne sont pas encore complètement compris. De manière intéressante, ces séquences ARE peuvent induire autant une stabilisation qu’une déstabilisation des ARNm (Koeller et coll., 1989).

2.2.2.1.1. Les protéines stabilisatrices et déstabilisatrices

A ce jour, les protéines déstabilisatrices les plus étudiées sont AUF1 et la famille de protéines TIS11 (Tetra-décanoyl Phorbol Acetate-induced-sequence 11). Par ailleurs, une famille de protéines stabilisatrices des ARNm a été décrite, il s’agit de la famille de protéines ELAV (Embryonic Lethal Abnormal Vision) dont le prototype HuR est exprimé de façon ubiquitaire.

La protéine AUF1 également appelée hnRNP D (heterogeneous nuclear ribonucleoprotein D), se lie aux séquences ARE des régions 3’-UTR des ARNm et induit une dégradation de ces ARNm, in vitro et in vivo (Brewer G, 1991; Loflin et coll., 1999). AUF1 est exprimée sous forme de quatre isoformes qui résultent d’un épissage alternatif de son transcrit. Ces

différentes isoformes présentent des caractéristiques différentes de liaison aux ARNm, d’ubiquitinylation et de stabilité (Lu et Schneider, 2004). Le rôle déstabilisateur d’AUF1 in vivo est controversé. Dans les cellules NIH 3T3, la surexpression des différentes isoformes de AUF1 induit la stabilisation des ARNm via les séquences ARE. Cet effet stabilisateur impliquerait les séquences ARE de classe II. En fait, il semble que la régulation de la stabilité des ARNm par AUF1 via les séquences ARE dépende du contexte cellulaire et des isoformes considérées (Xu et coll., 2001). De plus, très récemment, AUF1 a également été impliquée dans la stabilisation de l’ARNm de l’IL8 dans la salive (Palanisamy et coll., 2008). Par ailleurs, la surexpression de AUF1 dans des souris transgéniques a démontré son implication dans la tumorigenèse (Gouble et coll., 2002), et sa surexpression a également été observée dans des tumeurs pulmonaires (Blaxall et coll., 2000).

La famille TIS11 est composée de trois protéines : TTP (ZFP36), TIS11b (ZFP36L1) et TIS11d (ZFP36L2), décrites toutes les trois pour leur capacité à induire une déstabilisation des ARNm via les séquences ARE (Carballo et coll., 1998; Lai et coll., 2000; Stoecklin et

coll., 2002). Notre laboratoire a été le premier à montrer l’implication de l’un des membres de

cette famille, la protéine TIS11b, dans la déstabilisation de l’ARNm du VEGF (Chinn et coll., 2002; Ciais et coll., 2004). Par la suite, l’implication de TTP a également été rapportée dans la régulation de la stabilité de ce transcrit (Essafi-Benkhadir et coll., 2007). Les caractéristiques et propriétés de la famille TIS11 seront développées dans la 3ème partie de cette introduction.

Les membres de la famille ELAV : HuA/R, HuB, HuC et HuD, initialement identifiés pour leur action dans le développement neuronal chez la drosophile, ont été décrits comme des ligands sélectifs des séquences ARE (Ma et coll., 1996). Alors que HuR est une protéine ubiquitaire, HuB, HuC et HuD, sont exprimées spécifiquement dans le tissu neuronal, et sont des antigènes cibles d’un anticorps auto-immun associé à un syndrome auto-immun, le Syndrome de Hu (Keene, 1999). La surexpression des protéines HuR et HuB induit une stabilisation des ARNm, et notamment celle de l’ARNm du VEGF (Levy NS et coll., 1998), ainsi que celle d’ARNm rapporteurs contenant des séquences ARE définies (Fan et Steitz, 1998; Peng et coll., 1998). Ces quatre protéines présentent de fortes homologies de séquence et de structure, et contiennent trois motifs RRM (RNA recognition motif). Les motifs RRM1 et RRM2 sont impliqués dans la liaison des séquences ARE et le motif RRM3 est impliqué dans la liaison à la queue poly(A) (Brennan et Steitz, 2001). La surexpression de HuR délétée du motif RRM3, ne permet plus à la protéine d’exercer son activité stabilisatrice. L’importance de ce motif dans le processus de stabilisation suggère que

Conservés chez l’humain et le rat : Nonamère

Pentamère

UUUUUU au moins

Pentamère AUUUA, chez le rat Pentamère AUUUA, chez l’humain UUUUUU au moins, humain

3’UTR du VEGF

TIS Binding Element (TBE) Site de liaison de HuR

1161-1235 1285-1325

1 2201

l’interaction entre HuR et la queue poly(A) est nécessaire à la stabilisation du transcrit (Fan et Steitz, 1998).

La protéine HuR a également été décrite pour sa capacité à naviguer entre le noyau et le cytoplasme (Fan et Steitz, 1998). Plus récemment, notre laboratoire a confirmé cette translocation du noyau vers le cytoplasme, dans le contexte d’une réponse des cellules primaires corticosurrénaliennes bovines à une stimulation par l’hormone hypophysaire ACTH. Cette translocation s’accompagne d’une stabilisation de l’ARNm du VEGF et est nécessaire à l’induction du taux d’ARNm du VEGF par l’ACTH (Cherradi et coll., 2006). Par ailleurs, comme pour AUF1, la surexpression de HuR a également été observée dans des tumeurs malignes du cerveau (Nabors et coll., 2001) et du poumon (Blaxall et coll., 2000).

2.2.2.1.2. Les séquences ARE et la région 3’-UTR de

l’ARNm du VEGF

L’identification des séquences de l’ARNm du VEGF responsables de sa demi-vie courte (1 à 2 h) a démontré que la région 3’-UTR était suffisante pour déclencher le renouvellement rapide, in vitro, d’un ARNm rapporteur caractérisé normalement par une demi-vie longue (Shima et coll., 1996). En effet, l’étude de la région 3’-UTR du VEGF a révélé de nombreux motifs connus pour leur l’implication dans la régulation de la stabilité de l’ARNm (Levy JR et

coll., 1995). En particulier deux séquences consensus UUAUUUA(U/A)(U/A), ainsi que cinq

Protéine VEGF

CUG AUG

IRESB IRESA

Site clivage du L-VEGF

Peptide signal ARNm du VEGF VEGF L-VEGF Fragment N-terminal

+

L’étude de la région 3’-UTR de l’ARNm du VEGF de rat a conduit notre équipe à montrer que TIS11b interagit avec un fragment de 75 paires de bases dans la région 3’-UTR (2201 paires de bases) de l’ARNm de VEGF et diminue son expression (Ciais et coll., 2004). Ce fragment a été appelé TBE pour TIS Binding Element. Il contient deux motifs consensus de liaison pour TIS11b : un nonamère UUAUUUAAU et un pentamère AUUUA, et est situé entre les bases 1161 et 1235. Le site de liaison de HuR a été décrit comme étant très proche du TBE : entre les bases 1285 et 1325 (Goldberg-Cohen et coll., 2002). Une étude ultérieure de notre laboratoire a montré que les deux protéines TIS11b et HuR étaient capables de se lier en même temps à l’ARNm du VEGF. Néanmoins, la surexpression de TIS11b déplace HuR de sa cible et induit une déstabilisation de l’ARNm du VEGF (Cherradi et coll., 2006).

Plusieurs classifications des séquences ARE ont été proposées et regroupent les différentes catégories de séquences ARE. Celles-ci ainsi que les mécanismes de déstabilisation de l’ARNm du VEGF par la famille de protéines TIS11 dépendants de ces séquences, seront explicités dans la 3ème partie de cette introduction. Toutefois, ces classifications placent la région 3’UTR du VEGF dans la classe II, caractérisée par la présence de motifs AUUUA en tandem (Wilusz et coll., 2001).

Un niveau de régulation supplémentaire peut être amené par l’existence de plusieurs sites de polyadénylation dans la région 3’-UTR de l’ARNm du VEGF, qui peuvent inclure ou non dans le transcrit, les séquences ARE modulatrices de la stabilité de l’ARNm (Dibbens et coll., 2001). L’analyse de la région 3’-UTR de l’ARNm du VEGF de rat a montré quatre sites potentiels de polyadénylation (Levy JR et coll., 1995). Le site le plus utilisé serait situé 1,9 kb en aval du codon stop (Conn et coll., 1990). Un deuxième site engendre un transcrit d’environ 2,2 kb (Shima et coll., 1996). Il y a 82 % d’homologie entre de la région 3’-UTR humaine et la région 3’-UTR de rat. Les 4 sites de polyadénylation ainsi que les régions ARE nonamériques sont conservés entre ces deux espèces (Levy NS et coll., 1997). En revanche, chez la souris, seuls deux sites de polyadénylation sont utilisés, et il s’avère que le site induisant le transcrit le plus long est majoritairement utilisé, que ce soit dans des conditions d’hypoxie ou de normoxie (Dibbens et coll., 2001).

2.2.2.2. Régulation de la traduction

L’initiation de la traduction de la protéine VEGF peut avoir lieu en différents sites. En effet, une autre isoforme du VEGF que celles exposées précédemment, a également été décrite (schéma 16). Il s’agit du L-VEGF (large VEGF), qui n’est pas issu cette fois d’un épissage alternatif, mais de l’utilisation d’une codon d’initiation CUG, situé en amont du codon ATG classiquement utilisé (Huez et coll., 2001). Cette initiation de traduction alternative est gouvernée par un IRES (Internal Ribosomal Entry Site). Deux IRES ont été décrits dans la partie 5’ non traduite (5’UTR) de l’ARNm du VEGF. L’IRES A, placé en amont du codon d’initiation AUG a été le plus communément identifié dans l’initiation de la traduction de la protéine VEGF. Récemment, une étude a montré l’implication d’un second IRES, l’IRES B, situé en amont de l’IRES A et d’une séquence CUG, qui se comporte comme un site d’initiation alternatif de la traduction in vivo, et produisant une nouvelle isoforme du VEGF : le L-VEGF (Huez et coll., 2001). Cette nouvelle isoforme est plus longue de 206 acides aminés que le VEGF initié au codon ATG. Des modifications post-traductionnelles induisent le clivage protéolytique de cette protéine L-VEGF et engendrent un fragment N-terminal de 206 acides aminés séquestré dans l’appareil de Golgi, et un fragment C-terminal correspondant à la protéine VEGF initiée au codon ATG et sécrété par la cellule. Le L-VEGF est exprimé dans des tissus murins et humains qu’ils soient sains ou tumoraux (Huez et coll., 2001; Rosenbaum-Dekel et coll., 2005).