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Partie III  : Réflexion, analyse et critique de la recherche

E. Entre variation d’équipe et difficile convergence des pratiques professionnelles à

Tous les professionnels sont unanimes pour nous dire que beaucoup de difficultés rencontrées, notamment dans la pérennisation de projets à caractère sportif ou culturel, sont liées à ces changements d’équipe (de direction ou pédagogique) fréquents. C’est ainsi qu’une responsable interrogée nous indique être rendue à son 6ème directeur en 9 ans d’exercice dans la même structure. Cela pose problème lorsqu’une autre professionnelle nous indique qu’il y a évolution dans les emplois du temps à chaque passage de direction. Ceci ne permet pas non plus une réelle cohésion d’équipe, entre autres dans l’utilisation de l’outil sport.

Ainsi, ce « va et vient » au sein des établissements prenant en charge des mineurs délinquants a un impact très clair sur le fonctionnement des services et sur ce qui est proposé aux jeunes à savoir les activités pédagogiques mises en place. Alors, certaines de celles-ci ne sont plus fonction des appétences ou compétences des professionnels mais plutôt de leurs facilités d’aménagement, où l’idée première est de pérenniser la chose au détriment des savoirs faire des éducateurs.

« […] l’idée c’est quand même mettre des activités en place qui ne nécessitent pas une spécificité parce que si ça nécessite ça veut dire que je peux mettre en place des activités mais la personne va partir, si elle part, l’activité elle tombe à l’eau. Donc l’idée c’est que les activités soient pérennes et au delà des personnes. » (Extrait de l’entretien avec Antoine, responsable du foyer)

D’une autre manière, la PJJ accueille fréquemment des stagiaires au sein de ses établissements, ce qui en soit ne pose pas de problème lorsque cela est pédagogiquement porté. En revanche, c’est plus paradoxal lorsque le stagiaire prend la fonction d’un professionnel, ce que nous avons pu observer avec un stagiaire responsable de l’activité projet avec les jeunes, activité au centre de la prise en charge de ces derniers. Nous ne remettons bien évidemment pas en cause ici les compétences de la personne en apprentissage mais plutôt la fonction qui lui est donnée et qui ne pourra être pérennisée à l’issu de son stage. D’ailleurs, comme il a pu nous l’expliquer, ce sera un futur stagiaire qui reprendra sa fonction, avec certainement d’autres méthodes et peut-être avec les mêmes jeunes. Cela

Partie 3 chapitre II : les enjeux et les limites du sport dans la prise en charge des jeunes en conflit avec la loi

interroge alors sur la possibilité d’une convergence de pratique, ici entre les 2 stagiaires, mais il s’agit d’un axe à travailler au sein de l’EPEI globalement.

En effet, la cohérence dans le travail d’équipe au sein de cette structure, qui s’articule à travers 2 unités bien distinctes en terme de prise en charge des jeunes mais normalement complémentaires, est un des axes travaillé par les professionnels.

« […] une des préconisations qui est ressortie ce matin au groupe de travail c’est aussi de se dire on fait un calendrier mensuel en se disant, en mettant à plat tout ce qu’on a quoi comme ressources puisque voilà des fois ça se croise, même si on est sur le même site des fois voilà il faut bien qu’on se passe les infos. […] Après à partir du moment où on prend en charge les mêmes jeunes il faut qu’on puisse s’articuler dans l’interêt des mineurs voilà. Mais ça je pense que chacun l’a à l’esprit, c’est plus d’installer des pratiques qui vont vraiment dans ce sens et de continuer toujours là dedans quoi. Mais oui c’est un objectif pour l’EPEI oui. » (Extrait de l’entretien avec Lucile, directrice de l’EPEI)

Ainsi, la pratique sportive des jeunes au sein de cet établissement est influencée par le manque de communication entre les professionnels des différentes unités, tout comme les objectifs pédagogiques visés au cours de celle-ci, qui diffèrent largement en fonction de la structure dans laquelle elle est exploitée.

« Tu verras que, bah selon la structure dans laquelle ils sont inscrits et puis selon la, l’utilisation de l’outil sport et bah on va pas rechercher la même chose et que, voilà. […] on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a et ce qu’on a envie de faire aussi. […] Y’a pas de réflexion d’ensemble. » (Extrait de l’entretien avec Erwan, professeur technique STAPS)

L’exemple du projet « cirque » au sein de l’UEAJ

À l’initiative d’un professeur technique STAPS de l’UEAJ et d’une éducatrice de l’UEHD, un projet cirque a vu le jour, projet porté par l’EPEI. Il s’agissait pour les jeunes, avec leurs encadrants, de participer à différentes journées à dominante cirque pendant lesquelles ils ont pu découvrir de nouvelles pratiques par l’intervention de différents professionnels intermittents du spectacle. Aussi, un spectacle auquel les jeunes étaient conviés s’intégrait au sein de ce projet. Malheureusement les jeunes n’ont pas pu assister à cette représentation. Pour

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Il s’agira alors dans l’idée de mutualiser les pratiques entre les 2 structures de l’EPEI et d’améliorer la communication interne, tout ceci dans un souci d’homogénéité afin d’éviter « cette guéguerre » entre les professionnels, terme employé par les 2 responsables des 2 unités. Et ainsi favoriser une cohérence dans le parcours du jeune, notamment à travers le sport qui est un outil fort utilisé et fort représenté (2 professeurs techniques STAPS et plusieurs éducateurs de formation STAPS) au sein de l’établissement.

« Moi des fois j’en fais une fois, enfin j’en fais toujours une fois mais peut-être 2 fois mais ça suffit pas, ça doit être jumelé à d’autres trucs, tu vois à la boxe du jeudi, à l’équitation, aller courir, aller faire du vélo, tu sais faire du sport des activités physiques. » (Extrait de l’entretien avec Mathias, éducateur au foyer)

Par ces différents aspects nous avons pu faire un état des lieux des freins existants au sein de l’EPEI, comme dans beaucoup d’autres structures relevant de la PJJ, concernant la mise en place de projets ou même l’utilisation de l’outil sport comme pratique pédagogique. Mais quand est-il à l’échelle des jeunes ? C’est ce que nous allons développer ci-après, où nous verrons que la pratique sportive, bien que dépendante des décisions institutionnelles et des personnes qui l’encadrent, est liée nécessairement aux pratiquants, ici les mineurs délinquants et à leurs caractéristiques spécifiques.

3. Quelques caractéristiques du sport associées aux spécificités des jeunes délinquants limitent leur intégration sociale