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Partie III  : Réflexion, analyse et critique de la recherche

B. Les valeurs sportives qu’il est possible de transférer au quotidien des jeunes

Bien que les valeurs acquises au cours de la pratique sportive restent contestables, nous pouvons parfois les retrouver dans la vie quotidienne du jeune. Pour cela, « […] le transfert de compétences ne peut fonctionner que si les situations sont

comparables et si le transfert s’accompagne d’une réflexivité, c’est à dire d’une conscience de réutiliser la règle apprise ailleurs » (Gasparini. In Falcoz et Koebel, op.cit. 249). Le jeune devra alors s’approprier sa pratique, ce que nous explique un

professionnel du sport de la PJJ.

« […] les changements ils vont être liés plus à ce que le jeune il va faire de ce qu’il pratique et ce qu’il apprend ou pas, ce qu’il voit ou pas lors des séquences. » (Extrait de l’entretien avec Erwan, professeur technique STAPS)

Dans ce cadre là, et seulement dans ce cadre là, le jeune peut alors évoluer dans son comportement, son relationnel avec les autres et son savoir vivre.

a. Le respect d’un cadre et des autres

En d’autres termes, l’estime qu’ont ces jeunes pour tout ce qui provient de l’extérieur. Tous s’accordent pour nous dire en entretien à quel point le respect est quelque chose de primordial dans le sport, comme si l’un n’allait pas sans l’autre. C’est alors ce que nous avons essayé de vérifier en leur posant la question de ce

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qu’ils feraient si eux, en tant qu’entraîneurs, avaient un joueur très bon mais qui se comporte très mal sur le terrain. Tous ont convenu qu’ils ne le ferraient pas jouer, question de principe. Un réel intérêt est porté à cette notion de respect, mais est-elle vraiment mise en application ? D’après les dires de ces jeunes, l’adaptation dans un groupe par le respect d’un cadre, du matériel sportif, de ses coéquipiers, de ses adversaires ou de l’arbitre permet de mieux vivre ensemble et un des jeunes interrogés fait même le rapprochement entre le respect dans le sport et celui dans les structures de droit commun.

« Parce que moi je suis pas un enfant de la rue mais bon je connais un petit peu tout ça, et tu vois si j’ai pas les règles, même si je vais pas faire les bêtises, tu vois. C’est comme le magasin, on sait qu’il faut pas voler tu vois, je le fais pas. C’est moi si j’ai pas les règles, les règles ça me fait du bien tu vois ça me pose un cadre, je sais tu vois qu’il ne faut pas que je sorte du cadre. Si j’ai pas les règles, déjà tu vois, je commence un petit peu à. C’est pour ça les sports cadrés c’est mieux pour moi. » (Extrait de l’entretien avec Jean, jeune accueilli à l’EPEI)

Enfin, une manière de leur imposer une bonne conduite est aussi de leur montrer que par le respect de règles, de consignes propres à la pratique sportive ils peuvent éviter de se blesser, donc préserver leur corps, et même plus encore ils peuvent se voir évoluer rapidement à travers des situations de réussite. Ceci s’avère vrai en particulier concernant la tenue vestimentaire spécifique et adaptée à la pratique, élément que nous pouvons transférer à la vie sociale des jeunes, que ce soit dans leurs activités de prise en charge ou dans leur vie quotidienne. C’est à dire savoir s’adapter à son environnement et à son interlocuteur. Il s’agit d’un aspect qui se révèle bénéfique notamment sur le plan professionnel.

b. Solidarité et fair-play au cours de la pratique

Ce sont deux notions relevées au cours des entretiens qui sont étroitement liées au respect du cadre et des autres. Effectivement, à partir du moment où le jeune considère ce qui l’entoure, il peut entreprendre une démarche de solidarité, à l’égard de ses partenaires comme ses adversaires. Pour exemple, le simple fait d’aider un joueur à se relever lors d’une chute n’est pas quelque chose d’évident

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une démarche d’intégration sociale puisque « le postulat de l’intégration par

l’institution sportive rejoint l’analyse des institutions de Durkheim, selon laquelle l’intégration sociale suppose que les individus s’inscrivent dans des solidarités, qu’ils adhèrent aux buts et aux valeurs de la société et qu’ils se conforment aux règles prescrites » (Gasparini. In Falcoz et Koebel, op.cit. 247).

Dans cette perspective, les règles dans le sport sont très vite associées aux valeurs liées à la société dans laquelle nous nous trouvons. C’est d’ailleurs, considérant cela, ce qu’un jeune n’hésite pas à nous rappeler, comparant les règles à l’école qu’il n’appréciait guère, et celles dans le sport qu’il trouve légitime d’accepter.

« Les règles à l’école tu vois je les respectais pas toutes. Après dans le sport il me semble que tu vois ça, c’est pas pareil. Après c’est l’activité, le cadre est pas pareil. » (Extrait de l’entretien avec Jean, jeune accueilli à l’EPEI)

Enfin, une tension permanente, très certainement associée à leur contexte judiciaire contraignant tout comme leur vécu, est présente dans la vie quotidienne de ces adolescents. De fait, « cette tension, le sport propose de la dénouer grâce

au fair-play : savoir gagner et perdre dans le respect de l’esprit du jeu est un bon exercice de maîtrise de soi pour faire face à l’adversité, tout comme le contrôle de soi pendant l’affrontement sportif permet d’être en accord avec les règles et l’esprit du jeu. Le sport, normalement, fait comprendre qu’il s’agit d’un jeu

» (Mignon, op.cit. 18) dans lequel les jeunes peuvent s’investir et développer des capacités nouvelles qu’il est possible de mettre en lien avec l’implication que nécessite les différentes étapes de la vie, par exemple le travail.

c. Persévérance et implication

Très clairement la persévérance et l’implication ne sont pas les points forts de cette jeunesse qui, manquant de considération, se dévalorise et n’arrive pas à se projeter. C’est alors que le sport essaye de remédier à cela, notamment par la valorisation de leurs efforts que nous avons cités précédemment tout en leur montrant que le fait de s’investir, même à court terme, provoque des changements, qui, avec de la persévérance auront une influence bénéfique dans

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leur vie. Cela passe alors par tout un discours de l’éducateur mais aussi par des mises en situation de concurrence, de compétition, permettant ainsi aux jeunes de se situer par rapport aux autres.

« […] se situer par rapport aux autres, etc c’est intéressant mais pour, dans l’idée de, d’avoir des repères et de progresser quoi, de se dire que bah finalement j’ai encore besoin de travailler et que je peux m’améliorer. » (Extrait de l’entretien avec Erwan, professeur technique STAPS)

À travers le droit commun, notamment l’implication dans un club sportif, le jeune peut acquérir des connaissances et des notions de vivre en collectivité, c’est ce que nous explique un professeur technique.

« […] c’était l’ancien troisième objectif, non troisième finalité du sport de l’EPS apprendre à gérer sa vie physique tout au long de sa vie. Mais c’est à dire aussi apprendre à gérer sa vie physique, apprendre à à aller en club, à savoir comment ça marche un club, pourquoi on paye une cotisation, c’est quoi une assurance, qu’est ce qu’on a le droit de faire, qu’est ce qu’on a le droit de pas faire. S’intégrer à la vie de société oui. » (Extrait de l’entretien avec Maxime, professeur technique STAPS)

Enfin, pour ces jeunes, le fait de s’identifier à des figures médiatiques peut aussi les fidéliser encore plus à la pratique sportive et permet de concevoir une certaine forme de transferabilité de ses valeurs sportives au quotidien des adolescents, en particulier dans la sphère professionnelle.

« Ronaldo il montre que c’est le travail qui paye. Parce que déjà on est sans ignorer comment il bosse. Peut être vous mais moi à voir il travaille beaucoup parce que tu vas voir les buts qu’il marque. C’est vrai qu’il y a des buts inattendus, mais pourquoi il est au bon moment, c’est parce qu’il travaille qu’il arrive au moment opportun. Voilà. » (Extrait de l’entretien avec Momo, jeune accueilli à l’EPEI)

Ces vertus moralisatrices peuvent aussi s’appliquer, pendant la pratique du sport, à d’autres caractéristiques spécifiques très souvent manquantes à ces jeunes en conflit avec la loi, allant même jusqu’à les sensibiliser à une certaine forme de dépassement de leurs limites induite par la pratique sportive.

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d. Dépassement de soi

Au delà du fait que le sport soit utilisé comme pratique pédagogique, il est aussi, et très certainement, le seul enseignement lorsque les jeunes fréquentaient l’école où ils étaient en réussite. C’est d’ailleurs ce qu’ils n’hésitent pas à nous rappeler au cours des entretiens, où ils montrent, malgré leur défiance au système scolaire, un intérêt certain à la pratique sportive au sein des établissements qui les ont exclus. Ils nous disent par ailleurs qu’ils y avaient de bonnes notes. Ils ont donc, pour la plupart, une bonne relation à la pratique sportive et n’hésitent pas à s’y engager, même dans les sports à risque, avec plus ou moins d’appréhension.

La « bascule » avec Jean

La bascule est une des activités qui rentre en ligne de compte dans le projet cirque mis en place pour les jeunes par les « référents sport » du foyer et de l’UEAJ. C’est une activité à haut risque car elle nécessite un équilibre et oblige une adaptation à de nouveaux repères, en l’occurence des repères liés à la gravité et au contrôle de son corps dans les airs. Jean, un des jeunes présents au cours de l’activité était très réticent à pratiquer. En effet, il appréhendait beaucoup la confiance de l’autre qui est nécessaire dans ce sport. Il nous l’a fait remarquer au cours de l’entretien qui a eu lieu quelques jours après cette activité.

Parce que quand il saute sur la bascule je pense que si tu lui fais pas confiance, moi au début ça passait pas trop trop t’as vu. Mais un petit peu, peut être pas beaucoup, mais un petit peu la confiance quand même je pense. Ouais parce que quand il t’envoie en l’air… (extrait de l’entretien avec Jean, jeune accueilli à l’EPEI)

Ainsi, les intervenants ont du s’adapter et l’inciter progressivement à participer. De la même manière, ils l’ont valorisé et mis en confiance par des exercices simplistes dans lesquels Jean a pu progresser rapidement. Exercices qu’il a ensuite pu reproduire sans leur aide avec les autres jeunes. En fin de compte, Jean à réussi à passer outre sa peur et ses appréhensions liées à une activité le

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Ainsi, les jeunes n’hésitent pas à associer cette recherche de limites dans le sport à la capacité de se dépasser dans la vie quotidienne, notamment dans le travail. En effet, nous vivons dans une société où la performance à une place de choix et est même perçue comme une valeur du monde moderne. « Cette expression du

dépassement de soi s’explique en priorité par le fait que notre société de l'image, de l’apparence individuelle et du commerce valorise ce qui est un des plus beaux spectacles (au sens visuel, émotionnel et commercial du terme) » (Queval, 2001,

110), le sport. Les adolescents, à la recherche de cet univers performatif et productiviste s’adonnent alors à des pratiques où le but est l’accès au risque et aux limites. En ce sens même, ils n’hésitent pas à remettre en question le cadre imposé, tout comme ils pourraient le faire dans d’autres espaces de la vie quotidienne (par la consommation de produits illicites par exemple). Alors, cette recherche de limites en sport est associée à un dépassement de soi en lien direct avec la nécessité de faire des efforts, comme nous l’explique un jeune au cours de notre entrevue.

« Un je me mets à fond et pour arriver à peut être là où je veux je comprends toujours que dans le sport il faut faire l’effort. Parce que le sport pour moi c’est que, aujourd’hui tu fais un de plus, demain tu fais un de plus. Il faut toujours avoir un de plus dans la vie. » (extrait de l’entretien avec Momo, jeune accueilli à l’EPEI)

Cette notion d’effort, que le jeune nous cite très justement, n’apparaît pas comme principe fondamental à cette jeunesse. En revanche, elle est envisagée au cours de la pratique car « […] les sports modernes offrent - sur terre et plus banalement -

aux individus qui s’y risquent et aux savants qui s’en étonnent leurs champs d’expériences illimités du dépassement des limites » (Pociello, op.cit. 25). En

effet, plus l’investissement des jeunes est fort dans l’activité sport, plus ils rendant certainement plus vulnérable par la perte de repères. Néanmoins, il était très fier de cette progression qui l’a valorisé et dont il nous a reparlé de façon volontaire au cours de notre entrevue, nous indiquant qu’il n’aurait jamais fait ça de lui même, mais que si c’était à refaire il n’hésiterait pas.

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activité où ces adolescents, qui n’apprécient guère l’attente, peuvent progresser rapidement. Nous avons pu constater cela au cours de quelques séances de tennis, activité demandant une certaine technique dans le geste sportif. En effet, les