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Partie III  : Réflexion, analyse et critique de la recherche

D. La question de l’insertion professionnelle par le sport

Le dépassement de soi recherché par les jeunes au cours de la pratique sportive est aussi à mettre en lien avec leur potentielle insertion par le sport. En effet, « nul ne

contesterait aujourd’hui que la réussite moderne du champion sportif ne soit caractérisée par l’idée de dépassement de soi » (Queval, op.cit. 105). Alors que le

sport peut être envisagé pour le maintien de la santé, il est aussi l’espace dans lequel nous cherchons toujours à repousser les limites de l’espèce humaine. Il est alors sous tendu comme objet de bien être et de réussite, entre « […] mesure et

démesure » (Queval, op.cit. 104). Alors, ces jeunes en manque de repères,

n’hésitent pas à s’identifier aux figures médiatiques et sportives, qui en fonction des valeurs qu’elles portent auront un poids considérable dans leur vie et leur insertion professionnelle. En effet, « les trajectoires des héros sportifs servent

souvent, comme les contes de fées, de passerelles entre le monde des pauvres et celui des riches. Parti de rien, le champion arriverait grâce à son seul talent au faîte de la gloire » (Duret, op.cit. 73).

C’est ainsi que nous avons pu constater que Momo, un jeune pris en charge par l’EPEI, souhaite être footballeur professionnel et s’assimile à Ronaldo, joueur de football multi-millionaire. Il lui reconnaît sa technique au football mais aussi l’investissement qu’il met dedans, en ce sens il admet que « c’est le travail qui

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probable dans une telle société parce que sortir de la misère par son propre mérite, sans passe-droit, est quelque chose de tout à fait exceptionnel

» (Ehrenberg, 1986, 57).

Néanmoins, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une très petite proportion de jeunes qui arrivent à percer dans le sport de haut niveau, et souvent ce sont des jeunes repérés dès le plus jeune âge, cela entraîne une première difficulté car ces jeunes ont entre 13 et 18 ans. De fait, nous pouvons alors nous attendre à un échec et une désillusion, qui peuvent être très dur à accepter pour ces jeunes, tant ils ont été en déroute par le passé. Un véritable travail en parallèle de ce projet professionnel par le sport se met alors en place. Il ne s’agit pas d’oublier la volonté première du jeune qui est de percer dans le monde du sport, mais bien « d’assurer ses arrières » et de lui faire prendre conscience de la difficulté de pénétrer dans le monde très fermé du sport professionnel. C’est donc par son statut de spécialiste de l’activité physique et sportive que le professeur technique joue ce rôle de prévention, tout en l’encourageant dans sa pratique sportive (notamment en le dirigeant vers les clubs), tandis que d’autres professionnels, notamment celui en charge du projet professionnel du jeune, l'oriente vers d’autres pratiques professionnelles plus envisageables.

« […] un jeune qu’on accueille, qui est venu du Cameroun qui souhaitait faire footballeur professionnel en France. Donc moi je lui ai dit ok c’est ton plan A donc je vais voir comment je t’accompagne. […] Et à côté de ça, il a conscience que c’est assez difficile de percer dans ce domaine là, donc il a un plan B qui était d’intégrer la plomberie chauffagerie, raccroché à une scolarité. Donc moi voilà j’ai pu l’accompagner plus sur son plan B. Tout en oubliant pas aussi son plan A, et je lui demande assez couramment comment ça se passe au club, si ça le fait bien avec les autres, si il joue bien, du coup quel score il a fait au match du week-end, quel score il a fait au soccer, donc voilà. » (Extrait de l’entretien avec Étienne, éducateur à l'UEAJ)

Ainsi, le jeune, déjà sensibilisé aux structures de droit commun par le club sportif, comprend très vite la nécessité d’un projet professionnel réalisable, ne serait ce que dans les démarches de recherche de stage. En revanche, il n’oublie pas pour autant sa pratique sportive d’une réelle importance, qui reste avant tout un moyen pour lui de se sentir bien, comme une quête du bonheur et de la transcendance.

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C’est alors que le sport revêt avant tout sa fonction de loisir, apportant plaisir et détente.

4. Le sport, un échappatoire

Au cours de la recherche, nous avons pu constater la complexité de la prise en charge de ces mineurs délinquants. Bien que tous aient un point commun, le fait d’être suivis « au pénal », ils dénombrent tous des caractéristiques individuelles très différentes ce qui demande alors de les cerner et de comprendre leurs relations avec leurs pairs.

Ainsi, nous constatons rapidement, notamment à travers les entretiens, que ces jeunes ont parfois des profils très distincts, par exemple ayant des relations familiales calamiteuses ou se retrouvant sans relation familiale du fait de l’éloignement géographique. C’est cette dernière catégorie de jeunes, que nous pouvons qualifier de mineurs non accompagnés (MNA) qui nous intéresse le plus dans cette partie. Bien que les autres jeunes, d’après nos observations, utilisent aussi le sport afin de fuir la réalité pour envisager oublier leurs problèmes le temps de la pratique tout comme pour prendre simplement du plaisir, c’est bien en discutant avec les jeunes livrés à eux-mêmes, du moins avant d’avoir été pris en charge par la PJJ, que nous pouvons le plus relever ces aspects du sport. Alors, cette fois il n’est pas perçu comme un outil pédagogique à proprement parler mais bien comme une finalité, simplement l’activité physique et sportive au moment de la pratique.