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Une analyse des variables temporelles en lecture

2.3. Résultats et discussion

2.3.2. Variables simples

Vitesse d'articulation

La Figure 8 présente la distribution de la vitesse d'articulation aux trois débits, lent, normal et rapide (données groupées en classes de 0.5 syll/sec). D'après les coefficients d'asymétrie (lent: γ1 = -0.43, normal: γ1 = -0.12, rapide: γ1 = 0.35) et d'aplatissement (lent: γ2 = -0.27, normal: γ2 = -1.00, rapide: γ2 = -0.43), on peut conclure que la vitesse d'articulation aux trois débits n'est pas anormalement distribuée.

Figure 8. Distribution de la vitesse d'articulation aux débits lent, normal et rapide. Les centres de classes (de 0.5 syll/sec) se trouvent en abscisse.

Les moyennes (lent = 4.67 syll/sec, normal = 5.53 syll/sec, rapide = 6.66 syll/sec) et les médianes (lent = 4.76 syll/sec, normal = 5.58 syll/sec, rapide = 6.60 syll/sec) sont d'ailleurs très proches. Par ailleurs, les coefficients de variation révèlent que le regroupement des valeurs autour de la tendance centrale est un peu plus fort pour le débit normal (7%, écart-type de 0.41 syll/sec) que pour les débits lent (11%, écart-type de 0.53 syll/sec) et rapide (9%, écart-type de 0.63 syll/sec). La vitesse d'articulation semble donc plus stable au débit normal qu'aux débits lent et rapide. Notons encore que malgré le chevauchement des trois distributions, l'effet du débit est à nouveau très présent (F(2, 78) = 235.40, p < 0.001) et que les trois vitesses d'articulation sont chacune différentes les unes des autres (Tukey HSD, p < 0.01).

L'étude des Tableaux 3-5 (à la page 62) montre que la vitesse d'articulation est fortement corrélée avec la vitesse de parole, quel que soit le débit produit (normal:

r = 0.871, lent: r = 0.817 et rapide: r = 0.951). On en déduit que la vitesse de parole est fortement déterminée par la vitesse d'articulation. Grosjean & Deschamps (1973) avaient mis en évidence une relation identique pour l'interview, mais non pour la description. Par ailleurs, on observe que la vitesse d'articulation n'est corrélée avec le RTATL qu'à un débit rapide (normal: r = -0.062, lent: r = -0.004 et rapide: r = 0.368):

plus le temps de pause est réduit, plus la vitesse d'articulation est rapide. Notons toutefois que, selon Lane & Grosjean (1973), un locuteur qui articule rapidement en lecture présenterait automatiquement un temps de pause réduit et vice versa, ce qui ne semble se confirmer ici qu'à un débit rapide. Quant aux autres tâches étudiées, l'étude de Grosjean & Deschamps (1973) a montré une corrélation négative entre la vitesse d'articulation et le RTATL pour la description: plus la vitesse d'articulation était rapide, plus les locuteurs ont passé du temps à produire des pauses. Pour ce qui est de l'interview, Grosjean & Deschamps ont montré qu'il n'existait pas de corrélation entre la vitesse d'articulation et le RTATL. La comparaison avec d'autres tâches fait apparaître que les diverses activités linguistiques entraînent des relations différentes entre la vitesse d'articulation et la vitesse de parole d'une part, et entre la vitesse d'articulation et le RTATL d'autre part.

Au niveau des données rapportées dans le Tableau 2 (à la page 57), on constate une grande différence entre la vitesse d'articulation obtenue en lecture à débit normal (5.53 syll/sec) et issue d'interviews (5.29 syll/sec) ou de descriptions (4.45 syll/sec). A nouveau, il semblerait que la contrainte de la tâche influence directement la vitesse d'articulation, une tâche peu contraignante engendrant une vitesse d'articulation rapide.

Au niveau de la lecture d'un texte, on note chez Fougeron & Jun (1998) une vitesse d'articulation au débit normal similaire (à savoir de 5.65 syll/sec) et une vitesse d'articulation au débit rapide plus rapide (7.45 syll/sec). Cette différence est certainement à nouveau due au nombre de locuteurs étudiés. En ce qui concerne les études traitant de la lecture de phrases, on observe que notre vitesse d'articulation normale est plus rapide (5.53 syll/sec) que celle rapportée par Duez & Nishinuma (1987) qui était de 5.28 syll/sec. De plus, en ce qui concerne les vitesses d'articulation lente et rapide, nous notons que nos productions ont montré des vitesses d'articulation plus rapides (4.67 syll/sec et 6.66 syll/sec, respectivement) que celles de Zellner (1998) (4.5 syll/sec et 6.3 syll/sec, respectivement) ou celles de Duez & Nishinuma (1987), du moins au débit lent (4.08 syll/sec et 6.7 syll/sec, respectivement). Il se pourrait que les différences observées entre les diverses études proviennent du matériel utilisé (phrases versus texte), du nombre de locuteurs ou peut-être de la provenance régionale. Cette dernière hypothèse, particulièrement intéressante, mériterait d'être d'étudiée de manière plus approfondie.

Notons encore que le passage du débit normal au débit rapide d'une part, et le passage du débit normal au débit lent d'autre part, s'est effectué avec une augmentation de la vitesse d'articulation de 20.49% (écart-type de 9.60%) pour le premier et une réduction de la vitesse d'articulation de 15.49% (écart-type de 7.98%) pour le second. Bien qu'il semble plus aisé d'accélérer la vitesse d'articulation que de la diminuer31 (t(39) = 2.846, p < 0.05), les écarts-types et les coefficients de variation importants (47% et 52%

respectivement) indiquent une grande variabilité tant dans l'accélération que dans le ralentissement de la vitesse d'articulation. Il semble donc que tous les locuteurs n'aient pas varié leur vitesse d'articulation de la même manière lors du changement du débit.

Ajoutons encore que l'accélération de la vitesse d'accélération explique environ 90% de l'augmentation totale de la vitesse de parole (r = 0.951, p < 0.01), tandis que la diminution de la vitesse d'articulation contribue à 79% du ralentissement de la vitesse de parole (r = 0.887, p < 0.01). Bien que la vitesse d'articulation apparaisse comme un facteur déterminant dans la variation de la vitesse de parole globale, elle ne semble pas jouer le même rôle dans l'augmentation et la diminution du débit.

En résumé, l'étude de la vitesse d'articulation a montré une distribution relativement similaire aux trois débits, avec toutefois une variabilité plus importante au débit rapide.

Les diverses corrélations ont révélé une forte relation entre la vitesse d'articulation et la vitesse de parole (aux trois débits) d'une part, et entre la vitesse d'articulation et le RTATL au débit rapide d'autre part. Nous avons également pu constater que la vitesse d'articulation constituait un facteur particulièrement important dans la variation de la vitesse de parole. L'étude, dans les sections suivantes, du nombre et de la durée des pauses permettra de déterminer si ces variables entrent également en jeu dans la variation de la vitesse de parole.

Longueur moyenne des suites sonores (nombre de pauses)

Rappelons que la longueur des suites sonores est une mesure qui traduit le nombre de pauses: plus le nombre de pauses est élevé, plus les suites sonores sont courtes.

31 Notons que Duez & Nishinuma (1987) ont également rapporté "une plus grande facilité à la compression qu'à la dilatation" (p. 165).

Cependant, contrairement au nombre de pauses, la longueur des suites sonores ne dépend pas de la longueur de l'énoncé.

La Figure 9 présente la distribution de la longueur des suites sonores aux trois débits, lent, normal et rapide (données groupées en classes de 7 syllabes). Nous remarquons que la distribution de la longueur des suites sonores est très différente selon le débit produit. La distribution au débit normal présente un étirement anormal vers la droite (γ1 = 0.82), mais pas de problème au niveau de l'aplatissement (γ2 = -0.13). L'asymétrie provient de 15% des locuteurs, qui ont produit des suites sonores relativement longues (en d'autres termes, peu de pauses). La médiane (16.70 syllabes) et l'intervalle semi-interquartile (5.15 syllabes) semblent donc être les mesures appropriées pour rendre compte des tendances centrale et de dispersion. Quant à la longueur des suites sonores produites à un débit lent, leur distribution présente une forte dissymétrie vers la gauche (γ1 = 3.72), ainsi qu'une courbe fortement "pointue" (γ2 = 17.36). Ceci s'explique par un effet plancher dû à la nature du texte: même en produisant de nombreuses pauses (et donc en diminuant la longueur des suites sonores), les locuteurs n'ont pas pu produire plus de pauses que ne le permettait la structure du texte. Nous notons donc un fort regroupement autour de la tendance centrale (médiane de 10.11 syllabes avec un intervalle semi-interquartile de 1.76 syllabes). Pour ce qui est de la distribution des suites sonores au débit rapide, les mesures d'asymétrie et d'aplatissement reflètent un étirement vers la droite (γ1 = 0.74), mais pas de problème majeur au niveau de l'aplatissement (γ2 = -0.43). L'intervalle semi-interquartile élevé (14.19 syllabes) traduit une grande variabilité autour de la médiane (qui est de 36.25 syllabes). On note par ailleurs que la distribution semble multimodale. Il se peut toutefois qu'avec un nombre plus conséquent de locuteurs, la distribution devienne normale. Il est donc difficile de tirer une conclusion définitive quant à la présence de plusieurs modes dans la distribution de la longueur des suites sonores au débit rapide et, afin de le vérifier, il faudrait augmenter la taille de l'échantillon étudié. A nouveau, bien que les distributions se chevauchent, la longueur des suites sonores montre un effet de débit (F(2, 78) = 82.94, p < 0.0001), chacune étant différente des autres (Tukey HSD, p < 0.01).

Figure 9. Distribution de la longueur des suites sonores aux débits lent, normal et rapide. Les centres de classes (de 7 syllabes) se trouvent en abscisse.

Les Tableaux 3-5 (à la page 62) révèlent que la longueur des suites sonores est corrélée avec la vitesse de parole, plus fortement aux débits lent et rapide que normal (normal:

r = 0.413, lent: r = 0.616 et rapide: r = 0.637). Il apparaît donc qu'en lecture, le nombre de pauses a une incidence directe sur la vitesse de parole, tout comme lors d'interviews ou de descriptions (Grosjean & Deschamps, 1973).

De même, le nombre de pauses influence fortement le RTATL, et ce, quel que soit le débit produit (normal: r = 0.922, lent: r = 0.862 et rapide: r = 0.958). Notons que le contraire aurait été étonnant puisque le RTATL traduit le pourcentage de temps passé à produire des pauses. La relation entre la longueur des suites sonores et le RTATL est donc également présente lors d'interviews ou de descriptions (Grosjean & Deschamps, 1973).

Pour ce qui est de la corrélation entre la longueur des suites sonores et la vitesse d'articulation, il est intéressant de constater qu'elle est inexistante au débit normal (r = -0.015) et non significative au débit lent (r = 0.217): à ces deux débits, un locuteur présentant une vitesse d'articulation plutôt rapide n'a donc pas produit moins de pauses

une corrélation significative au débit rapide (r = 0.412). Il semblerait donc qu'à débit rapide, une vitesse d'articulation rapide entraîne un nombre plus petit de pauses qu'une vitesse d'articulation plus lente. Il s'agit néanmoins de rester prudents étant donné la distribution plutôt anormale de la longueur des suites sonores au débit rapide. Grosjean

& Deschamps (1973) n'ont pas constaté de relation entre la longueur des suites sonores et la vitesse d'articulation lors de descriptions ou d'interviews: la vitesse d'articulation n'avait aucune influence sur le nombre de pauses. Par ailleurs, l'hypothèse de Grosjean (1972), citée dans Grosjean & Deschamps (1973), à savoir que "ces trois variables [vitesse d'articulation, longueur moyenne des suites sonores et longueur des pauses]

deviennent intimement liées les unes aux autres lorsque l'on s'oriente vers les valeurs extrêmes du débit, par exemple, en lecture très lente ou très rapide" (p. 201) n'est qu'en partie confirmée dans cette étude.

La comparaison avec d'autres études est difficile, car ces dernières, à l'exception de Grosjean & Deschamps (1972, 1973, 1975), rapportent rarement la mesure de la longueur des suites sonores (cf. Tableau 2, à la page 57). Grosjean & Deschamps ont obtenu une longueur moyenne des suites sonores de 14.85 syllabes pour l'interview et de 7.42 syllabes pour la description, valeurs nettement inférieures à celle obtenue ici (18.89 syllabes). A nouveau, il semble évidemment que la tâche langagière influence la production du nombre de pauses, une tâche contraignante comme la description requérant plus de temps (et donc plus de pauses) pour la planification de l'énoncé.

Relevons encore que les locuteurs, en passant du débit normal au débit rapide, ont augmenté la longueur de leurs suites sonores de 108.28% (écart-type de 96.8%), ce qui signifie que les locuteurs ont doublé la longueur de leurs suites sonores au débit rapide par rapport au débit normal. L'écart-type élevé traduit toutefois une grande variabilité parmi les locuteurs et incite à penser que ces derniers n'ont pas tous eu recours à un même mécanisme lors de l'augmentation des suites sonores. Lorsqu'ils sont passés du débit normal au débit lent, les locuteurs n'ont réduit la longueur de leurs suites sonores que de 39.33% (écart-type de 14.68%). En d'autres termes, les locuteurs ont introduit bien plus de pauses à débit lent qu'ils n'en ont éliminé à débit rapide (t(39) = 4.323, p < 0.001). On observe encore que l'augmentation de la longueur des suites sonores est responsable de 37.33% de l'accélération de la vitesse de parole (r = 0.611, p < 0.01) et que la réduction des suites sonores, quant à elle, n'explique que 17.31% du

ralentissement de la vitesse de parole (r = 0.416, p < 0.01). En somme, bien que moins importante que la vitesse d'articulation, la variation de la longueur des suites sonores (et donc du nombre de pauses) constitue également un facteur important dans la variation de la vitesse de parole globale. Nous notons à nouveau que l'augmentation et la diminution du débit n'implique pas une modification homogène et miroir de la longueur des suites sonores.

En résumé, l'étude de la longueur des suites sonores a révélé une distribution bien différente selon le débit produit, avec une distribution qui semble multimodale au débit rapide. Pour s'en assurer, il faudrait toutefois augmenter la taille de l'échantillon étudié.

En ce qui concerne les corrélations avec les autres variables étudiées jusqu'ici, une forte relation apparaît entre le nombre de pauses et la vitesse de parole, ainsi qu’entre le nombre de pause et le RTATL, et ceci aux trois débits, relation par contre inexistante avec la vitesse d'articulation, du moins aux débits normal et lent. Il semblerait donc qu'un locuteur dont la vitesse d'articulation est lente ne produise pas plus de pauses qu'un locuteur dont la vitesse d'articulation est rapide. Nous avons par ailleurs rapporté que, bien que variable parmi les locuteurs et asymétrique, la modification de la longueur des suites sonores était également importante dans la variation de la vitesse de parole.

Longueur moyenne des pauses (LMP)

La Figure 10 présente la distribution de la longueur des pauses aux débits lent, normal et rapide (données groupées en classes de 100 msec). La distribution au débit normal présente un étirement vers la droite (γ1 = 0.58), mais pas de problème majeur au niveau de l'aplatissement (γ2 = 1.00). L'étirement est principalement causé par un locuteur qui a produit des pauses particulièrement longues (d'une durée moyenne de 623 msec). La médiane (413.75 msec) et l'intervalle semi-interquartile (40.31 msec) constituent donc les mesures appropriées pour rendre compte des tendances centrale et de dispersion.

Pour ce qui est de la distribution de la durée des pauses au débit rapide, notons tout d'abord que le nombre de sujets était ici de 35 (et non pas 40), car cinq des sujets ont produit le texte sans pauses. La distribution est également largement étirée vers la droite

1 = 1.5632), et présente une courbe anormalement "pointue" (γ2 = 2.7733), anormalité principalement causée par deux locuteurs ayant produit des pauses particulièrement longues pour un débit rapide. Nous observons malgré tout une faible dispersion autour de la tendance centrale (médiane de 360.00 msec avec un intervalle semi-interquartile de 30.68 msec). La distribution de la durée des pauses au débit lent est, quant à elle, bien différente. Elle présente un étirement anormal vers la droite (γ1 = 1.01), mais pas de problème majeur au niveau de l’aplatissement (γ2 = 1.19). L'asymétrie se reflète également dans la grande différence entre la moyenne (533.42 msec) et la médiane (508.67 msec), ainsi que par la tendance de dispersion assez importante (intervalle semi-interquartile de 82.42 msec).

Figure 10. Distribution de la durée des pauses aux débits lent, normal et rapide.

Les centres de classes (de 100 msec) se trouvent en abscisse.

A nouveau, on note un certain chevauchement entre la distribution de la longueur des pauses produites aux trois débits. Néanmoins, on trouve un net effet de débit

32 La valeur limite ici est de +/- 0.83 (car n = 35).

33 La valeur limite ici est de +/- 1.66 (car n = 35).

(F(2, 68) = 56.63, p < 0.0001) et une différence significative entre la durée des pauses à chaque débit (Tukey HSD, p <0.01).

L'examen des Tableaux 3-5 (à la page 62) révèle que la durée des pauses est corrélée avec la vitesse de parole aux débits normal (r = -0.418) et lent (r = -0.544), mais non au débit rapide (r = -0.227). Aux débits normal et lent, plus les pauses sont courtes, plus la vitesse de parole est rapide. Grosjean & Deschamps (1973) ont montré la même relation pour l'interview et la description. Par contre, la durée des pauses n'a pas d'influence sur la vitesse de parole au débit rapide: la présence de pauses courtes n'implique pas forcément une vitesse de parole plus rapide.

Par ailleurs, on ne note pas de corrélations significatives entre la durée des pauses et le RTATL aux débits normal (r = -0.214) et rapide (r = -0.251): un locuteur produisant de courtes pauses ne présentait pas forcément un temps de pause moins élevé qu'un locuteur produisant de longues pauses. Par contre, il existe une forte relation entre la durée des pauses et le RTATL au débit lent (r = -0.799). Ces résultats révèlent qu'aux débits normal et rapide, la variable déterminante pour le RTATL n'est pas la durée des pauses mais leur nombre (cf. section précédente). Toutefois, les deux variables sont cruciales pour le RTATL en lecture au débit lent, comme elles le sont lors d'interviews ou de descriptions (Grosjean & Deschamps, 1973).

En ce qui concerne la relation entre la durée des pauses et la vitesse d'articulation, elle n'est pas significative aux débits lent et rapide (lent: r = -0.120 et rapide: r = -0.201): la production de courtes pauses n'entraîne pas une vitesse d'articulation plus rapide que la production de pauses plus longues. Cette non-corrélation entre la durée des pauses et la vitesse d'articulation a déjà été mise en évidence lors d'interviews et de descriptions (Grosjean & Deschamps, 1973). Toutefois, bien que modérée, la corrélation est présente au débit normal (r = -0.321): un locuteur produisant de courtes pauses présente une vitesse d'articulation plus rapide qu'un locuteur produisant de longues pauses. Relevons en outre que, selon Grosjean (1972), une corrélation devrait exister en lecture aux débits lent et rapide, mais pas forcément au débit normal. La différence de corrélations entre les trois débits et les trois tâches reste difficile à expliquer et mériterait un examen plus approfondi.

Quant au nombre de pauses (longueur des suites sonores), on note qu'aux débit normal et rapide, il n'est absolument pas corrélé avec la durée des pauses (normal: r = 0.055 et rapide: r = -0.054): un locuteur produisant de courtes pauses n'en a pas forcément produit davantage qu'un locuteur produisant de longues pauses. L'absence d'une telle relation a également été rapportée par Grosjean & Deschamps (1973) lors d'une tâche peu contraignante comme l'interview. On constate par ailleurs une différence pour ce qui est du débit lent. Dans ce cas, la corrélation significative (r = -0.524) entre la durée des pauses et la longueur moyenne des suites sonores met en évidence que les locuteurs qui ont produit de longues pauses en ont produit davantage que les locuteurs dont les pauses étaient courtes. Cette relation a aussi été montrée pour la description (Grosjean

& Deschamps, 1973). A nouveau, Grosjean (1972) prédisait l'existence d'une telle corrélation aux débits lent et rapide. Or, elle n'a pu être observée qu'au débit lent. Au vu de ces résultats, nous pouvons conclure que la relation entre la durée des pauses et les autres variables simples (vitesse d'articulation et longueur des suites sonores) dépend non seulement du débit produit, mais également de la tâche linguistique, plus précisément du niveau de contrainte de cette dernière.

Le Tableau 2 (à la page 57) permet de comparer la longueur des pauses en lecture et en parole spontanée. Comme on pouvait s'y attendre, on observe des pauses nettement plus courtes en lecture que lors d'interviews et de descriptions (Grosjean & Deschamps, 1973). Bien évidemment, cette différence s'explique à nouveau par la présence en parole spontanée d'une planification nécessaire à la production de l'énoncé, planification qui exige du temps. Par ailleurs, la comparaison avec d'autres études montre certaines différences: des pauses nettement plus courtes chez Fougeron & Jun (1998) pour ce qui est de la lecture des textes à débit normal (302 msec) et rapide (276 msec) et des pauses plus longues chez Lucci (1983) au débit normal (809 msec). A nouveau, ces différences peuvent provenir du nombre de locuteurs, d'une part, et du style donné par le locuteur à la lecture, d'autre part. Par ailleurs, la comparaison avec les recherches qui ont étudié la durée des pauses lors de la lecture de phrases ne semble pas appropriée, étant donné l'absence dans ces études des pauses inter-phrastiques.

Quant à la variation de la durée des pauses lors du ralentissement et de l'accélération du débit, nous observons que le passage du débit normal au débit rapide s'est effectué avec une réduction de la durée des pauses de 11.30% (écart-type de 16.96%), alors que le

passage du débit normal au débit lent a montré une augmentation de la durée des pauses de 28.65% (écart-type de 26.21%). Cette dernière explique 20% du ralentissement de la

passage du débit normal au débit lent a montré une augmentation de la durée des pauses de 28.65% (écart-type de 26.21%). Cette dernière explique 20% du ralentissement de la