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Définition des variables temporelles

Les variables temporelles

1.2. Définition des variables temporelles

1.2.1. Variables primaires

Les variables primaires, contrairement aux variables secondaires, apparaissent automatiquement lorsque nous parlons. Selon Grosjean & Deschamps (1972), elles se divisent en deux classes: les variables complexes et les variables simples, les secondes provenant de la décomposition des premières.

Variables complexes

La vitesse de parole (appelée plus communément "débit"), première variable complexe, se calcule à partir du temps de locution. Puisque ce dernier se compose du temps d'articulation et du temps de pause (cf. Figure 2), la vitesse de parole traduit la vitesse générale de locution du locuteur et tient donc compte non seulement de la vitesse à laquelle le locuteur articule, mais également du temps de pause produit par celui-ci.

Figure 2. Décomposition du temps de locution.

Le débit s’exprime généralement en syll/min (Grosjean & Deschamps, 1972), mais parfois également en mots/min (Goldman-Eisler, 1968) ou en sons/sec (Gósy, 1991), et s'obtient selon l'Equation 1. Le temps de locution s'exprime ici en secondes.

Equation 1 60

_ _

_

_ ×

= Temps de locution syllables de

Nombre Débit

Notons encore que les syllabes prises en compte dans le calcul du débit (et de la vitesse d'articulation) peuvent correspondre aux syllabes phonologiques (forme canonique des mots, par exemple /smn/) ou phonétiques (forme réalisée par le locuteur, par exemple [smn]).

La deuxième variable complexe, le rapport temps d'articulation-temps de locution (RTATL), donne une indication quant au temps passé à articuler (et inversement à produire des pauses) lors d'une activité langagière. Il permet de déterminer quel phénomène (temps d'articulation ou temps de pause) joue le plus grand rôle dans l'accélération ou le ralentissement du débit, par exemple. Il s'exprime en pourcentage en appliquant l'Equation 2.

Temps de locution

Temps d'articulation Temps de pause

Nombre de pauses Longueur moyenne des pauses

Equation 2 100

La vitesse d'articulation (ou vitesse de phonation) est une première variable simple. Elle dépend uniquement du temps d'articulation (exprimé en secondes) et reflète donc la variables simples: le nombre et la longueur moyenne des pauses. En ce qui concerne le nombre de pauses, Grosjean & Deschamps (1972) mettent en avant que ce dernier dépend fortement de la longueur de l'énoncé (un énoncé long tend à générer davantage de pauses qu'un énoncé court) et proposent donc d'étudier plutôt la longueur moyenne des suites sonores (LMSS), variable qui, elle, ne dépend pas de la longueur de l'énoncé.

La longueur moyenne des suites sonores correspond au nombre de syllabes émises entre deux pauses, ces syllabes pouvant constituer un mot, un groupe de mots, un syntagme, une phrase ou une série de phrases. Bien évidemment, la longueur moyenne des suites sonores dépend du nombre de suites sonores (cf. Equation 4), qui lui-même dépend du nombre de pauses. En effet, étant donné que tout énoncé commence et se termine par une suite sonore, le nombre de suites sonores d'un texte correspond toujours au nombre de pauses additionné de 1 (cf. Equation 5).

En somme, le nombre de pauses et la longueur moyenne des suites sonores constituent deux mesures pour un même phénomène, la deuxième présentant l'avantage de ne pas dépendre de la longueur de l’énoncé. Ainsi, de longues suites sonores révèlent que

l'énoncé contient peu de pauses, et inversement, de courtes suites sonores traduisent un grand nombre de pauses.

La longueur moyenne des pauses silencieuses (LMP) constitue la deuxième variable simple déterminante dans le calcul du temps de pause (cf. Figure 2). L’étude de cette variable nécessite une définition précise de ce qu'est une pause silencieuse. Pour certains chercheurs, tout silence de plus de 250 msec est considéré comme une pause silencieuse (Goldman-Eisler, 1968; Grosjean & Deschamps, 1975). Pour d'autres, la durée minimale d'une pause silencieuse est de 130 msec (Stuckenberg & O'Connell, 1988), ou de 100 msec (Riazantseva, 2001). D'autres encore (Duez, 1982) la définissent non pas par rapport à un seuil fixe, mais en fonction de chaque locuteur et du style de l'énoncé. En outre, les pauses silencieuses peuvent être de différente nature: pauses de respiration, simples arrêts à des emplacements syntaxiques précis, pauses d'hésitation, chaque type de pauses faisant l'objet de nombreuses études (Grosjean & Deschamps, 1975; Grosjean & Collins, 1979; Grosjean, 1980, par exemple).

1.2.2. Variables secondaires

Ces variables, appelées également phénomènes d'hésitation, n'apparaissent en général que rarement en lecture. Leur présence n'est donc pas automatiquement requise lorsque nous parlons. Les variables secondaires se divisent en quatre groupes: 1) les pauses remplies qui correspondent à tout procédé d'hésitation dans le langage: //, /m/, etc.;

2) les syllabes allongées qui consistent en un prolongement anormal des syllabes en fin de mots; 3) les répétitions (sans nouvelle signification), quelle que soit leur longueur; 4) les faux-départs qui correspondent à tout énoncé interrompu quelle que soit sa longueur.

Mentionnons encore que la plupart des études expérimentales que nous présentons dans les chapitres suivants porte sur les variables temporelles produites en lecture oralisée.

Etant donné que les variables secondaires ne sont que très peu présentes en lecture, elles ne feront donc pas l'objet d'une étude approfondie dans ce travail. Toutefois, le lecteur intéressé par les phénomènes de pauses remplies peut consulter, par exemple, les travaux sur le français de Candea (2000) ou de Duez (2001).

1.2.3. Résumé

En résumé, cette description des variables temporelles pose les jalons théoriques pour une meilleure compréhension des études présentées dans la suite de ce travail. Elle permet par ailleurs de mettre en évidence les diverses relations de dépendance (ou non) entre les différentes variables temporelles, relations que nous étudierons de manière approfondie au chapitre suivant. Enfin, une telle description nous amène à examiner dans la section suivante les facteurs susceptibles d'influencer la production du débit et de ses composantes (vitesse d'articulation, nombre et durée des pauses). A ce sujet, notons encore que, puisque le débit est une variable complexe qui inclut d'autres variables temporelles, nous utiliserons par la suite, pour des raisons de simplification, le terme "débit" comme synonyme de "débit et ses diverses composantes". Toutefois, si les études présentées traitent spécifiquement de certaines variables temporelles, nous préciserons à chaque fois desquelles il s'agit.