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Variabilités spectrales au cours de l’éruption .1Les états spectraux.1Les états spectraux

INTRODUCTION AUX SYSTÈMES BINAIRES X

2.2 Variabilités spectrales au cours de l’éruption .1Les états spectraux.1Les états spectraux

Densité de surface 𝛴 log(𝛴)

𝛴

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𝛴

!$%

Hydrogène ionisé

Hydrogène neutre

Figure 2.3 –Relation entre la température T et la densité de surfaceΣ d’un anneau de disque d’accrétion. La branche d’équilibre « froide » est représentée en bleue et la « chaude » en rouge.

plus longs.

Il faut également ajouter à cela, l’irradiation des parties externes du disque par la source centrale de rayonnement X (couronne ou présence de vents Dubus et al., 2019), permet-tant de garder le disque chaud même dans les parties les plus externes. Cela empêcherait alors la recombinaison de l’hydrogène dans ces zones et donc la propagation de l’instabi-lité thermique de retour, diminuant ainsi progressivement le taux d’accrétion et permettant d’expliquer les décroissances exponentielles observées dans les courbes de lumière (Dubus et al.,2001;Tetarenko et al.,2018).

2.2 Variabilités spectrales au cours de l’éruption

2.2.1 Les états spectraux

L’observation de deux principaux états spectraux dans les binaires X est réalisée au dé-but des années 1970 grâce au satellite Uhuru (Tananbaum et al.,1972). La source observée, Cygnus X–1, montre une transition depuis un spectre dominé par l’émission de X mous (i.e. l’énergie des photons est inférieure à 10 keV) vers un spectre dominé par l’émission de X durs (i.e. l’énergie des photons est supérieure à 10 keV). Le rayonnement radio associé n’est, quant à lui, pas détecté avant la transition mais apparaît juste après celle-ci. Étant donné que la sensibilité de l’instrument se trouve en dessous de 10 keV, la source apparaît très brillante dans ces énergies, et cet état est dénoté état haut. Au contraire, la source paraît faible dans l’état dominé par les X durs, qui est dénoté état bas. Aujourd’hui, nous qualifions respective-ment ces états de haut/mou et de bas/dur en raison de l’émission X qu’ils émettent. Dans la suite, j’utiliserai les termes état mou et état dur pour les nommer.

État dur

L’état dur est celui dans lequel entre la source à sa sortie de quiescence. Son spectre est modélisé par une loi de puissance d’indice de photon 1.4 < Γ < 2.4 (N(E) ∝ E−Γ

avec N le nombre de photons d’énergie E). La loi de puissance est observée avec une cou-pure exponentielle autour de∼ 100 keV. Cette description phénoménologique est associée à l’émission Compton inverse des photons issus du disque avec des électrons provenant du plasma chaud et thermalisé de la couronne. Nous verrons également dans la Section2.3que cet état montre une importante variabilité de l’émission X (valeur typique de∼30 %, Bel-loni,2010;Remillard & McClintock,2006), pouvant monter jusqu’à∼50 % (Kalamkar et al.,

2015). Cette variabilité est anti-corrélée au flux mais corrélée à la dureté.

Dans cet état, une forte émission radio caractérisée par un spectre en loi de puissance plate (Fν ∝ ναavec α∼ 0, e.g.,Corbel et al.,2013a;Fender,2001;Fender et al.,2000;Russell et al.,2013;Stirling et al.,2001) et linéairement polarisée (e.g.,Brocksopp et al.,2013;Russell & Shahbaz,2014) est détectée. Comme je l’ai développé dans la Section1.2.3, ces propriétés suggèrent que le rayonnement provient d’un jet compact de matière auto-absorbée. Nous verrons dans la Section2.4.1 que les flux de ces rayonnements radio et X sont fortement corrélés dans cet état.

État mou

Le spectre de l’état mou est globalement dominé par la composante thermique du disque multicouleur dont l’énergie associée à la température du bord interne se trouve autour de 1 keV. Associé à cette composante thermique, le spectre exhibe également une composante non-thermique modélisée par une loi de puissance plus pentue d’indice de photon plus élevée (Γ > 2.4) que dans l’état dur. Cette composante non-thermique peut s’étendre au delà du MeV (McConnell et al.,2000). Contrairement à l’état dur, la variabilité dans cet état est faible (∼1 %,Belloni,2010).

Durant cet état, l’émission radio diminue de manière drastique en dessous du seuil de détection (e.g.,Fender et al.,1999;Remillard & McClintock,2006) ce qui nous laisse penser que les jets sont absents dans cet état. En revanche, la présence d’un fort vent issu du disque peut-être identifié grâce à la présence de raies d’absorption Fe XXV et Fe XXVI décalées de plus de∼ 1000 km.s1vers le bleu (e.g.,Lee et al.,2002;Miller et al.,2006). En étudiant les raies d’absorption pour un échantillon de neuf LMXBs,Ponti et al.(2012) ont montré que ce vent est présent dans l’état mou des systèmes fortement inclinés (par rapport à la ligne de visée). Il n’est pas observé dans l’état dur où pour les sources faiblement inclinées, suggérant une géométrie équatoriale du vent (e.g.,Díaz Trigo & Boirin,2016). Il est également suggéré que ce vent est capable d’emporter suffisamment de matière et d’énergie et ainsi provoquer l’extinction des jets (Neilsen & Lee,2009). La nature de ce vent d’accrétion est encore mal comprise et plusieurs processus peuvent en être à l’origine (thermiques, radiatifs ou bien magnétiques).

La Figure2.4représente un spectre typique d’état dur en bleu et un spectre typique d’état mou en rouge pour la source Cygnus X–1. Nous pouvons y identifier la coupure du spectre d’émission Compton autour de 100 keV dans l’état dur ainsi que l’émission thermique du disque dans l’état mou, maximale autour de 1 keV. À basse énergie, l’émission thermique du disque est absorbée par le milieu interstellaire, expliquant ainsi la forme du spectre. Autour de 6.4 keV, nous pouvons constater la présence d’une raie de fluorescence du fer provoquée par l’irradiation du disque par la couronne.

États intermédiaires

Entre ces deux états extrêmes, il existe des états intermédiaires permettant de décrire les transitions. Ils sont caractérisés par des contributions spectrales équivalentes du disque et de la couronne. Selon la nomenclature deRemillard & McClintock(2006), l’état intermédiaire se réfère à un état combinant les caractéristiques spectrales et temporelles des états dur et mou. En revanche, selon la nomenclature de Belloni(2010); Homan et al. (2005), cet état

Figure 2.4 –Exemple typique de spectres d’état dur (en bleu) et d’état mou (en rouge) de la source Cygnus X–1 (Gierli ´nski et al.,1999).

peut se décliner en différentes saveurs dur-intermédiaire ou mou-intermédiaire en utilisant les propriétés temporelles (Section 2.3). Le cycle de l’éruption peut alors se découper en état dur→dur-intermédiairemou-intermédiairemoumou-intermédiaire

dur-intermédiaire →dur. Dans la suite, j’utiliserai le terme intermédiaire pour qualifier un état de transition entre l’état mou et l’état dur et j’utiliserai la nomenclature de Belloni(2010);

Homan et al.(2005) lorsqu’elle sera nécessaire.

C’est au moment où la source transite de l’état dur vers l’état mou que des éjections dis-crètes dont nous avons parlé dans la Section 1.3.2sont observées, éjections qui pourraient être attribuées à l’éjection de la couronne (Rodriguez et al.,2003,2008). Nous verrons égale-ment dans la Section2.3que cet état présente des variabilités pouvant être quasi-périodiques.

2.2.2 Le Diagramme Intensité Dureté

Rentrons maintenant au cœur d’une éruption en l’étudiant d’un point de vue obser-vationnel. Le Diagramme Intensité Dureté (Hardness Intensity Diagram, HID) est un outil phénoménologique très puissant et indépendant des modèles qui permet de décrire le cycle d’une éruption d’un microquasar. Ce diagramme, illustré de manière schématique sur la Figure2.5 représente la luminosité totale de la source en fonction de sa dureté, c’est-à-dire le rapport entre le flux de rayonnement X durs et X mous. Il est parfois également appelé « diagramme en Q » ou « diagramme en tête de tortue » en raison de sa forme caractéris-tique. La forme schématique qu’adopte le spectre de la source ainsi que la configuration des jets pour chacune des étapes de l’évolution de l’éruption sont également représentées.

Ce diagramme se lit en partant du coin inférieur droit ; la source sort de sa quiescence et entre dans son état dur. La dureté est élevée indiquant une dominance de l’émission X de la couronne par rapport à l’émission du disque. La luminosité de la source augmente ensuite à dureté constante et ses propriétés spectrales et nous observons l’émission synchrotron auto-absorbée de jets compacts dans le domaine radio. La luminosité cesse ensuite d’augmenter et la dureté diminue à luminosité quasi-constante ; le spectre X pivote, laissant apparaître l’émission du disque dont l’énergie du bord interne augmente progressivement. Conjointe-ment, l’émission de la couronne s’affaiblit. Ici, nous n’observons plus de jets compacts mais

E EF (E) E EF (E) E EF (E) E EF (E) E EF (E) Lu m in os ité X Dureté X Li gn e de je ts

Figure 2.5 –Représentation schématique du Diagramme Intensité Dureté observé dans les binaires X. Les propriétés spectrales et la morphologie des jets sont également représentées.

des bouffées d’éjections discrètes (e.g.,Mirabel & Rodríguez, 1994;Rodriguez et al., 2008;

Wilms et al.,2006). C’est ce que nous appelons la « ligne de jets » (Fender et al.,2004). Une fois que nous atteignons l’état mou, l’émission thermique du disque est clairement domi-nante et le flux radio des jets diminue de manière drastique. De fort vents issus du disque sont obervés dans cet état (e.g.,Díaz Trigo & Boirin, 2016). La luminosité commence en-suite sa décroissance et la source retourne progressivement dans son état de quiescence à luminosité constante. Il est important de noter que la luminosité de la transition de l’état dur vers l’état mou est différente de la luminosité de la transition de l’état mou vers l’état dur indiquant explicitement que les transitions observées ne sont pas uniquement déclen-chées par un changement du taux d’accrétion seul, mais qu’un paramètre supplémentaire est nécessaire afin d’expliquer l’hystérésis observée.

L’évolution globale du spectre X au cours d’une éruption est cohérente avec le modèle du disque tronqué. Selon ce modèle, le disque optiquement épais et géométriquement fin de

Shakura & Sunyaev(1973) est tronqué à un certain rayon, là où il coexiste avec la couronne. Pour de faibles luminosités, le rayon de troncature est grand et la partie interne est occu-pée par la couronne. À mesure que l’éruption avance, le rayon de troncature diminue et le bord interne du disque optiquement épais se rapproche du trou noir. L’émission du disque apparaît dans le spectre qui devient de plus en plus mou. Lorsque le disque atteint l’ISCO, l’émission de la couronne disparaît et le spectre est complètement dominé par le disque.