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INTRODUCTION AUX SYSTÈMES BINAIRES X

1.3 Les microquasars à trous noirs

∝ 𝜈$% 𝜈&

Optiquement épais Optiquement mince

Figure 1.3 –Représentation spectrale d’un jet. Chaque tranche du jet émet un rayonnement synchrotron auto-absorbé.

1.3 Les microquasars à trous noirs

Le terme microquasar est associé à un système binaire LMXB ou HMXB comprenant un trou noir et dans lequel des éjections (discrètes ou compactes) sont observées.

1.3.1 Découverte

En 1979, E. Spencer et ses collaborateurs semblent détecter une potentielle présence de jets de matière dans la très exotique source SS 433 (Spencer,1979). Cependant, les véritables évidences de présence de jets dans les systèmes binaires ne surviennent qu’au début des années 1990 avec le lancement du satellite Franco-Russe GRANAT et grâce au télescope X-γ SIGMA à son bord. En utilisant les observations simultanées du télescope radio Very Large Array (VLA) et de SIGMA, Felix Mirabel et Felipe Rodríguez détectent avec précision la position de la contrepartie radio de la source 1E1740.7–29423. Sa luminosité variable et son spectre X corroborent avec un disque d’accrétion autour d’un objet compact. La découverte surprenante est l’existence de jets radio collimatés de part et d’autre de la source (Mirabel et al.,1992) comme le montre le panneau de gauche de la Figure1.4. Ces jets de plasma res-semblent étrangement à ceux observés dans les quasars, d’où le nom de microquasars donné à ces objets.

L’exploration ne s’arrête pas là ! Mirabel et Rodríguez lancent également des campagnes d’observations systématiques d’une nouvelle source nommée GRS 1915+105 qui montre des éjections discrètes dans le domaine radio. Deux ans après, la source entre dans une violente éruption et une éjection bipolaire est détectée en radio. En suivant cette éjection pendant deux mois, Mirabel et Rodriguez calculent la vitesse apparente de ces blobs de matière qui se trouve être superluminique4(Mirabel & Rodríguez,1994). Le panneau de droite de la Figure

1.4représente le suivi de ces éjections dans GRS 1915+105.

3Le Grand Annihilateur pour les intimes ; ainsi nommé en raison de la détection d’une raie d’annihilation électron-positron à 511 keV par le satellite GRANAT en 1991 (Bouchet et al.,1991). Cette détection n’a cependant pas été confirmée depuis cette étude.

Figure 1.4 –Premier panneau : observations VLA de jets collimatés dans la source 1E1740.7-2942 (Mirabel et al.,

1992). Second panneau : observations VLA successives d’une éjection superluminique dans GRS 1915+105 (Mirabel & Rodríguez,1994).

1.3.2 Anatomie

La Figure1.5 montre une représentation artistique d’un microquasar. Nous pouvons y distinguer trois constituants principaux : le disque d’accrétion, la couronne et les jets.

Figure 1.5 –Représentation artistique d’un microquasar. On peut y distinguer le disque, la couronne et les jets.

Le disque d’accrétion

Comme discuté dans la Section1.2.2, l’attraction gravitationnelle de l’objet compact per-met l’accrétion de la matière du compagnon vers l’objet compact. Que l’accrétion se fasse par débordement du lobe de Roche ou par accrétion de vent stellaire, une fois piégées dans le

lobe de Roche de l’objet compact, les particules perdent de l’énergie cinétique et leur trajec-toire se circularisent pour former un disque. La viscosité du disque entraîne une dissipation du moment cinétique et la matière est accrétée en émettant un rayonnement multicouleur.

(a)Vue par la tranche. (b)Vue de dessus.

Figure 1.6 –Simulation de l’appararence d’un trou noir et de son disque d’accrétion distordu par effet de lentilles gra-vitationnelles. Credits : National Aeronautics and Space Administration (NASA) ’s Goddard Space Flight Center/Jeremy Schnittman. La toute première simulation a été réalisée par Jean-Pierre Luminet en 1979 (Luminet,1979).

L’intense attraction gravitationnelle qu’exerce le trou noir altère et tord la trajectoire des photons provenant de différentes parties du disque. Cet effet de lentilles gravitation-nelles change l’apparence du disque en fonction de l’angle de vue. Les Figures1.6aet1.6b

montrent une simulation d’un disque d’accrétion autour d’un trou noir respectivement ob-servé par la tranche et vu de dessus. Nous pouvons voir plusieurs choses :

– en regardant le disque par la tranche, l’effet Doppler relativiste rend le disque plus brillant sur la partie gauche où la matière se rapproche de l’observateur que sur la partie droite. Cette asymétrie disparaît en vue de dessus lorsqu’aucune particule de matière ne se déplace en direction de la ligne de visée.

– très proche du trou noir, la lumière est si distordue que nous pouvons observer la partie arrière du disque. L’« anneau de photons » (photon-ring) central est composé de photons piégés et destinés à voyager plusieurs fois autour de la dernière orbite stable du trou noir (Innermost Stable Circular Orbit, ISCO5) avant de pouvoir s’échapper et d’arriver jusqu’à nos yeux.

– une fois l’horizon du trou noir atteint, les photons ne peuvent plus s’échapper, nous observons l’« ombre » du trou noir. Récemment, l’Event Horizon Telescope nous a fourni la toute première image de l’ombre d’un trou noir au coeur de la galaxie M87 ( Castel-vecchi,2019).

La « couronne »

En plus de la composante thermique du disque, le spectre X exhibe une composante à plus haute énergie. Cette émission est associée à de la Comptonisation inverse6 des pho-tons du disque avec des électrons d’un plasma chaud situé dans les régions internes du disque (Sunyaev & Titarchuk,1980;Titarchuk,1994). L’énergie associée à la température de

5Plus petite orbite sur laquelle une particule peut orbiter de manière stable RISCO= 6GM

c2

ce plasma est de l’ordre de 100–200 keV. La dénomination de « couronne » provient de l’ana-logie avec la couronne solaire (Shapiro et al.,1976). En réalité, ce terme peut être trompeur car la géométrie de ce plasma est assez mal connue et il existe plusieurs modèles de confi-guration possibles. Pour ne citer que certains d’entre eux : ce plasma pourrait englober le disque de part et d’autre (en « sandwich »,Haardt & Maraschi,1991), occuper les régions les plus internes d’un disque tronqué (Done et al.,2007;Zdziarski & Gierli ´nski,2004) ou bien être situé à la base des jets (Markoff et al.,2005).

Le spectre X peut également montrer une composante de réflexion résultant de l’irradia-tion du disque par la couronne. Les photons s’échappant de la couronne interagissent avec les photons du disque et émettent une raie caractéristique de fluorescence du Fer Kα à en-viron 6.4 keV ainsi qu’une « bosse » plus large entre 15 keV et 30 keV. Le spectre de réflexion observé est distordu et élargi de manière asymétrique d’un coté par effet Doppler relativiste engendré par le mouvement du disque et de l’autre par l’attraction gravitationnelle du trou noir. Dans certains modèles, la raie du fer ainsi observée est parfois utilisée afin d’extraire de l’information sur l’ISCO du trou noir et son spin (Fabian et al.,1989;Laor,1991).

Les jets : jets compacts et éjections discrètes

Les jets sont la principale caractéristique qui distingue un microquasar d’un simple sys-tème binaire X. Ils se présentent sous deux formes : des jets compacts ou des éjections dis-crètes. Les éjections discrètes sont des nuages de plasma en expansion qui peuvent être éjec-tés à des vitesses superluminiques (e.g.,Fender et al.,1999;Miller-Jones et al.,2004;Mirabel & Rodríguez,1994). Comme pour les jets compacts, ces nuages produisent un rayonnement de type synchrotron. Cependant, du fait des pertes énergétiques engendrées par l’expan-sion, le pic d’émission diminue en énergie et en intensité au cours du temps, et l’émission est principalement observée en radio sans se prolonger aux plus hautes énergies.

Depuis l’observation de 1992, très peu de jets compacts ont été résolus dans les micro-quasars. En plus de GRS 1915+105, nous pouvons citer par exemple Cygnus X–1 (Stirling et al.,2001). Nous verrons dans le Chapitre2que ces jets sont fortement corrélés à l’émis-sion X de la source.

1.3.3 Population

Comme nous l’avons vu dans la Section 1.2, en mesurant la vitesse radiale de l’étoile compagnon, il est possible, grâce à la fonction de masse de « traquer » les systèmes binaires abritant un trou noir. Cette méthode a permis d’identifier une vingtaine de systèmes pré-sentés en Figure 1.7. Lorsque les paramètres orbitaux sont difficiles à mesurer, il est pos-sible de se référer aux propriétés spectrales et temporelles pour identifier l’objet compact du système (les pulsars par exemple sont clairement identifiables grâce à leur « pulse » pério-dique). Nous parlons de candidats trous noirs lorsque les propriétés spectrales et temporelles sont compatibles avec la présence d’un trou noir. Une quarantaine de systèmes galactiques sont des candidats trous noirs (Fender & Muñoz-Darias,2016). Nous avons donc en tout une soixantaine de systèmes, alors que la population de trous noirs dans les systèmes binaires X est estimée à environ 104 (Yungelson et al.,2006) ! Ce faible nombre de systèmes connus peut s’expliquer par le faible taux d’éruptions, environ 2 par an ce qui limite grandement leur découverte.

PROPRIÉTÉS SPECTRALES ET TEMPORELLES D’UN MICROQUASAR EN ÉRUPTION Sommaire

1.1 Les objets compacts . . . . 7

1.1.1 Mort d’une étoile et naissance d’un objet compact . . . . 7

1.1.2 La compacité . . . . 7

1.1.3 Efficacité de l’accrétion sur un objet compact . . . . 8

1.1.4 La luminosité d’Eddington . . . . 9

1.2 Accrétion et éjection dans un système binaire X . . . . 10

1.2.1 Mécanismes d’accrétion . . . . 10

1.2.2 Formation d’un disque d’accrétion . . . . 12

1.2.3 Formation de jets . . . . 14

1.3 Les microquasars à trous noirs . . . . 16

1.3.1 Découverte . . . . 16

1.3.2 Anatomie . . . . 17

1.3.3 Population. . . . 19

L

A majorité des microquasars font partie du ciel transitoire ; lorsqu’ils entrent en érup-tion, ils comptent parmi les sources les plus brillantes du ciel dans le domaine X. Nous allons voir dans ce chapitre qu’une éruption est constituée de plusieurs étapes dont les origines sont encore incertaines, mais qui pourraient être associées à de drastiques change-ments de conditions physiques et/ou géométriques. Comment se traduisent ces changechange-ments au niveau des observations ? Comment interprétons-nous les variations associées au niveau de la source ? Quelle est l’origine de l’éruption ? Dans ce chapitre, je fais un point sur les réponses (ou éléments de réponses) actuelles couramment acceptées.

Après avoir étudié l’existence de deux types de sources au sein même des microquasars dans la Section2.1, nous nous placerons d’un point de vue observationnel afin de suivre de manière phénoménologique le cycle d’une éruption. Nous verrons alors que les propriétés spectrales de la source évoluent (Section2.2), ainsi que ses propriétés temporelles (Section

2.3). Enfin, dans le but d’aiguiser notre vision globale des mécanismes accrétion-éjection dans ces systèmes, je dresserai leur portrait multi-longueurs d’onde dans la Section2.4.

2.1 Phase éruptive