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INTRODUCTION AUX SYSTÈMES BINAIRES X

1.1 Les objets compacts

1.1.1 Mort d’une étoile et naissance d’un objet compact

Les objets compacts galactiques constituent le stade ultime de la vie d’une étoile. La masse de l’étoile scelle son destin et détermine à quel type d’objet elle donnera naissance. Pour les étoiles de masse inférieure à 8 M , la dégénérescence des électrons est atteinte après la fusion de l’hydrogène en hélium pour les moins massives, d’hélium en oxygène ou car-bone pour les étoiles comme le Soleil, ou bien du carcar-bone en néon pour les plus massives d’entre elles ; formant respectivement des naines blanches d’hélium, de carbone ou de néon. Les étoiles de masse supérieure à 8 M quant à elles, continuent leur réactions nucléaires successives jusqu’à la production d’un cœur de fer qui finit par s’effondrer sur lui-même. L’augmentation de la densité entraine la désintégration des noyaux transformant les protons en neutrons et la partie centrale de l’effondrement est tellement compacte qu’elle forme une étoile à neutrons. L’interaction forte entre les nucléons compense le poids et l’effondrement de la partie centrale s’arrête. En revanche, l’effondrement des couches les plus périphériques continuent et elles finissent par s’écraser sur l’étoile à neutrons nouvellement formée, pro-voquant un rebond de matière et produisant une supernova. Dans le cas des étoiles très massives, l’interaction forte ne suffit pas à compenser le poids et c’est un trou noir qui est formé à la place de l’étoile à neutrons.

En ce qui concerne les trous noirs supermassifs se trouvant au cœur des galaxies, leur for-mation reste aujourd’hui encore assez mystérieuse. Dans le scénario le plus populaire, des instabilités à l’intérieur de proto-galaxies provoqueraient l’effondrement de gaz en étoiles supermassives. À la mort de ces étoiles, un trou noir de plus de 100 M pourrait ainsi se former, augmentant sa masse par accrétion de matière et par fusion successives avec d’autres trous noirs (Volonteri,2012), ce que nous savons possible depuis la première dé-tection d’ondes gravitationnelles issues de la coalescence de deux trous noirs en septembre 2015.

1.1.2 La compacité

Une des caractéristiques principales d’un object compact, c’est son très fort champ gra-vitationnel. Celui-ci peut être quantifié en comparant l’énergie potentielle gravitationnelle de l’objet et son énergie de masse. Choisissons un astre à symétrie sphérique de rayon R et

de masse M, avec une densité de masse ρ(r). La masse contenue à l’intérieur de la sphère de rayon r s’écrit :

m(r) =

Z r

0 4πr02ρ(r0)dr0 et m(r) = M pour r >R (1.1) L’énergie potentielle gravitationnelle de l’astre est alors :

Egrav = − Z R 0 Gm(r)dm r = −α GM2 R (1.2)

avec G la constante gravitationnelle et α, un coefficient dépendant du profil de densité = 3/5 pour un astre homogène et α = 1 pour ρ(r) ∝ r−2). Le rapport entre l’énergie gravitationnelle et son énergie de masse Mc2, avec c vitesse de la lumière, devient :

Egrav

Mc2 = −αGM

Rc2 (1.3)

Nous voyons naturellement apparaître le terme sans dimension :

Ξ≡ GM

Rc2 = Rg

R (1.4)

où nous avons posé Rg = GM/c2, le rayon gravitationnel. Ξ représente la compacité, le paramètre de compacité ou encore le paramètre de relativité. Il permet de quantifier le degré de relativité du champ gravitationnel de notre objet. Evidemment, plus l’objet est compact et plus Ξ est grand. Un objet est défini comme « compact » lorsque Ξ > 104. Pour un trou noir de Kerr en rotation maximale, RH = Rg où RHreprésente l’horizon des événements du trou noir, en deçà duquel la lumière ne peut plus s’échapper. Cela signifie queΞ = 1 pour un tel trou noir. En revanche, pour un trou noir statique de Schwarzschild1, RH = 2Rgce qui implique Ξ = 1/2. Le Tableau 1.1 résume différentes valeurs typiques de Ξ et autres caractéristiques pour les différents types d’objets compacts.

Tableau 1.1 –Grandeurs typiques des caractéristiques de différents types d’objets compacts ainsi que leur compacité.

Astre Masse M Rayon R Densité ρ CompacitéΞ

[M ] [km] [kg. m3]

Naine blanche 0.1 à 1.4 ∼104 ∼1010 104à 103

Étoile à neutrons 1 à 3 ∼10 ∼1018 ∼0.2

Trou noir stellaire statique >3 9 (M =3 M ) non définie 0.5

Trou noir stellaire en rotation >3 4.5 (M =3 M ) non définie 1

1.1.3 Efficacité de l’accrétion sur un objet compact

L’extraction de l’énergie potentielle gravitationnelle des objets compacts libère une éner-gie colossale qui associe ces objets à l’émission de rayonnement à très haute éneréner-gie (X et

γ). Dans un système binaire, l’une des manières d’extraire cette énergie est par accrétion de matière du compagnon sur l’objet compact. Pour un objet compact de masse M et de rayon R, l’énergie extraite en accrétant une masse m est :

∆Eacc= GMm

R =Ξmc2 (1.5)

1La métrique de Scwharzschild permet de décrire l’espace-temps à l’extérieur d’un astre sphérique et sta-tique.

Il est clair d’après cette équation que plus l’objet est compact et plus l’énergie libérée par l’accrétion est importante. Pour une étoile à neutrons par exemple, cela représenterait envi-ron 20 % de l’énergie de masse accrétée. Par comparaison, l’énergie extraite par les processus de réaction nucléaire pour la même masse m fournirait :

∆Enuc =  1−m4Hec 2 4mpc2  mc2'7×103mc2 (1.6)

en considérant la combustion de l’hydrogène en hélium 4p→ 4He+énergie comme prin-cipal mécanisme. Ainsi, l’accrétion devient le processus dominant pour les trous noirs et étoiles à neutrons en système binaire. La puissance libérée par un objet compact accrétant avec un flux de masse ˙m, c’est-à-dire la puissance d’accrétion ou luminosité d’accrétion est défi-nie comme :

Lacc=Ξ ˙mc2 (1.7)

cette luminosité représente la puissance rayonnée si toute l’énergie gravitationnelle de la matière était convertie en rayonnement. En réalité, il existe une efficacité η à laquelle l’éner-gie de masse accrétée peut être convertie en rayonnement. Dans ce cas, l’expression de la luminosité d’accrétion devient :

Lacc=η ˙mc2 (1.8)

L’estimation de la valeur de η n’est pas évidente (voir Chapitre 7 de Frank et al., 2002). En faisant l’hypothèse que la matière qui tombe doit dissiper son énergie gravitationnelle, on peut exprimer l’efficacité η comme l’énergie de liaison par unité de masse à la dernière orbite stable du trou noir, ce qui correspond à 6 % pour un trou noir Schwarzschild et jusqu’à

∼40 % pour un trou noir de Kerr !

Quoi qu’il en soit, la luminosité d’accrétion ne peut pas dépasser une luminosité maxi-male pour laquelle la pression de rayonnement empêcherait l’accrétion.

1.1.4 La luminosité d’Eddington

Cette luminosité maximale a été établie par l’astrophysicien Arthur Stanley Eddington qui lui a donné son nom (Eddington,1926). Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, consi-dérons un plasma d’hydrogène entièrement ionisé situé à une distance r de l’objet compact de masse M. La force gravitationnelle subit par une paire électron-proton s’écrit :

Fgrav = GM(mp+me)

r2 ' GMmp

r2 (1.9)

Le rayonnement exerce aussi une force sur les électrons libres par diffusion Thomson. Nous ne considérons pas ici la diffusion sur les protons étant donné que leur section efficace d’interaction est inférieure d’un facteur(me/mp)2avec me/mp '5×104et est donc négli-geable. En prenant S le flux d’énergie et σT l’opacité Thomson, la force exercée par chaque photon sur un électron est égale au taux de transfert de leur quantité de mouvement sur un électron, c’est-à-dire :

Frad = T

c =

T

4πr2c (1.10)

En posant l’égalité Frad = Fgrav, nous pouvons déterminer la luminosité au-delà de laquelle la pression de radiation l’emporte sur l’attraction gravitationnelle, c’est-à-dire, la luminosité d’Eddington : LEdd= 4πGMmpc σT =1.2×1038  M M  erg.s1 (1.11)

Cette expression peut être différente dans le cas où la géométrie de la source n’est pas sphé-rique (c’est le cas des sursauts γ et des systèmes binaires X par exemple). Cette limite im-plique donc Lacc6 LEddqui conduit à une limite sur le flux de masse accrétée :

˙

m6 4πGMmp

σT (1.12)

qui ne dépend que de la taille de l’objet accrétant.