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Observations de MAXI J1348–630 .1Objectifs et critères de déclenchement

A CCRÉTION - ÉJECTION DANS LES MICROQUASARS À TROUS NOIRS

4.1 Observations de MAXI J1348–630 .1Objectifs et critères de déclenchement

L’objectif scientifique de cette ToO consiste à étudier les différents processus d’émission dans les deux principaux états spectraux d’une source en éruption. Pour cela, le programme requiert deux observations distinctes : la première effectuée dans l’état dur de la source et la seconde dans l’état mou. Nous demandons donc une révolution complète soit 170 kilose-condes continues d’observation INTEGRAL dans l’état dur et une autre révolution complète dans l’état mou. Nous explorons ainsi les aspects spectraux et temporels dans les deux par-ties les plus extrêmes du HID. Une des questions centrales qui m’intéresse tout particulière-ment est bien sûr de savoir si une queue de haute énergie est présente dans les deux états, si le mécanisme de son émission est le même pour chacun d’entre eux, et si cette composante est observée dans toutes les sources. Le programme permet aussi de comprendre l’évolution des propriétés de la couronne au cours de l’éruption, et donc de rechercher la nature de sa distribution d’électrons, essentielle pour pouvoir comprendre l’origine de la composante de haute énergie.

Le déclenchement du ToO se produit lorsqu’un microquasar à trou noir ou un nouvel ob-jet est détecté avec un flux au-delà de 100 mCrabs dans la bande 30–50 keV d’IBIS, 15–50 keV

de Swift/BAT ou 2–20 keV de MAXI/GSC. Ce seuil permet d’éviter les éruptions ratées1et d’être certains que nous sommes dans un état dur et que nous n’avons pas encore transité dans un état intermédiaire. La seconde observation, dans l’état mou est déclenchée lorsque nous observons une augmentation significative de l’indice de photon (typiquementΓ>2.7) et/ou une variation significative de la dureté. Ce programme d’observation est également associé à d’autres ToO INTEGRAL, notamment celui de Tomaso Belloni, qui s’intéresse à la transition entre les deux états ; nos deux programmes d’observations permettent ainsi de suivre une grande partie de l’éruption d’un objet.

4.1.2 Évolution temporelle générale

Comme nous l’avons vu dans le Chapitre2, l’étude d’une éruption commence par l’ob-servation du comportement général et phénoménologique de la source. Le panneau supé-rieur de la Figure4.1areprésente la courbe de lumière obtenue dans la bande totale d’énergie 2–20 keV par la caméra GSC de MAXI. Le flux est quantifié en coups par seconde et par cen-timètre carré (c/s/cm2), c’est-à-dire que la caméra compte le nombre de photons détectés par unité de temps et par unité de surface sur le détecteur. Le panneau inférieur représente quant à lui, le flux de la source dans deux bandes MAXI/GSC d’énergie différentes ; 2–4 keV et 4–10 keV. Séparer la courbe de lumière en différentes bandes d’énergie permet de sonder différents milieux : entre 2–4 keV, l’émission thermique du disque domine tandis qu’entre 4–10 keV nous observons une partie du spectre de Comptonisation de la couronne. INTE-GRAL et plus précisément IBIS permet d’aller encore à plus haute énergie et de sélectionner exclusivement l’émission de la couronne.

Grâce à notre programme de ToO, nous avons pu déclencher l’observation de la source dans ces deux états : l’état dur pendant la révolution 2050 (Modified Julian Day (MJD) 58510–58511) et l’état mou pendant la révolution 2061 (MJD 58539–58541). De plus, grâce à notre collaboration avec Tomaso Belloni, nous avons pu suivre la source de manière conti-nue depuis la révolution 2051 (MJD 58512) jusqu’à la fin de la révolution 2055 (MJD 58525). Au total, nous avons 274 ScWs2. La Figure4.1breprésente la courbe de lumière en coups par seconde obtenue par IBIS dans la bande d’énergie 30–50 keV, où chaque point représente une observation INTEGRAL d’environ 1500 ks.

Sur ces courbes de lumière, nous pouvons clairement identifier les périodes de montée et de descente correspondant respectivement aux phases d’état dur et d’état mou de l’éruption. La source se trouve dans un état dur entre MJD 58500 et MJD 58515, les flux dans les bandes 2–20 keV et 30–50 keV augmentent de manière drastique, nous observons cependant une diminution du flux sur la courbe de lumière INTEGRAL autour de MJD∼58512 (Cangemi et al.,2019b, AnnexeB.1), un peu avant que le flux X mou (2–4 keV) n’atteigne son maximum et que la source commence sa transition vers sa phase d’état mou (Cangemi et al.,2019a, AnnexeB.2). Nous pouvons cependant observer trois faibles recrudescence du flux autour de MJD 58520, MJD 58522 et MJD 58524, plus particulièrement visibles sur la courbe de lumière INTEGRAL (indiquées par des flèches sur la Figure4.1b). Dans les bandes 2–20 keV et 2–4 keV, le flux décroît ensuite progressivement jusqu’à ce que la source retourne dans un état de quiescence. Les courbes 4–10 keV de MAXI et 30–50 keV d’IBIS sont similaires ; le flux augmente très vite au début de l’éruption et décroit rapidement alors que l’émission du disque, elle, continue d’augmenter, illustration concrète que le disque devient peu à peu dominant alors que l’émission de la couronne s’affaiblit.

1Une éruption « ratée » se produit lorsque la source entre dans son état dur mais retourne dans un état de quiescence avant d’avoir pu transiter dans son état mou.

0 2 4 6 8 10 2-20 keV MAXI/GSC c/s/ cm 2 58500 58550 58600 58650 58700 Time (MJD) 0 2 4 6 8 MAXI/GSC c/s/ cm 2 2-4 keV 4-10 keV

(a)Panneau supérieur : courbe de lumière obtenue dans la bande totale 2–20 keV de MAXI/GSC. Panneau inférieur : courbes de lumière obtenues dans deux bandes d’énergie MAXI/GSC différentes : 2–4 keV en rouge et 4–10 keV en bleu.

(b)Courbes de lumière obtenue dans la bande 30–50 de INTEGRAL/IBIS.

Figure 4.1 –Courbes de lumières MAXI/GSC et INTEGRAL/IBIS de MAXI J1348–630.

4.1.3 Le Diagramme Intensité Dureté

La Figure4.2représente le HID de MAXI J1348–630 que nous obtenons en utilisant les données de MAXI/GSC entre MJD 58510 et 58610. Le dégradé de couleur permet de suivre l’évolution temporelle en MJD. Nous reconnaissons la forme caractéristique décrite en Sec-tion2.2.2. La Figure4.3représente quant à elle l’évolution temporelle de la dureté pour les mêmes dates.

0.2 0.5 1.2

Hardness ratio (4-10 keV / 2-4 keV) 0.1 1 10 2-20 keV MAXI/GSC c/s/ cm 2 58520 58540 58560 58580 58600

Figure 4.2 –HID de MAXI J1348–630. La carte de couleur retrace l’évolution temporelle en MJD.

58510 58530 58550 58570 58590 58610 Time (MJD) 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

Hardness ratio (4-10 keV / 2-4 keV)

Figure 4.3 –Évolution temporelle de la dureté de MAXI J1348–630.

En bas à droite du diagramme, la source est dans un état dur, avec une dureté proche de 1. Nous observons que le flux augmente à dureté quasi-constante, ce que nous avons déjà vu sur les courbes de lumière de la Figure4.1a. Ensuite, au moment du décrochage de la bande 4–10 keV, la dureté diminue brusquement, nous nous décalons vers la gauche du diagramme, et nous passons donc dans un état intermédiaire jusqu’à atteindre assez rapide-ment l’état mou. Nous pouvons voir sur la Figure4.3que l’état intermédiaire correspondant à la décroissance brutale de la dureté est une phase rapide qui s’étend sur quelques jours.

Nous sommes maintenant dans la partie gauche du diagramme, là où la dureté a une va-leur d’environ 0.2. La source va rester quelques dizaines de jours dans cet état, et son flux diminue progressivement jusqu’à rebasculer de nouveau dans un état intermédiaire autour de MJD 58595, mais cette fois-ci, le flux est plus faible que lors de la transition de l’état dur vers l’état mou. Autour de MJD 58600, l’éruption s’arrête et la source retourne dans son état de quiescence.

Notons également que les courbes de lumière et le HID montrent que le flux de la source peut atteindre des valeurs autour de ∼ 5 Crabs, laissant présager des données de bonne qualité, notamment pour les mesures polarimétriques (Chapitre8).