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INTRODUCTION AUX SYSTÈMES BINAIRES X

2.4 Observations multi-longueurs d’onde

Alors que les processus liés aux rayonnements X des trous noirs accrétants ont été large-ment étudiés depuis le début de l’astronomie X dans les années 1960, les observations dans d’autres longueurs d’onde, comme la radio, l’infrarouge ou le rayonnement γ ont conduit à la découverte de nouveaux processus, notamment liés aux éjections. Ainsi, sans un regard multi-longueurs d’onde, la compréhension des mécanismes accrétion-éjection qui ont lieu dans ces systèmes est incomplète.

2.4.1 Émission des jets, radio/infrarouge/optique Corrélation X-radio

Comme nous l’avons vu dans la Section2.2.2, la présence ou l’absence de jets semblent fortement corrélées à l’état spectral d’une source en éruption. En effet, plusieurs études ont montré que les composantes de jets compacts et du flot d’accrétion sont reliées (e.g., Cor-bel et al., 2000, 2003). La luminosité radio LR en fonction de la luminosité X (1–10 keV) LX dans l’état dur de plus de 25 sources est représentée sur la Figure2.10. Nous pouvons voir deux corrélations, les sources appartenant à l’une ou l’autre sont qualifiées en anglais de standards (radio-loud) ou d’outliers (radio-quiet). La corrélation des outliers correspondant à la plus pentue des deux. Ces corrélations sont bien modélisées par des lois de puissance Lr ∝ Lα

X d’indice α ∼ 0.6–0.7 (Corbel et al.,2013b) et α ∼ 1.4 (Gallo et al.,2012) respective-ment pour la branche standard et outliers.

Figure 2.10 – Corrélation entre les luminosités radio et X de plusieurs trous noirs accrétants pendant leur état dur (Corbel et al.,2013b).

Corrélation infrarouge/optique

À plus courtes longueurs d’onde, dans les domaines infrarouge/optique, les jets sont plus compliqués à observer en raison de la présence du disque qui contribue également au flux dans ces énergies et de l’étoile compagnon. Durant l’état dur de son éruption de 2002, GX 339–4 a montré une corrélation positive entre la luminosité infrarouge et la lumino-sité X, qui disparaît au moment où la source entre dans son état dur-intermédiaire, lorsque la contribution des jets évolue (Homan et al.,2005). Des observations supplémentaires ont montré que cette corrélation pouvait s’étendre sur quatre ordres de grandeur avec la pré-sence d’une coupure à L ∼ 103LEdd(Coriat et al.,2009). Une étude réalisée sur plusieurs trous noirs en état dur révèle une corrélation LOIR ∝ L0.6

X , similaire à la corrélation en radio (Russell et al.,2006).

2.4.2 L’émission au delà des X

La queue de haute énergie dans les X durs/γ mous

Projetons-nous dorénavant à plus haute énergie, au delà de 200 keV. Dans l’état dur, les premières preuves observationnelles d’une composante additionnelle en loi de puissance au-delà du spectre de Comptonisation dans le domaine X durs/γ mous (> 300 keV) re-montent à quelques décennies (Grove et al., 1998;Nolan et al., 1981;Roques et al.,1994). L’observation de cette composante dans Cygnus X–1 grâce au COMpton TELescope (COMP-TEL,McConnell et al.,2000,2002) révèle que cette composante peut s’étendre jusqu’à plu-sieurs MeV sans coupure exponentielle apparente. Depuis, celle-ci à été détectée dans d’autres microquasars notamment grâce à INTEGRAL : 1E 1740.7–2942, (Bouchet et al., 2009), GX 339–4Del Santo et al. (2008);Joinet et al. (2007). Les Figures2.11a et2.11bmontrent cette queue de haute énergie détectée respectivement dans GX 339–4 et 1E 1740.7–2942. Le méca-nisme à l’origine de l’émission de cette composante est aujourd’hui largement débattu et deux principaux scénarii sont envisagés.

EF

(E)

(a)Spectres d’émission de différentes étapes d’une tran-sition de l’état dur vers l’état mou de GX 339–4. Les spectres sont ajustés par un modèle de couronne hybride (Del Santo et al.,2008).

(b)Queue de haute énergie de 1E 1740.7–2942 observée avec INTEGRAL au printemps 2003. Le spectre est ajusté par deux modèles de Comptonisation thermique ; l’un pour ajusté la Comptonisation inverse des photons du disque is-sus de la couronne, l’autre est utilisé pour ajuster l’excès à haute énergie (Bouchet et al.,2009)

Figure 2.11 –Queue de haute énergie observée dans deux microquasars.

Le premier scénario propose que l’émission de cette composante proviendrait d’une dis-tribution non-thermique d’électrons présente dans la couronne (e.g.,Belmont et al., 2008;

Coppi,1999;Del Santo et al.,2013;Gierli ´nski et al.,1999;Malzac,2012;Romero et al.,2014). Le lieu de son émission serait alors une couronne dite hybride constituée d’une popula-tion d’électrons thermiques, responsable du spectre de Comptonisapopula-tion observé et d’une distribution d’électrons accélérés ; le mécanisme responsable de l’accélération des électrons restant encore inconnu. Le scénario alternatif propose que cette émission serait l’extension dans le domaine des X du spectre synchrotron auto-absorbé des jets compacts (Section1.2.3 Laurent et al.,2011;Rodriguez et al.,2015b;Zdziarski et al.,2012,2014). Comme le spectre auto-absorbé est issu de la superposition d’une émission de différentes tranches des jets, la queue de haute énergie correspondrait au rayonnement issu de la base des jets. Des mesures récentes de la polarisation de cette émission avec INTEGRAL (Jourdain et al.,2012b;Laurent et al.,2011;Rodriguez et al.,2015b) dans l’état dur de Cygnus X–1 révèlent en effet un haut degré de polarisation (∼ 70 %) compatible avec une émission synchrotron. Un tel degré de polarisation impliquerait un champ magnétique extrêmement stable et ordonné. Je me suis énormément intéressée à cette composante de haute énergie durant ma thèse, une partie de ce manuscrit y est d’ailleurs consacrée (PartieIII).

L’émission γ

L’observation de l’émission des microquasars au-delà de plusieurs dizaines de MeV a été rendue possible grâce aux satellites Fermi et Agile. Cette émission γ est intimement liée aux jets qui permettent d’accélérer les particules aux plus hautes énergies. Jusqu’à présent, deux sources ont été détectées au delà de 40 MeV : Cygnus X–1 et Cygnus X–3 (Bodaghee et al.,

2013;Fermi LAT Collaboration,2009;Tavani et al.,2009;Zanin et al.,2016;Zdziarski et al.,

2018). Cette émission proviendrait de l’interaction Compton inverse entre les photons de l’enveloppe du compagnon avec les électrons relativistes des jets (Dubus et al.,2010;Zanin et al., 2016;Zdziarski et al., 2018). Nous reviendrons plus en détails sur ces deux sources dans les Chapitres6et7.

La nature des particules responsables de ces émissions non-thermiques reste cependant un sujet de débat entre les processus de particules leptoniques et/ou hadroniques. Dans le premier cas, la population leptonique est responsable de toute l’émission électromagné-tique du spectre, depuis la radio jusqu’au rayonnement γ (e.g., Bosch-Ramon et al.,2006). Dans le second cas, une distribution hadronique pourrait également atteindre des vitesses relativistes et contribuer au spectre à haute énergie. Dans ce cas là, les systèmes binaires X seraient de bons candidats d’émission de rayonnement cosmique.

L’OBSERVATOIRE INTEGRAL