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INTRODUCTION AUX SYSTÈMES BINAIRES X

2.1 Phase éruptive .1 Deux types de sources

Des sources transitoires...

Certains systèmes binaires X, contenant aussi bien une étoile à neutrons qu’un trou noir, sont des sources transitoires c’est-à-dire qu’elles passent la plupart de leur temps dans des périodes dites de quiescence pendant lesquelles elles sont inactives (ou non détectées) avec une luminosité X typique LX1030–1034erg.s1 soit ∼ 10−9–105LEdd (e.g., Rodriguez et al.,2020) pour un trou noir de 10 M (Section 1.1.4). Cependant, une source peut sou-dainement entrer en éruption et devenir extrêmement brillante (LX > 1038erg.s1) pendant quelques semaines ou quelques mois avant de retourner ensuite dans un état de quiescence avec des périodes de récurrence de plusieurs années. La courbe de lumière d’une éruption

dépend de la source, mais elle se caractérise en général par une abrupte augmentation de la luminosité (quatre à cinq ordres de grandeur en quelques jours) et une décroissance ex-ponentielle plus lente. La Figure 2.1 montre la courbe de lumière de l’éruption de MAXI J1535–571, découverte par l’instrument Monitor of All-sky X-ray Image (MAXI) à bord de la Station Spatiale Internationale (International Space Station, ISS) en septembre 2017 (Negoro et al.,2017), obtenues avec les données de la Gas Slit Camera (GSC). Ces cycles quiescence-éruption-quiescence se produisent principalement dans les LMXBs et peuvent ici s’expliquer par une instabilité dans le disque d’accrétion, ce mécanisme est développé dans la Section

2.1.2.

Les sources HMXBs transitoires sont en général des étoiles à neutrons dont le compa-gnon est une étoile de type Be, sous-catégorie des étoiles de type B en rotation très rapide créant ainsi un disque de « déccrétion1» d’autour de l’étoile (Lee et al.,1991). Les éruptions sont ici causées par l’augmentation du taux d’accrétion due à la traversée du disque par l’objet compact (étoile à neutrons) lorsqu’il approche de son périastre au cours d’une orbite de grande excentricité2. C’est le cas par exemple du pulsar EXO 2030+375 dont la courbe de lumière également obtenue avec les données MAXI/GSC montre une suite d’éruptions périodiques (Figure2.2). 57900 57950 58000 58050 58100 58150 58200 58250 58300 Time (MJD) 0 2 4 6 8 10 12 2-20 keV MAXI/GSC c/s/ cm 2

Figure 2.1 –Courbe de lumière de MAXI J1535–571 obtenue à partir des données MAXI/GSC.

56100 56200 56300 56400 56500 56600 56700 56800 56900 57000 Time (MJD) 0.05 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35 0.40 2-20 keV MAXI/GSC c/s/ cm 2

Figure 2.2 –Courbe de lumière de EXO 2030+375 obte-nue à partir des données MAXI/GSC.

...ou persistantes

Certains systèmes ne semblent cependant pas rencontrer ces éruptions épisodiques. Ces sources dites persistantes ne retournent pas dans un état de quiescence mais restent brillantes de manière continue. La plupart de ces sources font partie des HMXBs. En effet, nous avons vu que la plupart des systèmes de cette catégorie abritent un compagnon massif avec un important vent stellaire (Section1.2.1). Dans certains cas, ce vent permet de ioniser en per-manence le disque, permettant de le maintenir dans un état stable, et les instabilités pouvant expliquer l’origine des éruptions ne peuvent se développer (Section2.1.2).

Nous verrons dans la Section2.2que le cycle d’une éruption peut être caractérisé par dif-férentes phases où la source nous révèle plusieurs états spectraux. Mais avant cela, intéressons-nous au phénomène à l’origine de ces éruptions.

2.1.2 Modèle d’Instabilité du Disque d’accrétion

Le Modèle d’Instabilité du Disque (Disk Instability Model, DIM) est à l’origine déve-loppé pour expliquer les éruptions dans les variables cataclysmiques (Cannizzo et al.,1982;

1La combinaison de pulsations non-radiales et d’une rotation très rapide peut amener la matière à être éjec-tée de la surface de l’étoile, conduisant à la formation d’un disque circumstellaire, dit de « déccrétion » ou d’« excrétion » .

2L’excentricité e caractérise la forme de l’orbite d’un système : 0< e< 1 pour une orbite elliptique, e= 0 correspondant à une orbite circulaire.

Meyer & Meyer-Hofmeister, 1981; Smak, 1982). Il est ensuite suggéré que la nature tran-sitoire des systèmes binaires X peut être expliquée par le même modèle (Cannizzo et al.,

1985;Lasota,2001;Lasota et al.,1996;van Paradijs,1996). Les idées principales son décrites ci-dessous.

Les bases du modèle

L’équilibre d’un disque optiquement épais et géométriquement fin dépend de l’équilibre entre les mécanismes de chauffage et de refroidissement. Cet équilibre se traduit par la re-lation entre sa densité surfaciqueΣ et sa température T (e.g., Done et al., 2007). Pour un anneau du disque d’accrétion, cette relation est représentée par la courbe en forme de « S » de la Figure2.3. Sur cette courbe, il existe deux branches d’équilibre stable : la branche bleue « froide » et la branche rouge « chaude ». Le passage de l’une à l’autre se fait en passant par la branche d’équilibre instable entre les deux. Cette dernière se situe autour de la température d’ionisation de l’hydrogène (∼7000 K).

Dans l’état quiescent, l’anneau est neutre et froid, nous nous trouvons sur la branche bleue de la courbe. La matière du compagnon est accrétée à taux très bas (en supposant que LX ∼ Lacc = 1034erg.s1, nous avons ˙m ∼ 2×1012M .an1 pour un trou noir de 10 M , d’après l’équation1.7). Cependant, l’accumulation de matière augmente progressivement la température et la densité de surface du disque (nous montons dans la branche bleue). En atteignant la densité de surface critiqueΣmax, l’instabilité thermique se déclenche : l’hydro-gène commence à se ioniser, et l’opacité augmente. L’énergie des photons émis est stockée dans l’anneau du disque, cela augmente de nouveau la température et le mécanisme s’em-balle. L’augmentation locale de température sur un anneau du disque entraîne une aug-mentation locale du taux d’accrétion qui se propage dans tout le disque (notamment grâce à l’instabilité magnéto-rotationelle décrite en Section1.2.2). La matière accumulée se déverse sur l’objet compact et une éruption a lieu. Nous basculons dans la branche rouge, l’anneau du disque se vide de matière et la température diminue progressivement jusqu’à atteindre une densité de surfaceΣminpour laquelle l’hydrogène se recombine, l’opacité chute. Le taux de refroidissement devient alors plus élevé que le taux de chauffage et la température dé-croît brutalement. Le disque se refroidit et retourne dans son état de quiescence jusqu’à ce que le mécanisme d’instabilité se déclenche de nouveau.

Ce comportement transitoire implique que le taux d’accrétion entraînant une température d’équilibre du plasma dans le disque soit proche de celle d’ionisation de l’hydrogène. En effet, si cela n’est pas le cas et que la température d’équilibre du disque est plus élevée, alors le disque se retrouve constamment dans un état d’équilibre chaud et stable et n’évolue pas. C’est le cas des sources persistantes (Done et al.,2007).

Au-delà du modèle

Le DIM seul ne permet pas d’expliquer la décroissance quasi-exponentielle du flux ob-servé dans les courbes de lumière des systèmes binaires X (Figure2.1) et pour certains sys-tèmes où le taux de transfert de masse est plus élevé, le DIM prédit une récurrence plus courte des éruptions, qui n’est pas observée (Hameury,2019). Afin d’éviter cela, deux prin-cipaux ingrédients doivent être ajoutés.

La troncation du disque permettrait de supprimer les cycles courts de faibles éruptions. Cette troncation proviendrait de la formation d’un disque chaud optiquement mince et ra-diativement inefficace et/ou de la formation des jets dans les régions internes (Lasota et al.,

1996;Narayan & McClintock,2008). Le rayon de troncature serait alors le rayon de transition entre un disque standard géométriquement fin et optiquement épais et le disque chaud géo-métriquement épais et optiquement mince. Une telle troncation permettrait d’autoriser des taux d’accrétion plus élevés lors de la quiescence et donc d’obtenir des cycles d’éruptions

T em pé ra tu re lo g( T )

Densité de surface 𝛴 log(𝛴)

𝛴

!"#

𝛴

!$%

Hydrogène ionisé

Hydrogène neutre

Figure 2.3 –Relation entre la température T et la densité de surfaceΣ d’un anneau de disque d’accrétion. La branche d’équilibre « froide » est représentée en bleue et la « chaude » en rouge.

plus longs.

Il faut également ajouter à cela, l’irradiation des parties externes du disque par la source centrale de rayonnement X (couronne ou présence de vents Dubus et al., 2019), permet-tant de garder le disque chaud même dans les parties les plus externes. Cela empêcherait alors la recombinaison de l’hydrogène dans ces zones et donc la propagation de l’instabi-lité thermique de retour, diminuant ainsi progressivement le taux d’accrétion et permettant d’expliquer les décroissances exponentielles observées dans les courbes de lumière (Dubus et al.,2001;Tetarenko et al.,2018).

2.2 Variabilités spectrales au cours de l’éruption