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Accrétion et éjection dans un système binaire X

INTRODUCTION AUX SYSTÈMES BINAIRES X

1.2 Accrétion et éjection dans un système binaire X

m6 4πGMmp

σT (1.12)

qui ne dépend que de la taille de l’objet accrétant.

1.2 Accrétion et éjection dans un système binaire X

Dans la galaxie, la plupart des étoiles vivent en couple. Un système binaire X est un système composé d’un objet compact (un trou noir ou une étoile à neutrons) et d’une étoile que nous appelons le compagnon. L’attraction gravitationnelle de l’objet compact entraîne un transfert de masse du compagnon vers l’objet compact. Il existe cependant deux modes d’accrétion.

1.2.1 Mécanismes d’accrétion Débordement du lobe de Roche

Considérons un système binaire composé d’un objet compact de masse M1et d’un com-pagnon de masse M2repérés par les vecteurs~r1 et~r2et une particule se déplaçant dans le champ gravitationnel créé par ces deux astres et repérée par le vecteur~r. Dans le référentiel en co-rotation avec le système binaire, dont l’origine est le centre de masse CM, le potentiel de Roche prenant en compte les forces gravitationnelles et centrifuge s’écrit (Frank et al.,

2002) : ΦRoche = − GM1 k~r−~r1k GM2 k~r−~r2k 1 2(~Ω∧~r)2 (1.13)

~Ω est la vitesse angulaire du système binaire. Les surfaces équipotentielles sont représen-tées sur la Figure1.1a. Nous distinguons cinq points de Lagrange pour lesquels la résultante des forces est nulle. Nous pouvons également remarquer une équipotentielle critique qui englobe les deux astres par deux lobes de Roche au point de Lagrange L1. Le compagnon peut ainsi remplir son lobe de Roche, être en contact avec le point L1et transférer sa matière vers le lobe de Roche de l’objet compact.

Le transfert de la matière au passage du point de Lagrange L1est représenté sur la Figure

1.1b. Lorsqu’une particule de matière se rapproche de ce point, sa vitesse devient quasi-nulle, elle se retrouve piégée à l’intérieur du lobe de Roche de l’objet compact, et effectue des trajectoires elliptiques qui précessent autour de l’astre compact. Lorsque plusieurs par-ticules se retrouvent piégées, les trajectoires se croisent, et l’énergie des parpar-ticules se dissipe par collisions. En revanche, le moment cinétique est conservé et les trajectoires se circu-larisent alors peu à peu. La conservation du moment cinétique du point L1 au rayon de circularisation Rcircnous permet d’écrire :

b2Ω=pGM1Rcirc (1.14)

avec b la distance entre le centre de l’objet compact et le point L1. Nous obtenons le rayon de circularisation : Rcirc= Ω2b4 GM1 Rcirc a =  1+ M2 M1   b a 4 (1.15) où a représente le demi-grand axe du système. La dernière égalité a été obtenue en simpli-fiant par la troisième loi de Kepler2.

2T2= G(M2

L’accumulation de matière dans le lobe de Roche conduit à la formation d’un disque d’accrétion, celle-ci étant rendue possible par dissipation visqueuse du moment cinétique.

(a)Équipotentielle de Roche. Le centre de masse CM corre-pond à l’origine du repère. Les deux astres sont représentés par deux points. Les deux lobes de Roche sont connectés par le point de Lagrange L1. Les autres points de Lagrange Ln sont également représentés.

(b)Représentation artistique du flot de matière au pas-sage du point L1.

Figure 1.1 –Accrétion par débordement du lobe de Roche.

Vent stellaire

Dans la situation où le transfert par débordement du lobe Roche n’est pas possible, l’ac-crétion peut se faire par acl’ac-crétion de vent stellaire (ou acl’ac-crétion de Bondi-Hoyle-Lyttleton), c’est le cas par exemple de Cygnus X–1 que nous allons prendre en exemple. Nous avons M1 = 15 M , M2 = 20 M (Orosz et al., 2011) et R2 = 18 R (Conti,1978). La vitesse du vent est la vitesse de libération du compagnon :

vvent =

s 2GM2

R2

'2000 km.s1 (1.16)

Cette vitesse supersonique dépasse largement la vitesse de l’objet compact par rapport à son compagnon :

v= 2πa

T '390 km.s

−1

(1.17) avec T=5.6 jours la période orbitale du système (Brocksopp et al.,1999), la valeur du demi-grand axe a pouvant être déduit à partir de la troisième loi de Kepler. Le vent vient donc à la rencontre de l’objet compact produisant une onde de choc, et les particules dont l’énergie cinétique est inférieure à l’énergie potentielle gravitationnelle sont capturées et accrétées, le rayon d’accrétion étant Racc ' R2M1

M2. Nous pouvons alors déterminer la fraction de masse accrétée : ˙ m ˙ mvent ' π(Rventacc )2 4πa2 ' 1 4  M1R2 M2a 2 (1.18)

Pour Cygnus X–1, nous obtenons m˙mvent˙ ∼2×104. Cette faible efficacité est compensée par la valeur élevée du flux de masse dans le vent estimé à 106M pour une étoile de type O/B (Castor et al.,1975). Nous pouvons alors obtenir des taux d’accrétion similaires voire supérieurs à ceux obtenus en accrétant par débordement du lobe de Roche. En revanche, le mouvement cinétique lié au mouvement orbital est plus faible que dans le cas précédent et

donc le rayon de circularisation : Rcirc' (R vent acc )42 GM1 Rcirc a =  1+ M2 M1   R2M1 M2 4 (1.19)

l’est aussi, ce qui conduit à des disques plus petits, voire inexistants. Pour Cygnus X–1 nous trouvons Rcirc/a'0.18.

Deux types de systèmes binaires X

Lorsque deux objets sont liés gravitationnellement, une quantité observationnelle im-portante est la fonction de masse du système :

f(M) ≡ TK3 2 2πG = M1 (1+ M2 M1)2sin3i (1.20)

Dans l’équation (1.20) : K2est la projection de la vitesse du compagnon sur la ligne de visée. i est l’inclinaison orbitale du système. Nous avons sin3i < 1, ce qui implique M1 > f(M), ainsi, en mesurant la vitesse radiale de l’étoile compagnon, nous pouvons en déduire la masse minimum de l’objet compact.

Dans les systèmes binaires X, nous pouvons distinguer deux grands groupes dont la classification s’effectue en fonction de la masse du compagnon (Paul & Naik,2011).

– Les systèmes binaires X de faible masse (Low Mass X-ray Binaries, LMXBs) : le com-pagnon a une masse M2 < 3 M . La plupart sont situés dans le bulbe galactique et dans les amas globulaires. Le compagnon est généralement une étoile de type solaire ou naine rouge, peu lumineuse. Le spectre de ces systèmes est alors dominé par l’émis-sion X de l’objet compact. Dans ces systèmes, l’accrétion se fait généralement par dé-bordement du lobe de Roche (e.g.,van Paradijs,1981).

– Les systèmes binaires X de forte masse (High Mass X-Ray Binaries, HMXBs) : le com-pagnon a une masse M2 > 10 M . Ils sont situés dans le plan galactique et abritent des étoiles jeunes et massives de la séquence principale (géante bleue, type O ou B). Le compagnon étant extrêmement massif, son lobe de Roche est en général très grand et l’accrétion se fait par accrétion de vent stellaire.

1.2.2 Formation d’un disque d’accrétion

Nous avons vu qu’une fois que la matière est piégée dans le lobe de Roche de l’objet com-pact, la trajectoire des particules se circularise et un disque se forme. Le moment cinétique peut être dissipé par viscosité et cela permet l’accrétion.

Le modèle du disque mince

Dans l’approximation canonique deShakura & Sunyaev(1973) d’un disque géométri-quement mince (l’échelle de hauteur est petite devant le rayon) et optigéométri-quement épais, une particule de matière situé au rayon r du disque tourne autour autour de l’objet compact avec des vitesses vθ(r) '√

GM1/r quasi-képlériennes supersoniques vθ(r) cs, avec csla vitesse du son dans le milieu. Le déplacement radial de la particule est beaucoup plus lent et s’effectue sur des échelles de temps visqueux, pour r Rintle rayon interne du disque :

|vr(r)| ' −3 2 r tvisc(r) cs tvisc(r) ' 2 3 r2 ν (1.21)

avec ν la viscosité du disque. C’est ce transport visqueux qui permet l’accrétion de matière à travers le disque engendrant une dissipation de l’énergie pour chaque rayon du disque. La

puissance par unité de surface dissipée au cours de ce transport est donnée par (e.g.,Pringle, 1981) : D(r) = 3GM14πr3 " 1−  r Rint −1/2# (1.22) En intégrant sur tout le disque, nous obtenons la puissance totale dissipée :

Lvisc= Z Rint2πrD(r)dr = 1 2 GmM˙ 1 Rint = 1 2Lacc (1.23)

qui ne dépend pas de la viscosité. Cela signifie que 50 % de l’énergie potentielle gravitation-nelle a été dissipée. L’autre moitié se trouve sous forme cinétique dans le mouvement de rotation.

En faisant l’hypothèse que l’ensemble de cette énergie dissipée par transport visqueux est rayonnée et que le disque est optiquement épais, sa surface rayonne alors comme un corps noir à la température T(r):

D(r) =2σT(r)4 (1.24)

où σ est la constante de Stefan-Boltzmann. Le facteur 2 provient du fait que le disque rayonne sur ces deux faces. Nous pouvons ainsi écrire le profil de la température :

T(r) = 3GM18πσr3 " 1−  r Rint −1/2#!1/4 ∝ r−3/4 (1.25)

Dans cette approximation, le spectre émis est indépendant des mécanismes induits par la viscosité. Le modèle deShakura & Sunyaev(1973) prédit donc le disque observé en uti-lisant une description phénoménologique de la viscosité, et en incluant le paramètre sans dimension α= ν/csH où H est la hauteur du disque. Généralement, la viscosité du disque est modélisée en supposant α∼0.1 (e.g.,King et al.,2007), valeur supérieure à ce que donne la viscosité moléculaire à l’échelle microscopique dans le disque.

La nature de la viscosité dans le disque n’est, à ce jour, pas encore bien comprise mais pourrait provenir d’une Instabilité Magnéto-Rotationnelle (Magnetic Rotational Instability, MRI,Balbus & Papaloizou, 1999). Considérons deux particules 1 et 2 situées sur deux an-neaux consécutifs de rayon r1 > r2. La vitesse képlerienne de la particule 1 est plus faible que celle de la particule 2. En présence de champ magnétique, les lignes de champ ont ten-dance à agir comme des ressorts et la force de rappel magnétique tend à ralentir la particule 1, diminuant son moment cinétique et l’obligeant à se décaler vers une orbite plus basse. Dans l’autre sens, la force de rappel va tendre la particule 2 à se déplacer vers une orbite plus éloignée. Au fur et à mesure, les particules sont de plus en plus éloignées, la perturba-tion se développe et provoque une turbulence, turbulence qui introduirait la viscosité dans le disque.

De plus, dans ce modèle de disque mince, il est supposé que le taux d’accrétion est constant avec le rayon, ce qui n’est pas nécessairement vrai, et ce disque standard est ex-posé à deux instabilités pouvant être à l’origine des éruptions observées dans les systèmes binaires X (Section2.1.2).

Rayonnement associé

À partir de l’estimation de la température, nous avons vu que chaque rayon du disque rayonne comme un corps noir de température T(r). Nous pouvons alors en déduire l’in-tensité isotrope du rayonnement associé, donnée par la loi de Planck (Rybicki & Lightman,

1986) :

Iν(r) = 2hν3/c2

avec h la constante de Planck et k la constante de Boltzmann. Ainsi, pour chaque anneau de rayon r+dr, le flux reçu par l’observateur est dS = Iν(r)dΩ, avec dΩ =2πrdr cos i/d2 où d est la distance de la source. En intégrant sur tous les rayons :

Sν= Z Rmax Rmin 2hν3/c2 ehν/kT(r)−1 2πr cos i d2 dr (1.27)

Le spectre obtenu est représenté sur la Figure1.2: il s’agit d’un spectre de corps noir élargi résultant de la superposition des contributions de chaque anneau, ce qui qualifie ce disque de multicouleur (Makishima et al.,1986;Mitsuda et al.,1984). L’émission du dernier anneau (à plus haute énergie ∼ 1 keV) correspond à l’émission du rayon interne, et l’émission du premier anneau (à plus basse énergie∼ 0.1 keV) correspond à l’émission du rayon externe. Par abus de langage, j’utiliserai parfois le terme « température » lorsque je parlerai de l’éner-gie kT associée à la température du bord interne du disque.

Fl ux Énergie ∝𝜈 ! ∝ 𝜈"/$ ∝ 𝑒 % & Queue de Rayleigh-Jeans Coupure de Wien

Figure 1.2 –Spectre d’émission d’un disque d’accrétion. Chaque rayon du disque émet un rayonnement thermique de type corps noir représenté par différentes couleurs.

1.2.3 Formation de jets Modèles standards

Dans l’Univers, les processus d’accrétion semblent systématiquement être accompagnés de processus d’éjection. Bien que l’existence de jets dans les systèmes binaires X et les AGNs soient largement observée (e.g.,Corbel et al.,2013a;Coriat et al.,2019;Fender & Gallo,2014;

Mirabel & Rodríguez,1998), les mécanismes de leur formation restent assez encore obscurs. Les modèles de formation de jets invoquent un plasma accrétant, un champ magnétique, et l’extraction de l’énergie de rotation, provenant du disque d’accrétion (Blandford & Payne,

1982), ou bien du trou noir lui-même (Blandford & Znajek,1977).

Qualitativement, selon le mécanisme deBlandford & Payne(1982), les jets peuvent être produits par interaction entre le disque d’accrétion et le champ magnétique à grande échelle. Le champ magnétique est gelé dans le disque d’accrétion en rotation ; si les lignes de champ sont inclinées d’un angle supérieur à 30° par rapport à l’axe de rotation, les particules

s’échappent du disque et suivent les lignes de champ poloïdal tournant à une vitesse suppo-sée constante. Plus les particules s’éloignent, et plus l’accélération issue de la force centrifuge augmente (accélération magnéto-centrifuge). Lorsque la vitesse des particules atteint la vi-tesse d’Alfvén, les lignes de champ se déforment et une composante toroïdale apparaît, cette composante est responsable de la collimation de matière sous forme de jets en direction de l’axe de rotation.

Alternativement, Blandford & Znajek (1977) proposent que l’énergie de rotation d’un trou noir de Kerr soit extraite pour former un jet. Considérons un trou noir de Kerr de spin a plongé dans un champ magnétique produit par le disque d’accrétion. Les photons émis par une distribution de particules accélérées peuvent s’annihiler pour former des paires électron-positron. Si suffisamment de paires sont créées aux environs du trou noir pour que la pression du plasma soit négligée devant la pression magnétique, alors les lignes de champ magnétique vont se déplacer de manière rigide, en corotation avec le trou noir. Les boucles de courant ainsi induites et passant par l’horizon du trou noir vont agir comme un frein sur la rotation du trou noir et libérer son énergie. La puissance libérée par ce mécanisme est proportionnelle à a2.

Rayonnement associé

L’émission radio des jets compacts peut-être globalement décrite par un spectre « plat » (S(ν) ∝ να avec 0.4 < α < 0.8 l’indice spectrale) dont l’émission principale s’étend du domaine radio jusqu’à l’infrarouge proche. Ce spectre est interprété comme étant la super-position de l’émission synchrotron auto-absorbée de différentes zones d’un jet compact co-nique (Blandford & Königl, 1979;Rybicki & Lightman, 1986). En effet, si nous découpons notre jet compact en différentes tranches de façon perpendiculaire à leur direction de pro-pagation, chaque tranche émet spectre synchrotron auto-absorbé. Un tel spectre possède deux régimes : le régime optiquement épais (S(ν) ∝ ν5/2), et le régime optiquement mince (S(ν)∝ να), la transition entre les deux régimes étant déterminée par la fréquence de cou-pure νc, correspondant au pic d’émission. La densité de matière entre chaque tranche de jet diminue à mesure que nous nous éloignons de l’objet compact, et donc la fréquence de coupure entre les régimes optiquement épais et fin, augmente. En superposant les spectres de chaque tranche, nous obtenons le spectre total représenté sur la Figure1.3, l’émission à plus haute énergie correspondant à l’émission issue de la base des jets.

Fl ux Énergie ∝𝜈 !/# ∝ 𝜈$% 𝜈&

Optiquement épais Optiquement mince

Figure 1.3 –Représentation spectrale d’un jet. Chaque tranche du jet émet un rayonnement synchrotron auto-absorbé.