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2.3 Datation d’un cratère d’impact martien

2.3.2 Variabilité de la densité de cratérisation

Une carte de la densité de cratérisation a pu être construite à partir du comptage effectué sur les nappes (figure 2.7). Plus la distance aux remparts d’Arandas augmente, plus la densité des cratères de plus de 100 m de diamètre est importante.

En effet, la densité est relativement faible sur l’intégralité de la nappe interne tandis que la nappe externe présente une densité de cratères ponctuellement élevée (zones rouges sur la figure 2.7.a) La figure 2.7.b nous indique que cette sur-densité est principalement causée par les cratères d’un diamètre compris entre 100 et 190 m de diamètre.

FIGURE2.7 – Carte de la densité de cratérisation sur les nappes d’éjecta du cratère Arandas et sur le terrain encaissant, à proximité directe des nappes. a : Carte de densité des cratères de plus de 100 m de diamètre. b : Carte RGB de la densité de cratères de plus de 100 m de diamètre. Ici chaque canal de la carte RGB correspond à une carte de densité pour une classe de diamètre de cratères (voir légende).

Afin de déterminer quelle région de la nappe possède une population de cratères représentative de l’âge de sa mise en place, il est nécessaire de comprendre quels sont les processus respon-sable d’une telle différence. Plusieurs hypothèses peuvent être avancée : (1) la nappe externe aurait été exposée plus longtemps que la nappe interne au bombardement météoritique ce qui impliquerai un âge de mise en place différent entre les deux nappes, (2) la nappe interne se-rait soumise à un resurfaçage préférentiel par rapport à la nappe externe pouvant oblitérer les cratères s’accumulant sur celle-ci, (3) la nappe externe présenterai une sur-cratérisation induite par la contamination de cratères secondaires, (4) la différence de composition et de structure du matériel composant la nappe interne et la nappe externe engendrerait une variabilité dans la taille des cratères formés (voir section 1.1.3.5).

(1) La première hypothèse est peu probable car cela implique que la nappe interne est plus jeune que la nappe externe. Or l’hypothèse de formation des éjecta lobés -et plus généralement des éjecta des cratères- retenue dans la littérature est que les nappes se forment en même temps que le cratère auxquelles elles sont associées (Melosh, 1989; Wulf and Kenkmann, 2015).

(2) La seconde hypothèse met en avant une différence d’activité érosive entre les deux nappes. Cela pourrait être due au fait que la nappe interne présente une inertie thermique plus impor-tante que la nappe externe (figure 2.8.a) car celle-ci serait composée d’un matériel avec une granulométrie plus élevée (Meresse et al., 2006; Boyce and Mouginis-Mark, 2006; Black and Stewart, 2008). Cette propriété aurait pour effet d’accoître l’intensité de processus érosifs tel que la cryoclastie sur la nappe interne. De plus, la pente proche du rempart du cratère est plus élevée que n’importe où ailleurs et peut atteindre plus de 30° par endroit dépassant ainsi la va-leur de la pente d’équilibre sur Mars. Cela peut induire de probables déstabilisations des flancs du rempart extérieur, à l’origine de l’unité He et donc de l’oblitération des cratères pour la première centaine de mètres à partir du rampart d’Arandas (figures 2.8.b et 2.8.c).

(3) La troisième hypothèse pouvant expliquer cette différence de densité de cratères sur les deux nappes met en avant une sur-cratérisation liée à la présence de cratères secondaires sur la nappe externe. Ces cratères secondaires pourraient provenir de la formation d’Arandas, il s’agirait dans ce cas d’un processus d’auto-cratérisation (Zanetti et al., 2014, 2015), ou bien

de la formation d’un autre gros cratère postérieure à celle d’Arandas ayant contaminée toute la région. Les régions entourées en rouge sur la figure 2.6.a de la nappe d’éjecta externe et marquée par une forte densité (figure 2.7) présentent des cratères dont la morphologie peut être qualifiée, pour la plupart, d’irrégulière. Un exemple est donné sur la figure 2.9. Un grand nombre de ces structures pseudo-circulaires a été pris en compte lors du comptage de cratères. À la vue de la morphologie de ces cratères, il est fort probable que ceux-ci se soient formés en même temps que la nappe d’éjecta. Les matériaux qui constituent la nappe au moment de sa formation sont encore mobiles. Le fluage de la nappe a alors pu modifier la morphologie des cratères s’étant formés au même moment que les éjecta (Melosh, 1989; Pietrek et al., 2013).

(4) La quatrième hypothèse invoque une différence de composition et de structures du matériel entre la nappe d’éjecta interne et externe pouvant potentiellement générer une variabilité dans le diamètre des cratères formés. Si la couverture interne des éjecta des DLERS est relativement épaisse, une cinquantaine de mètres pour un DLERS d’environ 10 km de diamètre selon Wulf and Kenkmann(2015), la nappe d’éjecta externe est quant à elle bien plus fine, une dizaine de mètres d’épaisseur Wulf and Kenkmann (2015). L’influence de la structure et de la composition de la nappe externe sur le diamètre des cratères d’impact de plus d’une centaine de mètres est par conséquent négligeable car la grande majorité du matériel excavé sera celui du terrain en-caissant, situé sous la nappe d’éjecta. La fonction de production des cratères de plus de 100 m de diamètre formée sur cette partie de la nappe ne sera que très peu, voir absolument pas affec-tée par la rhéologie de cette nappe. En revanche, la nappe interne pourrait jouer un rôle dans le diamètre des cratères d’impact de cette gamme étant donné que cette partie des éjecta est bien plus épaisse. Van Der Bogert et al. (2017) ont réalisé une analyse fine de la CSFD lunaire échan-tillonée sur des terrains de compositions et de structures très différentes (voir section 1.1.3.5). Ils mettent en avant le fait que pour des cratères compris entre 50 et 500 m de diamètre sur la Lune, l’influence des propriétés géologiques de la cible est très importante dans le diamètre des cratères. Nous pouvons voir sur la figure 2.8.a que l’inertie thermique de la nappe externe est très proche de celle du terrain encaissant, traduisant ainsi une granulométrie et une structure comparable entre ces deux unités géologiques. La finesse des éjecta externe n’influençant que très peu la fonction de production des cratères dont le diamètre est supérieur à 100 m de

dia-mètre superposés à celle-ci, la CSFD mesurée sur la nappe externe ou sur le terrain encaissant à âge d’exposition égal sera donc comparable. La forte inertie thermique de la nappe interne traduit la présence d’un matériel à granulométrie élevée et poreux. Ce type de structure conduit à un diamètre de cratère plus important que sur une surface composée d’un matériel à granu-lométrie faible et non poreux (Melosh, 1989; Van Der Bogert et al., 2017). Or, nous observons une sous-densité de cratérisation sur la nappe interne. Cette observation ne peut donc être liée à la différence de structures entre les deux nappes. Toutefois, l’influence des nappes d’éjecta sur l’écart entre la fonction de production et la CSFD est minimale au niveau de la nappe externe, à cause de son épaisseur.

Les hypothèses les plus probables expliquant la densité de cratères présents sur les éjecta d’Arandas sont donc les hypothèses (2), (3). Ces deux hypothèses sont supportées par la mesure de la CSFD sur la nappe interne et la totalité des nappes d’éjecta toutes deux présentées sur la figure 2.11 où un important décalage peut être observé entre ces CSFD et l’isochrone représen-tative de l’âge du cratère Arandas qui sera déterminé dans la section suivante. Par conséquent, les cratères présents proches du rempart, sur la nappe interne ne sont donc pas représentatifs de l’âge de formation d’Arandas. Concernant les cratères secondaires qui polluent le signal des cratères primaires présents sur la nappe interne, ceux-ci doivent être identifiés et excluent du comptage, tout comme les régions sur lesquels ils se situent ; c’est-à-dire que pour une région dominée par les cratères secondaires, cette région et les cratères qu’elle contient seront exclus. Cette identification peut se faire à l’aide de carte de densité de cratères en complément des ré-sultats fournis par l’outil Randomness Analysis (Michael et al., 2012). En effet, pour une CSFD donnée, cet outil permet de déteminer si la distribution spatiale des cratères pris en compte est homogène, donc dominée par de la cratérisation primaire, ou hétérogène, dominée par la craté-risation secondaire. La figure 2.10.a présente les résultats d’une analyse de distribution spatiale où la CSFD de l’ensemble des éjecta a été extraite. Celle-ci nous renseigne clairement sur le caractère très hétérogène de la répartition des petits cratères, inférieurs à 1 km de diamètre. Cette population est donc dominée par la cratérisation secondaire. Si les zones de sur-densité de cratérisation sont exclues du comptage (2.10.b), la CSFD associée montre une distribution plus homogène à partir des cratères de plus de 250 m diamètre. Ces régions de la nappe sont donc

dominées par des cratères primaires représentatifs de l’âge de formation du cratère Arandas. De plus, nous avons montré précédemment que l’influence de la structure de la nappe externe sur le diamètre d’un cratère par rapport à celle de la nappe interne est minimale. Cette population sera donc prise en compte pour mesurer l’âge du cratère.

FIGURE2.8 – a : Inertie thermique des nappes d’éjecta du cratère Arandas à partir des données THEMIS d’infrarouge de nuit. b : Profil topographique le long des nappes d’éjecta d’Arandas (profil noir sur le modèle numérique de terrain HRSC).

FIGURE 2.9 – Zoom de la région sud-est des éjecta du cratère Arandas, marquée par une forte densité de cratères à la morphologie irrégulière.

FIGURE 2.10 – Résultats de l’analyse de distribution spatiale des cratères présents sur la nappe d’éjecta du cratère Arandas. a : tous les cratères présents sur l’ensemble de la nappe sont pris en compte. L’analyse de distribution rend compte d’une population distribuée de manière très hétérogène, en particulier pour les cratères inférieurs à 1 km de diamètre. b : seuls les cra-tères superposés à la nappes externe et en dehors des zones de sur-densité sont pris en compte. L’analyse rapporte une distribution spatiale homogène à partir des cratères de plus de 250 m de diamètre environ.

resurfacing

secondaries secondaries

FIGURE2.11 – CSFD extraite de la totalité des nappes d’éjecta du cratère Arandas (en noir) et sur sa nappe interne (en rouge). Le décalage par rapport à l’âge de formation de cette structure d’impact déterminé dans la section 2.3.3 peut s’expliquer par le resurfçage en ce qui concerne la nappe interne et par la cratérisation secondaire sur la nappe externe.