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1.2 Morphologie des cratères et de leurs éjecta

1.2.3 Modèle de mise en place des éjecta lobés

Le mode de mise en place des cratères LARLE et Pd fait relativement consensus. Tandis que les premiers se seraient formés récemment à partir d’un impact dans une couche riche en glace et par des dépôts à granulométrie faible (Barlow et al., 2014; Boyce et al., 2015) , les seconds seraient le résultat de l’érosion des cratères LARLE par sublimations successives et érosion différentielle affectant principalement le terrain encaissant (Meresse et al., 2006; Kadish et al., 2008, 2010; Boyce et al., 2015).

Cependant, les processus responsables des morphologies lobées bien exprimées (SLERS, DLERS et MLERS) sont discutés depuis leur découverte par l’arrivée sur Mars des sondes Viking en juin et août 1976. Carr et al. (1977) proposent alors la première théorie concernant la formation des éjecta lobés. Ils mettent en avant l’idée que ces éjecta se seraient déposés non par sédimentation balistique mais par une déferlante de débris au sol qui ont été fluidisés durant la phase d’éxcavation.

Il est généralement admis que la présence de volatils présents sous la surface de l’objet impacté (Carr et al., 1977; Mouginis-Mark, 1981; Wohletz and Sheridan, 1983; Costard, 1989; Barlow, 1990; Barlow and Perez, 2003; Boyce and Mouginis-Mark, 2006; Komatsu et al., 2007), l’atmo-sphère (Schultz and Gault, 1979; Schultz, 1992; Barnouin-Jha and Schultz, 1996, 1998) ou la combinaison des deux (Barlow, 2005; Komatsu et al., 2007) sont principalement responsables de la mobilité des éjecta et de la formation des SLERS et des MLERS.

40km

a

10km

b c

15km

FIGURE1.24 – a : Cratère à éjecta lobés Achelous (D = 40 km), Ganymède. b : Cratère à éjecta lobés Diarmuid (D = 8,2 km), Europe. c : Cratère à éjecta lobés Steinheim (D = 8,2 km), Mars.

Observés sur Mars, Vénus, Europe, Ganymède (voir figure 1.24) et la Terre (dans le cas du cratère Ries (Hörz et al., 1983)), les processus engendrant la formation des DLERS font moins consensus. Un panorama des observations ayant conduites les théories tentant d’expliquer la morphologie des cratères à double nappe d’éjecta lobés est présenté dans les sections qui suivent.

1.2.3.1 Le modèle des vortex atmosphériques

Ce modèle propose le tri granulométrique des débris au sein d’un rideau d’éjecta particulièrement dense. Ce tri résulterait de la formation de vortex générés par l’avancée du ri-deau qui agirait comme une barrière imperméable déplaçant l’atmosphère autour de lui (Schultz and Gault, 1979; Schultz, 1992). Ces turbulences entraineraient alors le tri balistique des éjecta. Les débris les plus grossiers resteraient à la base du rideau et formeraient la nappe interne, tandis que les plus fins, plus rapides seraient entrainés au sommet et incorporés dans un flux turbulent avant de se redéposer pour former la nappe externe (voir fig.1.25). Les expériences en laboratoire menées par Barnouin-Jha and Schultz (1996) démontrent que les vents créés par l’avancée d’un tel rideau sur des corps planétaires pourvus d’une atmosphère sont suffisants pour engendrer une sinuosité des éjecta.

FIGURE 1.25 – Schéma décrivant le modèle atmosphérique de Schultz and Gault (1979) et Schultz(1992). D’après Barnouin-Jha and Schultz (1996) et modifié.

1.2.3.2 Le modèle de la couche riche en matériaux volatils

Le modèle développé par Mouginis-Mark (1981) suggère deux phases de mise en place qui résulteraient de la variation de l’angle d’éjection des débris par la présence d’une couche riche en volatils sous la surface de Mars.

Dans ce modèle, l’impact a d’abord lieu dans une couche de matériaux secs. L’angle d’éjection de ces débris est faible et la viscosité des éjecta engendrés est importante. La nappe interne se forme. À mesure que la cavité transitoire grossit, l’impact excave des matériaux plus en profondeur se situant dans une couche riche en volatils et l’angle d’éjection augmente. Ces volatils sont incorporés dans le nuage d’éjecta. À cet instant, la nappe interne est déjà formée.

Le nuage s’effondre et, de par sa composition, est relativement moins visqueux que le rideau d’éjecta ayant formé la nappe interne. Celui-ci flue brutalement sur la nappe interne et s’étend bien au-delà de cette dernière pour former la nappe externe (voir fig.1.26).

Grâce aux récentes données d’imagerie à très haute résolution, Boyce and Mouginis-Mark (2006) et Schwegman (2015) étudient les terrains striés présents sur la nappe interne et les interprètent comme étant le résultat du passage du nuage d’éjecta sur la nappe interne.

T=1 L’impact excave du matériel relativement sec

formant un rideau

d’éjecta autour de la cavité.

T=2 La nappe interne commence à se mettre en place. La cavité créée par l’impact s’expand en profondeur et atteint la couche riche en volatils produisant une plume d’éjecta.

T=3 La nappe interne s’est formé et le nuage d’éjecta riche ne volatils commence à s’effondrer.

T=4 Mise en place des dépôts de la nappe externe très mobiles. Le cratère se remplit partiellement. s s s s

FIGURE 1.26 – Schéma décrivant la mise en place de la nappe interne et le chevauchement du nuage pour former la nappe externe des DLERS. D’après Mouginis-Mark (1981) et modifié.

1.2.3.3 Le modèle intermédiaire

Ce modèle suggère que la combinaison entre l’effet atmosphérique et la présence d’une couche riche en volatils sous la surface est responsable des morphologies lobées et plus particulièrement de celles des DLERS. Komatsu et al. (2007) proposent qu’un impact dans une couche riche en glace d’eau proche de la surface provoque la liquéfaction du terrain encaissant par l’expansion d’une onde de choc (voir figure 1.27). La nappe interne se dépose par sédimen-tation balistique et s’écoule sur la surface. Des débris sont entrainés par des vortex, une partie flue sur la nappe interne et se dépose au-delà pour former la nappe externe.

du rempart

s

FIGURE 1.27 – Schéma montrant l’interaction entre les effets de présence de volatils en sub-surface et de l’atmosphère dans la mise en place des cratères DLERS, modèle de Komatsu et al. (2007) (modifié).

1.2.3.4 Le modèle du découplage de la source des deux nappes lors de l’impact

Cette hypothèse de formation des éjecta DLERS suggère deux stades de mise en place. Tout d’abord, l’impact excave du matériel pauvre en volatils. La nappe externe se dépose en premier via une sédimentation balistique et un flux radial au cratère. Puis, du matériel plus profond et plus riche en volatils est excavé et forme la nappe d’éjecta interne qui se dépose au-dessus de la nappe externe. Ce modèle est similaire à celui Mouginis-Mark (1981) et Boyce and Mouginis-Mark(2006) à la différence que la mise en place des deux nappes est inversée.

1.2.3.5 Le modèle du substrat glaciaire

Ce modèle invoque une mise en place de la nappe interne postérieure à celle de la nappe externe (voir figure 1.28). Les éjecta de la nappe externe se déposent autour du cratère au moment où la remontée structurale du rempart du cratère se produit. Cette remontée a pour effet de déstabiliser les éjecta les plus proximaux et ceux-ci glissent à la manière d’un glissement de terrain (Weiss and Head, 2013). Cette déstabilisation est favorisée par la conservation de volatils au sein d’une couche située sous les éjecta de la nappe externe. La nappe interne ne serait alors que le produit de déstabilisation des parois externes du cratère.

du rempart

du rempart à la

FIGURE1.28 – Schéma décrivant le mode de mise en place des DLERS selon Weiss and Head (2013) (modifié). La nappe externe se met en place via un dépôt balistique tandis que la nappe interne se dépose par dessus sous l’effet d’un glissement de terrain. Ce glissement est favorisé par la présence d’une couche riche en glace sous les éjecta de la nappe externe.

1.2.3.6 Le modèle de déstabilisation du rempart du cratère

Wulf and Kenkmann (2015) proposent un modèle similaire à celui modèle Weiss and Head (2013) à la différence qu’il invoque une déstabilisation du rempart du cratère qui ne nécessite pas la présence d’une couche savon. Wulf and Kenkmann (2015) avancent que la nappe externe est très mobile car riche en volatils et s’étend à plusieurs rayons de cratère. Les éjecta les plus proximaux, très visqueux restent quant à eux sur les bords de la cavité créant une élévation topographique au niveau du rempart du cratère. Par gravité, ce surplus d’éjecta très localisé glisse brutalement sur la nappe externe pour former la nappe interne.

1.2.4 Confrontation des modèles de mise en place des cratères à éjecta